Articles du magazine l'Histoire sur le Chili

Les régimes autoritaires en Amérique latine, 1930-1990

L'Histoire

11 septembre 1973, anatomie d'un coup d'État

Gilles Bataillon dans mensuel 391

daté septembre 2013 -

Le 11 septembre 1973, un putsch met un terme brutal aux trois ans de gouvernement de l'Unité populaire de Salvador Allende. Comment le Chili, le pays le plus démocratique d'Amérique latine, en est-il arrivé là ?

Le 11 septembre 1973, une junte de gouvernement des forces armées chiliennes renverse le président Salvador Allende. Loin de convoquer des élections après une période de remise en ordre, les militaires putschistes gouvernent de facto jusqu'en 1980, en proclamant le général Augusto Pinochet, « chef suprême de la nation ». Ce n'est qu'en 1980 qu'ils proposent aux Chiliens de ratifier par référendum une nouvelle Constitution. Celle-ci institue une véritable tutelle de l'armée sur le devenir politique du pays et octroie au chef de la junte un statut de président de la République. Pinochet a ainsi été proclamé officiellement président, sans jamais avoir été élu, jusqu'en 1988.

RUPTURE ET RADICALITÉ EXTRÊME

Les premières caractéristiques de ce coup d'État sont sa brutalité et sa dimension refondatrice. Des images de la violence des événements sont restées gravées dans la mémoire collective : le refus d'Allende d'abandonner le pouvoir et de partir en exil ; son rappel aux militaires de l'obéissance due au pouvoir civil ; l'attaque par l'aviation du palais présidentiel de la Moneda, en plein centre de la capitale Santiago ; le suicide d'Allende pour ne pas obtempérer aux ordres des généraux factieux.

A l'aube du 11 septembre, les militaires prennent le contrôle de tous les points stratégiques du territoire (centres de télécommunications, bâtiments publics, zones industrielles, bidonvilles), afin de briser une possible résistance des ouvriers et des habitants. Ils arrêtent en quelques jours 45 000 personnes connues pour leur appartenance ou leur sympathie pour la gauche et l'extrême gauche : ministres du gouvernement renversé, responsables politiques et syndicaux ou simples sympathisants des multiples organisations de gauche. Tous sont immédiatement internés et interrogés, souvent torturés, soit dans des enceintes militaires (casernes ou navires de guerre), soit dans des lieux réquisitionnés à cet effet (des stades - tel le Stade national de Santiago - ou des navires marchands).

A la fin de l'année 1973, selon un rapport de l'Organisation des États américains, 1 500 civils ont déjà été tués par les forces armées. Quelques dizaines ont péri lors d'affrontements avec les militaires ou ont été fusillés à la suite de l'application d'une justice sommaire ; tous les autres ont été assassinés après avoir été arrêtés et torturés en toute illégalité. Certains étaient des militaires s'étant opposés au putsch ou suspectés d'avoir voulu respecter l'ordre constitutionnel, tel le général d'aviation Alberto Bachelet1. Quant aux hauts responsables politiques du gouvernement et des partis de l'Unité populaire d'Allende (UP), ils sont internés dans des bagnes militaires et soumis à des procès iniques. En 1975, le pays compte encore près de 8 000 prisonniers politiques, tandis que 110 responsables syndicaux ont été assassinés par les forces de l'ordre. La violence a continué de toucher la société chilienne des années durant, ce qui va provoquer l'exil de centaines de milliers de Chiliens (cf. Alfredo Riquelme Segovia, p. 52).

LA STUPÉFACTION

Le communiqué émis par la junte le premier jour du coup d'État donne à la brutalité déployée un sens qui excède celui d'une simple remise en ordre. Il esquisse les contours d'un panorama politique en totale rupture avec l'ordre constitutionnel jusqu'alors en vigueur. La junte affirme qu'Allende s'est mis en « situation d'illégitimité patente », qu'il a « violé les droits fondamentaux », rompu « l'unité nationale » et s'est « mis en marge de la Constitution ». Le président, devenu le jouet de « la décision de partis et de comités », a mis en danger « la sécurité interne et externe du pays ». Autant de raisons pour les dirigeants de la junte d'« assumer le devoir moral, imposé par la patrie, de destituer le gouvernement [...] en prenant le pouvoir pour un laps de temps exigé par les circonstances ». Une décision « en accord avec les sentiments de la grande majorité nationale, ce qui rendait juste leur acte devant Dieu et l'Histoire et, par là même, leurs résolutions [...] pour parvenir à réaliser le bien commun et l'intérêt suprême de la patrie »2.

Bien que le pays soit en pleine crise sociale et politique, l'effet de surprise est considérable, tant au Chili qu'à l'étranger. Même si beaucoup la considèrent encore comme « la réserve morale de la nation », l'armée chilienne - formée à la prussienne - apparaissait, depuis sa victoire dans la guerre du Pacifique dans les années 1930, comme une armée de la nation, fidèle à l'État et n'intervenant pas dans le jeu politique. La surprise tient aussi aux projections des observateurs étrangers. Allende n'est-il pas une sorte de Léon Blum sud-américain ? Quant au Parti communiste (PC), par sa théorie de la révolution par étapes, ne ressemble-t-il PC italien ? N'y a-t-il pas là des possibilités d'alliances inédites entre un centre démocrate-chrétien et la gauche ? Rien ne laissait présager une telle rupture dans un pays considéré comme l'un des plus démocratiques de l'Amérique latine.

Des membres de l'intelligentsia chilienne, tels les sociologues Manuel Antonio Garreton et Tomas Moulian3, ont très vite diagnostiqué que le coup d'État tient aux interactions de quatre phénomènes : les tensions croissantes entre des secteurs modernes et d'autres plus archaïques propres à une société dépendante et désarticulée, prise dans un processus de transformation accélérée ; l'ambivalence de la culture politique chilienne vis-à-vis des principes démocratiques ; la crise politique ouverte par l'élection d'un président socialiste ; la volonté d'une partie des élites économiques et politiques, appuyées par une partie de la population et fortes du soutien tacite des États-Unis, d'opérer un retour à l'ordre, fût-ce par un putsch militaire.

1950-1970 : UNE MODERNISATION INCOMPLÈTE

Des années 1950 aux années 1970, le Chili a été le théâtre d'une série de changements sociaux et économiques auxquels les politiques ont peiné à s'adapter. Le premier a été démographique. Peuplé de près de 6 millions d'habitants en 1952, le pays en compte 10 millions en 1973. Les conséquences sociales de cet accroissement sont accentuées par l'important exode rural qui transforme rapidement le Chili en un pays majoritairement urbain. Santiago passe de 1,4 million d'habitants en 1952 à 2,8 millions en 1970. La capitale rassemble alors près d'un tiers de la population du pays.

