L’Habitat médiéval fortifié dans l'Autunois

Roland Niaux

(1994)

Les données contenues dans ces pages sont mises à la disposition de tous : chercheurs, archéologues, historiens ou amateurs.

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Article publié dans "Chastels et maisons fortes en Bourgogne, n°1", Actes des journées de castellologie de Bourgogne, 1994-1998, Textes réunis par Gilles Auloy et Michel Maerten, Montceau-les-Mines, 2001

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Les recherches réalisées ont mis en évidence 110 sites répartis sur 36 des 38 communes qui comportent ces cantons :

Antully : 1

Autun et St Pantaléon : 14

Auxy : 6

La Boulaye : 2

Brion : 3

Broye : 2,

Change : 1

La Chapelle-sous-Uchon : 1

Charbonnat : 1

Collonge-la-Madeleine : 1

La Comelle : 4

Créot : 0

Curgy : 6

Dettey : 2

Dracy-St Loup : 4

Epertully : 0

Epinac : 1

Etang-sur-Arroux : 7

La Grande Verrière : 5

Laizy : 2

Mesvres : 3

Monthelon : 2

Morlet : 1

St-Didier-sur-Arroux : 4

St Eugène : 2

St Forgeot : 4

St Gervais-sur-Couche : 1

St Léger-du-Bois : 4 (+3 A.Richeton)

St Léger-sous-Beuvray : 4

St Nizier-sur-Arroux 1

St Prix : 1

Saisy : 2

Sully : 2

La Tagnière : 5

Tavemay : 1 (+ 1 A.Richeton)

Thil-sur-Arroux : 2

Tintry : 3

Uchon : 1

Cette région est atypique : elle comprend l'Autunois, une partie du Morvan, la vallée de l' Arroux de Dracy St loup à La Boulaye, la vallée de la Drée jusqu'à la Côte d'Or. Il n'y a pas d'unité géologique ni administrative, ancienne ou actuelle. C'est à peu près le centre de l'antique Cité Eduenne, autour de ses deux métropoles successives, Bibracte et Augustodunum.

Le but recherché étant un recensement aussi complet que possible, l'existence de certains des sites énumérés ne repose que sur des indices. Ainsi, à titre d'exemple, le « Pré de la Motte », commune d'Autun, n'offre qu'un indice toponymique, une situation géographique favorable et quelque menu mobilier, difficilement datable, recueilli dans les taupinières. A Brion, le site des « Arbres » n'est attesté que par une photo de R. Goguey, prise en prospection aérienne. A Curgy, nous n'avons pas autre chose qu'un texte du XIXe siècle, de valeur scientifique douteuse, attestant l'existence d'une motte à « Chevannes », le long d'une voie romaine. A Dracy-Saint-Loup, l'emplacement de la très réelle «Tour de Ravelon» n'est pas fixé avec certitude. Parfois deux sites voisins représentent probablement deux états successifs du même siège seigneurial : ainsi, la « motte » et la « tour » de Savigny-le-Vieux à Curgy ; le château de Bussières et une « tour » aux Quiniards, sur la commune de La Tagnière ; la « Vieille Tour » et la « Motte » à Tintry.

Dans l'attente d'études plus précises qui devraient être appuyées éventuellement sur des sondages, il paraît prématuré d'offrir un classement typologique précis des sites recensés. On se bornera à les faire entrer dans quatre grandes catégories :

