Le poing ultime

LE POING DU FAÎTE ULTIME

Anthony de Leonardis dans Black Belt USA juillet 1967

Traduit par Anya Méot pour le bulletin Toum n°21 paru en 1998, soit 21 ans plus tard

Clavistes Jean-Pol Brissart et Henri Branjon

Lentement, très lentement les deux hommes glissaient en tournant l’un face à l’autre, levant

chaque jambe dans un pas très allongé, alors que leurs mains et bras semblaient flotter dans l’air

en beaux et gracieux mouvements. Le tableau qu’ils présentaient semblait, presque, être une

danse au ralenti. Mais cette «danse» avait un but extrêmement sérieux.

Sans rompre l’harmonie gestuelle qu’ils créaient ensemble, le plus grand des deux, dans

un mouvement de spirale, tentait de faire le geste qu’on appelle «étreindre la queue du paon».

Ceci est une description plutôt imagée de ce qui se passait - une petite attaque vicieuse ayant pour

but d’attraper les vêtements de l’autre en l’attirant vers un coup de pied et un coup de poing. Mais,

avec une facilité presque incroyable, le plus petit contrait, par une technique appelée poétiquement

«conduire le tigre et retourner à la montagne», conçue pour déséquilibrer l’adversaire puis lui faire

une petite surprise.

A cet instant, la séquence de rêve s’arrêta brutalement. Le plus grand des deux hommes,

pesant vingt-cinq kilos de plus que l’autre, fut stoppé subitement sur place et projeté en arrière

contre le mur. Celui qui l’avait envoyé en l’air semblait n’avoir produit aucun effort bien qu’ayant

créé une énorme énergie de force et puissance sans jamais interrompre son rythme étrange et

serein. Le plus petit, celui qui avait exercé toute cette force était TUNG HU LING, expert en Taï Chi

Chuan, un impressionnant système de boxe qui est encore peu connu en dehors des milieux

chinois. Maître Tung venait de démontrer l’un des principes essentiels de son art : il n’est pas

besoin de beaucoup de force pour dominer une situation.

Tung est un bel homme, discret, au beau sourire et à l’impressionnant parcours. Celui qui

lui enseigna le Taï Chi Chuan n’était autre que son père, TUNG YING KIE, reconnu par tous

comme étant l’un des meilleurs enseignants de cet art.

Le fils continue dans la même tradition et gère plusieurs «dojos» en Asie.

En début d’année, Tung Hu-Ling, effectuant une tournée aux Etats-Unis pour faire

connaître son art, est passé nous en parler dans nos bureaux. Pour ceux qui ne connaissent pas

le Taï Chi Chuan, cela ne correspond à rien de connu jusqu’ici. Par exemple, en apparence, cette

forme de boxe chinoise ressemble peu au karaté du Japon ou de la Corée, mais en y regardant de

plus près, quelques similitudes existent au niveau des blocages et des coups. Cependant,

l’élégante chorégraphie du Taï Chi Chuan tend à en masquer la réalité martiale.

C’est le système d’auto-défense le plus pratiqué au monde.

Il peut être surprenant pour des occidentaux d’apprendre que le Taï Chi Chuan est de loin

le système d’auto-défense le plus pratiqué dans le monde. Alors que les karatékas ne comptent

qu’entre cinq ou six millions de pratiquants dans le monde, des centaines de millions de personnes

pratiquent cet art chinois.

Cette surprenant statistique résulte du constat que le Taï Chi Chuan est pratiqué encore

aujourd’hui en Chine populaire, en dépit de ses vieilles traditions taoïstes, voire même

confucianistes. Presque tout le monde a vu des photos de foule chinoise, gens de tous âges,

alignés dans des parcs ou aires de jeux, en train de se livrer à des exercices physiques qui

semblaient imposés par les autorités communistes : ces citoyens obéissants pratiquaient

simplement le Taï Chi Chuan.

Précisons, que cet art peut être étudié avec pour unique objectif la santé et l’exercice

physique, auquel cas, il a pour nom Taï Chi (Faîte Suprême, Grand Ultime). Une petite proportion

de la population chinoise pratique cependant le système d’auto-défense. Dans ce cas on l’appelle

Taï Chi Chuan (Grand Ultime Coup de Poing, Boxe Suprême).

