Par Michel Clerc, pour "Entreprendre", mai 2009
Tel est Bernard Huet, auteur -invisible sur les plateaux de télé - d'un premier livre ignoré des médias : "L'étoile de confiance". C'est l'histoire d'une chevauchée fantastique à travers le temps et l'espace, voyage intersidéral à travers les galaxies, au bout de l'immense, tout a la fois scientifique et métaphysique. La vitesse s'inscrit au compteur en années-lumière, et les heures tournent à l'envers en sorte qu'il suffirait d'attendre pour assister de visu au couronnement de Louis XIV ou au sacre de Napoléon.
À première vue, après quinze ans passés a la tête d'un groupe de bâtisseurs, dont il préside encore le comité de surveillance, Bernard Huet en costume cravate, est un chef d'entreprise qui ressemble à beaucoup d'autres direct, factuel, sans postures, sans verbiage. Provincial, catholique français, sinon apostolique et romain, breton de naissance, mais exilé volontaire du côté des châteaux de la Loire.
— J'ai fait mes premiers pas dans les casernes. Mon père a commandé la gendarmerie de Versailles. De sa rigueur et de son sens du devoir, j'ai sans doute hérité beaucoup. Promu au grade de commandant en raison des services rendus, il nous quitta pour toujours, à l'âge de 47 ans. J'en avais 14.
Peu avant sa mort, le commandant HUET avait confié à ses deux fils le mot-clé de la réussite : "ayez confiance en votre étoile". De là, sans doute, le titre choisi pour son premier livre ?
Alors commence pour lui la période austère et studieuse qui va conduire le jeune homme plus doué à l'époque pour les chiffres que pour les lettres, à intégrer l'ESTP (École Supérieure des Travaux Publics) dont il sortira avec un diplôme d'ingénieur des travaux publics.
Son diplôme valut à Bernard Huet, appelé sous les drapeaux, d'être nommé sous-lieutenant du Génie pour aller faire la guerre en Algérie.
— Être à 25 ans à la tête d'une trentaine d'hommes dans le désert du sud algérien, je vous assure qu'après avoir grandi sous l'oeil des gendarmes, cela vous forme un futur chef d'entreprise. C'est dans l'armée que j'ai appris le sens du résultat.
Revenu à la vie civile, il se retrouve à la tête de divers chantiers puis de filiales régionales d'Entreprises nationales. Il dût attendre la cinquantaine pour lancer sa propre affaire - "Météor" - Depuis sa conversion à la littérature, Bernard Huet a installé Christophe, son fils, aux commandes de ce Groupe. Mais ses explorations littéraires aux confins du fantastique ne l'empêchent pas de rester vigilant à la tête du comité de surveillance de l'entreprise et toujours attentif aux chiffres.
Aujourd'hui, ce sont d'autres chiffres qu'il aligne quand il écrit. Quand il fait ses comptes, ce n'est pas en millions d'euros, c'est en milliards. En milliards de galaxies, de kilomètres parcourus en naviguant parmi les astres, en milliards d'années lumières, car il a dû, dans son « voyage au bout de l'immense, remonter le temps sur 13, 7 milliards d'années.
Rêves de créateur et caractère de béton, un visage volontaire ou se lit, dans le regard, une autorité naturelle et aussi cette petite flamme révélatrice d'une énergie créatrice. Ce bâtisseur, ce promoteur de résidences hôtelières, est lui-même taillé dans le béton des caractères que rien n'arrête ou ne décourage. Ni l'indifférence des plateaux de télévision, ni la difficulté pour un « non-people » de séduire, de nos jours, des éditeurs devenus frileux.
À peine épuisé son premier titre, voici qu'il récidive avec un second livre, "Le Ciel du ciel", en forme de roman cette fois-ci, inspiré de la même recherche, par delà les frontières de l'espace et du temps au cœur de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. Ce nouveau voyage dans l'univers extra-terrestre nous conduit à travers 13 milliards d'années en deçà du big-bang jusqu'à l'ultime frontière, celle qu'ont franchi avant lui des poètes, des religieux, ou ont tenté de franchir des scientifiques, de Pierre Teilhard de Chardin à l'ancien ministre Claude Allegre, du Cardinal de Lubac a Joël de Rosnay, de Denis Tillinac (Le Dieu de nos pères) à Jean Paul II plus connu dans l'édition sous le nom de Karol Wojtyla (En Esprit et en Vérité). Bernard Huet les a lus, et d'autres encore, qui relèvent tout droit de la communauté scientifique. "Le ciel du ciel" est le récit romanesque d'une recherche au-delà des galaxies de ce qu'il appelle « la cinquième dimension ».
Du promoteur à l'ingénieur des constructions de l'esprit, Bernard Huet a franchi le pas. J'ai vu l'Entrepreneur succomber à ce démon de midi : l'écriture. D'autres y ont succombé 20 ans, Rimbaud avait écrit la saison en enfer et le bateau ivre, mais a 30, tournant le dos aux poètes maudits, il s'était converti aux affaires, navigant de brousses en désert à travers l'Afrique, pour vendre des armes, Don Quichotte du business, en quête lui aussi d'une « inaccessible étoile » la fortune. II y rencontra la syphilis et la mort. Plus proche de nous, Marc Lévy, architecte de son métier, a suivi le parcours inverse, abandonnant à 45 ans son entreprise pour fabriquer des « Best sellers ». Tous tes chemins mènent au succès, ceux empruntés par Bernard Huet mènent aussi à Rome, encore que, sur sa route se dressent quelques obstacles. D'un côté, l'Église, dont il se réclame en tant que fidèle, pourrait tendre l'oreille aux remarques de théologiens trop pointilleux. De l'autre, la majorité des scientifiques voués a l'explication des origines du monde, qu'il s'agisse de l'atome ou du Big Bang, sont des militants de l'athéisme. Ils contestent, comme baliverne, l'idée d'un créateur universel et divin. Tout est physique, chimique, logique. Ils font la chasse aux sorcières qui, ont I'audace de rouler vers les étoiles en sens interdit, et d'entrouvrir, en littérature, les portes verrouillées de l'irrationnel. Ce que fait Bernard Huet, sans vergogne. Cela ne l'empêche pas d'avoir tout ce qu'il faut pour conquérir le marché, si nouveau pour lui, de l'édition : une inlassable détermination, la conviction qu'il n'est pas « nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer, une discipline de gendarme, et cette rigueur doublée d'une certaine modestie qui accompagne parfois les talents authentiques.
Pour finir, Bernard Huet me cite une phrase prophétique d'Albert Schweitzer, un des tout premiers explorateurs de l'Afrique australe avec le fameux Dr Livmgstone . « Un jour viendra où il y aura des ingénieurs des constructions de l'esprit». II est clair qu'avec l'entrepreneur Bernard Huet, ces temps-là sont peut-être arrivés.
Michel CLERC