On va se le dire, d’un point de vue plus technique, il n’est pas facile d’analyser une bâtisse lorsque l’on ne possède pas le vocabulaire de l’architecte et ce n’est pas le but de ce cours. Cependant, nous sommes tout de même capables d'observer des éléments significatifs et de les nommer dans nos mots (fenêtres gigantesques, un style vieillot, porte bleue, immenses colonnes, etc.) Faire la description d’une œuvre, c’est un peu comme faire un inventaire. C’est dresser une liste des éléments observables et qui font du sens. Ici, il faut s’en tenir aux faits et non tenter de faire des liens pour le moment. C’est une étape essentielle avant d’en arriver à l’interprétation et au jugement critique.
SAVIEZ-VOUS QUE ce sont les éléments rigides (murs, sols, toits qui entourent les pièces, portes et fenêtres) qui forment le bâtiment tandis que la relation entre ces pleins et ces vides créent l’espace architectural!
Façonner l'espace
Selon le livre l’Architecture pour les nuls, <<les architectes façonnent l’espace à l’aide des composantes suivantes: solides, vides, échelle, masse, proportion, rythme, couleur, texture et lumière. La compréhension de ces composantes élémentaires permet d’apprécier la forme d’architecture dans toutes ces nuances et de voir son évolution avec le temps>>.
Voici quelques éléments qui vous aideront à mettre des mots sur ce que vous observerez. Ces éléments qui peuvent paraître invisibles à nos yeux, mais qui sont bel et bien en relation et font partie du projet architectural.
C’est l’image inversée. On appelle l’axe la ligne qui sépare les deux moitiés identiques. Cette disposition équilibrée apporte harmonie et dignité aux bâtiments. Elle donne un rythme majestueux. Le bâtiment peut présenter une ou plusieurs pièces, une ou plusieurs façades symétriques.
C’est le déséquilibre. Les éléments sont espacés de façon irrégulière: une porte non centrée sur un mur, etc. Pour plusieurs, cela apporte une simplicité, une sorte de mouvement et un caractère surprenant dans certains cas. Elle donne un rythme syncopé. Certains architectes trouvent même que cela se rapproche de ce que l’on retrouve dans la nature, comme une vérité.
C’est le rapport de taille entre les différents éléments d’un bâtiment. Les plans d’architecte sont dessinés selon une échelle architecturale. À l’échelle 1/100, 1 centimètre sur le plan correspond à 1 mètre sur le terrain. En manipulant l’échelle, l’architecte peut rendre un bâtiment imposant ou intime.
Le choix des matériaux influence énormément l’image que l’on peut avoir d’une construction. La pierre, le béton, le métal et la brique donnent une impression de durabilité, de force. Les surfaces lisses, comme le verre, amènent une légèreté. Pourtant, il est facile de donner au bâtiment des caractéristiques qui sont à l’opposé de celles que véhiculent leur poids et leur masse: la pierre par exemple, peut être taillée pour donner un effet de verre translucide.
Addition, horizontalité et verticalité: L’architecte fait souvent un <<travail de masse>> (l’intégration de formes ou de volumes) en début de projet en assemblant des blocs de carton ou d’argile afin d’étudier les formes et les silhouettes d’un bâtiment.
Les masses peuvent être proches du sol pour renforcer l’horizontalité du lieu et de son harmonie avec la terre. Elles peuvent également pointer vers le ciel afin de créer un sentiment d’élévation, les cathédrales gothiques par exemple.
Les textures (lisses ou rugueuses) ainsi que les couleurs (vives ou pâles) permettent de différencier les diverses parties d’un bâtiment. Ce sont des éléments avec lesquels on peut jouer pour donner des contrastes, de la fantaisie, donner une touche luxueuse, etc. La couleur et la texture peuvent servir à mettre l’accent sur les rôles fonctionnel et structurel d’un espace ou d’un élément de construction: les espaces publics, par exemple, sont parfois plus colorés que les espaces privés.
La variété des couleurs et des textures peut rendre certaines zones plus lourdes, légères, petites, grandes, chaudes ou froides. La couleur est souvent associée aux traditions régionales: les murs pâles des régions plus chaudes ou, encore, les murs de bois rouges de la campagne scandinave.
Les ornements servent à donner un aspect visuel, un côté humain et un plaisir sensuel: les sculptures des temples classiques, les gargouilles des cathédrales gothiques ainsi que les sculptures très chargées des palais chinois ne sont que quelques exemples. Il y aura un creux pour l’ornementation au XXe siècle pour laisser place à des structures abstraites et désuètes. L’ornement fera un grand retour dans les années 1980. Aujourd’hui, les panneaux lumineux, les néons, etc. font office d’ornements animés contrairement à ceux statiques du passé.