Le Chili connaît également un processus de croissance économique soutenue, marquée par quelques spécificités. D'abord, un rôle croissant de l'État dans l'appui à l'activité industrielle, notamment lors de la construction de barrages destinés à produire de l'électricité. Ensuite, une prospérité surtout fondée sur la diversification des exportations. En plus du cuivre et autres minerais, le Chili exporte aussi de la cellulose (dérivé du bois), des produits dérivés de la pêche (farines et conserves de poissons), et commence à exporter des produits électroniques, chimiques et mécaniques. Mais faute d'une amélioration des rendements agricoles, la crise de l'agriculture vivrière s'accentue du fait de la croissance démographique. Le pays est chaque jour moins à même de produire les aliments nécessaires au marché local. Du coup, l'économie chilienne, quoique prospère, est dépendante. Le volume des échanges avec les États-Unis ne cesse de s'accroître. Ceux-ci deviennent les premiers acheteurs du cuivre chilien, extrait du sous-sol par des compagnies étrangères (la plupart étatsuniennes), les premiers fournisseurs de biens d'importation et les premiers créanciers du pays - les banques américaines possédèrent jusqu'à 50 % de la dette extérieure du pays, dans une situation d'inflation chronique.

Depuis les années 1930, sous la houlette du Parti radical (centre gauche), les gouvernements chiliens ont su intégrer, bon an mal an, les classes populaires et les classes moyennes urbaines au système politique et les faire bénéficier, dans des conditions certes inégales, d'améliorations salariales comme d'un meilleur accès à l'éducation et à la santé. Mais, à partir des années 1960, ce processus est ébranlé, notamment par le contexte international de guerre froide. L'exemple de la révolution castriste à Cuba enflamme la gauche et les appels en retour de Kennedy à réformer des structures sociales et économiques « archaïques », perçues comme le meilleur terreau pour la « subversion communiste », radicalisent les positions.

La prudente conciliation des intérêts, le changement graduel et le sens des arrangements négociés entre les membres de la classe politique, presque tous venus des rangs de la bourgeoisie et se percevant malgré leurs différences comme appartenant au même monde, ont vécu.

La présidence du démocrate-chrétien Eduardo Frei (1964-1970), appelée « Révolution dans la liberté », révèle ce nouvel état d'esprit. Candidat de la droite et de la Démocratie chrétienne (DC), Frei remporte les élections en 1964 avec près de 56 % des voix. Son programme est clairement réformiste. Il prône une réforme agraire (à laquelle l'Église catholique appelle depuis les années 1940 et qu'elle a commencé à mettre en pratique en redistribuant certaines de ses terres), une amélioration des conditions de vie des classes populaires, une « chilianisation » du cuivre (l'État devenant actionnaire stimulera la production), une réforme du système d'éducation et l'octroi du droit de vote aux quelque 10 % d'analphabètes que compte alors le pays. Frei prétend par ailleurs gouverner en transformant son parti, inspiré de la doctrine sociale de l'Église, en une organisation plus large, intégrant certains courants venus de la droite conservatrice, mais aussi de la gauche et des mouvements populaires.

Le projet de rendre l'agriculture chilienne plus productive en créant une nouvelle classe de petits propriétaires modernisateurs est vite perçu par l'oligarchie foncière comme un premier pas vers le collectivisme étatiste. A l'inverse, les laissés-pour-compte de la réforme espèrent sa radicalisation et tendent l'oreille aux propositions des militants de gauche et d'extrême gauche. La volonté d'améliorer le sort des marginaux urbains conduit aux mêmes résultats : beaucoup ne se satisfont pas des gestes faits en leur faveur.

Finalement, la « Révolution dans la liberté » fait prendre conscience aux groupes les moins favorisés de leur capacité à peser sur le jeu politique. En 1969, c'est au tour de l'armée de faire valoir ses revendications. Pour protester contre la maigreur de sa solde, un groupe d'officiers se mutine, sans succès, sous la direction du général Viaux, connu pour ses opinions d'extrême droite. De leur côté, les fonctionnaires du ministère de la Justice se mettent brièvement en grève pour réclamer des hausses de salaires. A l'inverse, l'oligarchie foncière, des chefs d'entreprise, des artisans et membres des classes moyennes s'offusquent des améliorations des conditions de vie des classes populaires qui, jugent-ils, menacent le bon équilibre social.

Une partie de la droite voit dans les réformes de la DC non pas un ensemble d'ajustements indispensables à la modernisation du pays, mais une porte ouverte à des changements d'inspiration communiste. Les ténors du Parti national sont les premiers à mettre en avant la nécessité de « gouvernements forts ». En face, pour toute une fraction du Parti socialiste, pour des militants du Mouvement de la gauche révolutionnaire (le MIR, un mouvement guevariste d'extrême gauche) ou pour d'autres venus des marges de la DC, tous fascinés par l'expérience cubaine, l'heure est déjà à la préparation de la révolution.

UNE DÉMOCRATIE EN TROMPE-L'OEIL

La segmentation de la société chilienne en trois sous-cultures politiques rivales, chaque jour moins aptes à négocier, tient à ses rapports largement ambigus aux processus démocratiques.

Et pourtant, à la différence de presque tous les autres pays latino-américains, le Chili a bénéficié dès 1925 d'une Constitution d'inspiration démocratique et libérale et, à partir des années 1930, d'une succession régulière de gouvernements issus d'élections libres et d'un système de partis stable.

Cependant, cette démocratie servait plus à réguler les conflits sociopolitiques qu'à construire un véritable lien social entre des individus reconnus comme égaux. Ainsi, de 1948 à 1958, le système politique chilien a proscrit le Parti communiste et emprisonné ses dirigeants. Ce n'est que dans les années 1960 que le suffrage devient réellement universel, à la suite de deux réformes électorales. La première, en 1952, avait rendu l'inscription sur les listes électorales et le vote obligatoires, multipliant par deux le nombre d'électeurs4. La seconde, en 1964, supprime la clause qui excluait les analphabètes du corps électoral. Mais la conception oligarchique de la vie politique reste très tenace.

Le fonctionnement du pouvoir n'arrange rien. Il laisse un rôle capital aux partis du centre dans un jeu fait de subtiles négociations entre réseaux de notables, qui consiste à tenir le plus possible les électeurs à distance. Sa plus parfaite illustration est son mode d'élection présidentielle au scrutin à un tour : si personne n'obtient la majorité, ce sont les sénateurs qui décident.

Ce modèle oligarchique est également lié à une représentation très hiérarchique de l'ordre social : les élites foncières, industrielles ou commerçantes, tout comme les classes moyennes, vivent dans un monde hermétiquement coupé des prolétaires urbains, migrants ruraux - majoritairement regroupés dans des zones d'habitat précaire, les poblaciones -, mineurs ou petits paysans. L'expression qui a longtemps désigné ces classes populaires, los rotos (« les déguenillés »), dit bien ce qu'était leur statut.

Parallèlement, pour beaucoup de partisans de la gauche, des communistes aux socialistes en passant par les guevaristes du MIR, la démocratie reste perçue comme le voile des intérêts de la bourgeoisie. Sa seule valeur est de permettre quelques avancées sociales et une consolidation progressive des partis et des organisations de masse devant, à terme, créer un nouveau type d'État porté par les classes populaires. En un mot, le Chili a un rapport très « instrumental » à la démocratie.

ALLENDE, UN PRÉSIDENT SANS MAJORITÉ

Créée en 1969, l'Unité populaire (UP) est une alliance des partis de gauche soutenue par les syndicats. Elle rassemble le Parti communiste, le Parti socialiste, le Mouvement d'action populaire unitaire (dissident de gauche de la DC), le Parti radical et, enfin, deux petits partis de centre gauche (le Parti social-démocrate et l'Action populaire indépendante). C'est elle qui porte Salvador Allende au pouvoir le 3 novembre 1970.

