Transports

Un haut cadre de l’aviation civile sénégalaise donne son point de vue sur la Stratégie Nationale du Transport Aérien proposée par le Projet du Président Diomaye Faye 

Mamadou Lamine Sow pilote de ligne, ancien DG aviation civile (Anacim), ancien DG Air Sénégal SA livre ses impressions sur la Stratégie Nationale du Transport Aérien portée par une vision ambitieuse sous le nouveau magistère de Diomaye Faye

''SUR LA STRATÉGIE NATIONALE''

La présentation de la stratégie nationale des transports aérien portée par une vision ambitieuse est structurée autour de 5 propositions concrètes, après une introduction qui justifie l’importance stratégique du secteur des transports aériens pour notre pays ainsi que la nécessité de tenir des assises nationales.

Ces propositions sont toutes des propositions de progrès adossées au contexte national. Toutefois, certaines pourraient bien fragiliser l’offre, soit par incompatibilités entre elles et aux normes OACI, soit pour d’autres, par manque de réalisme ou simplement trop coûteuses pour l’État.

Très brièvement : Le développement du secteur aérien est une priorité pour la relance économique, la relance du tourisme et le renforcement de l’intégration régionale ; c’est un moteur puissant pour une croissance économique nationale qui profite à l’ensemble de nos populations qu’elles soient usagers ou pas.

La meilleure justification de l’importance du secteur aérien est qu’il soutient l’économie donc indispensable ! Si bien que l’organisation des assises nationales demeure un impératif catégorique, une excellente chose.

Sur la proposition d’aéropôles : excellente chose, toutes érigées sur la façade maritime symbole d’ouverture sur le monde ; toutefois l’opportunité commerciale se pose en termes de rentabilité économique car nécessitant d’investissements lourds et amortissables que sur le long terme ; 

Sur la promotion du transport aérien domestique par la création d’une filiale d’Air Sénégal S.A dont le business model sera axé sur des vols à bas coûts à vocation intérieure intitulée Air Sénégal Express … ce modèle devra se fonder sur les modèles économiques « low cost-low fare » dont la structure des couts nécessitent des exonérations de taxes & redevances ainsi que des subventions car ne répondant pas à l’économie de densité indispensable à ce type de modèle … Cependant, pour rentabiliser les investissements du PRAS, il est important pour la compagnie nationale de s’adosser à un système de transport intérieur et de proche voisinage (États limitrophes) pour élargir l’assiette de recettes …

Sur la création d’une Autorité de l’Aviation Civile (2AC) en lieu et place de l’Agence nationale de l’Aviation civile et de la Météorologie (Anacim)….

L’autorité de l’aviation civile sera forcément une agence d’exécution dotée d’une autonomie de gestion, c’est une norme OACI elle peut prendre n’importe quel nom mais son modèle d’organisation reste sous la forme d’agence, (indépendance financière) c’est une exigence normative, à défaut ce sera un écart de conformité, une recommandation SARPs depuis 1998. 

Une réforme importante sera de séparer la Météo de l’aviation civile.

Sur les services de la Météorologie nationale, Par contre, la Météo ne peut être érigée en agence du fait de sa vocation (prestation d’un service public particulier). Le Sénégal l’avait expérimenté en 2008 mais l’expérience n’a pas duré. La Météo doit être et rester un Office public, une administration conformément à sa vocation de service public à l’instar de La poste par exemple.

Séparer les 2 entités est salutaire.

Sur l’octroi des Droits de trafic, il s’agit certainement de la 5e liberté, c’est une proposition qui va dans le sens du progrès cependant, avec parcimonie, faudra rester dans un compromis stratégique entre protection souveraine du pavillon national et ouverture stratégique du ciel pour l’attractivité de la plateforme aéroportuaire.

Toutefois le développement du Hub se rapporte au réseau de la cie Air Sénégal en termes de connexion et de plages de correspondances ; seule la cie basée peut développer l’aéroport, les cies étrangères n’opèrent que des touchées limitées par jour ce qui est différent pour la cie nationale en BPE (base principale d’exploitation).

L’ouverture du ciel n’est pas synonyme de connectivité car les cies étrangères ne viennent quelque part que quand elles y gagnent de l’argent, elles sont sous la logique et l’influence des marchés.

Sur la promotion du fret, il faudra aller beaucoup plus loin, Cargo & fret. La sous-région ne dispose pas de compagnie cargo à proprement parlé, c’est une activité à développer compte tenu du contexte et des perspectives économiques qui se présentent à notre pays, tout comme le FBO et le charter pour le tourisme, ce point est très intéressant pour la promotion des opérateurs économiques et pour l’économie dans son ensemble.

Pour ma part, les véritables enjeux résident au niveau stratégiques et pas seulement opérationnels.

Il faut organiser les Assises nationales afin d’endiguer le handicap opérationnel devant déboucher sur la mise en place d’une stratégie nationale de compétitivité ; mais aussi Convoquer un Conseil de haut niveau organisé par l’État pour permettre de juguler le handicap institutionnel du système aérien sénégalais.

Ceci est mon avis de manière synthétique''.


Mamadou Lamine pilote de ligne, ancien DG aviation civile (Anacim), ancien DG Air Sénégal SA


 


Publié le 05/04/2024