En Suisse, nous sommes des gens sérieux. Nous sommes tellement sérieux, que nous avons notre propre méthode de gestion de projets, promue par la Confédération.
Elle s'appelle HERMES.
Elle est carrée et prudente, elle est rationnelle . Elle vise à organiser les acteurs et le déroulement des projets de manière ordonnée et précise, afin de minimiser les risques d'échec et maximiser les chances de succès. Elle est suisse, jusqu'au bout des ongles.
Je te propose que nous mettions de côté notre Terreur quelques instants, pour aborder le problème posé froidement, en bon chef-fe de projet suisse.
Je te propose de gérer le Programme Humanité et un Projet Suisse partie de ce programme, comme on fait en Suisse, en appliquant la méthode HERMES.
"On entend par programmes les projets qui, en raison de leur complexité, dépassent le cadre d'un projet ordinaire et comprennent l'exécution de plusieurs projets fortement interdépendants. Un programme se compose donc de plusieurs projets ayant un objectif commun. Il assure une gestion et un pilotage globaux de ces projets."
Nous aurons donc un Programme Humanité, dont l'objectif est d'assurer un monde vivable à nos descendants, dont le futur n'est pas: Demain sera pire qu'aujourd'hui, toujours pire, pour les siècles des siècles
"HERMES soutient le pilotage, la conduite et l'exécution de projets ayant des caractéristiques et des degrés de complexité divers. La méthode présente une structure claire, facilement compréhensible"
Oops, pour HERMES, la définition d'un projet est tellement évidente que la méthode n'en offre même pas de définition explicite et passe donc directement à la description de la méthode pour gérer le projet.
Je te propose cette définition du Larousse, de toute façon, je suppose que tu as une idée assez claire de ce qu'est un projet: "But que l'on se propose d'atteindre"
Nous aurons donc un projet Suisse, qui contribue à la réalisation du programme Humanité et qui a pour objectif que la Suisse existe et soit vivable pour nos descendants.
Programme Humanité, objectif: assurer un monde vivable à nos descendants, dont le futur n'est pas: Demain sera pire qu'aujourd'hui, toujours pire, pour les siècles des siècles
Projet Suisse, inclus dans Humanité, objectif: la Suisse existe et soit vivable pour nos descendants
Si tu veux atteindre ces objectifs, nous sommes d'accord. Nous pourrons construire le Mandant.
Le Mandant, c'est le dieu du projet, c'est l'acteur qui veut que les objectifs se réalisent.
Sa définition précise est:
"Le mandant est responsable des résultats du projet et de l'atteinte des objectifs dans le respect des coûts et des délais fixés. Il s'agit toujours d'une seule personne physique issue de l'organisation permanente."
Comme tu peux le constater avec moi, nous avons un problème. Le Mandant "s'agit toujours d'une seule personne physique".
Mon expérience personnelle et celle de mes ancêtres chefs-fes de projet a montré que, en effet, quand il y a plusieurs mandants, ils ne se mettent pas d'accord sur les objectifs, se chamaillent, donnent des ordres contradictoires. Bref, c'est le bordel et le projet part en sucette.
Il nous faut donc construire un Mandant, qui parle d'une seule voix, qui est clair sur ses objectifs, et est en définitive "responsable des résultats du projet"
Nous devons encore considérer les aspects coûts. Tu paies des impôts, tu sais donc qu'il y a souvent des dépassements de budget. Pourquoi ça ?
Je t'avoue humblement, qu'il est souvent difficile d'anticiper tous les coûts.
De plus, même si l'on a identifié tous les risques, on ne budgétise pas forcément leur réalisation.
S'ils se réalisent, le Mandant réévalue son objectif vis-à-vis du surcoût et décide si ça vaut la peine de continuer le projet, où si on l'arrête.
Si je me récapitule, le Mandant est responsable de l'objectif, des coûts et des délais et décide souverainement si le projet continue ou s'arrête quand les paramètres initiaux changent, en fonction de son désir, besoin, utilité de l'objectif qu'il se propose de réaliser.
Construisons donc le Mandant du projet Suisse. Il désire ardemment que la Suisse existe et soit vivable pour ses descendants.