Le mode de scrutin uninominal à un tour ne permet à aucun candidat de l'emporter : Allende obtient 36,3 % des voix, Alessandri, le candidat de la droite, 34,9 % et Tomic, celui de la DC, 27,8 %. Comme le prévoit la Constitution, c'est aux sénateurs de désigner le président. Après avoir demandé à la gauche de voter avec eux un amendement à la Constitution stipulant que les gouvernements devraient respecter le pluralisme politique, les libertés syndicales, d'enseignement, de la presse et l'indépendance de l'université et des forces armées, les sénateurs démocrates-chrétiens joignent leurs voix à celles de la gauche pour élire Allende.

C'est dans ce contexte que les États-Unis tentent de fomenter un putsch pour empêcher l'entrée en fonction d'Allende. Devant le refus du haut commandement militaire de se prêter à cette manoeuvre, un petit groupe d'extrême droite tente d'enlever le commandant en chef des forces armées, le général Schneider. L'opération tourne au fiasco (le général est blessé à mort) et donne plutôt un surcroît de légitimité à l'élection. Mais l'idée est là : un coup d'État peut avoir l'approbation des États-Unis.

Pendant les trois années que va durer son gouvernement, Allende, ses partisans au sein du PS et ses alliés communistes ont toujours eu le souci le plus strict de respecter le cadre légal de la démocratie formelle. Les élections intermédiaires se déroulent sans truquage et le pluralisme est de règle. Aux élections municipales d'avril 1971, l'UP obtient 49,8 % des suffrages. La progression est notable, mais le raz de marée attendu ne s'est pas produit et la déception est grande.

Et puis, Allende et ses alliés, portés par une « majorité morale », accordent beaucoup moins d'attention à « l'esprit de conciliation » qui avait régné au cours des précédentes décennies. Si certaines grandes réformes - comme la nationalisation du cuivre - sont votées à l'unanimité ou après de dures négociations au Parlement, d'autres - comme les hausses de salaires, la nationalisation des charbonnages, de la sidérurgie, d'une partie du secteur des transports et des banques - se font grâce à un système d'ordonnances présidentielles institué dans les années 1930.

Allende est dans une position de plus en plus précaire. D'autant que, de leur côté, les parlementaires de la droite et une partie de ceux de la DC ne se contentent plus de tenter de limiter l'action du gouvernement, mais veulent bel et bien la paralyser. Ils recourent tantôt aux astuces du jeu parlementaire, tantôt aux tribunaux.

Très vite, ces conflits donnent lieu à des démonstrations de force pour ou contre la politique gouvernementale. Dans le sud du pays, les débats sur l'accélération de la réforme agraire se déroulent avec pour toile de fond les mobilisations paysannes (appuyées par le MIR) auxquelles font face les propriétaires expropriés soutenus par les militants d'extrême droite Patria y libertad (« Patrie et liberté »).

Les difficultés économiques n'arrangent rien. La première année, la politique de consommation relance la croissance. Mais elle a des conséquences dramatiques dès la fin de l'année 1971 : inflation ; hausse des prix ; pénurie de biens de consommation courante tels l'huile, la viande, le sucre, le savon ; développement d'un marché noir ; détérioration de la balance commerciale ; insolvabilité croissante du pays sur les marchés internationaux. Cette situation d'inflation et de pénurie ne tient pas seulement aux erreurs de gestion de l'UP. Elle trouve aussi son origine dans la baisse considérable des cours du cuivre sur les marchés internationaux, dans les appels au boycottage du Chili lancés par les États-Unis, et dans la stratégie de sabotage économique de toute une partie de la classe entrepreneuriale chilienne. Certains cessent d'investir tandis que d'autres spéculent sur les pénuries de certains biens de consommation.

LA GAUCHE DIVISÉE

La grève des camionneurs d'octobre 1972 marque le point d'inflexion de cette stratégie de l'obstruction de la droite. L'objectif du Parti national est de provoquer la chute d'Allende par tous les moyens. Or, dans un pays long d'environ 4 300 kilomètres du nord au sud et large de seulement 180 kilomètres en moyenne, l'obstruction de « la » route paralyse totalement le pays. Le Parti national rallie à sa politique des classes moyennes de plus en plus inquiètes. En quelques semaines, ce sont les commerçants et les médecins qui se mettent en grève. Quant aux transporteurs, radicalisés par les mesures de réquisition lancées par le gouvernement, ils peuvent d'autant plus jouer la carte du maximalisme - la grève dure trois semaines - qu'ils bénéficient d'un appui financier occulte des services secrets états-uniens. Un peu partout, on assiste à une montée des violences. Ce sont d'abord des manifestations de femmes brandissant des casseroles vides, puis des affrontements de rue à Santiago, des attaques de domiciles de ministres par l'extrême droite ou l'assassinat d'un sous-officier de carabiniers à Concepcion. Les tensions sont exacerbées par la visite de Fidel Castro, dont la prolongation, à l'initiative de ce dernier, est vécue comme une provocation par la droite.

En novembre 1972, Allende constitue un nouveau gouvernement avec des ministres issus de l'armée, dont le commandant en chef, le général Carlos Prats, devient ministre de l'Intérieur. Cela permet de mettre fin à la grève qui immobilise le pays. Mais l'UP ne cesse de perdre du terrain face à la DC et au Parti national. Alors que ceux-ci s'unissent pour donner un caractère plébiscitaire aux élections législatives de mars 1973, la gauche voit les divisions en son sein aller crescendo.

La volonté d'Allende et des communistes d'arriver à un accord avec la DC sur la question des nationalisations est battue en brèche par Carlos Altamirano, le secrétaire du PS, les militants du Mouvement d'action populaire unitaire (le Mapu, formé de chrétiens radicaux) et ceux du MIR. Un peu partout, militants et sympathisants d'extrême gauche forment des coordinations, « cordons communaux » ou « cordons industriels », afin de pousser le gouvernement non seulement à résister aux pressions de la droite mais à « avancer sans transiger ».

Ces divisions entravent les tentatives de conciliation d'Allende. Surtout, elles minent son autorité aux yeux des démocrates-chrétiens et des militaires. Pis, elles accréditent l'idée, des deux côtés, que seule une solution de force permettrait de sortir de la situation de crise politique et économique.

UN PUTSCH INÉVITABLE ?

Le résultat des élections législatives de mars 1973 accentue encore les tensions. La gauche obtient 43,9 % des suffrages, soit 6 points de moins que lors des municipales de 1971. Ce résultat ne permet pas à la DC, toujours hésitante, de s'allier clairement à la droite et d'obtenir la majorité des deux tiers nécessaire à la destitution légale d'Allende par le Congrès.

Dès lors, la droite, qui n'avait pas désarmé, travaille à rallier à ses vues putschistes la DC et les secteurs populaires, mais aussi les forces armées, puis, progressivement, la majorité de la société, qui aspire à l'ordre.

