Patrick Bogner « ERDGEIST »
Les images rapportées par le photographe Patrick Bogner de ses incursions aux abords du cercle arctique, dans les Orcades, les Féroé, les Hébrides, à Saint-Kilda, en Islande, en Écosse ou en Norvège, mettent en scène le sublime écrasant de paysages déserts et déchaînés, inhabitables, où l’homme, fatalement de passage, vient rechercher un face-à-face avec des forces qui l’excèdent.
Les sources de son inspiration sont à chercher au-delà du regain d’intérêt récent pour cette nature nordique, ou peut-être en-deçà, dans un sous-bassement culturel dont toutes les manifestations sont loin d’être taries : ce romantisme primitif dont accouche le Sturm und Drang. Dans son avant-propos, Patrick Bogner s’inscrit résolument dans la lignée de ces écrivains allemands, anglais et français – Goethe, Lenz, Büchner, Blake, Chateaubriand, Hugo, Nerval... – dont les citations scandent l’ouvrage et pour qui le spectacle de la nature offre le répondant d’un état intérieur. Il se déclare, surtout, héritier de Caspar David Friedrich, plaçant ainsi son travail sous l’autorité d’une peinture de paysage dont l’ambition est de susciter une contemplation égale à celle des images sacrées.
Et de fait, pour tempétueuses, heurtées et accablantes qu’elles soient, les photographies de cette série et du livre Erdgeist – « esprit de la terre », titre aux accents panthéistes – sont prises dans un silence assourdissant qui est en premier lieu celui de l’hiver.
Le choix du noir et blanc, portant au paroxysme le contraste entre la terre et le ciel, le roc et la neige, le solide et le liquide, l’inerte et le mouvant, leur confère une dignité hiératique et les conduit à la frontière de l’abstraction, dans cette apparence de dépouillement et simplicité qui est, des mots de l’artiste, « ce qui requiert le plus d’effort ».