Je crois, sans trop m'avancer, que nous pouvons l'appeler le Peuple Suisse. Qu'en dis-tu ?
Si tu es d'accord, poursuivons.
Nous savons, toi et moi, que le Peuple Suisse est très divisé, ne sais pas se mettre d'accord clairement sur ses objectifs et a de la peine à garder le cap.
Chaque canton, chaque citoyen-ne, y va de son intérêt égoïste, son porte-monnaie, sa vision du monde et de la morale.
C'est une situation à la diète de Stans.
Si tu te rappelles, après la victoire des confédérés contre le duc de Bourgogne, la Suisse a failli disparaître.
Après le succès phénoménal d'avoir gagné les guerres de Bourgogne, c'est quand même un comble!
Les cantons villes se chamaillent avec les cantons ruraux. On s'accuse parmi d'accaparer le butin, on veut, ne veut pas accueillir Fribourg et Soleure dans la Confédération.
Franchement le bordel.
Il fallut donc un miracle et un saint. Ce fut Nicolas de Flüe, qui par une lettre mystérieuse et secrète, mit tout le monde d'accord.
La Suisse fut sauvée et existe encore aujourd'hui grâce à lui.
Un miracle et Nicolas devint Saint Nicolas de Flüe, Saint-patron de la Suisse, Saint-patron de la Garde Suisse Pontificale et Saint-patron mondial de la paix.
J'aurais bien aimé être capable d'écrire une lettre mystérieuse et secrète qui aurait construit le Mandant Peuple Suisse dont nous avons besoin pour notre projet.
J'ai tourné le problème dans tous les sens, mais je ne sais pas faire ça. En revanche, je sais mourir de faim.
C'est assez extrême, mais ça a une probabilité non-nulle de marcher.
La grève de la faim a marché pour les suffragettes en Angleterre, ça a marché pour Gandhi, ça a marché pour plein d'autres.
Je ne suis pas naïf, ça ne marche pas toujours, mais ça pourrait bien marcher pour nous.
De toute façon, je ne suis qu'un citoyen ordinaire, c'est le seul outil, qui a une chance, à ma disposition.
Permets-moi une seconde d'émotion sincère dans mon exposé: ça me fait royalement chier de devoir en passer par là. Mon épouse que j'adore en souffre horriblement, même si elle comprend, qu'en effet, il n'y a que ça qui a une chance de marcher. Mes enfants, que j'adore, aussi. Je fais ça pour eux, ils le savent, mais risquer son Papa, ça fait mal.
Et je ne te parle pas de mes parents, ma famille large et mes amis. Seulement voilà, ce n'est pas parce que la mission est dangereuse qu'on ne l'exécute pas correctement.
Voilà, c'est dit.
Retour à nos moutons.
L'objectif est de te convaincre de passer par dessus toutes tes différences avec tes concitoyens-nes, pour que d'une seule voix tu dises à notre Conseil Fédéral que tu désires par-dessus tout, avec tous, c'est-à-dire le Peuple Suisse:
Que la Suisse existe et soit vivable pour nos descendants
Que l'avenir de nos descendants ne soit pas: Demain sera pire qu'aujourd'hui, toujours pire, pour les siècles des siècles (rappelle-toi, nous sommes dans le Programme Humanité)
Un Conseil Fédéral, c'est dur à bouger et à émouvoir. Nous devrons être convaincants comme Mandant et comme Peuple Suisse.
A moins de la plus grande manifestation que Berne aie jamais connue et une grève générale, je doute que nous réussissions.
Un chef de projet, ça délègue. Je n'ai aucune expérience dans l'organisation de manifestations de masse et de grèves générales.
Je compte donc sur tout ce que la Suisse a de bonne volonté organisée pour se mettre d'accord sur une date, pendant ma grève de la faim, si possible avant que je sois mort.
Partis politiques
Associations en tout genre
Organisations charitables
Chœurs, fanfares, groupes de musique (de la musique, ce serait chouette)
Organisations religieuses, groupes de prière (si tu es catholique, comme moi, notre Saint-Père nous donne un mandat explicite de sauver l'avenir de nos enfants dans Laudato Si')
Entreprises
...
Syndicats (si jamais il y eut une bonne raison de faire la grève générale, je crois que c'est celle-ci, laissez juste rouler les trains pour Berne, s.v.p.)
