SULLY

par Roland Niaux

(ca 1980)

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Sulliacum en 936 (A. de Charmasse, Cartulaire de l'Eglise d'Autun, I-II p. 17), Suilleyum sur un pouillé du XIVe siècle, Sauliacum, Solacum selon Courtépée, Sully s'étend sur 3184 hectares de part et d'autre de la rivière « la Drée », affluent de l'Arroux.

Ladone prétend - mais c'est le fruit de son imagination - que le général romain Silius, après sa victoire sur l'Eduen Sacrovir, bâtit en cet endroit une forteresse à laquelle il donna son nom, et qu'on y voyait de son temps un autel consacré à Bellone.

Ce qui est sûr, c'est que le nom de Sully est bien d'origine gallo-romaine. Le pays était sillonné par les grandes voies romaines qui joignaient Autun à Besançon et Autun à Beaune.

La voie d'Autun à Besançon, par Tavaux, entre sur le territoire de la commune de Sully, venant de Curgy, par Savigny-le-Jeune. Elle passe par la ferme du Mousseau et coupe le chemin actuel allant de Creusefond à Noiron, puis Rigny, au sud-est de la petite éminence du Montot. Elle forme ensuite la limite entre Sully et Saint-Léger-du-Bois sur environ cinq kilomètres. Après avoir traversé le CD 26 entre Saint-Léger et Sully et côtoyé le Bois des Vernes, elle emprunte un chemin creux bordé de grands arbres et pavé par endroits de larges dalles appelé « rue Sarrasine », qui aboutit au Moulin de Sully, sur la Drée, à travers des prairies marécageuses. Il y avait par là, autrefois, un arbre remarquable vestige sans doute de cultes païens, dont le souvenir se perpétue en un lieudit « le Chêne bénit ». Après avoir franchit la Drée, la voie romaine, dont les vestiges sont encore tout à fait visibles dans les broussailles, gagnait par une pente assez raide la Croix de Bouton. A l'endroit où elle traverse le chemin joignant Bouton au Petit Moloy, on remarque sur la lisière droite de ce dernier chemin, en venant de Bouton, une borne armoriée d'un blason en relief peu lisible, surmonté d'une couronne et entouré d'une chaîne à deux éléments. Après la croix de Bouton qui marque le sommet de la côte d'où l'on jouit d'une vue sur toute la vallée, la voie part en ligne droite vers le Nord-Est, à travers le plateau de Thury, et entre en Côte-d'Or un peu au sud d'Uchey.

Un chemin rural large et solide en a conservé le tracé. C'est peut-être sur ce plateau que se situe la bataille qui opposa les légions de Silius aux troupes de gladiateurs et d'étudiants éduens commandées par Sacrovir, en l'année 21 de notre ère, bataille qui se termina par l'écrasement total des rebelles et le suicide de leur chef. On retrouve peut-être la trace de ce combat dans la toponymie des lieux. Entre Bouton et Uchey, la voie romaine traverse un lieudit « le Pertuis de la Peur ». A l'autre extrémité du plateau, en Côte d'Or, elle pénètre dans le " Bois de Mortmont ».

La voie romaine d'Autun à Beaune, par Pontoux, quitte la précédente à Savigny-le-Jeune, avant d'entrer sur Sully. Elle se dirige vers Creusefond et suit approximativement, sur un kilomètre, le tracé de la N 73, puis du chemin joignant Creusefond à Sully. Selon certains auteurs, on la verrait au hameau des Caillots, à quelques mètres au nord, de ce dernier chemin, franchir un ravin sur un pont d'une seule arche, long d'une douzaine de mètres. Cet ouvrage est entièrement masqué par le lierre. Il est appelé dans le pays « Pont des Romains ». Il semble toutefois que le pont actuel soit bien postérieur à l'époque gallo-romaine. Sa maçonnerie révèle plusieurs époques de construction, des éléments réemployés et un élargissement ou un renforcement laissant supposer que sa fonction première n'était pas celle d'un pont, mais plutôt d'une poterne d'entrée dans un ouvrage aujourd'hui disparu. En effet, le ravin franchit par le soi-disant pont est tout à fait artificiel, et creusé de main d'homme. S'il existait déjà à l'époque romaine la route pouvait parfaitement passer à quelques mètres plus au Nord ou plus au Sud pour s'éviter la nécessité d'un ouvrage d'art. De plus, on ne voit aucune trace de chaussée ni d'un côté ni de l'autre de l'ouvrage dans les prés et jardins avoisinants. La voie romaine devait donc passer sous le chemin actuel, lequel est toujours désigné sous le nom « d'ancien chemin de Beaune ». Son tracé est représenté par des tronçons de chemins ruraux, puis par le CD 241 dont l'ensemble forme une ligne parfaitement nette depuis Savigny-le-Jeune jusqu'à Epinac. Près du « Pont des Romains », au lieudit « le Puits » (ou le Puy ) ont été trouvés, au siècle dernier, des monnaies d'or et d'argent aux effigies de Nerva, Trajan, Marc-Aurèle, Faustine, Lucius Verus, ainsi qu'un bas-relief à deux déesses-mères, conservé au Musée lapidaire d'Autun (n°24 ) Au lieudit « Champ Garriaud » près du croisement de la voie romaine avec la route reliant Sully à la Crée et à l'ouest de celui-ci, des monnaies de Trajan et de Faustine ont été également, en 1877, par M. Romizowski.

En cet endroit, la voie antique est connue sous le nom de « chemin de Lucenay à Beaune ». Elle passe au pied d'une butte d'une vingtaine de mètres, dénommée « Mont André » qui a pu être occupé par un poste de défense. Notons aussi, à proximité, un lieudit « La Fée ».

Un autre habitat antique se situait au pied nord de la forêt des Battées, probablement entre le hameau abandonné de Chassepuits et la R.N. 73, au départ du chemin reliant à la Come par les Fands. On y a trouvé, à la fin du XIXe siècle, à la fois deux vases en terre noire et une hache en pierre polie, d'époque néolithique, ainsi que deux fours à chaux et une monnaie gallo-romaine. La description des sites (M.S.E.,VII, p. 170 et M.S.E., XIII,p. 499) permet de penser que toutes ces trouvailles ont été faites à peu près au même endroit, dans l'une des deux anciennes carrières séparées par quelques centaines de mètres.