Les exercices physiques ressemblent en grande partie aux tactiques d’auto-défense et

peuvent être adaptés à la forme de boxe sans grande difficulté. Jusqu’au 20è siècle, les aspects

d’auto-défense, jalousement gardés, n’étaient enseignés qu’à des étudiants choisis et à priori

d’origine chinoise.

Depuis, ces barrières sont tombées et tous ceux qui veulent s’en donner la peine peuvent

l’apprendre. Les Etat-Unis compteraient quelques trente-cinq à quarante professeurs chinois de

Taï Chi dont les compétences varient; souvent chacun enseigne son style de manière très

personnalisée. La plupart se trouvent à San Francisco dans le quartier chinois. Une demi-douzaine

résident à Los Angeles, un ou deux à New-York et Chicago, c’est à peu près tout. Ailleurs en

Amérique et en Europe, l’art est presque inconnu et très peu enseigné. L’enseignement compétent

de cet art est toujours limité aux professeurs chinois bien que certains aient aujourd’hui des élèves

américains avancés qui leur servent d’assistants.

Les chinois croient que la pratique régulière du Taï Chi peut assurer une excellent santé et

une longue vie. Si c’est la cas, Maître Tung en est l’exemple parfait. A cinquante ans, il en parait

quinze de moins, le visage lisse et sans rides, un ou deux cheveux gris dans une chevelure noire.

Il ne parle que chinois, aussi s’est-il fait accompagner par un de ses étudiants, Daniel Lee, qui lui

sert d’interprète et qui est également ceinture marron de karaté. Homme charmant, Tung a parlé

des différences entre Taï Chi Chuan et Karaté.

Utiliser la force de l’adversaire à ses dépens.

« Nous ne mettons pas l’accent sur la puissance et la musculature comme en karaté» dit-il.

« Nous sentons que nous n’en n’avons pas besoin». La raison en est que notre système repose

sur le fait d’utiliser la force de l’adversaire contre lui. Je suppose que l’on pourrait dire que notre

système est doux, cela par rapport à d’autres systèmes de boxe chinoise.

Pour ceux qui connaissent peu les arts martiaux chinois, il faut dire que leur nombre laisse

perplexe. Si les pratiquants de karaté constatent que leur art manque parfois d’unité entre les

différents styles, ils devraient regarder les systèmes chinois. Littéralement des douzaines de boxes

chinoises différentes coexistent. Presque tous ces systèmes ont été scindés en styles différents,

suite à des rivalités, ou par la volonté de maîtres qui ont laissé leur propre empreinte à travers les

siècles.

Prenons en exemple le fameux système Shaolin (une variation d’où est issu l’ancêtre du

karaté moderne). De nombreux styles de Shaolin existent, dont beaucoup portent des noms

poétiques caractéristiques, tels que «la boxe du sourcil blanc», «le style du singe», «les serres de

l’aigle», «le style de la grue», et même un style qui s’appelle «la boxe de l’homme ivre». Tung

établit une distinction entre tous ces systèmes, qu’ils soient «internes» ou «externes». Les

systèmes «internes» incluent le Taï Chi Chuan, le Pa-Kua, et le Hsing-Yi; les «externes»

comprennent divers styles de Kung-Fu, de boxes Shaolin ainsi que d’autres systèmes de type

karaté. Une des différences simples entre interne et externe est que l’interne est dit défensif alors

que l’externe est d’approche plus agressive et musculaire.

Mais d’après Tung une autre distinction consiste en l’approche mentale de base. Le Taï Chi

Chuan est basé sur le concept du «chi». Un concept similaire, appelé «ki» en japonais, est utilisé

en aïkido. Le «chi» est une force cérébrale fascinante qui est censée donner plus de pouvoir et de

puissance à celui qui le développe et l’utilise correctement en le combinant avec sa puissance

physique. Cependant le «chi» est une énergie insaisissable, beaucoup plus facile à comprendre

qu’à développer. Il est supposé être littéralement puisé dans le corps par la volonté. Tung affirme

que lorsqu’il pratique, le bout de ses doigts et les paumes de ses mains transpirent, «la force du

chi coule vers l’extérieur». En gardant à l’esprit la notion de «chi», il est peut-être plus facile de

comprendre pourquoi le Taï Chi Chuan est un style de défense si gracieux et élégant. En effet

puisqu’une grande force musculaire n’est pas requise pour ce genre de style, une plus grande

concentration peut donc être portée sur le côté esthétique de l’art.

