Partout dans le monde, l’accès à l’éducation est un moyen de réduction des inégalités socioéconomiques. En effet, l’accès à l’enseignement primaire et secondaire a constitué la première préoccupation des politiques de développement pendant les décennies 1980 - 1990. De même, l’université joue un rôle crucial dans l’éducation et la formation des citoyens. Or, à partir des années 2000, l’accès à l’enseignement supérieur a commencé à se positionner comme une priorité (Post et all. 2004). La déclaration mondiale de l’UNESCO (1998) sur l’enseignement supérieur a considéré que « les études, la formation ou la formation à la recherche de niveau postsecondaire, dispensées par des universités ou d'autres établissements d'enseignement », sont communément des facteurs clés pour la lutte contre les inégalités en offrant des opportunités socioéconomiques égales.
Dans un autre registre, l’accès à l’enseignement supérieur est lui-même inégalitaire.
Subséquemment, les inégalités socioéconomiques persistent. Cet effet de réciprocité et d’interaction entre l’accès à l’enseignement et les inégalités socio-économiques conduit les chercheurs à s’interroger sur ses facteurs explicatifs et a fait l’objet de nombreuses réflexions académiques.
Par ailleurs, la problématique des inégalités dans l’enseignement supérieur revêt un caractère multidimensionnel, d’où la multiplicité de ses interprétations. D'une manière générale, son cadre analytique s’articule autour de quatre facteurs majeurs. Il s’agit essentiellement des ressources financières, des ressources socioculturelles, des ressources humaines et des ressources politiques (Sosu et all. 2018).
Ainsi, le manque ou l’insuffisance des ressources financières entrave le parcours universitaire des étudiants. D’une part, les frais de scolarité amplifient le problème (Herbaut and Geven. 2020), d’autre part, les séquelles du contexte économique se répercutent consécutivement sur les expériences de vie et les trajectoires d’apprentissage (Crawford et al. 2016). Quant à l’accessibilité, il a été démontré que les étudiants issus de milieux à faible revenu connaissent un taux d'abandon plus élevé et sont moins susceptibles d'accéder aux meilleures professions.
À cet égard, une recherche a démontré que l’intégration des groupes sous-représentés dans la réforme de l'enseignement supérieur (Lord & Stein, 2018), ainsi qu’une redistribution active des biens et des ressources pour renforcer les groupes historiquement opprimés est essentielle pour garantir l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur (Ntshoe, 2003).
Le Maroc compte désormais 153 établissements d'enseignement supérieur répartis sur l'ensemble du royaume. Cette répartition est cependant inégale ; seules quatre régions concentrent plus de 40 % de l'infrastructure universitaire publique du pays. De plus, ces mêmes régions accueillent 41% des étudiants[1]. Là encore, quatre des 12 régions du pays ne disposent pas d'université, limitant leurs offres de formation à des annexes universitaires liées à des institutions d'autres régions.
Ces disparités dans l'enseignement supérieur revêtent des formes multiples. Il s’agit tout d’abord de l’inégalité d’accès, dans la mesure où, selon les statistiques officielles, seulement 42% des étudiants âgés entre 18 et 22 ans poursuivent leurs études post-bac (Bilan d’activité, MENFPESRS, 2017-2021). D’un autre côté, seulement 50% des inscrits dans l’enseignement supérieur décrochent leur diplôme.
Le système d’enseignement supérieur marocain, hérité du système français, est fondé sur une dissociation entre les établissements à accès ouvert et ceux dont l’accès est sélectif. Cette dualité constitue a priori la principale manifestation de l’inégalité au sein de ce système. Les établissements sélectifs reçoivent les meilleurs étudiants (qui exigent des notes élevées en baccalauréat), alors que les non sélectionnés s’orientent vers les établissements à accès ouvert.
L’effet de la dualité précitée s’étend vers d’autres aspects pour générer des nouvelles formes d’inégalités.
Ainsi, et à titre d’exemple certaines disciplines sont plus valorisées que d’autres, entrainant un accès inégal des lauréats aux opportunités socioéconomiques.
L’état actuel de l’enseignement supérieur au Maroc et ses caractéristiques interactives ne manquent pas de soulever plusieurs interrogations, tant sur le plan institutionnel, organisationnel ou normatif, que sur celui de la production des connaissances face au marché de l’emploi. Dès lors, la nécessité s’impose d’en examiner les principaux facteurs explicatifs. D’où, la nécessité de mener une réflexion collective afin d’apporter un diagnostic efficace, ainsi que des recommandations convenables sur les voies et les moyens d’améliorer les prestations de ce secteur vital. C’est dans ce cadre que le Colloque International de l’Enseignement Supérieur (CIES) 2023 sur les inégalités dans l’enseignement supérieur revêt toute son importance.
1. Inégalités socioéconomiques et géographiques : quel impact sur l’enseignement supérieur ?
2. Les NTIC et l’enseignement à distance : quels effets sur les inégalités dans l’enseignement supérieur ?
3. Les inégalités dans l’enseignement supérieur et le nouveau modèle de développement
4. Les déterminants des inégalités dans l’enseignement supérieur ?
5. Évaluation des coûts des inégalités dans l’enseignement supérieur ;
6. Les effets de la dualité du système d’enseignement supérieur sur l’accès au marché du travail
7. Comment les politiques d'égalité des chances dans l’enseignement supérieur se traduisent-elles dans la pratique ?
[1] Rapport du MENFPESRS, 2020