- Les forteresses de hauteur

- les forteresses de plaine

- les châteaux ou maisons fortes qui leur ont souvent succédé au XVe siècle

- les fortifications urbaines ou d'établissement religieux

Les forteresses de hauteur

Peu nombreuses, elles ceinturent le Morvan : Glenne (La Grande Verrière), La Perrière (Etang-sur-Arroux), Uchon. Pour comprendre leur raison d'être, il faut mentionner hors de la zone ici étudiée, le château de Roussillon (Anost), les châteaux nivernais de Touleur (Larochemillay), de la Vieille Montagne (Saint-Honoré-les-Bains), de château-Chinon. Leur relation d'origine avec Bibracte paraît probable. Ces forteresses présentent la caractéristique d'utiliser un sommet retranché comme moyen principal de défense. La roche affleurante sert d'assise aux constructions et, parfois taillée et excavée, constitue la base des parois murales (Glenne, Touleur). Ce sont de grosses forteresses: elles sont ceinturées d'épais remparts et de tours protégées par des fossés de dimensions impressionnantes en rupture de pente (Glenne). Elles paraissent très anciennes: Xe, XIe siècles si l'on en juge par les vestiges et quelques sondages récents (Uchon) en l'absence de textes contemporains authentiques. Il faut aussi remarquer que toutes les forteresses ci-dessus citées - à l'exception d'Uchon - ont livré des témoignages de présence gallo-romaine, tuiles et monnaies principalement. Si l'on ne peut assurer une pérénité de l'occupation des sites, leur réutilisation, du moins, paraît­ certaine: ainsi Glenne, éperon barré de l'environnement de Bibracte, a un donjon au pied duquel les fouilleurs clandestins mettent au jour tegulae et imbrice fragmentés, en abondance. Ces forteresses de hauteur, signes de puissantes seigneuries féodales, d'accès difficile, furent abandonnées, généralement, après les troubles consécutifs à la Guerre de Cent Ans.

Les forteresses de plaine

Souvent édifiées dans des bas-fonds, le long des rivières, à proximité de gués, elles différaient beaucoup des forteresses de hauteur. De dimensions modestes sauf quelques exceptions (Sauturne, Chazeu...) leur fonction défensive devait se limiter à assurer la protection du seigneur résidant. Deux sous-catégories sont à distinguer dans ces forteresses de plaine:

- Les unes se présentent sous forme d'éminences de terre en tronc de cône circonscrit par un fossé. La plate-forme sommitale, probablement entourée de palissades, devait être couronnée d'une tour qui fut d'abord de bois, on y rencontre rarement la pierre). Ces mottes étaient construites sur la terre extraite des fossés. Ainsi « Perpennat », commune de Dettey - (le plus bel exemple est celui de la motte de Lagué, non retenu dans cette étude parce que situé sur la commune nivernaise de Poil mais en limite des communes de La Comelle et de Saint-Didier-sur-Arroux).

- Les autres se présentent sous forme de terrasses plus ou moins surélevées par rapport au sol environnant, de plan quadrangulaire ou ovalaire. Leur surface est généralement plus importante que celle des précédentes. Elles sont également entourées de fossés. Elles ont presque toujours supporté des constructions de pierre, ce qui conduit à leur attribuer une datation postérieure aux précédentes ou bien une durée d'utilisation plus longue. Parfois, elles n'étaient pas édifiées uniquement sur la terre extraite des fossés. On utilisait volontiers un relief rocheux de forme imprécise mais facilement aménageable, ainsi « la Roche Bazot » à La Boulaye ou le « Vieux Château de Repas » à Auxy. Plus difficile à situer, la basse cour était soit sur la plate-forme castrale elle-même soit extérieure, mais attenante et souvent protégée de fossés, talus et haies vives. Il est difficile d'assigner aux forteresses de plaine une époque précise d'édification. Comme sur les forteresses de hauteur, il n'est pas rare de retrouver sur ces mottes ou en bordure immédiate des traces d'occupation gallo-romaine. Ainsi des monnaies du Haut-Empire sur la motte circulaire de « Perpennat» (Dettey), des tegulae autour de celle des « Buissonniers » (St Forgeot) ; des monnaies, des vestiges d'hypocauste sur l'emplacement arasé de la« Motte des Choux » (Mesvres), des tessons d'amphore à la« Roche Bazot» (La Boulaye.) La motte quadrangulaire du« Closeau » (St Forgeot) est toute entourée d'un habitat gallo-romain très dense dont on retrouve du mobilier sur la motte elle-même.

Cette particularité, spécifique semble-t-il à l'environnement Autun-Bibracte, n'avait pas échappé aux archéologues du XIXe siècle (X. Garenne, Bibracte ; J.G.Bulliot, Essai sur le Système défensif des Romains en pays éduen). Elle les avait conduits à interpréter ces mottes comme des postes de défense gallo­romains, voire protohistoriques, sans retenir l'occupation médiévale qui n'a laissé que peu de vestiges mobiliers.