En avril 1973, les mineurs d'El Teniente, l'une des plus grandes mines de cuivre, au nord du pays, se lancent dans une grève, pour réclamer des hausses de salaires, qui va durer 78 jours. Ils sont accueillis en héros par les étudiants en droit de l'Université catholique de Santiago. Pour la première fois, la droite parvient à faire alliance avec les secteurs ouvriers contre l'UP. Le 29 juin, le plus important des régiments de blindés de Santiago se mutine sans que les autres régiments le suivent. Ce putsch n'échoue pas seulement parce que le général Prats prend la direction de la contre-offensive, mais parce que, comme il l'écrivit dans ses Mémoires, « les conspirateurs les plus importants préférèrent attendre une autre opportunité » !

Le putsch raté révèle aussi l'incapacité de la gauche à faire face à un tel coup de force autrement qu'en s'appuyant sur des forces armées. Or l'armée est devenue un corps délibérant : de plus en plus d'officiers supérieurs complotent ouvertement, qui avec les membres du groupuscule d'extrême droite Patria y libertad, qui avec le Parti national, qui avec la DC. Prats est soucieux d'éviter une crise au sein des armées, mais il est accusé par ses pairs « d'entraîner l'armée à un compromis avec le marxisme ». Le 23 août 1973, au lendemain d'une manifestation humiliante, devant son domicile, de femmes d'officiers qui l'insultent publiquement, il remet sa démission à Salvador Allende, qui le remplace par Augusto Pinochet. Les membres des armées ont tout lieu de se ranger aux plans des conspirateurs. Après un ultime échec des pourparlers entre le président et la DC qui exige la mise en place d'un nouveau gouvernement où tous les postes clés seraient confiés à des militaires, les parlementaires déclarent « l'illégalité du gouvernement ».

Le 11 septembre, alors qu'Allende s'apprête à appeler les Chiliens à un plébiscite pour mettre fin à la crise qui rend le pays ingouvernable, les putschistes, qui ont rallié quelques jours plus tôt Pinochet à leur projet, décident de prendre le pouvoir. Les politiciens de la DC et de la droite, qui avaient pensé que les militaires, après une brève remise en ordre, se retireraient de la scène politique et les chargeraient de réorganiser des élections, attendront 1989 pour pouvoir retrouver un vrai rôle politique.

Quarante ans après sa fin tragique, et au nom des espérances qu'elle a légitimement suscitées, l'expérience Allende invite à penser à frais nouveaux les utopies de la gauche latino-américaine de l'époque. Comment prendre au sérieux la volonté de « construire le socialisme » en ayant la volonté, comme y invitait Salvador Allende, de défendre « la démocratie, le pluralisme et la liberté » ? Comment conjuguer les idées nullement incompatibles de liberté et d'égalité ? Allende et ses proches eurent ce projet, tout en s'aveuglant sur la force de leur « majorité morale » et les logiques bureaucratiques. Les maximalistes du PS, du Mapu et du MIR n'eurent pratiquement jamais ces visées, sauf en fonction d'intérêts tactiques à très court terme. Si leurs outrances et leurs démonstrations de force ne peuvent d'aucune façon constituer une justification en faveur du putsch militaire, il convient aussi de s'interroger sur la nature et les conséquences de leurs aveuglements sur la question de la démocratie.

Mots clés :

Vingtième siècle

Chili

Coup d’État

Allende (Salvador)

1. Le père de l'ancienne présidente du Chili, de 2006 à 2010, Michelle Bachelet.

2. « Bando n° 5 » reproduit dans M. A., R. et C. Garreton Merino, Por la fuerza sin la razon, Santiago du Chili, LOM Ediciones, 1998, pp. 59-61.

3. M. A. Garreton, El proceso politico chileno, Santiago du Chili, Flacso, 1983 ; M. A. Garreton, T. Moulian, La Unidad popular y el conflicto politico en Chile, Santiago du Chili, Ediciones Chile América & LOM Ediciones, 1993 ; T. Moulian, Anatomia de un mito, Santiago du Chili, LOM Ediciones, 2002, p. 151.

4. Cf. T. Moulian, Fracturas, Santiago du Chili, LOM Ediciones, 2006, p. 207.

Dans le texte

LE DERNIER DISCOURS D'ALLENDE

«Compatriotes, ce sera sûrement la dernière occasion de m'adresser à vous. [...] Mes paroles ne seront pas celles de l'amertume, seulement celles de la déception, elles seront celles du châtiment moral pour ceux qui ont trahi leur serment : les soldats chiliens, les commandants en chef [...]. Il ne me reste plus qu'à dire aux travailleurs : je ne vais pas démissionner. Placé dans un moment historique, je paierai de ma vie la loyauté du peuple [...]. Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier de la loyauté que vous m'avez toujours manifestée, de la confiance dont vous avez investi un homme qui fut seulement l'interprète des grandes aspirations de justice, qui engagea sa parole à respecter la Constitution et la loi. [...] Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vivent les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles. Et j'ai la certitude que mon sacrifice ne sera pas inutile. J'ai au moins la certitude qu'il restera comme une leçon de morale et le châtiment de la félonie, de la lâcheté et de la trahison. »

G. Dupoy, La Chute d'Allende, Robert Laffont, 1983, pp. 289-290.

Chronologie

1925

Une Constitution présidentialiste institue pour la première fois des droits sociaux et promulgue la séparation de l'Église et de l'État.

1927-1931

Dictature du colonel Ibanez qui prend fin avec le rétablissement d'un régime démocratique.

1933

Allende participe à la fondation du Parti socialiste.

1939

Allende est ministre de la Santé dans le gouvernement du Front populaire.

1948

Le Parti communiste chilien est interdit pour dix ans.

1964

Le démocrate-chrétien Eduardo Frei Montalva est élu à la présidence sur la base d'un programme de « Révolution dans la liberté ».

1969, octobre

Mutinerie d'officiers proches de l'extrême droite.

1970

Élection de Salvador Allende à la présidence de la République et formation, le 3 novembre, du premier gouvernement de l'Unité populaire (UP).

1971

Nationalisation des mines de cuivre. Les États-Unis coupent divers crédits au Chili. Le 10 novembre, Fidel Castro débute une visite officielle au Chili.

1972

Le 11 octobre, début de la grève des camionneurs. Le 2 novembre, un nouveau gouvernement est formé, avec des ministres issus de l'armée, parmi lesquels le général Prats.

1973

Le 4 mars, l'UP obtient 43,9 % des voix aux élections législatives. Les tensions montent au Chili. En août, Allende nomme Pinochet commandant en chef des forces armées. Le 11 septembre, le gouvernement est renversé par un putsch, Allende se suicide.

Singulier Chili

Étroite bande de terre coincée entre le Pacifique et la cordillère des Andes, le Chili s'étend sur plus de 4 300 kilomètres du cap Horn au Pérou. Sa largeur moyenne est de seulement 180 kilomètres. Cette topographie particulière explique que les camionneurs en grève contre le gouvernement d'Allende en octobre 1972 aient réussi à paralyser le pays en bloquant la route panaméricaine, principal axe de circulation. S'il est en plein essor démographique et en voie d'urbanisation rapide (la capitale, Santiago, rassemble un tiers de la population), le Chili de 1973 est cependant un pays dont l'agriculture est en crise. Le cuivre reste sa principale richesse et constitue l'essentiel de ses exportations.