Si ça rate une fois, on recommence, nous sommes suisses, nous sommes persévérants et on ne se laisse pas démonter.
Et même si je suis mort, on continue. L'enjeu, c'est quand même l'avenir de nos enfants.
Petite précision sur la nature de la manifestation. Elle sera l'expression de l'Unité du Peuple Suisse, de ses enfants, ses parents, ses grand-parents, toutes ses personnes de bonne volonté. Il est nécessaire que cela soit totalement pacifique et joyeux. Il suffira d'être là et de parler d'une même voix.
Donc, s'il-vous-plaît, pas de coups d'éclat, de blocages, de déprédations, de violence. En gros, pas de bordel. Si tu désires prouver ton courage, épater ta copine en faisant le héros, je t'invite à jeûner avec moi.
Nous réussirons, sans le moindre doute.
Nous aurons donc notre Mandant, le Peuple Suisse, qui parle d'une seule voix. Le Conseil Fédéral acceptera de devenir le chef du projet Suisse!
La première chose que mon mentor en gestion de projet HERMES m'a dite, est que la gestion des risques est la tâche la plus importante pour le succès d'un projet, et la plus souvent négligée.
Par timidité, peur de faire des vagues ou d'indisposer des mandants irascibles, on cache des risques identifiés, en croisant les doigts pour qu'ils ne se réalisent pas.
Ce n'est pas professionnel
Ce n'est pas rationnel de confier à la chance le succès d'un projet
On ne compte plus la quantité de projets échoués, parce qu'un risque identifié par le chef de projet n'a pas été clairement et honnêtement présenté au Mandant.
Nous demanderons donc que le Conseil Fédéral expose clairement et simplement la réalité des faits, tels que scientifiquement décrite par les différents rapports du GIEC.
Nous demanderons donc que le Conseil Fédéral expose clairement et simplement les risques existentiels auxquels nous, nos enfants sont exposés, à nouveau conformément aux faits scientifiques connus.
Nous demanderons donc que le Conseil Fédéral expose clairement et simplement son plan de gestion du projet Suisse, avec les contraintes suivantes
Notre projet Suisse a ceci de compliqué qu'il ne peut réussir tout seul, indépendamment du succès du Programme Humanité.
Nous avons tous clairement compris qu'aucun pays pollueur de masse n'est prêt à s'engager, en vrai, pour atteindre les objectifs du Programme Humanité.
J'ai la conviction intime que tous les parents du monde aiment leurs enfants, mais ne savent pas quoi faire pour sauver leur avenir, et leurs gouvernements ne les écoutent pas plus que le nôtre, là tout de suite.
Dans la poursuite de cet objectif, le Peuple Suisse devra revêtir son habit de Winkelried et montrer la voie.
En convainquant le Conseil Fédéral que nous voulons réellement sauver nos descendants, nous montrons l'exemple à tous ces citoyens du monde.
Réalise que le monde entier va nous regarder. C'est assez frime: la Suisse éclairant le monde
En convainquant le Conseil Fédéral d'atteindre le 0 en 2025, nous montrons que nous sommes sérieux et solidaires, prêts à en faire plus pour la réussite du Programme Humanité.
Accessoirement, nous gagnons du temps. Nous montrons à ceux qui veulent suivre, qu'il faut gagner du temps, parce qu'il faudra bien du temps pour finir de convaincre les autres à coup de diplomatie et peut-être malheureusement de guerre.
Le risque est existentiel, il faut réellement éteindre jusqu'à la dernière usine à charbon et raffinerie. Comme le GIEC nous l'a dit le 9 août 2021.:à partir de maintenant, chaque tonne de gaz à effet de serre compte et détermine le futur.
Enfin, en procédant par délégation aux cantons et communes et assemblées citoyennes de la réalisation des objectifs, nous montrons que c'est bien la vraie démocratie populaire qui sait faire les miracles et nous ferons trembler toutes les autocraties du monde en réveillant l'espoir des peuples. C'est frime aussi, ça.
Soyons suisses, et abordons le projet le plus titanesque que nous n'ayons jamais entrepris, en travaillant proprement.
