FACT-CHECKING#2

La Biomasse industrielle de demain en Guyane
c'est la déforestation accélérée de la seule forêt amazonienne d'Europe, véritable hot-spot de biodiversité !

Centrale Biomasse de Montsinery : Les troncs d'arbres des forêts de Guyane dans l'aire de stockage, prêts à être transformés en plaquettes avant combustion... 

Notre campagne visant à démontrer que l'Etat, la CTG, et le Centre Spatial ont programmé de démultiplier la biomasse industrielle en acceptant de déforester des pans entiers de la seule forêt amazonienne française, a fait sortir du bois certains promoteurs de ce funeste projet. On y lit le même mot d'ordre pour rassurer les députés européens et la population :

« On ne va pas brûler de la forêt pour alimenter nos centrales »

tandis que d'autres nient carrément l'existence de projets de plantation en monoculture intensive d'arbres !

Quelques éléments de réponses :

- Le dramatique processus qui s’est en partie mis en œuvre à Bruxelles avec la complicité de divers soutiens locaux influents (politiques, économiques, et universitaires) va consister véritablement à déforester des pans entiers de forêts anciennes pour alimenter les actuelles et futures centrales, le temps d’enrichir quelques uns surtout et accessoirement de prétendre à une indépendance énergétique pour rassurer d’une envisageable « indépendance » tout court...

Bien entendu, pour en arriver là, on ne va pas lâcher tronçonneuses et Caterpillar sans raisons valables !
On va simplement accorder des cessions foncières sur des surfaces considérables, à déforester, pour laisser place à des projets dits « agricoles » fumeux, hasardeux voir purement hypothétiques comme la plantation de bois-énergie, de Teck de Malaisie, de canne fibreuse qui iront ou pas, un jour, alimenter d’autres centrales…
Mais peu importe, ce qui importe et interesse l'industrie de la biomasse, c'est l'acquisition du volume de la déforestation indispensable en prélude à toutes plantations.
D’ici peu, on va devoir s’habituer à voir s’empiler des grumes entières dans les aires de stockage des soit-disant déchets de bois...


Mais pourquoi n'entend-on pas parler des plantations de bois ou canne "Energie" ?

1 - Tout d'abord, ces projets de plantations sylvicoles en bois-énergie sont instruits dans le plus grand secret car les surfaces demandées sont gigantesques au regard des besoins des agriculteurs locaux ! A ce titre, rappelons-nous la malheureuse tentative d'amendement du Député Servile afin d’accroitre les surfaces demandées en concessions de 150 ha à … 5000 ha. Amendement refusé par le Parlement suite à l'action de Maiouri Nature Guyane (voir Actu d’oct 2020). T. Lechat-Vega était alors son attaché parlementaire ! Peut-il ignorer la source de cet amendement ?

Ces dossiers de demande de fonciers avec projet de plantation (bois-energie, canne fibreuse,…) sont sous embargo dans les services instructeurs (France Domaine, EPFA, DGTM, ONF...) pour diverses raisons stratégiques. C’est d’ailleurs un expert senior maîtrise Energie du CSG, Didier Cauquil, qui l’affirme dans un interview de Guyaweb (mai 2021) : « Pour les projets amont de la biomasse, si ils n’ont pas démarré, c’est parce que tout cela se cale gentiment et de façon un peu masquée » Rien de plus clair Non ?

Le projet Maillet Innovation Agroforestière (MIA)

2 - Thibault Lechat-Vega (1) ignorerait-il le projet MIA qui a fait la Une de France-Guyane. Une demande de concession de 10 700 ha avec une première tranche de 3700 ha de bois-energie (Clitoria Fairchildiana, Inga, Gliricidia Sepium…) + Tek de Malaisie, après bien-sûr la déforestation d’une forêt ancienne, en bordure de la RN1 à Kourou (voir page 6 du power-point du projet) . Rien avoir avec la pinède du Plan Vert de Sinnamary évoquée par TLV.

En 2019, nous avions bien étudié ce projet Maillet / MIA qui demeure, à en croire le même expert Energie du Centre Spatial Guyanais, l’un des trois piliers d’approvisionnement des 2 prochaines centrales biomasse IDEX en projet sur le site de Kourou. [Extrait Guyaweb] : « On a aussi un approvisionnement par le projet Mia d’agroforesterie, qui est encore en instruction (…) Ce serait le bois issu de la défriche des parcelles et après 3 à 4 ans ce sera du bois issu de plantations. (…) Il faut le concevoir comme un projet beaucoup plus large que juste faire du bois de chauffe » (sic)


Raser une forêt pour la replanter
n'est pas neutre en carbone !

Maiouri Nature a longuement étudié les rouages alambiqués de ce projet. Nous avions détaillé nos remarques sur cette page en 2019.

Ce projet MIA est somme toute, purement spéculatif avec pour objectif principal d'accaparer 11000 ha de forêts anciennes d'une riche biodiversité encore non inventoriée, d'en revendre, dans un premier temps, le bois issue de la déforestation sur 3700 ha, aux Usines de biomasse qui se sont implantées démesurément sur le territoire, par effet d’aubaine. 