Mots clés

Junte

Le terme, emprunté à l'espagnol junta, désigne à l'origine tout conseil, ou assemblée, administratif ou politique en Espagne, au Portugal ou en Amérique latine. En français, le terme a pris dans la deuxième moitié du XXe siècle une connotation négative pour devenir quasiment synonyme de « gouvernement militaire dictatorial ou ayant pris le pouvoir par coup d'État ».

MIR

(Pour une révolution radicale) Inspiré par la geste de la révolution cubaine dont il se revendique explicitement, le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) est fondé en 1965 par des étudiants marxistes et anarchistes. Il multiplie ses actions militantes en appuyant les occupations de terrains ou d'immeubles par les habitants des bidonvilles urbains ainsi que celles réalisées par des paysans sans terre, notamment mapuches dans le sud du pays. Il apporte néanmoins son appui critique à l'UP en mettant nombre de ses militants à la disposition de Salvador Allende, notamment pour constituer son groupe de protection.

Les grandes réformes d'Allende

Le programme de l'UP vise à mettre un terme à la domination du capital national et étranger, ainsi qu'à celle de l'oligarchie financière, et à « commencer à construire le socialisme ».

Les principales mesures économiques sont :

- Nationalisation du cuivre.

- Expropriation et contrôle de près de 300 entreprises en situation de monopole (charbonnages, sidérurgie, transports et banques), qui devaient servir de base à la constitution d'une aire de propriété sociale.

- Poursuite de la réforme agraire engagée sous Frei (expropriation de 3 000 grands domaines estimés mal exploités pour les redistribuer à des paysans groupés en coopératives).

- Très fortes hausses des bas salaires, par souci d'équité et pour relancer l'économie par une augmentation de la consommation des classes populaires.

- Ambitieux programme de santé publique, de logement et d'éducation, en faveur des classes populaires, ouverture de dispensaires, d'écoles primaires dans les quartiers défavorisés, distribution de fournitures scolaires.

- Établissement de relations diplomatiques avec les pays du bloc socialiste.

Dans le texte

LE DERNIER DISCOURS D'ALLENDE

«Compatriotes, ce sera sûrement la dernière occasion de m'adresser à vous. [...] Mes paroles ne seront pas celles de l'amertume, seulement celles de la déception, elles seront celles du châtiment moral pour ceux qui ont trahi leur serment : les soldats chiliens, les commandants en chef [...]. Il ne me reste plus qu'à dire aux travailleurs : je ne vais pas démissionner. Placé dans un moment historique, je paierai de ma vie la loyauté du peuple [...]. Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier de la loyauté que vous m'avez toujours manifestée, de la confiance dont vous avez investi un homme qui fut seulement l'interprète des grandes aspirations de justice, qui engagea sa parole à respecter la Constitution et la loi. [...] Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vivent les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles. Et j'ai la certitude que mon sacrifice ne sera pas inutile. J'ai au moins la certitude qu'il restera comme une leçon de morale et le châtiment de la félonie, de la lâcheté et de la trahison. »

G. Dupoy, La Chute d'Allende, Robert Laffont, 1983, pp. 289-290.

Le putsch heure par heure

5 h 45

Déclenchement de l'« opération Silence » par les services de renseignements de la marine dans la province de Valparaiso. Neutralisation des téléphones, télégraphes et radios. Occupation de l'université, des usines et des poblaciones (bidonvilles). A 6 h 45 la province est sous le contrôle des marins.

6 h 20

Allende est averti du début de l'opération et cherche, sans succès, à entrer en contact avec les putschistes. Le général des carabiniers lui promet de renforcer les effectifs autour de la Moneda.

6 h 45-7 heures

Les troupes putschistes et les 89 officiers dans la confidence commencent à prendre le contrôle des radios, des points d'approvisionnement en eau et en électricité de Santiago.

7 h 40

Allende arrive à la Moneda. Réunion avec le général Sepulveda.

7 h 55

Allende s'adresse à la nation et appelle les travailleurs à rejoindre leur poste de travail. Il annonce son intention de « défendre le gouvernement qui représente la volonté du peuple ». Le président apprend qu'un avion est à sa disposition, mais refuse de fuir. Entre-temps, les militaires sont devenus maîtres des principales villes et installations industrielles du pays.

8 h 15

Nouvel appel radiophonique d'Allende à la résistance.

8 h 30

Radio Agricultura (aux mains des militaires) annonce que « le président de la République doit remettre immédiatement sa charge entre les mains des forces armées ». A 8 h 45, Allende leur répond, à la radio : « Non je ne remettrai pas le pouvoir ; parce que le peuple est avec moi. »

8 h 55

Les carabiniers abandonnent la Moneda.

9 h 3

Quatrième message radio d'Allende. La junte lui demande de se rendre sans quoi la Moneda sera bombardée.

9 h 10

Cinquième allocution d'Allende. Début du mitraillage de la Moneda par les tanks. Les militaires s'affrontent durement aux membres de la garde présidentielle. Tentative de résistance dans différentes poblaciones ou l'armée doit recevoir un appui aérien pour progresser.

9 h 30

L'amiral de la junte téléphone à Allende pour lui demander de se « rendre et de remettre sa démission pour éviter une effusion de sang » et le somme de quitter le pays avec sa famille. Nouveau refus d'Allende. Les dirigeants de l'UP décident que toute résistance est impossible. Prise de position de quatre blindés devant la Moneda.

11 h 50

Début du bombardement aérien de la Moneda. La chasse fera sept passages successifs et cessera ses attaques à 12 h 13.

13 h 15

Départ de la Moneda d'un groupe de porte-parole du président chargés d'organiser une reddition.

14 heures

Reprise des tirs de l'armée sur le palais. Les partisans d'Allende arborent un drapeau blanc et se préparent à se rendre. Allende leur dit qu'il va les suivre et se suicide d'un coup de pistolet-mitrailleur.


La dictature de Pinochet

Alfredo Riquelme Segovia dans mensuel 391

daté septembre 2013 -

« Nationale-mondialiste » : la dictature instaurée au Chili par le général Pinochet entre 1973 et 1990 marie régime répressif et politique économique ultralibérale.

Entre le matin du mardi 11 septembre 1973, moment où les forces armées commandées par le général Pinochet entrent en action, et la suspension, le jeudi 13 à midi, du couvre-feu permanent instauré par la junte militaire dans la soirée qui suivit le coup d'État, le Chili a subi une métamorphose aussi rapide que brutale.

Le coup d'État s'est caractérisé par sa violence et sa radicalité à l'égard non seulement de ceux qui ont été définis comme des ennemis - et soumis d'emblée à une répression multiforme et sans limites -, mais aussi des institutions démocratiques et de l'État de droit, qui ont été démantelés avec la même rapidité que la prise de contrôle du pays par le nouveau pouvoir.

UNE SOCIÉTÉ MISE AU PAS

L'installation du régime militaire implique de facto l'expulsion des représentants des citoyens des institutions de l'État. Elle se traduit par la dissolution du Congrès, la destruction par le feu des registres électoraux, l'interdiction des partis politiques, le contrôle des médias et la suppression de l'autonomie des organismes relevant de la société civile. Le gouvernement va jusqu'à remplacer les recteurs de toutes les universités (nationales, catholiques et privées) par des généraux ou des amiraux.