Un peu plus à l'Ouest, dans la forêt Nationale des Battées, un chemin prolonge vers le Sud celui qui longe la ferme de Marvelay. Il monte ensuite dans le bois parallèlement au ruisseau alimenté par la fontaine Champ Long ; il présente toutes les caractéristiques d'une voie romaine, dont on trouve encore par endroits le pavé et les fossés. Son tracé se perd lorsque l'on atteint le sommet, mais dans son prolongement exact on rencontre; en allant vers le Sud, la motte voisine de la Croix Bernard, les sites importants de la Ronfette et du château de Pierre Luzière, ceux des Garennes et des Cerisiers, la Fontaine Sainte et Gamay. En allant vers le Nord, le Mousseau, Noiron, un gué sur la Drée, Champhalin, Auxerain, Vievy les mottes de Chasson et de Jully...

Au VIIe siècle, toutes les voies romaines, qui demeuraient les seules voies de communication utilisables en Gaule, servirent de chemin d'invasion aux conquérants Arabes. Le nom même de « rue Sarrasine », conservé à la voie romaine d'Autun à Besançon, est significatif du souvenir laissé dans l'esprit des populations indigènes par les cavaliers à la peau sombre. Quant aux hameaux voisins qui portent les noms de Morgelle, des Morins, de Noiron, des Moreaux, leur étymologie peut aussi évoquer la présence - et l'installation ? — des mêmes envahisseurs.

Le plus ancien écrit faisant mention de Sully est un acte du 25 juillet 936 (Cartulaire de l'Eglise d'Autun, I-II, p. 17) par lequel Louis d'Outremer confirmait l'Eglise d'Autun dans la possession de Sully (monastère église ou terre ?)

Les premiers seigneurs de Sully que l'on connaisse étaient, en 1217, deux frères, les chevaliers Hugues, dit de l'Orme, et Gauthier dit Moard (cart. Egl. d'Autun, I-II p. 133). Leur seigneurie indivise s'étendait alors sur un territoire de la commune actuelle de Sully, une partie d'Auxy, de Saint-Léger-du-Bois, de Curgy et des terres voisines en côte d'Or.

Après eux, le domaine appartint dans l'indivision à leurs descendants directs jusqu'à la quatrième génération.

Le 29 juin 1227, Gauthier Moard, de Sully, s'avouait homme et féal de l'évêque d'Autun, moyennant une rente de cent sous dijonnais. Cette inféodation est sans doute à l'origine des services auxquels étaient astreints les seigneurs de Sully vis-à-vis des évêques d'Autun, services honorifiques rendus au moment de l'entrée solennelle de l'évêque dans sa ville épiscopale. Un frère de Gauthier, Eudes de Sully, était chanoine de l'Eglise d'Autun. En 1237, Gauthier de Sully fonda sur ses terres l'église et le prieuré du Val-Saint-Benoît. Dans l'acte de fondation, il se qualifie de Seigneur de Sully et de Savigny (le Jeune) et agit tant pour lui que pour sa femme Oda et pour son fils Guillaume. D'autres donations sont faites simultanément par ses frères et beau-frère, Gaudry de Sully et sa femme Agnès, Humbert de Vesvres et sa femme Elisabeth.

Gauthier de Sully fit son testament en septembre 1239 et mourut en 1240. Il se fit inhumer au Val-Saint-Benoît où un bas-relief sculpté (aujourd'hui déposé dans l'ancienne église de Sully) représente ses funérailles. A sa mort, Gauthier Moard laissa cinq enfants. Son aîné, Guillaume, dit le Roux, eut le château et domaine de Sully, sous réserve de droits en faveur de sa sœur Agnès. L'autre co-seigneur de Sully, Hugues de l'Orme, avait transmis son droit à sa fille Aladie, femme de Guy de Couches. A la génération suivante, Guillaume le Roux laissa sa part de seigneurie à ses deux fils, Hugues le Roux, chevalier, et Hélie de Sully, chanoine. Aladie et Guy de Couches eurent un fils Hugues de Couches, chevalier. Il y avait donc ainsi trois co-seigneurs de Sully. A Hugues le Roux succéda en 1296 Jean le Roux qui unit les parts de son père et de son oncle chanoine. A Hugues de Couches succéda Jean de Couches qui laissa une fille, Marie, femme d'Etienne de Montagu. Les deux seigneurs de Sully étaient donc en 1301 Jean le Roux et Marie de Couches. Une fille de Marie, Guillaumette de Montagu, avait épousé Girard de Chatillon, seigneur de la Roche Millay. La propriété indivise de Sully devenait difficile à assurer.

En 1316, intervint une sentence arbitrale réglant les « discors, injures, entreprises et violences » entre Girard de Chatillon, sire de la Roche Millay, chevalier, et Jean le Roux de Sully, au sujet de la « terre de Sully et Veverot ». La seigneurie cessera d'être indivise et sera désormais partagée en deux parties suivant le chemin « par lequel on vayt de Beaulne à Ostun ».

Ainsi, Sully est attribué à Jean le Roux et Grosme à Girard de Chatillon. Ce partage fut sans doute réalisé à l'instigation du duc de Bourgogne qui visait à la possession complète de Grosme dont il avait déjà la moitié en paréage depuis 1251. Il eut satisfaction peu de temps après, puisqu'en 1360, Philippe de Rouvres, duc de Bourgogne, cédait Grosme et Lucenay-le-Duc à Renaud de Maubernard, évêque d'Autun, contre la moitié de Glenne et Flavigny.

Girard de Chatillon visait aussi certainement plus loin que la possession éphémère de Grosme. Après ce partage, on n'entend plus parler de Jean le Roux, mais en 1348, Hugues de Montagu, petit-fils de Marie de Couches, apparaît comme seul seigneur de Couches et de Sully. Entre temps, Girard de Chatillon s'était fait éliminer par le duc de Bourgogne qui l'avait expédié dans ses prisons pour « ses démérites » et lui avait confisqué ses biens. Les Montagu, branche cadette de la maison de Bourgogne, étaient ainsi parvenus à mettre la main - par achat, donation, succession ? - sur toute la terre de Sully, sauf Grosme qui avait servi de monnaie d'échange au duc de Bourgogne pour asseoir sa possession sur l'antique terre épiscopale de Glenne.

