Aurélie Picard alias Lalla Tidjania, Princesse des sables

La Princesse des sables - Aurélie Picard

alias Lalla-Tidjania ou Lalla-Yamina

Qui est Aurélie Picard ?

Cette jeune belle Lorraine à l’étrange destin ! est née le 12 juin 1849 à Montigny-le-Roi (Haute-Marne) et a grandi dans les récits de son père sur la conquête algérienne.

En 1871, à tout juste 22 ans, elle quittait sa France natale pour les contrées lointaines du sud-Algérien, aux côtés de son mari Si-Ahmed Tidjani (prince et chef d'une influente confrérie appelée Zawiya Tidjania). Bravant ainsi l'interdiction par l'Église catholique de voir l'une de ses fidèles épouser un non-catholique, mais surtout du contexte conflictuel de l’époque qui opposait les deux mondes, n’acceptant qu’aucun pont ne soit érigé entre eux.

Et pourtant c'est le prince Si-Ahmed et la jeune Lorraine Aurélie qui allaient symboliser ce pont.

Coup de foudre à Bordeaux

C’est à Bordeaux en 1870 que Si-Ahmed Tidjani fait la connaissance d’Aurélie Picard, une jeune modiste (créatrice de chapeaux). Ébloui par sa beauté et son élégance, le prince demande sa main à son père. Ce dernier et sa fille acceptent avec conditions:

- le mariage sera célébré selon le code civil à Alger ;

- Aurélie aura toute liberté de demeurer chrétienne;

- Répudier ses trois autres épouses et faire d’Aurélie son unique femme.

Le jeune prince de 20 ans accepte de prendre ces engagements et les respectera. La future princesse des sables est aux anges.

L'année Algéroise

Aurélie Picard est conquise. Après bien des péripéties, le couple regagne Alger via Marseille à bord du nouveau paquebot-poste le Duc d’Aumale. Il leur faudra plus d’une année avant de pouvoir concrétiser leur union. Et pour cause, il est musulman, elle est catholique française. Leur mariage provoquera un esclandre. En attendant, le fiancé couvre sa dulcinée de cadeaux. Il lui offre même un cheval appelé El-Ghazal.

Pour tromper l’ennui de ces journées qui s’étirent en longueur, Aurélie fait de longues balades, chevauchant à travers la forêt de Baïnem et sur les collines de Bouzaréah. Le couple, entouré de serviteurs, habite une villa mauresque à Saint-Eugène, à Alger (Dar Essaâda : la maison du bonheur).

Le mariage

Après moult péripéties, leur mariage est enfin célébré par le cardinal Lavigerie et béni par le moufti Bou-Kandoura. Aussitôt après, la caravane de Si-Ahmed Tidjani prend direction du Sud. Traversant le Sahara à dos de chameaux, le couple atteint, quelques jours plus tard, la zaouïa d’Ain-Madhi, à environ 70 km de la ville de Laghouat.

Un certificat de mariage a été établi qui comporte la mention « j’accepte ce mariage musulman ». Ainsi, Aurélie Picard devint légitimement l’épouse de Si-Ahmed et portera le surnom de Lalla-Yamina

Un véritable coup-de-cœur "Palais de Courdane"

Aurélie Picard y fera bâtir une somptueuse demeure : le palais de Courdane (déformation de cour des dames). Commencée en 1883, la construction de ce palais s’achève en 1891 sous l’œil avisé de la princesse des sables qui en supervise chaque étape. Tout autour, un véritable écrin de verdure est aménagé : jardin d’agrément, vasques en albâtre supportant des jets d’eau, allées ombragées et des vergers ornés de pistachiers, orangers, palmiers, figuiers, citronniers, néfliers... C’est là que vivra Lalla-Tidjania, apprenant l’arabe, adoptant les tenues vestimentaires et les coutumes du terroir.

La Lorraine fait construire des écoles et des dispensaires. Très vite, elle force l’admiration de tous et exercera une grande influence au sein de la communauté malgré la jalousie de ses rivales qui ne pardonneront jamais à cette Française d’avoir conquis le cœur de leur prince. Seule ombre au tableau, Aurélie Picard ne connaîtra jamais le bonheur d’être maman. Ainsi, elle vivra avec le regret de n’avoir pas pu donner un héritier à la dynastie Tidjania.

Excellente gestionnaire, très appréciée de la population même après la mort de son mari le 20 avril 1897. Elle règnera telle une princesse pendant près de soixante ans. Elle parvint tout au long de sa vie à redonner du souffle à son incroyable destin. Elle rendra l’âme au soir du 28 août 1933 à 84 ans à Kourdane. C’est dans le petit cimetière, à proximité de la demeure où elle vécut si heureuse et au pied du Djebel-Amour qu’elle repose aujourd’hui.

Pour aller plus loin ....

- Aurélie Tidjani, Princesse des Sables, par Marthe Bassenne, Plon 1949 ; rééd. Dominique Guerriot, Langres 1984.

- Aurélie Picard par Elise Crosnier, Ed. Baconnier.

- Djebel Amour par Roger Frison-Roche, Flammarion 1978.

- Aurélie Picard, princesse Tidjani par José Lenzini, Presses de la Renaissance 1990.

Publication: vendredi 20 janvier 2012

Rachid Benmokhtar