Dans le même temps, les libertés et les droits des personnes font l'objet de sévères restrictions. Un couvre-feu est imposé. Il est maintenu jusqu'en mars 1978 dans plusieurs villes, dont Santiago. Il subsiste ensuite pour les déplacements automobiles nocturnes, et est ponctuellement réinstauré pour les piétons entre 1983 et 1986. Par ailleurs, la publication et l'importation de livres sont soumises à une censure d'État préalable, qui n'est levée qu'en 1983.

En vertu d'un fictif état de guerre, la junte s'octroie les prérogatives et les attributions de l'exécutif, du législatif et du constituant. Plus, l'état de siège est proclamé sur l'ensemble du territoire national : cela permet l'application du code de justice militaire. Au sein de la junte, cette formidable concentration de pouvoirs est déposée entre les mains du général Pinochet.

Les partis de gauche sont dissous, et ceux qui, dans la clandestinité, tentent de les reconstituer sont impitoyablement poursuivis avec une cruauté sans bornes. Immédiatement après le coup d'État, le régime crée une police politique militarisée, la Direction de l'intelligence nationale (Dina), institutionnalisée en 1974 par un décret de la junte contenant un ensemble de dispositions secrètes qui la place sous la direction de Pinochet et l'habilite à accomplir des exécutions clandestines. En août 1977, la Dina est rebaptisée Centrale nationale d'information (CNI), appellation qu'elle conservera jusqu'à la fin de la dictature en mars 1990.

La terreur d'État a été déployée comme un projet systématique visant à détruire tout un mode de vie politique et social-démocrate, enraciné dans une histoire vieille de plusieurs décennies, en vue d'instaurer un ordre autoritaire et hiérarchique, reposant sur la peur et la fragmentation1. Exemptée de toute réserve d'ordre moral, la Dina arrête, torture, assassine et fait disparaître, entre 1974 et 1976, des centaines de dirigeants et de militants clandestins du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste (PC), ainsi que des personnalités en exil. Elle cible successivement les leaders Miguel Enriquez (MIR), abattu en octobre 1974, et Carlos Lorca (PS), disparu en juin 1975, ainsi que Victor Diaz et Fernando Ortiz (PC), disparus en mai et décembre 1976. A l'étranger, l'ancien commandant en chef de l'armée chilienne Carlos Prats est assassiné en septembre 1974 à Buenos Aires, de même que l'ex-ministre socialiste Orlando Letelier, assassiné à Washington en septembre 1976. En octobre 1975, c'est l'ex-ministre démocrate-chrétien Bernardo Leighton qui est grièvement blessé dans un attentat de la Dina. Celle-ci qui joue aussi un rôle central dans l'opération Condor, organisation entre les différentes dictatures d'Amérique latine qui vise à exterminer les militants de gauche au-delà des frontières nationales (cf. p. 55).

A la fin du régime militaire, le bilan humain est lourd : sur les 10 millions d'habitants que comptait le pays en 1973, plus de 3 200 ont été tués ou sont portés disparus et plus de 35 000 ont été torturés lors de leur détention par la police ou l'armée ; 200 000 Chiliens, soit 2 % de la population, ont pris les chemins de l'exil pour échapper aux conséquences du coup d'État2, sans compter un nombre plus élevé encore d'« exilés de l'intérieur »3.

TERREUR POLITIQUE, LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE

L'usage de la terreur s'est fondé sur une idéologie de la sécurité nationale aussi radicalement anticommuniste qu'opposée au libéralisme démocratique. Elle s'est combinée de façon progressive avec une forme de néolibéralisme économique extrême. Telle qu'elle apparaît dans le discours et les pratiques du régime Pinochet, cette convergence entre un militarisme national fermé à tendance autoritaire et la conviction que la grandeur de la nation exige la pleine ouverture du Chili au capitalisme mondial peut être qualifiée de « national-mondialisme »4.

La très particulière dictature « nationale-mondialiste » de Pinochet, inspirée d'une conception qui fait du marché l'élément central non seulement en matière d'attribution des ressources, mais aussi d'intégration sociale, impose une mutation profonde des structures et du fonctionnement de l'économie et de la société. Le capital privé devient le rouage essentiel du processus économique. D'abord, les entreprises nationalisées par le gouvernement Allende sont restituées à leurs anciens propriétaires. Ensuite, des grandes entreprises publiques que l'État détenait depuis leur création sont privatisées, comme l'Entreprise nationale d'électricité (Endesa), fondée en 1943.

Le régime met fin au contrôle des prix et réduit progressivement les barrières douanières qui protègent la production nationale de la concurrence extérieure. Le marché des capitaux est libéralisé et les investissements étrangers sont encouragés, particulièrement dans l'industrie minière et forestière, ainsi que dans le secteur financier. Des mesures s'inscrivant dans la même logique sont adoptées en matière d'urbanisme, de transports et d'environnement. La gestion des réseaux de transports urbains est abandonnée à l'initiative privée et l'absence de régulation adaptée engendre dans le chaos une pollution toujours plus importante. Et l'hégémonie du marché renforce à Santiago toutes les formes de la ségrégation urbaine.

Pendant longtemps, les défenseurs du virage néolibéral imposé à l'économie mondiale à la fin des années 1970 ont tenté de présenter le Chili comme le fruit emblématique des vertus d'un tel modèle, en se bornant à condamner le cadre autoritaire dans lequel il avait été établi jusqu'en 1990. Mais l'analyse des réalités économiques appelle à dresser un bilan moins complaisant.

Après le traitement de choc draconien qui culmine en 1975 avec une chute de 13 % du PIB, accompagnée d'un fort chômage, le régime parvient à réduire l'inflation. En 1977, la croissance économique atteint 9,9 % et se maintient à un taux annuel d'environ 8 % jusqu'en 1980. Une nouvelle crise financière survient pourtant vers 1981, exacerbée par le manque de régulation bancaire. Elle entraîne une récession, avec une chute de 14,1 % du PIB en 1982 tandis que le taux de chômage grimpe à 20 %. En dépit du retour à une croissance moyenne d'environ 7 % entre 1986 et 1989, les lourdes conséquences sociales de la « révolution économique » continueront à se faire sentir.

D'importantes couches de la société se précarisent. En 1990, 40 % de la population vit dans la pauvreté5. Plus généralement, l'État concentre son action en faveur des populations d'une extrême pauvreté, auxquelles il continue à fournir des services de qualité minimale en matière de santé et d'éducation. Mais il transfère la gestion des fonds de pension des travailleurs à des entreprises à but lucratif et renforce la place du privé dans la santé et l'éducation. Le service public est rapidement et gravement détérioré6.

NAISSANCE D'UNE DYNAMIQUE D'OPPOSITION

La période qui suit immédiatement le coup d'État se caractérise par le bâillonnement de la gauche, une forte pression exercée sur le Parti démocrate-chrétien centriste pour qu'il se soumette au pouvoir militaire, l'asservissement des médias et la mise au pas de la population. La presse de gauche est interdite et les journalistes critiques du régime sont bâillonnés ; la télévision est accaparée par l'État. Les dissidents, qui parviennent à se glisser dans les interstices de la légalité, sont également l'objet d'une surveillance rigoureuse.