Le 5 janvier 1398, Philibert de Montagu, chevalier, seigneur de Couches et de Sully, fils de Hugues de Montagu, donne dénombrement de « la terre et seigneurie dudict Suilley, consistant, savoir le fort de Suilley, les fossés entourant led. fort, les curtils, granges, terres, prés, vignes et tout ce qu'il tient es villes de Suilley, Bouton le Poix, (le Puits), la Corne (la Come) Monceaux (le Mousseau ), Meuilley (Moloy ?) Savigny (le Jeune) Creusefond, Chamsailly (Champcigny) Grosme, Vievy, Vergoncey, Aucerain, Cussy, Repas, Cromey, Boicherans, Uchey.

Sully passa ensuite à ses descendants, Jean, puis Claude, marié en 1433 à Louise de la Tour, conseiller et chambellan de Philippe-le-Bon, chevalier de la Toison d'Or, fondateur avec sa femme de la collégiale de Couches. Claude de Montagu ne laissa pas de descendance légitime, mais une fille naturelle Jeanne, née d'une bourgeoise de Couches, Gillette Ormunde. Il la fit légitimer en 1460 ce qui permit à celle-ci d'épouser Hugues de Rabutin d ' Epiry, chambellan de Charles VII.

Le 20 décembre 1469, devant Hugues de Loges et Philibert de Digoine, écuyers, Jean Maire et Jean Cottin, citoyens d'Autun, Claude de Montagu fit donation à « noble homme » Hugues de Rabutin, écuyer, et à demoiselle Jeanne de Montagu, des chastels, maison fort et forteresse dud. Sully et des villes et terres de Suilly, Bouton, Morgelles, Crosefond, Veverot, Lacosme, le Peys, Savigny »...

En 1503, Claude de Rabutin, fils aîné de Hugues et de Jeanne de Montagu, était seigneur d'Epiry et de Sully. Il fut tué à la bataille de Marignan. Scn fils, Christophe lui succéda, mais ne put conserver Sully. Mis à décret en 1515, Sully fut acquis en 1518 par Jean de Saulx d'0rain et sa femme Marguerite de Tavannes. Jean de Saulx eut trois fils et deux filles. Les deux fils aines furent successivement seigneurs de Sully. L'ainé, Guillaume, baron de Sully et de Mont-Saint-Vincent, seigneur de Villefrançon, lieutenant pour le roi au gouvernement de Bourgogne mourut en 1563. N'ayant point laissé de postérité de son mariage avec Marie de Cusance, ses biens passèrent à son frère Gaspard qui fut le chef de la maison des Saulx-Tavannes et son plus illustre représentant. Gaspard organisa la Ligue en Bourgogne et gagna les batailles de Jarnac et de Moncontour. Il fut nommé maréchal de France en 1570, mourut en 1573 et fut inhumé à la Sainte-Chapelle de Dijon. Dans son contrat de mariage avec Françoise de la Baume de Montrevel, en 1546, il est qualifié de Baron d'Igornay, seigneur d'Orain et de Pailly. A sa mort, ses deux enfants Guillaume et Jean de Saulx, devinrent propriétaires indivis de Sully. Guillaume de Saulx, comte de Tavannes, devint lieutenant du roi en Bourgogne. Il fut fidèle au roi contre la Ligue et se trouva ainsi l'adversaire de son frère Jean. Il mourut à 86 ans, en juillet 1637. Catherine Chabot, sa première femme était morte en 1609 après lui avoir donné six enfants. Il se remarie en 1620, à l'âge de 69 ans avec Jeanne de Pontailler, dont il eut un fils, Jean de Saulx du Mayet, au profit duquel il deshérita ses autres enfants.

Jean de Saulx, frère de Guillaume, se mit au service des Guise. Mayenne le fit nommer maréchal et lui fit épouser sa nièce, Gabrielle des Prez de Montpezat. Est-ce une coïncidence (?), il existe, à deux kilomètres au nord de Montpezat (ce fief se situe à mi-distance entre Montauban et Cahors) une chapelle de Saux.

En 1580 Guillaume et Jean de Saulx partagèrent les terres et seigneuries de leur père. Jean de Saulx eut les chastels et maisons fortes de Sully, Repas, Igornay, la Marche ; Guillaume de Saulx eut Le Pailly Jean de Saulx fut inhumé à Sully en 1630. Son fils Henri lui succéda. Il hébergea secrètement à Sully sa parente, la princesse Anne de Gonzague, qui avait fui la Cour à la suite d'une intrigue de son mari le duc de Guise. Henri de Saulx mourut en 1653, à l'âge de 56 ans, sans enfants de son mariage avec Marguerite de Potier de Tresnes. Il institua pour légataire sa nièce Melchiore de Grimaldi, femme de Brocard de Giani, comte de Rispe et pour héritière sa soeur Claude, femme d'Antoine Jaubert de Barrault.

Après un long procès, la comtesse de Rispe fut évincée de Sully en 1669 au profit de Jean de Saulx Tavannes du Mayet. C'était un petit-fils de Guillaume de Saulx. Finalement, à la suite de transactions, les terres de Sully, Igornay et Repas échurent à son cousin Jacques de Saulx-Tavannes, brillant capitaine dans les armées de Condé, qui mourut en 1683. Son petit-fils, Henri-Charles de Saulx, vendit Sully en 1714 à Claude de Morey. La seigneurie de Sully était donc restée deux cents ans dans la famille de Saulx. Les Saulx portaient d'azur, au lion d'or, armé et lampassé de gueules.

Le 4 juin 1714, Claude de Morey reprenait de fief « la terre et baronnie de Sully, Igornay, Barnay, avec ses annexes, circonstances et dépendances qui sont Repas, Bouton, Morgelle, Lacomme, le Puy, le Monceau, Savigny-le-Jeune, Creusefond, Collonge-les-Chataiggiers, Marvellé, Champalin, le Petit Moloy, Villeneuve, Vezignot, Veuvraille, la Varenne, Rosereuil, le Voyen, Outreleau, le Moguin, le Bourgeau, Chevigny et généralement tout ce qui compose lad. terre et baronnye de Sully, membres et dépendances »...