A l'issue de cette déforestation, il reste un projet de monoculture intensive d'arbres dont 1000 ha de plantation d'une espèce exogène (Tek de Malaisie) dont la croissance, eu égard au biotope guyanais et aux dérèglements climatiques, nous semble totalement hypothétique. (Un choix d'ailleurs déconseillé par des agronomes d’Etat lors d'un webinaire de GNE).


Un projet d'agroforesterie !? plutôt un greenwashing de la coupe rase !

Seuls 30 hectares de Cacao et café, sont envisagés dans le projet MIA, pour servir de faire-valoir à cette indécente appellation "d’agroforesterie", SOIT 0,3% DU FONCIER RÉCLAMÉ.
Pour rappel, l'agroforesterie est parfaitement définie par l'ethnobotaniste Francis Hallé, initiateur du radeau des cimes, qui s'est déployé quelques temps sur la canopée de Paracou (Sinnamary). Ecoutez ici ou , sa définition de cette exploitation vertueuse et durable de la forêt tropicale.

La promotion de ce dossier est gérée par Antoine Madoui, Directeur de Maillet Innovation Agroforesterie (MIA) et associé-fondateur au bureau d’études Nerius Invest qui présente sur son site internet sa vision du bois-energie en Guyane.

La canne fibreuse, des herbacées pour remplacer des arbres !

Au delà des plantations de bois-énergie, il y a désormais les projets d’accaparer de grandes surfaces du territoire forestier pour tenter de faire pousser la canne fibreuse.

Là, c’est le directeur de la Centrale IDEX de Montsinery qui nous l’apprend dans une interview de Télé Guyane [Transcription] : « l'usine a prévu une ressource d'énergie complémentaire... c'est de faire de la canne énergie pour avoir une biomasse disponible, renouvelable et locale lorsque le bois...[hésitation]... serait peut-être plus difficile à collecter si le développement de la surface agricole s'arrête par exemple »

Le site du média L'Usine Nouvelle a réalisé un reportage sur ce projet que nous nous sommes permis de commenter pour rectifier un certain nombres d'inexactitudes. 

L'organisation WWF Guyane a elle-aussi apporté sa contribution à cet article en réfutant tout soutien et rappelant qu'elle ne considérait pas « cette initiative comme relevant de l’agroforesterie, car basée sur une étape initiale de déforestation significative (plus de 3500 ha), à vocation d’exploitation de bois d’œuvre et de bois énergie, associée à des démarches annoncées de plantation énergétiques sur une surface équivalente (3100 ha), sur un modèle économique essentiellement dépendant de la déforestation initiale ».


Les hommes d’affaires oublient évidement de dire qu’avant de planter, ils ont rasé une forêt qui stockait déjà du carbone et qui abritait de la biodiversité.


La société Guyane Forest Initiative pourrait être qualifiée de "cheval de Troie" de l'accaparement des terres de Guyane au profit de la Biomasse industrielle. Elle s’emploie activement à mobiliser les pouvoirs publics et privés pour les convaincre du bon usage de nouvelles formes d’agriculture non alimentaires, telles la canne fibreuse, véritable combustible en complément du bois. 

C'est du moins ce que tente de prouver l'étude Cann'innov, qui a bénéficié de fonds publics (Feder). Le 6 juin 2023 a eu lieu la restitution de six ans de recherches agronomiques pour promouvoir la rentabilité de cette variété de canne. Cette étude fut initiée par Guyane Forest Initiative et Energreen

Sur le site de Energreen, on apprend : « Energreen œuvre dans la logistique et l’approvisionnement de centrales de production d’électricité à partir de biomasse. (...) Cette société travaille dans la réalisation d’opérations culturales (…) notamment la canne fibre. (…) L’ensemble de ces plantations viendront compenser la baisse des défriches agricoles sur le territoire et permettront ainsi d’assurer les volumes de matière première nécessaires aux centrales ».

Mais voilà, dans un territoire comme la Guyane, recouvert à 96% de forêts tropicale humide, chaque fois que l'on décide de planter une nouvelle ressource, c'est la forêt qui trinque, le meilleur élément de régulation du climat qui se dégrade. 

Les promoteurs de la biomasse se trouvent être bien sûr ceux-là même qui souhaitent implanter la canne fibreuse ; ils ont tout à y gagner, car avant même de récolter le combustible "canne", il faut faire place nette sur des milliers d'hectares de forêt, et c'est d'emblée des centaines de milliers de tonnes de bois que les industriels vont pourquoi obtenir à vil prix, avant même de savoir si la production de cannes ou de bois énergie sera efficiente ou pas !

C'est comme si on climatisait les bureaux de la DGTM de Guyane en brûlant les tableaux du Louvre !


Robert Dardanne, l'homme orchestre de la biomasse 

L’homme orchestre de la promotion de la biomasse industrielle est sans conteste Robert Dardanne, un homme d’affaires aux multiples casquettes passées ou présentes. Des résidences médicalisées au Data Center, en passant par le transport aérien et l’énergie biomasse, solaire et hydro-électrique

Robert Dardanne fut ex-directeur et fondateur du groupe industriel de Biomasse Voltalia ; plus récemment Directeur de Guyane Forest Initiative.