A peine nos objectifs seront dans l'espace public, que les épouvantails habituels se lèveront.
En bref, ils te diront à la Télé, la Radio, les murs, internet (ils ont plus de moyens que moi, c'est pour ça que je dois mourir de faim pour que tu m'entendes):
Effondrement de l'économie
Effondrement des finances publiques
Effondrement du filet social
Effondrement de notre politique écologique (quel paradoxe !)
Effondrement des retraites
Effondrement des banques
Effondrement de la bourse
Effondrement de notre niveau de vie: plus de voiture, plus d'avion, plus d'iPhone
Disparitions de toutes nos économies, 2e pilliers et j'en passe
Fuite des milliardaires et des multinationales
Effondrement de notre système de santé en pleine pandémie
De toute façon, c'est impossible
C'est de l'écofascisme, communisme, stalinisme, nazisme, choisis ton -isme
Cela ne servira à rien, tant que la Chine, les États-Unis, ... ne s'y mettent pas
Ce sera la mort des hérissons et des abeilles
Chômage de masse dans des proportions cataclysmiques
... imagination sans bornes pour ne pas faire ce qui est juste, bien et nécessaire
Dans tous mes projets, j'ai toujours rencontré ce gars, cette (hum?) dame, qui a peur du changement, qui dans le fond, ne veut pas que le projet réussisse.
Comme il-elle ne peut pas le dire ouvertement sans se faire virer du projet ou de la boîte, cette personne trouve et identifie tous les problèmes les plus ésotériques qui peuvent faire capoter ton projet, sans jamais trouver de solution.
Cette personne essaie de partager sa peur, de la communiquer à toute l'équipe, pour que le projet capote, parce que voilà, c'était impossible, je vous l'avais bien dit.
Je suis un chef de projet monomaniaque, obsédé par la réussite des projets que l'on me confie. Je note les risques réels identifiés par mon épouvantail, j'oublie la merde, et je pars en chasse des solutions, avec la confiance qu'elles existent et le courage de les chercher. La peur, c'est pour les perdants.
Je ne vais pas te mentir, ce sera dur. Avec courage, tu vas accepter de sacrifier beaucoup pour ne pas sacrifier tes descendants.
1,2,3,4,5,6 sont probablement vrais. Nous devrons trouver courageusement, solidairement les solutions.
7 oui, ça arrivera et c'est des traîtres. Nous ferons sans eux et leur ferons honte pour mille générations. De toutes façons, ils ont déjà un bunker en Nouvelle-Zélande. Ils avaient déjà prévu de partir.
8 a une bonne probabilité. Là aussi, nous devrons trouver courageusement et solidairement des solutions. D'instinct, cependant, cela semble plus facile que les précédents
9 c'est de la merde de perdant apeuré par le changement. Tu as du courage, tu peux ignorer sans autre
10 c'est déjà résolu, puisque nous avons décidé que ce sera la voix populaire, le Peuple Suisse qui est le mandant, et qu'il travaillera en assemblées citoyennes dans les communes et les cantons.
11 Je t'avoue, c'est l'argument qui m'énerve le plus. Nous n'avons pas attendu que les Talibans arrêtent de lapider leurs femmes pour arrêter de brûler des sorcières. On a du courage, de l'honneur et un vrai compas moral, ou on n'en a pas. Mais il ne faut pas me demander d'être un lâche indigne parce que le voisin en est un.
12 Ce n'est pas vrai
13 C'est faux. La tâche est telle qu'il faudra tous les bras et toutes les têtes disponibles. Le seul vrai problème, c'est de payer tout le monde. Voir 1,2,3,4,5,6
14 Si c'est vrai, trouve-moi la solution, elle existe
Courage! Nous avons un objectif clair, une méthode de travail suisse éprouvée, du courage, de l'honneur et l'amour infini de nos descendants.
Imagine ce sentiment d'espoir et de fierté dans ta poitrine quand nous serons engagés,en vrai, en actions, pas en mots creux, dans la sauvegarde de l'avenir de la Suisse et du monde.
Tu vas vivre l'aventure la plus épique du millénaire, tu seras un héros. Tes descendants chanteront tes louanges pendant mille générations heureuses.
Nous allons réussir, tout simplement!