Né le 5 février 1668, Claude de Morey était fils d'Hubert de Morey, conseiller du roi, contrôleur général des finances de Bourgogne et Bresse, vierg d'Autun en 1674-75, et de dame Marie Chauveau. Lui-même remplit les charges de contrôleur général du taillon et de receveur des décimes. Seigneur de Fleury, il avait épousé en 1694, demoiselle Philiberte Chiquet. En 1704, il avait acheté la terre et seigneurie de Vianges, Chauvirey, Chappe, Reuillon, partie de Manlay et partie de Sanceray, au bailliage de Saulieu. Par lettres patentes données au mois de mars 1723, à la demande de Claude de Morey, écuyer, le roi crée et élève au titre, prééminence et dignité de marquisat, sous la dénomination de Marquisat de Vianges, toutes les terres appartenant à Claude de Morey, celles acquises en 1704, celles acquises en 1714, et encore les terres de Champsigny et de Champcueillon. Claude de Morey avait plusieurs frères :

- Pierre, docteur en Sorbonne, aumônier du roi, pourvu en 1677 du prieuré de Mesvres, abbé commandataire de la Bussière, président au présidial d'Autun, élu doyen du Chapitre en 1734, mort en 1736.

- Jean-Baptiste Lazare, ancien capitaine au régiment Dauphin, gouverneur de Vezelay.

- Jacques, chapelain de Notre-Dame de Paris, prieur de Mesvres en 1702 sur résignation de son frère, prévôt de Sussey, élu doyen du Chapitre à la mort de son frère Pierre.

Les frères de Morey avaient une très grosse fortune. On les disait « les riches de Bourgogne ». Ils demeuraient ensemble tantôt à Autun, hôtel de Bretagne, impasse du Jeu-de-Paume (récemment à Mme Schneider puis à M. Abord) tantôt à Sully où ils firent graver leurs armes au fronton du château « d'or à la tête de maure de sable tortillée d'argent ». Les Morey étaient originaires de Lucenay l'Evêque, où un hameau porte toujours leur nom.

En 1736, Claude de Morey revendit tout le marquisat de Vianges à son frère Jean-Baptiste Lazare, au prix de 300 000 livres, dont 20 000 pour les meubles et 40 000 pour Champsigny et Champcueillon.

Claude de Morey et Philiberte Chiquet avaient eu deux fils, l'un colonel d'infanterie et l'autre mousquetaire, mais en 1736, ils étaient morts et il ne leur restait qu'une fille religieuse.

En 1737, Jean-Baptiste Lazare de Morey, devenu marquis de Vianges, épousait, bien qu'âgé de 68 ans, sa cousine Charlotte Le Belin, qui n'avait que 28 ans. La jeune dame de Morey introduisit auprès de son vieux mari malade un jeune médecin d'origine irlandaise, Jean-Baptiste Mac-Mahon, qui le soigna avec dévouement. Il soigna d'ailleurs tous les frères de Morey et se lia d'amitié avec eux. Le 20 janvier 1748, Jean-Baptiste Lazare de Morey mourait sans enfants. Il avait institué comme héritier, par testament du 18 octobre 1746, son frère Claude, qui se retrouvait, à 80 ans, propriétaire du marquisat de Vianges qu'il avait vendu quelques années plus tôt. Cependant le docteur de Mac-Mahon s'installa définitivement dans la maison des frères de Morey et renonça à la médecine pour leur procurer, en toute exclusivité, « les douceurs et les consolations de l'amitié ». En même temps, il s'empressait de se procurer ses « lettres de naturalité » et un arrêt de vérification et de confirmation de noblesse. Le 13 avril 1750, v fut célébré en la chapelle du château de Sully le mariage de Jean-Baptiste de Mac-Manon et de Madame de Morey. Le contrat de mariage stipulait le régime de communauté, la donation au survivant de l'universalité des biens du-prédécédé, la réserve en propre pour les biens à échoir par succession, mais non pour ceux à provenir de donations entre vifs (contrat Lamarre, notaire à Autun, le 9 avril 1750). Le 30 août 1750, une fille Claudine-Françoise, naissait de cette union.

La marquise de Vianges et le prieur de Mesvres furent parrains des enfants Mac-Mahon. Par acte reçu par Changarnier, notaire à Autun, le 9 novembre 1754, Claude de Morey fit donation à Charlotte Le Belin, veuve de Jean-Baptiste Lazare de Morey et femme de Jean-Baptiste Mac-Mahon, de tous ses biens et ceux hérités de son frère, c'est-à-dire toutes les terres du marquisat de Vianges, les terres de Vievy, le Deffant, Thoreille, Morey, Auxerain, Uché en partie, la terre de la Cave sur la paroisse de Vievy, la maison d'Autun, dite maison de Bretagne. L'abbé Jacques de Morey intervint dans cette donation pour renoncer, au profit de la donataire, à la substitution contenue en sa faveur dans le testament de Jean-Baptiste Lazare, le donateur et son frère se réservant l'usufruit des biens donnés.

L'abbé Jacques de Morey mourut le premier en décembre 1759 et Claude de Morey marquis de Vianges mourut le 4 octobre 1761. Madame Mac-Mahon, née Le Belin se trouvait donc ainsi avoir recueilli toute la fortune des « riches de Bourgogne ». Il y eut alors, de la part des nièces déshéritées des frères Morey, un long procès en captation d'héritage. Le procès se termina à l'avantage de Mac-Mahon qui, par arrêt de la Chambre des Requêtes du 20 juin 1763, fut envoyé en possession du legs contenu au testament de Claude de Morey. Jean-Baptiste Mac-Manon mourut à Spa le 15 octobre 1775. De Charlotte Le Belin, il avait eu sept enfants. Les deux garçons les plus âgés ayant émigré à la Révolution, et se trouvant frappés de mort civile, la Nation procéda à un partage de pré-succession avec leur mère et leurs trois sœurs « républicoles ».

Charles-Laure et Maurice-François rentrèrent d'émigration sous l'Empire et s'attachèrent à reconstituer les biens de leurs parents.