Une autre raison est également avancée : il est typique des chinois, qui ont développé une

des plus anciennes et des plus grandes cultures au monde, de vouloir simplement rendre tout

effort plus gracieux et raffiné, même s’agissant d’une circonstance aussi violente que l’autodéfense.

Pour les vrais inititiés, si le Taï Chi Chuan est aussi fascinant, c’est précisément, parce

que, dans l’apparente beauté extérieure, se love un système basique élémentaire de puissance et

violence auquel on fait appel en cas de besoin ; sinon, et jusqu’à son utilité, reste la beauté du

geste.

Cette recherche de beauté peut aussi expliquer pourquoi tant de techniques portent des

titres si poétiques, tels que «la grue blanche déploie ses ailes», pour décrire les coups simultanés

portés aux tempes. On considère généralement qu’il y a trente-six postures ou mouvements de

base dans le Taï Chi Chuan bien que ce chiffre varie d’un enseignant à l’autre.

Dans le système Tung, au travers des différentes séquences et combinaisons sont utilisés,

en tout, cent vingt-huit mouvements. Tung enseigne le style Yang de Taï Chi Chuan, considéré

comme le plus grand style classique. Un autre style majeur est le système Wu-Hao désigné

d’après le nom de son fondateur Wu, qui apporta un certain nombre de changements dans le style

Yang. Toutes les parties du corps sont utilisées pour l’auto-défense : coudes, genoux, poings,

pieds etc... de manière différente, en dehors des coups de poings et pieds. Dans le Taï Chi Chuan,

ces diverses méthodes de défense s’appellent «principes» ou « potentiels ». Ils sont au nombre de

huit.

Par exemple, l’un d’eux s’appelle le principe de la «saisie». Cependant cela signifie bien

plus qu’une simple prise à l’arraché. En effet une des possibilités serait une prise qui vise à mettre

le muscle comme dans un étau pour le déchirer ou l’abîmer. D’autres principes s’appellent coups

de coude, appuis, étreintes, écartements, tirés, pressions, extensions. Combinés avec les forces

du «chi», ce sont tous des mouvements redoutablement efficaces. Cinq principes sont également

basés sur des mouvements à partir de positions différentes, correspondant à l’ancienne croyance

chinoise dans les cinq éléments de la nature: les mouvements en avant (dits mouvements feu), en

arrière (eau), côté droit (métal), côté gauche (bois) au centre (terre).

Dans le Taï Chi Chuan tous les mouvements sont circulaires, les coups droits n’existent

pas. La raison en est que les mouvements circulaires s’harmonisent avec le flux du «chi», tandis

que les mouvements linéaires, pense-t-on, sont en rupture avec ce flux. Il y a aussi de nombreux

mouvements dans l’espace. Les pratiquants de Taï Chi Chuan ne se tiennent jamais immobiles, ils

fixent des yeux leur adversaire, selon le principe qu’une cible mobile est plus difficile à atteindre.

Le Taï Chi Chuan est un art très ancien. Traditionnellement on considère que son fondateur

était un philosophe taoïste, appelé Chang San Feng, né à la fin du 14è siècle. Mais des études

récentes tendent à pré-dater la fondation du Taï Chi Chuan de quelques siècles. L’historien Dr.

William C. C Hu qui écrit pour Black Belt, vient de compléter une étude qui indique que les plus

anciennes racines du système pourraient dater d’une série d’exercices ou mouvements du temps

de Lao Tseu, fondateur de la philosophie taoïste aux alentours de 6è siècle avant J.C, ce qui ferait

du Taï Chi Chuan l’art de boxe le plus ancien pratiqué dans le monde, antérieur de quelques

milliers d’années à l’existence des styles Shaolin. Il se peut que Chang San Feng, en son temps,

ait simplement codifié ou réuni un certain nombre d’exercices qu’il a mis à jour dans un style

moderne connu sous le nom de Taï Chi Chuan. Chang lui-même est un personnage intéressant.

Ses collègues le surnommaient «Sale Chang», car il portait des mois durant, sans jamais les

changer, les mêmes vêtements.

Le serpent et l’oiseau

Deux versions différentes s’appliquent à l’origine de la codification du Taï Chi Chuan par

Chang. Une école maintient qu’un jour il regardait par sa fenêtre et vit un oiseau combattre un

serpent. L’oiseau tentait de piquer le serpent avec son bec, mais grâce à des mouvements souples

et continus, le serpent put éviter chaque attaque de l’oiseau. Ainsi l’histoire raconte que Chang

San Feng a modelé son système sur les mouvements du serpent.