Les châteaux ou Maisons fortes

Une troisième catégorie de fortifications apparaît consécutivement à l'abandon des deux précédentes, c'est-à-dire généralement au XVe siècle, parfois sur le même emplacement, parfois à quelque distance. Dans le premier cas - même emplacement - la construction nouvelle occulte souvent l'appréciation des états antérieurs.

Il s'agit maintenant de maisons fortes ou châteaux de conception nouvelle, comportant des bâtiments à ailes perpendiculaires, formant un quadrilatère ouvert sur une face ou entièrement fermé sur une cour. Les angles sont ponctués de tours, généralement circulaires. L'ensemble est encore souvent entouré de fossés franchis par un pont-levis puis par un pont dormant. Mais s'agit-il de fortifications à vocation guerrière ou de fortifications de prestige et de tradition ? Lorsqu'elle réutilise la plate-forme inchangée de l'ancienne motte, l'implantation des bâtiments en suit les pourtours. C'est le cas de Sauturne (St Gervais), Monestoy (Epinac), Chazeu (Laizy). Dans le cas de Champsigny (St Léger du Bois), la photo aérienne permet de voir, à proximité de l'élégante maison forte, la trace des fossés d'une motte antérieure. Cette maison de Champsigny, construite fin XVe ou début XVIe siècle, est le type même de la demeure de prestige qui n'a jamais eu à défendre quoi que ce soit. Un procès-verbal de recherche des feux dans le bailliage d'Autun en 1475, publié par A.de Charmasse (MSE, tXXVII, 1899) mentionne les fortifications existant alors, c'est à dire au terme de l'époque médiévale. Elles sont ainsi désignées:

- à Dracy-St-Loup, forteresse

- à St Léger-du-Bois, deux forteresses, Lally et Champecueillon

- à Monestoy - (aujourd'hui Epinac) -, forteresse

- à Sully, forteresse

- à Tintry, forteresse de Loiges (Loges, aujourd'hui sur la commune de Morlet)

- à Saisy, la tour forte de Sivry

- à St Gervais, la forteresse de Sautrone (Sauturne)

- à Auxy, forteresse (il s'agit de la Porcheresse)

- à Dettey, forteresse dite la Boloye (aujourd'hui La Boulaye, sur la commune de ce nom.)

- à Broye, chastel de Mont jeu

- à Uchon, forteresse

- à Monthelon, « maison fort à la vesve Jehan de Clugny » (c'est le château aujourd'hui dit « deChantal» qui n'a pas de caractère fortifié - et qui a été construit après l'abandon de la motte de Lée)

- à Laizy, forteresse de Chazeu

- à Etang, chastel fort de la Perrière.

Cela fait au total 11 « forteresses », un « chastel fort », « une tour forte », une « maison fort » et un « chastel ». Ces précisions sont-elles significatives ? On ignore ce que pouvait être exactement la « tour forte » de Sivry, qui a laissé place à un château d'époque moderne; de même, on ne peut rien reconnaître de la « forteresse » de Sully dans l'actuel « Fontainebleau de la Bourgogne » comme l'appelait Madame de Sévigné. En revanche, la distinction entre « maison fort » pour Monthelon et « chastel fort » pour la Perrière (Etang-sur-Arroux) semble bien marquer une différence de dimensions. A Mont jeu (Broye), il n'y a qu'un « chastel », sans autre qualificatif. Sans doute n'était-il plus fortifié. Beaucoup d'autres forteresses, bien connues, ne sont plus citées. Sans doute ont-elles alors perdu tout caractère défensif ou bien sont-elles déjà ruinées.

Fortifications urbaines ou prieurés fortifiés

On peut encore distinguer d'autres fortifications n'entrant dans aucune des catégorie précitées : ce sont les fortifications urbaines et les prieurés fortifiés. Les premières comportent des sortes de réduits ou donjons à l'intérieur d'enceintes urbanisées défendues de remparts : le château de Riveau, dans le « castrum » autunois, la « Tour de la Bondue », dans le quartier retranché de Marchaux (Autun).