Le marquis Charles-Laure resta célibataire, le comte Maurice François qui avait épousé en 1792 Pélagie Riquet de Caraman, mourut à Autun en 1831 après avoir partagé ses biens entre ses enfants et petits-enfants. Son fils aîné, Charles-Marie eut le château de Sully, le domaine de Bouton et le moulin de Sully. Le second Joseph, eut la maison d'Autun et le domaine Brûlé à Sully. Le troisième Maurice, le futur maréchal, duc de Magenta, président de la République, eut la réserve et les deux domaines de Champsigny et de Champcueillon. Eugène eut la réserve de Lally, Uchey, la réserve et le moulin de Chaseu. Les filles eurent des valeurs mobilières.

Le marquis Charles-Marie de Mac-Mahon mourut accidentellement dans une chute de cheval le 5 septembre 1645. De son mariage avec Marie-Henriette Le Pelletier de Rosambo, il ne laissait qu'un fils, Charles-Henri, qui épousa Henriette de Pérusse des Cars en 1855. Il mourut à Sully en 1663. Son fils Charles-Marie épousa Marthe-Marie-Thérèse de Vogue mais n'eut point d'enfant. Le château et la terre de Sully furent légués à Maurice-Marie de Mac-Mahon, officier d'aviation, fils du général Patrice de Mac-Mahon et de la princesse d'Orléans, petit-fils du maréchal, duc de Magenta. Il hérita ainsi des titres de marquis de Mac-Mahon et de duc de Magenta. Marié à Marguerite de Caraman Chimay, il décéda accidentellement en 1954. Son fils, Philippe, devint duc de Magenta.

Le château de Sully, reconstruit sur les fondations de la forteresse médiévale, n'en a conservé que peu de vestiges. Il existe une salle basse où les armoiries des Montagu sont sculptées sur le clef de la voûte d'ogives. Madame de Sévigné, qui y vint en visite, considérait Sully comme le « Fontainebleau de la Bourgogne » Gaspard de Saulx-Tavannes, maréchal de France, occupa les dernières années de sa vie, entre 1567 et 1573, à concevoir et à dessiner le château de ses rêves. Entre 1573 et 1581, sa veuve, pour réaliser ses intentions, traita avec l'architecte Ribonnier et fit réaliser des travaux qui furent terminés vers 1610. Dans un vaste parc, des communs très allongés et très sobres bordent une allée très large conduisant a quatre grands corps de bâtiment entourant une cour centrale. Les quatre angles sont flanqués de tours carrées posées en oblique par rapport aux bâtiments et surmontées de clochetons. L'ensemble est entouré de vastes fossés franchis à l'Ouest par un pont dormant. La façade nord s'ouvre sur un vaste escalier plongeant sur les eaux du fossé qui s'élargit en un immense bassin. Le fronton de la façade ouest, celle de l'entrée principale, porte les armes sculptées des Morey.

La paroisse de Sully est placée sous le vocable de l'Assomption de la Vierge. Au XIIIe siècle, elle était sous celui de saint Germain. Dans un acte daté de 1217 (Cart. Eglise d'Autun, I-II, p. 133 ) que nous avons déjà évoqué, Hugues de l'Orme et Gauthier de Sully, les premiers seigneurs connus de Sully, donnent à l'église Saint-Germain de Sully (ecclesia sancti Germani de Suilliaco) une terre du nom de « Jonchères » pour l'établissement d'un cimetière. Est-ce la terre dans laquelle se trouve le cimetière actuel ? C'est bien possible, d'autant plus que l'ancienne église, bâtie à l'angle du cimetière, remonte au XIIIe siècle. Un autre acte du XIIIe siècle évoque l'église de Sully : par un jugement rendu le 28 juin 1285, Hugues seigneur de Couches, et Helie, chanoine d'Autun, étant co-seigneurs de Sully, Bertrand de Moyees, curé de Sully et chanoine d'Autun est maintenu en possession du bois de la Corne, situé sur la paroisse de Sully.

Depuis 936, date à laquelle leur fut restituée l'église de Sully, les chanoines de la cathédrale d'Autun demeurèrent patrons de la cure de Sully jusqu'à la Révolution. L'ancienne église - est-elle bâtie sur l'emplacement de l'église primitive ? - construite en bordure du château, demeure en partie. C'était un édifice mesurant intérieurement 33,60m de longueur sur 9 mètres de largeur. Il se composait d'une nef rectangulaire et d'un sanctuaire formé d'une travée droite et d'une abside pentagonale. Une petite chapelle voûtée d'arêtes communiquait avec l'abside du côté droit. Le clocher, sur plan carré et recouvert d'un toit en bâtière, s'élevait sur le côté gauche à l'extrémité de la nef, avant le chœur. La voûte à nervures du chœur date du XVe siècle. En 1870, madame la marquise de Mac Manon fit don de 6000 frs à la commune pour la construction d'une nouvelle église, cependant que la commune lui cédait, au prix de 5000 frs, le chœur de l'ancienne église et son clocher, afin d'en faire la chapelle funéraire de la famille de Mac Manon. Le mur gauche de la nef a été arasé à hauteur du mur de clôture du parc du château. Le reste de la nef a été détruit. Le portail de la nef a été reporté dans le mur construit pour fermer le chœur. Les défunts Mac Mahon furent exhumés du cimetière le 28 octobre 1876 et transférés dans le chœur de l'ancienne église. La chapelle latérale contient les sépultures de Jean de Saulx et de son épouse, Gabrielle de Montpezat, qui y furent inhumés en 1630 et 1653.

La nouvelle église a coûté la somme très élevée pour l’époque, de 120.000 Frs. L'architecte fut Mr Grosley, de Semur-en-Auxois, et l'entrepreneur M. Robin, de Saint-Laurent-en-Brionnais. Elle fut consacrée le 13 janvier 1873. La jouissance d'une chapelle y a été concédée à la famille de Mac Mahon. C'est un édifice sans beauté et sans caractère, dont le seul mérite est d'abriter de très belles œuvres d'art provenant soit de l'ancien sanctuaire, soit de dons de la famille Mac Mahon. La plus belle pièce est un retable enpierre sculptée, du début du XVIe siècle, placé derrière l'autel. Il représente la Nativité, l'Adoration des bergers, l'Adoration des Mages et au centre l'Assomption de la Vierge en présence des Apôtres.