La lumière, naturelle ou artificielle, est essentielle pour n’importe quel édifice puisqu’elle met en valeur sa forme et lui donne vie. La quantité de lumière qu’un bâtiment laisse pénétrer influe sur l’atmosphère du lieu. Bien répartie, une lumière vive, par exemple, provoque des zones d’ombre et donne de la profondeur, tandis qu’une lumière faible et ciblée attire l'œil vers les recoins et renfoncements d’une pièce. La lumière naturelle illuminera différemment les diverses parties d’un bâtiment tout au long de la journée. Les architectes prennent en considération cette lumière naturelle lors du projet.
Le son peut également embellir l’espace: écouter de l’orgue dans une cathédrale par exemple.
La situation géographique est très importante dans la conception d’un projet architectural. Plusieurs architectes commencent par une étude topographique dans le cas d’une architecture rurale. Ceux-ci vont s’inspirer de la nature, faire en sorte qu’elle se moule au projet, qu’elle ne fasse qu’un avec le bâtiment à venir et non le contraire. En ville, c’est différent. L’architecture urbaine va tenir compte du contexte ou des constructions et rues existantes qui entourent les nouveaux bâtiments. Il arrive cependant que le bâtiment soit contextuel sans pour autant respecter un style uniforme. Certains architectes vont même créer des contrastes en dessinant un bâtiment qui se démarque vraiment des autres.
L’une des premières choses à faire lorsqu’il est question d’analyser un monument architectural, c’est de l’observer attentivement. L’observation d’une œuvre architecturale demande de faire ressortir des éléments signifiants que l’on peut voir sur une photo ou, encore mieux, en direct. Voici un exemple d’observations pouvant être notées.
J’observe beaucoup de carrés dans cette structure de béton, qui semble assez complexe dans sa confection. D’autre part, c’est linéaire, innovateur et imposant. Les cubes habitables semblent suspendus dans les airs. Les fenêtres sont dans le même esprit, très épurées. Elles sont plus foncées que le revêtement ce qui les met en évidence. De plus, elles sont très nombreuses. Les arbres ont leur place dans ce paysage urbain. Je perçois deux tours, si on veut, présentant des blocs symétriques d’une tour à l’autre. Il y a une alternance de blocs et d’espaces. Certains balcons sont ornés d’arbres. La bâtisse semble toucher le ciel.
Projet 5A (5% de la note finale)
À votre tour! Sortez votre sens de l’observation et scrutez l’image de l'oeuvre architecturale dans les moindres détails. Faites ressortir vos observations en vous appuyant sur des éléments explicites de l’image. Vous pouvez utiliser les concepts vus un peu plus haut afin de vous aider dans vos descriptions.
Critères de correction:
Critère 1: Faire ressortir 5 éléments (forme de la porte, symétrie des fenêtres, couleurs, lumière, etc.)
Après avoir fait des recherches sur l’auteur et sur l'œuvre architecturale à l’étude; après l’avoir observée et fait ressortir les éléments significatifs, il est maintenant possible pour vous de faire des liens, d’interpréter le tout.
Interpréter, c’est établir des liens entre les différents éléments de l'œuvre artistique et son contexte de création.
Voici un exemple d’interprétation. Pour ce faire, nous reprendrons Habitat 67 afin que vous puissiez faire la différence entre l’observation et l’interprétation.
Je crois que l’architecte, Moshe Safdie, a voulu représenter, par sa création, l’esprit d’ouverture et d'innovation de l’Expo 67. Ce genre de structure gigantesque, semblant flotter entre ciel et mer, ne devait pas se retrouver à chaque coin de rue. J’ai l’impression que le cœur même de ce projet était inspiré par le désir de s’ouvrir au monde et d’un besoin de renouveau. Il y a quelque chose de rassembleur dans le fait de superposer 354 modules afin de former un milieu de vie urbain. Je trouve que c’était tout à l’image de l’Expo 67 qui se voulait un moyen de rassembler les pays du monde à un seul et même endroit: Montréal.
En ce qui concerne la bâtisse elle-même, le fait de mettre de nombreuses fenêtres apporte le côté lumineux selon moi, le gris étant à l’honneur. C’est très urbain comme construction, mais les arbres et la verdure sur les balcons amènent le côté organique. C’est simple et complexe à la fois, vieux et moderne et je crois que l’on peut dire que ce sont tous ces contrastes, entre autres, qui font que Habitat 67 attire toujours autant les regards d’un peu partout dans le monde.
Projet 5B (5% de la note finale)
Faire des liens, c'est ce que vous devez réaliser pour ce projet! Entre le concret et l'invisible, des liens se tissent. À partir des observations que vous avez faites au Projet 5A, prenez la route de l'interprétation.
Exemple d'éléments pouvant être interprétés:
Pourquoi l'architecte a utilisé ce matériaux?
Cette couleur chaude a été utilisée dans quel but?
L'architecte a voulu signifier quoi par l'utilisation d'éléments datant du siècle dernier sur une structure moderne?
etc.
Critères de correction:
Critère 1: Interpréter les éléments d'observation de l'exercice 5A