Les secondes défendent une institution ou une communauté religieuse, comme le Palais épiscopal d'Autun. Leur point fort est souvent une église-donjon : le prieuré de Mesvres, celui de Thil-sur-Arroux. Ce peut être aussi une véritable enceinte muraillée : l'abbaye de St Martin, à Autun-St Pantaléon. Ainsi il paraît difficile, à ce stade des recherches, de présenter une classification rigide. Les diverses catégories entrevues ne se situent pas dans de strictes limites de durée. Les nécessités, de situation ou de fortune, ont souvent conduit à des aménagements et transformations de vieux habitats ou, même, à des réutilisations de sites antérieurement abandonnés.

La classification sommaire proposée paraît surtout valable au vu de la destination des sites.

Les « forteresses de hauteur » étaient des ouvrages de guerre, au sens encore en vigueur au XIXe siècle. Leurs dimensions leur permettait d'abriter une petite garnison. Leur situation répondait à une mission de surveillance lointaine ou d'interdiction d'une voie de communication. Les «forteresses de plaine» avaient plus modestement vocation d'abriter leur maître des rôdeurs. Elles n'étaient pas aptes, sauf exceptions (Chazeu, Monestoy, Sauturne...) à se défendre contre une troupe nombreuse ou à soutenir un siège. Les «châteaux», « tours, «maisons-forts» du XVe siècle sont peu nombreux à avoir subi une aventure guerrière. Ils étaient des ouvrages de transition entre l'antique forteresse et la résidence seigneuriale non fortifiée. Quant aux forteresses urbaines, l'expansion démographique les a vite fait voler en éclats, jointe à la disparition des risques: transformation en palais du château fort des évêques, transformation en prisons des donjons de Riveau et de la Bondue (Autun.)

Le manque de vitalité des abbayes et prieurés ruraux a également entraîné la disparition de leurs moyens de défense. En conclusion, il faut rappeler que toutes ces considérations sont propres à l'environnement autunois et ne trouveront pas obligatoirement application à d'autres contrées, différentes par leur relief, leurs voies de communication, leurs coutumes et leur organisation féodale.

© Roland Niaux 1994 (Publication électronique : Novembre 2007)

ANNEXE

Pour la lecture du tableau ci-dessous :

Pour permettre le service de la colonne « type » de la fiche de synthèse, nous avons adopté la codification suivante :

1 – forteresse de hauteur

2 – forteresse de plaine

A – motte circulaires

B – plates-formes quadrangulaires ou ovalaires

3 – forteresse du XVe siècle

4 – forteresse urbaine ou religieuse

La colonne « état » reçoit les mentions suivantes :

- top pour simple indice toponymique, sans textes ni vestiges apparents

- tex pour textes, sans vestiges apparents

- relief pour seulement un relief apparent

- ruines pour relief avec ruines ou ruines seules

- med pour un état médiéval, conservé et apparent, sans adjonction moderne

importante

- mod pour construction d'époque moderne ayant intégré des vestiges

médiévaux ou cachant ces vestiges en substructions.

Il reste que cet état des lieux n'est qu'approximatif. Certains des sites avancés sont douteux.

D'autre part nous avons recensé, sur la même étendue territoriale, d'autres maisons seigneuriales, d'autres fiefs qui ont peut-être porté un habitat fortifié durant 1 'époque médiévale. Nous avons négligé ceux qui n'offraient pas de présomptions sérieuses : tous les fiefs n'avaient pas obligatoirement de maison seigneuriale sur leur territoire et toutes les maisons seigneuriales n'étaient pas obligatoirement fortifiées.

Roland Niaux, 1994

Publié dans "Chastels et maisons fortes en Bourgogne, n°1", Actes des journées de castellologie de Bourgogne, 1994-1998, Textes réunis par Gilles Auloy et Michel Maerten, Montceau-les-Mines, 2001

viviane niaux, éditeur

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