A côté de ce retable, on peut voir deux belles statues en pierre du XVe siècle : l'une représente sainte Agathe, les mains liées derrière le dos, la robe arrachée des épaules, œuvre de Jean de a Huerta le célèbre sculpteur espagnol que Philippe le Bon fit venir en Bourgogne, et le chancelier Rolin à Autun, l'autre représente saint Michel terrassant le dragon. Dans la nef se trouvent un saint Antoine, une Vierge portant l'enfant-Jésus, tous deux en pierre et également du XVe siècle, un Christ à la colonne, en bois, du XVIe siècle, et trois tableaux dont le plus remarquable représente une descente de croix, avec les donateurs et leurs saints patrons. Cette peinture est du XVIe siècle. Il ne faut pas lui chercher des origines locales. C'est un don de la marquise de Mac Mahon née Pérusse des Cars, qui l'avait achetée d'occasion à Paris vers 1870. Toutes ces œuvres sont classées monuments Historiques- On peut encore remarquer, pour leur histoire, deux anges adorateurs d'un style pompeux placés de chaque côté de l'autel, et provenant de l'ancienne abbaye de Saint-Symphorien près d'Autun, démolie après la Révolution.

Sur la place du village, on voit un calvaire appelé Croix-Mallard, du nom du curé qui le fit ériger au XVIe siècle. Sur un terre-plein maçonné, un socle cylindrique supporte un fut cannelé entouré de quatre petites statues : saint Jean-Baptiste, sainte Madeleine, un saint évêque (saint Germain ?) tous du XVIe siècle et... l'abbé Muguet, curé de Sully mort en 1923. Sans doute pour l'honorer, et remplacer un saint détruit, M. Kerdallot, tailleur de pierre à Sully, le sculpta en 1915, ainsi que la croix et le fut, lors de la restauration du monument.

Nous avons vu qu'au début du XIVe siècle, la seigneurie de Sully, jusqu'alors indivise entre les descendants de Hugues de l'Orme et de Gauthier Moard se trouva partagée entre Sully proprement dit et Grome qui échut au du« de Bourgogne puis à l'évêque d'Autun. De ce partage, Sully demeura divisé jusqu'à la Révolution en « Sully-en-Royauté » et « Sully-en-Duché ».

Sully-en-Royauté représentait le domaine de l'évêque d'Autun, c'est-à-dire Grosme, toute la partie sud de le paroisse. La seigneurie de Grosme était sous la justice temporelle de l'évêque. Un terrier de la baronnie de Grosme a été établi par Salmon, notaire, en 1428. L'évêque possédait en ladite baronnie la tour du château de Grosme, avec une place et les masures d'une grange ; plus dix prés ; plus le grand bois du Mont de la Bruyère, le bois de la Mollière, la forêt des Châtaigniers, le bois de Mallessart, le bois des Bateys, le bois des Tilles, le bois des Ais, le bois du Percheroy, le bois du Montaignot, le bois des Ygaulx, le bois du Fay ; plus « les droits de fouage, blairie, tailles, lods et ventes, justice, es lieux de Grosme, Veverot, Collonges, Marvelay et Povrey, épaves, coutumes, tierces, dixmes de Suilly, mainmortes corvées, charrois, » notamment les charrois de vins de Saint-Denis-de-Vaux à Autun.

Ce terrier, cité dans l'inventaire des titres du temporel de l'évêché d'Autun,(Arch. dép. de S. & L. G 433) n'existe malheureusement plus.

Les ruines du château de Grosme sont situées en bordure nord du chemin forestier joignant la Forge à Marvelay par la forêt des Battées, à cinq cents mètres au sud de Chassepuits. Quelques pans de murs se dressent encore au milieu de la futaie. On distingue une enceinte formant un quadrilatère de plus de cents mètres de côté, limité au Sud-Est et au Sud-Ouest par un large fossé bordé d'un talus de terre, au Nord-Ouest et au Nord-Est par une muraille dont subsistent quelques vestiges. A l'intérieur de cette enceinte, le château affecte à peu près la forme d'un trapèze et comprend un donjon sur le côté sud-est opposé à l'entrée, quatre bâtiments d'angle dont deux petites tours aux angles nord et ouest, et deux granges ou écuries aux angles sud et est, un bastion rectangulaire sur la contrescarpe du grand fossé sud-ouest, un petit bâtiment isolé au milieu de la cour centrale.

C'est en 1316, dans la sentence arbitrale partageant Sully entre ses deux seigneurs, que l'on parle pour la première fois d'une maison à Grosme. En 1323, Girard de Chatillon fait construire une tour et forteresse en sa maison de Grosme, qu'il déclare « jurable et rendable » au duc de Bourgogne. Lorsque les évêques d'Autun devinrent seigneurs de Grosme, ils s'intéressaient assez peu à la maison forte. D'un procès-verbal de visite des maisons et châteaux dépendant de l'évêché d'Autun en 1708, il ressort qu'on ne trouve à Grosme que « les vestiges d'une vieille forteresse, où il n'est resté qu'une partie des murs d'une vieille tour quarrée, où il y a plus de deux ou trois cents années qu'il n'y a eu aucun logement, ce que nous avons recognus par le moyen de plusieurs grands arbres qui y sont venus et qui sont sy anciens qu'ils tombent de pourriture. »

Sur la justice de Grosme se trouvait le « Moulin Rouge » qui s'appelle maintenant « la Forge », sur les communes de Sully et d'Epinac. En cet endroit, une forge avait succédé au moulin, sans doute au début du XVIIe siècle, et fonctionna jusqu'à la Révolution. Il est même possible qu'elle ait existé bien avant, car lorsque la Compagnie des Houillères d'Epinac y fit creuser un puits de mine, elle y trouva d'énormes quantités de mâchefer.

Le procès-verbal de visite des dieux dressé en 1645, note M. Chirard comme étant « maistre de forges au lieu du Moulin Rouge, où il a quinze à vingt forgerons en sa forge... et traffique, par an, de plus de quarante mille livres. » A la même époque, Sully-en-Royauté, comptait trente-deux habitants imposés, dont treize laboureurs, beaucoup propriétaires de leurs maisons et ayant leur bétail à eux, tous mainmortables.