L'Église catholique, dirigée par le cardinal Raul Silva Enriquez, est finalement la seule institution qui réussit à conserver une marge d'autonomie et assez de pouvoir pour ne pas être totalement vassalisée et jouer un rôle de premier ordre dans la défense des droits de l'homme. Elle construit rapidement un solide réseau de solidarité pour porter secours aux victimes de la junte, tout en s'efforçant de maintenir des relations normales avec le régime : il existe aussi des partisans de Pinochet au sein du clergé et l'Église devient rapidement « suspecte » de sympathies gauchistes aux yeux des militaires.

Cinq ans après le coup d'État cependant, et malgré la répression, il est clair que les partis politiques proscrits - principalement le Parti communiste et le Parti démocrate-chrétien dissous en 1977 après avoir rejoint l'opposition - restent toujours actifs à l'intérieur du pays. Le PC a particulièrement été persécuté : ainsi, en 1976, tandis que Pinochet négocie avec l'URSS par l'intermédiaire des États-Unis l'échange du secrétaire général communiste Luis Corvalan contre un dissident soviétique, la Dina capture et extermine deux directions clandestines du Parti commandées par Victor Diaz et Fernando Ortiz. Mais les opposants parviennent à rétablir leur influence et à retrouver une capacité à diriger des mouvements sociaux, comme le mouvement syndical et le mouvement estudiantin. Parallèlement, les relations entre les partis d'opposition connaissent d'importants changements après la division du PS et la dissolution de l'Unité populaire comme alliance politique en 1979, renforcés un an plus tard par l'appel du PC à engager le combat sous toutes les formes, y compris la lutte armée, pour abattre la dictature. Avec le début de ce que l'on a appelé la « rénovation socialiste », on commence à entrevoir une certaine convergence entre socialistes et démocrates-chrétiens.

Cette dynamique d'opposition, soutenue par un vaste réseau de solidarité internationale particulièrement actif dans les États où se sont concentrés les exilés chiliens - France, Suède, Italie et Espagne en Europe occidentale, RDA et Union soviétique en Europe de l'Est, Mexique, Venezuela et Cuba en Amérique latine -, n'a cependant pas suffi à empêcher la profonde transformation économique et sociale du pays, imposée par le régime et ses économistes néolibéraux, disciples de Milton Friedman, surnommés « Chicago boys ». La majorité de ce petit groupe de technocrates a en effet souvent obtenu un doctorat en sciences économiques à l'université de Chicago. Au début des années 1980, le pouvoir absolu de Pinochet paraît intouchable, tout comme le soutien accordé par les organismes financiers mondiaux à sa politique.

La coalition au pouvoir, formée par des chefs militaires subordonnés au dictateur, une élite entrepreneuriale et des technocrates associés à son gouvernement, décide d'institutionnaliser la gouvernance du général Pinochet jusqu'à la fin du XXe siècle. Son but est d'établir un régime de démocratie restreinte sous tutelle militaire pérenne, afin de protéger le modèle économique imposé et de conforter, de façon durable, la domination des entreprises, des acteurs financiers et des bureaucraties issus de la dictature7.

LA LUTTE POUR LA DÉMOCRATIE

A cette fin, Pinochet impose en 1980 une Constitution qui prolonge son mandat jusqu'en 1988, avec l'espoir qu'un nouveau plébiscite le reconduirait au pouvoir pour huit ans supplémentaires. Malgré cela, dans le contexte de crise économique de la première moitié des années 1980, l'opposition réussit à transgresser les sévères restrictions de parole imposées depuis dix ans et jette les bases d'une longue confrontation politique et sociale.

Entre mai 1983 (date de la première manifestation de masse contre la dictature) et septembre 1986 (date de la tentative ratée d'assassinat de Pinochet par une unité combattante du Front patriotique Manuel Rodriguez, le FPMR, une organisation politico-militaire créée par le PC fin 1983), le pays vit une période de lutte intense. Une partie importante de la société chilienne recourt à toutes les formes possibles de mobilisation pour abattre le régime. La plupart des manifestants défilent sans armes, bien qu'ils se heurtent à la répression de la police anti-émeute (les carabineros) et même parfois à l'armée. Celle-ci intervient notamment en 1983 pour contenir des manifestants qui menacent, pour la quatrième fois en un mois, la stabilité du régime : 18 000 soldats en tenue de combat sont alors déployés à Santiago par Pinochet. En l'espace de 24 heures, près de 30 personnes tombent sous les balles des militaires ; les manifestants, eux, répliquent avec des pierres et des cocktails Molotov. Outre ces impressionnants combats, la véritable lutte armée reste l'apanage des groupes communistes politico-militaires, rassemblés autour du FPMR et quelques autres factions isolées. Quant à ceux qui soutiennent le régime, ils s'appuient sur l'immense pouvoir de coercition de l'appareil d'État et le contrôle écrasant dont ils disposent sur les médias.

La société chilienne a connu, pendant ces trois années, des divisions au moins aussi vives que durant les trois années où Allende dirigea le pays. Malgré la violence déployée par l'État dans le cadre d'une répression multiforme (massive ou ciblée, légale ou clandestine), les digues imposées à l'action politique commencent à rompre.

Les forces d'opposition partagent un objectif commun : abattre la dictature. Mais elles divergent sur les stratégies à privilégier pour ouvrir le chemin vers la démocratie. La démocratie chrétienne penche pour une mobilisation pacifique et des négociations avec le pouvoir en place. Les socialistes dits « rénovés », en accord avec d'autres formations de gauche, pensent qu'une mobilisation permanente peut provoquer à elle seule une crise de régime. D'autres socialistes, en accord avec le PC et d'autres formations plus à gauche, préconisent l'action armée.

Pour tenir, la coalition au pouvoir s'organise en associations. Les partis qui en sont issus, l'Union démocrate indépendante (UDI) et l'Union nationale (rebaptisée postérieurement Rénovation nationale), constitués en 1983 sous l'égide du gouvernement, sont, encore aujourd'hui, les principales formations de la droite chilienne.

En l'espace de quatre ans, quelques centaines d'opposants ont perdu la vie, et l'on compte davantage encore de prisonniers et de victimes de la torture. De plus, l'opinion internationale est chaque jour plus préoccupée par l'instabilité et la violence au Chili. Finalement, le coûteux « match nul » qui, de 1983 à 1987, a opposé les forces socialo-idéalistes aux partisans du régime militaro-matérialiste au pouvoir trouve son dénouement dans le plébiscite d'octobre 1988. Le référendum organisé par le pouvoir vise à faire approuver le renouvellement du mandat de Pinochet à la tête de l'État. Mais il est rejeté à 56 %.

