- Régis Pirastru

Régis Pirastru

« MORGENLANDFAHRER » Voyageur vers le pays de l'aurore.

En écho à « l'Oréade de la Lurley » ( Victor Hugo, Le Rhin, 1842, p.165 )

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(Oréade : mythologie grecque =Nymphe des montagnes. Nixe : nymphe de la mythologie germanique

« Les humanistes des 15ème et 16ème siècles rapportent qu'on y voyait – sur le rocher de Lorelei – des oréades, des divinités forestières et des dieux pans. » Barrès – Génie du Rhin, 1921, p. 51 )

Lorelei: lei = rocher – lore = écho

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« Le Rhin » de Victor Hugo (éditions Bueb & Reumaux, 1980)

Préface de Michel le Bris , p.31-33

« Victor Hugo, pourtant, avait raison – et c'est ce qui fait tout le prix de ce livre – d'imaginer le Rhin comme trait d'union possible entre les hommes, principe d'une communauté réconciliée, et non comme frontière – mais son Rhin à lui, tel qu'il le découvre et révèle dans ses lettres, à travers les mille bruissements de la légende et le jeux de miroir de ses fictions : le grand fleuve de l'Imagination Créatrice...

Ogres épouvantables et nains malicieux, géants terrifiants et fées très ambigües, enfants errant dans les forêts obscures, d'où vient que ces contes et légendes, ces « histoires de bonnes femmes », pleines encore de terreurs et d'enchantements mêlés, et si souvent incohérentes, apparemment absurdes, répétées à travers les ages, courant parfois de pays en pays, au point que nul ne sait plus qui un jour les conçut,

nous fascinent toujours à l'Age de Raison, nous troublent confusément, comme si quelque chose en eux nous faisait signe encore, que nous ne savons plus, mais dont nous gardons, quelque part en notre âme, la secrète nostalgie ?

Et comment comprendre que les mythes communiquent universellement, quand les savants pourtant s'épuisent à les vouloir interpréter ?

Quelque chose ici se dit de l'enfance des hommes, songera Novalis – comme s'il s'agissait de nous introduire, contre toutes les puissances d'oubli, qu'elles soient de nature ou d'Histoire, à la révélation d'un secret d'humanité : inépuisables sont les mythes, à la fois énigmatiques

et absolument évidents – comme le regard d 'Autrui.

Mais quelque chose, du même coup, se dit de l'enfance de la langue, dans cette évidence, soudain, devant le plus humble conte, d'une transcendance de la Parole : son sens figuré ne se pourra jamais épuiser dans aucun sens propre, et les figures du sens, alors, nous conduisent à la Révélation d'un monde des « signes ultimes », où dira précisément Novalis « l'image n'est pas une allégorie, n'est pas le symbole d'une chose étrangère, mais le symbole d'ellemême ».

Au commencement, donc, est le Verbe – mais non pas au passé : il est le « toujours là », au présent de chacun, ce « don de Sens » qui nécessairement précède toute communication, et manifeste qu'un « autre monde », ou Royaume d'Images, continûment double celui-ci comme la condition de son sens : « le monde supérieur est plus proche de nous que nous ne le pensons ordinairement, ici bas déjà nous vivons en lui et nous l'apercevons, étroitement mêlé à la trame de la nature terrestre... »

Aussi le monde merveilleux auquel nous reconduisent les contes et les légendes n'est-il point un irréel, un mensonge, un leurre, pas plus d'ailleurs qu'un « inconscient', mais un « autre monde », tout aussi réel que celui-ci, à la fois concret et spirituel, le monde des « signes ultimes », qui sont aux signes « transitifs » comme leur condition d'existence, leur source de sens, les opérateurs de la compréhension –

au sens même où plus tard Husserl dira que toute conscience, avant d'être conscience d'un objet, est engendrement d'un monde, donation

de sens, production d'une organisation symbolique – Royaume d'Images, monde médiateur entre l'intellect et le sensible, sans lequel, au

sens strict, la création artistique n'aurait plus, ni de sens, ni de lieu : « là se révèle le sens vrai du grand spectacle, multicolore et confus,

et quand, tout pleins de cette vue, nous pénétrons dans la nature, nous y reconnaissons tout, nous avons la sûre connaissance de chaque forme. Nul besoin de longues recherches préliminaires ; une rapide comparaison, quelques traits seulement dans le sable, et en voilà assez pour nous mettre au fait. Ainsi tout est pour nous une grande écriture, dont nous avons la clé ». (…)

Ainsi la poésie fait appel en nous à « des yeux qui ne sont pas encore ouverts » conclut Novalis, et le prophète peut-être dit le poète, non point parce qu'il prédit un quelconque avenir, mais parce qu'il manifeste l'invisible.

Régis Pirastru : http://www.aisoac.org/oxymore%20octobre%202011.htm