Le procès-verbal de 1645 rapporte : « nous nous sommes acheminés à Suilly qui appartient à monsieur de Tavannes et les hameaux de Montjelle (Morgelle) et Boutton en despendent ; Jean Dessus, se disant collecteur de la présente année, nous apporta deux roolles par lesquelz, après nous les avoir affirmé véritables, nous recogneusmes qu'il y avoit 121 habitants desquels 32 sont laboureurs tenant charrues, le reste estant personnes journalières, ensuite de quoy nous visitasmes de pot en pot toutes leurs maisons que nous avons treuvé estre en très bon estât, y ayant trois hostelliers, tixiers, mareschaux et autres personnes de mestier ; ilz sont mainmortables,, ne doibvent rien, n'ont point de gens de guerre, doibvent par semaine un jour de corvée à leur seigneur; leurs terres sont partie à seigle et à fourment et la scituation est en lieu plain, au bas d'une montaigne. Audict Sully, les deux métayers du seigneur, le musnier,le jardinier et le vigneron ne payent taille, comme aussy le recepveur, nommé Bonvalot, que les habitans n'ozent imposer, à la considération dudict seigneur... »

Courtépée rapporte que le curé et les paroissiens de Sully offraient chaque année, le 8 septembre, une roue de cire neuve du poids de six livres, que les vicaires et prêtres de l'église Notre-Dame du Chastel d'Autun venaient recevoir et porter à l'église pour y être allumée pendant les messes. En 1444, les chanoines refusèrent la roue, sous prétexte qu'elle était mal faite. Une sentence du bailli de 1594 condamne le curé de Sully à continuer cet usage « de tout temps ancien ».

A la veille de la Révolution, les habitants de Sully-en-Duché se plaignaient surtout de l'importance des impôts. C'est ce qui ressort du Cahier de doléances pour la réunion des Etats Généraux : « On a dit cy-devant que la communauté est surchargée d'impôts : on va le prouver. Elle est composée de 125 feux, suivant les roolles de taille et de capitation de 1788. Elle paye pour impôts trois mille quatre-vingt-sept livres Quatre sols. Des 125 feux, il en faut distraire au moins trente qui ne jouissent que d'un logement, d'un petit jardin, d'une petite chenevière, qui n'ont aucun commerce ny industrie et qui néantmoins payent chacun environ trois livres de taille. Cette distraction faitte, restent 95 feux qui payent 2997 livres 4 sols. Dans les 95 feux, il n'y a que trois domaines qui jouissent chacun de quinze milliers de foin et qui ensemencent aussy chacun quinze journaux de terre par an ; une autre partie consiste en des vigneronneries qui sont d'un mauvais rapport et pour la quantité et pour la qualité. Chacune de ces vigneronneries cultive environ dix à douze ouvrées de vigne : la communauté n'empesche la vérification de ce qu'elle annonce. On oublioit de dire que les trois quarts des vignes appartiennent au seigneur. Quand le particulier a payé les rentes seigneuriales, les impôts du roy et de la province, à peine reste-t-il entre ses mains le quart des revenus de son domaine : sur le quart qui reste, il est obligé de payer les autres charges de son ménage et de vivre ; la vérité est qu'il vit que de pain de seigle et orge d'huile et de pomme de terre. Il se trouveroit très heureux s'il avoit du pain d'orge et d'avoine pour sa sufisance : il mange souvent la soupe sans sel par la raison qu'il est trop cher. »

Signé : Bligny, Jean Morin, C. Belin, Bligny, Charles Dessus, Pierre Lenoble, François Lenoble, Jean Bligny, F. Rlambert Jean Bonamour, Regnaud, Giboulot...

A la Révolution, le curé de la paroisse était Antoine Barthélémy Chassagne, homme d'une grande piété et d'une grande science. Il refusa le serment, et resta dans sa cure jusqu'à ce qu'il fût proscrit. Il se retira à Chambery avec son vicaire l'abbé Taillard. Deux intrus se succédèrent à Sully, d'abord Antonin Thévenin, ex-capucin, puis, à partir d'avril 1792, Mathurin de Laporte, ex-minime, qui ne tarda pas à abjurer complètement. L'église de Sully fut profanée, ainsi que les chapelles de la paroisse, mais il y eut pour les profanateurs, parait-il, de visibles châtiments de la justice de Dieu. Les croix érigées le long des chemins et des places furent brisées. Le château et ses dépendances étaient convoités par les révolutionnaires d'Autun. On attendait avec impatience la mort de la châtelaine, Charlotte Le Belin, marquise de Mac Mahon, alors âgée de 85 ans. Elle fut arrêtée pour être dirigée sur Paris, mais à Saulieu, elle soudoya ses gardiens et on la ramena à Sully, sous prétexte qu'elle était mourante. Elle mourut effectivement en 1798, mais pour éviter le pillage du château, ses serviteurs cachèrent sa mort. Ils conservèrent son corps plusieurs mois dans un fût d'alcool et à chaque visite des révolutionnaires, on le ressortait pour l'installer dans un lit où personne, sans doute, n'allait regarder de trop près. Le régisseur du château M. Beaune, fut incarcéré. Des prêtres insermentés furent souvent cachés à Morgelle. Ils trouvaient asile dans la famille Belin et célébraient la messe, soit à. la chapelle, soit chez des particuliers.

L'ancien curé, Chassagne, rentra chez lui à Sully à la chute de Robespierre, mais il fut à nouveau arrêté sous le Directoire et interné à Macon. Enfin libéré, il mourut dans sa paroisse le 2 février 1803. Il eut pour successeur son vicaire Jacques Taillard.

Le hameau de Morcelle, au nord-est de Sully, est bâti au pied d'une colline calcaire autrefois couverte de vignes. La chapelle de Margelle, placée sous le vocable de saint Roch, est une construction du XVIIIe siècle, bâtie par Hilaire Bretin, curé de Sully, avec une abside du XVe siècle, restaurée. Elle est conservée en bon état. Tous les ans au 16 août, jusqu'à ces dernières années, on y faisait la bénédiction des herbes de saint Roch, que les habitants du village emportaient chez eux pour les mettre dans les étables, afin de protéger le bétail contre la maladie, et aussi dans les maisons, pour éviter la peste.

Dans la chapelle, se trouvent une statue de saint Roch, de grande taille, en bois peint, XVIIIe siècle, et une statue d'un autre saint, probablement saint Hubert, habillé en soldat romain, avec une trompe, en bois peint XVIIe siècle.

