Transports

AIR TÉRANGA OU LE DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT AÉRIEN INTÉRIEUR

LA PERTINENCE DES AVIONS L410 NG

Une contribution de Mamadou Lamine Sow Ancien DG Air Sénégal 

Le Sénégal avec ses 18 millions d’habitants sur un territoire de 196722 Km2 fait face à d’importants défis de mobilité et pas seulement urbaine.

En effet, gagner des localités de l’arrière-pays se traduit souvent par des temps de voyage excessifs, allant jusqu’à six heures et parfois au-delà, du fait de l’insuffisance de voies de surface praticables et de l’encombrement rencontré dans les agglomérations traversées.

L’État du Sénégal a consenti d’importants efforts en matière d’infrastructures routières pour garantir la  mobilité des personnes et des biens, désenclaver des zones reculées en vue d’assurer la continuité territoriale et affirmer sa volonté de rendre l’économie nationale plus compétitive à travers des programmes structurants. Cependant, l’enjeu est de taille et les défis croissants. 

Le croit démographique associé à celui du produit intérieur brut par habitant, le dynamisme soutenu de l’activité économique et de la culture du voyage de plus en plus exprimée, incitent aujourd’hui à trouver une alternative durable à cet état de fait. 

Le transport aérien domestique public régulier de passagers et de fret dispose dans ces conditions de bonnes perspectives de développement. Une évolution qui va de pair avec l’amélioration des revenus, l’urbanisation croissante et l’émergence de plus en plus marquée d’une classe moyenne au Sénégal.

Alors, l’heure de la démocratisation du transport aérien domestique a peut-être sonné. Il ne reste plus qu’à réunir les conditions de son audience, de son développement et de sa célébrité.

Ce mode de transport semble convenir le mieux à la situation car présentant plus de sécurité, de fiabilité, de rapidité, de commodité, de confort et en définitive de plus d’efficacité. 

L’usage de l’avion par un plus grand nombre prend tout son sens. Un modèle durable de services aériens va à la fois, connecter les citoyens et favoriser le commerce intérieur de façon efficiente, une feuille de route à encourager.

La contribution de l'aviation au développement économique et social de notre pays sera ainsi mieux valorisée grâce à un maillage radiale et transversale des dessertes aériennes  à l’intérieur du pays avec des niveaux de fréquences et d’horaires de vols acceptables et des tarifs commodes et soutenables pour l’usager. 

Telle est la vision qui a précédé à la mise en place du programme de réhabilitation des aérodromes secondaires (PRAS) et la transformation de certains aéroports secondaires en véritables pôles de développement économique, favorisant des opportunités d’affaires pour des entreprises industrielles et de services. 

La poursuite de ce chantier a conduit à l’acquisition de 5 aéronefs de type L410-NG par la compagnie nationale, un choix de raison qui renforce sa flotte et qui traduit l’expression d’une croissance interne mieux maitrisée malgré la sortie des ATR72-600 actant une baisse de capacité globale en termes de sièges offerts.

En effet, la sortie des ATR peut se concevoir avec un marché intérieur à la peine, pas assez stimulé, des équipements qui continuent de faire face à des difficultés de maturité et une aide plus que  limitée (faible concession) de la part de ses loueurs opérationnels pendant la crise Covid, tout un cocktail qui a contribué à l’accumulation de la dette avion devenue importante et insoutenable pour la compagnie nationale. 

Dans les conditions actuelles de l’offre aéroportuaire, l’avion L410-NG  semble mieux dimensionné à la demande et à la taille du marché intérieur, répond aux limitations opérationnelles des infrastructures et à l’usage attendu, pour desservir les routes aériennes intérieures de notre pays, agile et polyvalent, convertible en avion VIP, fret, évacuation sanitaire, travail aérien,  surveillance maritime, transport de valeur, mission particulière …. grâce à son kit de transformation rapide (Quick Change kit). 

Contrairement à l’avion régional ATR 72-600, qui est un avion de ligne, l’avion Let 410-NG est un avion d’affaires, STOL (short take-off and landing) c’est-à-dire doté de capabilité de manœuvre de décollage et atterrissage sur de très courtes distances, 500 à 600 mètres donc opérationnel sur la totalité des pistes couvrant le territoire national qu’elles soient en terre compactée, en herbe, en latérite ou en bitume. 

Les couts d’exploitation liés au Let 410-NG, permettent davantage une meilleure maitrise de la structure de couts et partant de rationaliser la structure des tarifs de transport avec une baisse considérable des prix dans des proportions pouvant dépasser environ 40% des tarifs des avions régionaux pour les principaux trajets. 

Ces tarifs abordables faciliteront la mobilité des personnes et des biens sur le territoire national, tout en garantissant un accroissement des flux économiques, commerciaux, culturels, touristiques et citoyens entre les différentes provinces du pays.

La rentabilité d’un tel modèle de services aériens domestiques prenant en compte le pouvoir d’achat du citoyen pourrait attirer l’ouverture de l’investissement au privé dictée par les mutations économiques en cours.

Ces mutations économiques devront favoriser la création d’un transporteur public pour prendre en charge de manière optimale et exclusive  le transport aérien domestique qui va  desservir l’ensemble des aérodromes secondaires pour alléger la pression sur la compagnie nationale qui se spécialisera désormais dans les vols régionaux et internationaux.  

La mitigation des couts unitaires va permettre de dégager une recette unitaire globale d’un niveau supérieur au coût unitaire total, pour atteindre et dépasser le coefficient de remplissage d’équilibre  et la recette unitaire d’équilibre, conditions nécessaires pour assurer la rentabilité générale du système d’exploitation et pouvoir ainsi « subventionner » certaines  lignes non rentables du réseau intérieur.

Ce dispositif de service aérien intérieur de notre pays pourrait être complété par un réseau de service de location de véhicules basé sur chaque aérodrome secondaire et dans un cadre de partenariat public privé pour stimuler la demande et consolider le secteur touristique. 

L’exploitation du Let 410-NG devrait permettre d’envisager des conventions entre les collectivités territoriales et la compagnie pour assurer certains services administratifs, sociaux urgents et nécessaires d’intérêt public ou privé.

Ainsi, la rentabilité économique et l’équilibre financier des aérodromes secondaires deviendraient une réalité : le Sénégal développe son réseau d’aéroports régionaux et renforce la flotte domestique pour accélérer le développement du trafic aérien intérieur, tel qu’annoncé par l’autorité « ces avions sont une étape importante dans notre vision de développer un transport aérien sûr, efficace et accessible à tous ».


Mamadou Lamine SOW

ancien DG aviation civile

ancien DG Air Sénégal

lamine.iero@gmail.com




Publié le 01/06/2024