L’autre version est beaucoup plus farfelue et reflète les légendes et mythes qui pullullent

dans l’histoire chinoise. Selon l’école légendaire Chang reçut pendant son sommeil la visite de l’un

de ces rois faisant partie des anciens dieux mythiques, et qui lui révéla les secrets du Taï Chi

Chuan. Pour être franc, durant les siècles précédents on racontait pas mal de bêtises au sujet du

Taï Chi Chuan et du «chi». Par exemple, de nombreuses personnes croyaient que quelques

hommes extraordinaires pourraient développer leur «chi» au point de pouvoir empêcher les épées

ou même les balles de pénétrer leurs corps. Certains pensaient qu’un grand maître pouvait les tuer

par la seule force de son «chi» en pointant le doigt vers eux. D’autres ont même cru que la

puissance du «chi», émanant fortement de certains hommes pouvait arrêter les cascades ou

fendre les rochers.

Nous avons discuté de ceci ainsi que d’autres aspects du «chi»avec un autre professeur de

Taï Chi Chuan, James Wing Woo, qui vit actuellement à Hollywwod mais qui étudia cet art à

Canton en Chine. Woo est un critique confirmé, parfois acerbe, des arts martiaux; il a l’avantage

de parler couramment anglais ce qui lui permet de s’exprimer clairement et sans artifices,

contraste bienvenu par rapport aux habituels porte-parole de l’art qui en essayant de donner des

explications précises se perdent dans un mysticisme et une philosophie confuse.

Tung aussi bien que Woo ont parlé franchement à ce sujet mais on soupçonne que dans

certains cas d’autres professeurs ne savent pas vraiment de quoi ils parlent quand ils commencent

à se prononcer sur des sujets philosophiques abstraits.

Nous avons discuté avec Woo durant tout un après-midi, à son dojo, sur Hollwood

Boulevard. Assis dans son petit bureau bondé du sol au plafond de livres sur la culture, l’histoire,

la philosophie chinoise, et l’acupuncture. «Par le passé on a raconté beaucoup d’histoires au sujet

du «chi»» dit Woo. «Mais parmi les anciens, surtout ceux sans instruction, beaucoup y ont cru et y

croient toujours». Selon Woo, dans de nombreux cas la force du «chi» dérivée du Taï Chi Chuan

pourrait être expliquée pour une part grâce au «chi», pour l’autre grâce à une bonne connaissance

des mécanismes du corps. «Tenez», dit-il en tendant son bras, «essayez d’empêcher mon bras de

faire descendre le vôtre». J’ai tendu mon bras tout en essayant de résister. Mais il a réussi à le

faire baisser relativement facilement. «A présent, serrez vos jambes et vos fessiers et essayez de

m’arrêter». Cette fois-ci j’ai pu l’empêcher d’abaisser mon bras sans trop de difficultés. «La force

du «chi» est dans vos jambes et vous la faites monter à travers tout le corps, évidemment», dit

Woo, «mais en même temps il faut connaître la dynamique corporelle». Woo prétend que la notion

japonaise du «ki» en aîkido n’est pas tout à fait la même que la conception chinoise du «chi». «

J’aime décrire le «chi» comme une méditation en mouvement». « Quand je pratique les

mouvements du Taï Chi Chuan, j’essaye de penser à l’immobilité, j’essaye de vider mon esprit

pour atteindre le calme et la sérénité». Woo souligne que les débutants se concentrent sur

l’enchaînement des mouvements bien entendu, mais une fois ceux-ci acquis, ils peuvent se libérer

l’esprit afin de tendre vers le calme et la sérénité.

On peut constater que l’étude du Taï Chi Chuan comporte une grande part de philosophie.

A Okinawa, au Japon, en Corée, les arts martiaux sont imprégnés de philosophie Zen Boudhiste

alors qu’en Chine c’est principalement dans les styles de boxe Shaolin, développés dans le

monastère boudhiste Shaolin que la philosophie boudhiste est prédominante.

Dans le cas du Taï Chi Chuan, c’est la philosophie taoïste et à un degré moindre,

confucianiste qui donne le ton spirituel et moral à cette forme d’auto-défense.

Patience, humilité, persévérance.

Cette philosophie est symbolisée par le fameux dessin taoïste du «double poisson». Il s’agit

d’un cercle avec une courbe en «S» le traversant qui symbolise l’idée chinoise millénaire du Yin et

du Yang, où les deux opposés coexistent en harmonie parfaite tant que l’un ne domine pas l’autre.