Le hameau de Bouton, au nord du bourg, à un kilomètre de Margelle, était au XVe siècle, le lieu habité le plus important de la paroisse. La population y était plus importante que celle du bourg. Bouton a également sa chapelle, petit édifice surmonté d'un clocheton en bois, portant la date de 1739. Courtépée dit que cette chapelle a été transférée en 1770 de la paroisse où elle avait été fondée sous le vocable de la Vierge, en 1679, par J. Bligny et Marie Bretin. La chapelle actuelle est sous le vocable de sainte Anne. Elle appartient au château de Sully. Actuellement encore [en 1980], le curé de Sully est tenu d'y célébrer 8 messes par an. On y trouve une petite statue de sainte Anne, assise, en compagnie de la Vierge (bois peint, XVIIIe siècle). Des rats ont fait leur nid dans le tabernacle...

Le Puy (ou le Puits ) sur la voie romaine d'Autun à Beaune, appartenait à la famille d'Anstrude, qui fit reconstruire le château. (La famille d'Anstrude vint en France au XVIe siècle avec Marie Stuart. Elle existe toujours dans l'Yonne, à Bierry-les-Belles-Fontaines, village qui autrefois portait son nom.) En 1817, Léonard Bertheault, qui habitait la maison de Noiron acquit le Puy des Anstrude. (Les Bertheault sont originaires de Lucenay l'Evêque où ils étaient seigneurs de Longchamp). Léonard Berthaut, capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, épousa Charlotte, fille d'Anne-Paul de Fontenay. Sous le nom de Noiron, cette famille est toujours propriétaire du Puy.

Le hameau de Noiron était très anciennement habité. En septembre 1250, on trouve un acte d'échange de vingt sous de rente dus par les habitants du village de Noiron, passé entre le chapitre d'Autun et l'abbesse de Sainte-Marie de Nevers (Cartulaire de l'Eglise d'Autun).

Au sud du Puy, le hameau de Creusefond est partagé entre Curgy et Sully. Peut-être s'y trouvait-il un château fortifié sur la motte traversée aujourd'hui par le C.D. 326 ? Le soi-disant pont romain pourrait en être le dernier vestige visible. Le site était en tous cas très anciennement habité. Il est parsemé de pierres (il se nomme d'ailleurs « les Caillots »). On y voit un très beau puits gallo-romain à la margelle carrée, d'une seule pierre, percée d'une ouverture circulaire. C'est près de ce puits que fut découverte, en 1923, une bague mérovingienne remarquable. (Renseignement communiqué par M. Rémy Guillaumeau, dont les grands-parents habitent Creusefond depuis la fin du XIXe siècle.)

La population de Sully semble avoir été d'environ 220 h. en 1475, 765 en 1645, 800 avant la Révolution, suivant les visites de feux ou de paroisse déjà cités. Le premier recensement de 1801 indique 941 habitants et la population s'accrut ensuite régulièrement jusqu'à atteindre 1612 habitants en 1841, chiffre maximum. Elle se maintint au-dessus de 1500 jusqu'en 1861, pour redescendre à 1408 habitants en 1866, 1012 en 1911, 801 en 1936, 671 en 1954, 516 en 1975.

Les chiffres élevés au XIXe siècle, comme dans toutes les communes rurales, se justifient en partie par l'existence proche des houillères d'Epinac et des exploitations de schistes.

Par ailleurs, en 1839, l'annuaire départemental indique 1257 hectares de terres labourées, 344 hectares de prés, 78 hectares de vignes (surtout sur les coteaux de Morgelle ) 1141 hectares de bois, 108 hectares de friches, un moulin, une huilerie, deux tuileries et deux fours à chaux.

En 1869 (368 maisons habitées) on élevait à Sully 64 chevaux, 7 ânes, 855 bovins, 884 ovins, 538 porcins, 10 chèvres et 140 ruches.

Bibliographie

Abbé Lacreuze - Complément à l'étude descriptive de quelques sculptures gallo-romaines des environs d'Autun, M.S.E., V, p. 531

Roidot-Houdaille, poterie et hache trouvées au bois de Marvelay, M.S.E. XIII, p. 498

Hache de fer trouvée au hameau du Puits (ou Puy ) M.S.E. XV, p. 518

Bas-relief gallo-romain trouvé au Puy, M.S.E. I, p. 340

Hache en pierre polie trouvée entre Veuvrotte et Sully, M.S.E. XVII, pp. 515 et 516.

Monnaies antiques trouvées au lieudit "Le Champ Garriaud", M.S.E. VII, p. 516

Hipposandale découverte entre Bouton et Uchey, le long de la voie romaine (Don de M. de Saint Gerand) Fiche musée Rolin - Autun.

Emile Thevenot, Note sur le lieu de la défaite de Sacrovir, M.S.E. XLVII, p. 492.

Note sur un anneau d'or d'époque mérovingienne découvert à Creusefond, M.S.E. XLVI, p. 365.

Dumay, Etat militaire et féodal des bailliages... en 1474, M.S.E. XI, p. 157.

Dumay, Rapport sur l'excursion faite le 12.09.1876 au château de Sully, C.S.F. 42e session - Autun 1877, t.I, p. 129

Sculptures du XlIIe siècle provenant de la Tour de Grosme, M.S.E. XXXVI, p. 376.

Abbé Doret, Le Puy, B.S.E. M 88/1

Abbé Grivot, Sully-le-Chateau, Dijon, Jobard, 1972

Description du château de Sully. M.S.E. XXX, p. 410

Deux textes sur la date de construction et l'architecture du château de Sully, M.S.E. XLVII, p. 385

Monnaies de la seconde moitié du IIIe siècle trouvées à Creusefond en 1876, M.S.E. XXV, p. 54

Château de Sully : deux dessins de 1868 et 1877 et quatre photos de 1902, B.S.E. "Sites et Monuments" n° 198 et 199

Château du Puy, " Sites et Monuments ", n° 200

Terrier de Bouton et de Morgelle. M.S.E. XLVII, p. 400

N.B. : les photos non datées ont été prises par l'auteur.

Lien touristique : Château de Sully

© Roland Niaux ca 1980 (Publication électronique : avril 2008)

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