L'année suivante, en 1989, la dictature et la majorité de l'opposition finissent par se mettre d'accord sur un projet de réforme partielle de la Constitution de 1980 dans un sens démocratique8. Puis, en 1990, un gouvernement civil est rétabli avec l'entrée en fonction du démocrate-chrétien Patricio Aylwin, démocratiquement élu. Toutefois, la modification de la Constitution de 1980 maintient un ensemble d'institutions et d'acteurs hérités du régime précédent, désignés sous le nom d'« enclaves autoritaires », et ce jusqu'en 2005 (c'est ainsi que Pinochet a pu conserver le commandement en chef de l'armée de terre jusqu'en 1998).

Et les normes imposées en 1980, qui verrouillent constitutionnellement l'ordre économique néolibéral instauré sous la dictature nationale-mondialiste, conservent encore toute leur actualité grâce au système électoral et aux mécanismes contre-majoritaires mis en place lors de la réforme, qui, dans la pratique, ont octroyé un droit de veto aux partis de droite héritiers du régime Pinochet. La voie vers le progrès social et démocratique, parallèlement à la croissance économique, reste donc encore aujourd'hui longue et étroite9.

(Texte traduit de l'espagnol par Michel Sarre.)

Mots clés :

Chili

Anticommunisme

Coup d’État

Dictature

Répression

Pinochet (Augusto)

1. Cf. S. Stern, Recordando el Chile de Pinochet en visperas de Londres, 1998, Santiago, UDP, 2009, pp. 24 et 202-205.

2. On parle parfois de 500 000, voire de 1 million d'exilés : ces chiffres prennent en fait en compte l'ensemble des Chiliens vivant à l'étranger pendant la dictature. Or une partie d'entre eux avaient déjà quitté le Chili avant 1973 ou l'ont quitté pour des motifs divers, essentiellement économiques.

3. Sur les violations des droits de l'homme durant la dictature, voir le rapport de la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation de 1991, disponible sur ddhh.gov.cl/ddhh_rettig.html et le rapport de 1996 sur ddhh.gov.cl/informes_cnrr.html et celui de 2004 sur la torture politique sur bcn.cl/bibliodigital/dhisto/lfs/Informe.pdf

4. Cf. A. Riquelme Segovia, Rojo atardecer, Santiago de Chile, Centro Barros Arana, 2009, p. 21.

5. Cf. O. Compagnon, « La prise du pouvoir par Pinochet », L'Histoire n° 279, pp. 77-83.

6. Cf. M. Garate Chateau, La Revolución capitalista de Chile, 1973-2003, Santiago de Chile, Universidad Alberto Hurtado, 2012.

7. Cf. C. Huneeus, El régimen de Pinochet, Santiago, Sudamericana, 2000.

8. Cf. P. Constable, A. Valenzuela, A Nation of Ennemies: Chili under Pinochet, New York, W. W. Norton, 1991.

9. Cf. P. R. Tagle, La Republica en Chile, Santiago, LOM Ediciones, 2006 et C. Fuentes, El pacto, Santiago, UDP, 2012.

Opération Condor

Ou l'alliance des dictatures contre le communisme.

C'est en 1992 que, dans un commissariat de la banlieue d'Asuncion au Paraguay, sont découvertes des archives du général et dictateur paraguayen Stroessner ; elles révèlent l'existence de l'« opération Condor », un pacte militaire établi en novembre 1975 entre les services spéciaux de cinq dictatures militaires sud-américaines (la Bolivie, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Chili) et l'Argentine qui devient une dictature en mars 1976.

En toile de fond idéologique, la « doctrine de la sécurité nationale » édictée par les États-Unis, d'abord mise en oeuvre au Brésil, et qui est en passe de devenir une réalité continentale : la sécurité de la nation dans un contexte de guerre froide passe par l'élimination de la « subversion interne » - généralement le communisme - et le renforcement d'un pouvoir militaire qui intervient désormais massivement dans la vie politique.

L'opération naît à l'initiative de Manuel Contreras, chef de la Dina chilienne. Menée dans le plus grand secret, elle prend la forme d'une campagne d'assassinats et d'actions conjointes antiguérilla, dirigées non seulement contre les communistes, mais aussi contre toute personne considérée comme « subversive ». Les « disparitions forcées » se multiplient. Le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) chilien en particulier est lourdement frappé. Dans sa « phase 3 », l'opération comprend même l'élimination d'opposants hors du sous-continent sud-américain. Mais cette forme d'action prend fin quand les États-Unis de Carter cessent de la tolérer, suite à l'assassinat, le 21 septembre 1976, de l'ancien ministre des Affaires étrangères du Chili Orlando Letelier, à Washington.

Les actions cessent définitivement dans les années 1980 avec le retour de régimes démocratiques dans la région. Les victimes, dont le nombre est très difficile à évaluer, se comptent par milliers.

Chronologie

LES ANNÉES DE PLOMB

1973

Dans les jours qui suivent le putsch, l'état de siège et l'état d'urgence sont instaurés ; le Parlement est dissous et les libertés syndicales suspendues. En octobre, un commando, la « Caravane de la mort », sévit dans le nord du pays.

1974

En juin, création officielle de la police politique (Dina). En septembre, Carlos Prats, l'ancien commandant en chef de l'armée chilienne sous Allende (et prédécesseur de Pinochet) est assassiné à Buenos Aires.

1975

En mars, Milton Friedman, maître à penser de l'école néolibérale de Chicago, se rend au Chili où sont mises en oeuvre ses théories économiques. En avril, Sergio de Castro, formé à Chicago, devient ministre de l'Économie.

1976, 21 septembre

Orlando Letelier, ancien ministre des Affaires étrangères d'Allende, est assassiné à Washington.

1978

En janvier, un plébiscite conforte le pouvoir de Pinochet.

1980

Le 11 septembre, une nouvelle Constitution est approuvée par référendum. Elle met les institutions sous tutelle de l'armée, prolonge le mandat de Pinochet et lui accorde des pouvoirs élargis.

1983, 11 mai

Première manifestation de masse contre la dictature, à l'initiative de la Confédération des travailleurs du cuivre.

1984, 4 septembre

Le prêtre ouvrier français André Jarlan est tué par balle par des carabineros dans un presbytère de Santiago.

1985

Le 30 mars sont retrouvés égorgés les communistes José Manuel Parada et Manuel Guerrero y Santiago Nattino, séquestrés par des carabineros. Le 25 août, accord national pour le rétablissement de la démocratie, des réformes constitutionnelles, économiques et sociales, signé à l'initiative du cardinal Fresno par dix partis d'opposition allant de la gauche socialiste à la droite modérée.

1986

Le Mouvement de l'union nationale, un parti autorisé par la dictature mais pour une transition vers la démocratie, signe un accord avec l'opposition. Le 2 juillet, au cours d'une grève nationale, deux jeunes sympathisants sont brûlés vifs par une patrouille de l'armée. Le 7 septembre, tentative d'assassinat de Pinochet orchestrée par le Front patriotique Manuel Rodriguez (branche armée du PC). L'état de siège est rétabli.

1987

En avril, la visite du pape Jean Paul II est l'occasion de manifestations réunissant des milliers d'opposants.

1988, 5 octobre

Un référendum sur la succession présidentielle voit la victoire du « non », avec 56 % des suffrages exprimés.

1989, décembre

Élections présidentielle et législatives. Début de la transition démocratique. Le démocrate-chrétien Patricio Aylwin, à la tête de la Concertation des partis pour la démocratie, arrive en tête.