Ainsi, le Yin et le Yang symbolisent le dur/doux, l’actif/l’inactif, le clair/l’obscur, le mâle/la femelle,

etc. Un autre symbole plus compliqué exprime la même idée dans le Confucianisme. Ces

symboles correspondent au Grand Ultime, expression la plus élevée de la philosophie.

Notre but essentiel, dit Woo, est de tenter de transmettre les principes chinois de patience,

humilité, persévérance qui s’appliquent à tous les systèmes de croyance en Chine - Taoïsme,

Confusianisme, Boudhisme.

En dehors de l’aspect abstrait, nous avons demandé à Woo pourquoi le Taï Chi Chuan est

pratiqué très au ralenti plutôt qu’à une vitesse à laquelle se déroulerait toute rencontre. « La

lenteur enseigne un bon équilibre » dit-il. « Le fait de pouvoir observer, prendre conscience des

fautes et erreurs, dans des mouvements lents, comme l’on ne pourrait le faire à une vitesse rapide,

est vraiment important. Si vous commettez une erreur au ralenti, elle est plus facile à remarquer

par l’instructeur comme par l’élève ». Nous avons demandé à Woo si les mouvements se

pratiquaient rapidement. «Oh, oui» dit-il et il exécute aussitôt la première partie des cent vingt-huit

mouvements en accéléré. Il ressemble à un robot (une petite bétonneuse) traversant le plancher

de sa salle, les bras, les jambes, les poings et les coudes virevoltant sans interruption. Vu de cette

façon, le pratiquant de Taï Chi Chuan devient un flot constant d’attaques et de contre-attaques.

Formes préétablies.

Il n’existe pas de tournois entre élèves de Taï Chi Chuan. «Trop dangereux» dit Woo. «

Nous ne voulons avoir recours à ces techniques qu’en cas de besoin. De surcroît, on prend trop de

mauvaises habitudes au cours des tournois.

« Les élèves de Taï Chi Chuan ne combattent ensemble que selon des formes strictement

préétablies où chacun sait à quoi s’attendre. Mais il existe une forme d’exercices «compétitifs»

appelée «mains collantes» que les élèves pratiquent des heures durant. Au cours de cet exercice,

ils mettent leurs poignets et avant-bras l’un contre l’autre et exécutent des mouvements circulaires

pendant lesquels chacun essaye de deviner l’action de l’autre pour arriver à la transformer.

Pendant cet exercice, les étudiants ne bougent que leurs bras et poignets.

« Le but est de sensibiliser aux gestes et aux pensées de l’autre » dit Tung Hu Ling. « En

fait, il s’agit d’une communication silencieuse entre deux personnes. Il n’est pas question de «

force contre force ». Chaque adversaire essaye de découvrir le mouvement de l’autre et, par un

geste, en suivant la force de son mouvement, de se positionner pour arrêter son élan. Autrement

dit, cet exercice vise à développer et à aiguiser son propre «chi» et à améliorer sa capacité à sentir

et à déterminer le flux du «chi» de l’adversaire, afin de l’utiliser pour le déséquilibrer.

« C’est vraiment curieux », dit Daniel Lee, l’élève qui accompagne Tung Hu Ling lors de

l’entretien « quand on est déséquilibré pendant cet exercice, on a des sensations des plus

étranges. La seule force qui vous fait perdre l’équilibre, c’est la vôtre. Vous n’avez pas pu contrôler

votre propre force, donc elle vous déséquilibre». « En fait » dit Maître Tung, « cela ressemble aux

échecs. Il y a beaucoup d’anticipation et de psychologie. C’est une sorte de jeu mental. On essaye

de diriger la force contre l’adversaire, mais on va dans la même direction que lui afin de le

déséquilibrer. »

A la suite de sa visite aux Etats-Unis, Maître Tung est retourné à Hong Kong auprès de sa

famille. Il a quitté la Chine, mais il a encore plusieurs frères qui vivent et enseignent le Taï Chi

Chuan à Canton. Tung a son propre dojo à Hong Kong qui est géré par un de ses fils. Un autre

enseigne à Singapour. Tung lui-même reviendra aux Etats-Unis prochainement. « Je resterai plus

longtemps si je trouve que l’on s’intéresse de plus en plus au Taï Chi Chuan », promet-il.