Il est aussi Président du Groupement des ENtreprises en Energies Renouvelables de Guyane (GENERG), syndicat professionnel qui a publié récemment un éloge à la biomasse industrielle.

Il est cité par ailleurs dans deux articles d'investigation, l'un sur un conflit commercial qui finit bien mal avec Air Guadeloupe, l'autre dans un article de la Tribune rédigé par la journaliste d'investigation Aline Robert, autrice d'un remarquable ouvrage sur l'arnaque au Co2, appelé aussi le Casse du Siècle !

Les citoyens se rappellent sans doute sa stupéfiante plaidoirie pour la création d'un second mega-barrage de type Petit-Saut, sur le fleuve. C'était sur Radio-Peyi (à partir de la 6eme minute), 

« le territoire veut réfléchir, et c’est tout à fait intéressant, à la possibilité d’un deuxième grand barrage »

A l'époque pourtant, la communauté scientifique s'accordait pour proscrire ce type d'aménagement en forêt amazonienne pour sa haute émission en gaz à effet de Serre. Pour rappel, après 28 ans de fonctionnement, notre barrage de Petit-Saut est 3 à 6 fois plus nocif pour la planète, qu’une centrale thermique même aussi obsolète que celle de Dégrad-des-Cannes , et le restera encore durant 45 années ! 

Les mega-barrages sont à l'origine de nombreux drames écologiques chez les populations autochtones du Brésil ; ils ont ennoyé leurs territoires ancestraux de subsistance sur des surfaces considérables, principalement pour fournir de l'énergie à bas coût aux multinationales minières. 

Aussi, il est étonnant que l'homme d'affaires, président de l'association Forêt vierge, ait organisé à nouveau, cette année, la tournée du Chef Raoni, qui passe de Marlène Schiappa au sommet Change Now en passant par une rencontre avec le Pdt Macron.

Par le passé, l’association Foret Vierge (AFV) avait déjà organisé des visites de Raoni en Europe.
Le 14 décembre 2023, l'Associated Press publie des articles édifiants qui évoquent les controverses financières entre le Chef Raoni et le réalisateur belge J.P. Dutilleux, fondateur de Forêt Vierge (AFV), présidée désormais par Robert Dardanne. Articles à lire ICI (résumé) ou (article de fond).


[Extrait] : (traduction Deeple.com)
Le chef de tribu, deux autres membres de son groupe à but non lucratif, l'Institut Raoni, et le futur successeur de Raoni à la tête de la tribu ont tous déclaré que M. Dutilleux leur avait promis à plusieurs reprises, au cours des deux dernières décennies, d'importantes sommes d'argent pour financer des projets sociaux, mais qu'il n'avait versé qu'une fraction de ces sommes. Ils ont déclaré qu'il avait également refusé d'être transparent sur l'argent collecté au nom de Raoni lors de leurs tournées en Europe, ou grâce à ses livres et films sur les Kayapos. (...)

Le président de l'Association Forêt Vierge, Robert Dardanne, a déclaré à l'AP que le groupe avait donné à l'Institut Raoni tout l'argent qui lui était dû. L'organisation a fourni des documents indiquant qu'elle avait envoyé 14 200 euros (15 300 dollars) après un voyage de collecte de fonds en 2011 et un peu plus de 80 000 euros (86 000 dollars) après une campagne en 2019. Mais elle n'a pas fourni de dossiers pour au moins quatre campagnes précédentes, affirmant qu'en vertu de la loi française, elle n'était tenue de conserver ces dossiers que pendant une décennie.

M. Raoni et d'autres de ses proches affirment que ces montants sont dérisoires par rapport aux millions de dollars que M. Dutilleux leur a promis à plusieurs reprises.

M. Dardanne a déclaré qu'il pensait qu'un manque de communication entre le chef et l'Institut Raoni était à l'origine du mécontentement du chef. "Il y a parfois un décalage entre les attentes des communautés autochtones et la réalité", a-t-il déclaré. (...) 😡

M. Dutilleux a déclaré à l'AP qu'il n'avait jamais eu accès à l'argent collecté et a nié les affirmations de M. Raoni selon lesquelles il n'avait pas tenu ses promesses.

"Il peut parfois dire des choses comme ça [Raoni], c'est lié à l'âge. Peut-être que cela m'arrivera aussi, de dire des choses stupides", a déclaré M. Dutilleux, aujourd'hui âgé de 74 ans, lors d'une interview à Paris.

PS : Depuis ce déballage médiatique, le site internet de l'association Forêt Vierge a procédé à un lifting complet de son passé en excluant quasi toutes les mentions du nom de son fondateur et président d'honneur... mais grâce à ce formidable outil d'investigation numérique qui n'oublie rien "the Wayback Machine", on peut voir voir la composition de l'équipe d'AFV en nov. 2023 et puis en Janv. 2024. Quant à l'historique d'AFV, les 11 occurrences de l'ex-vedette JPD ont fondu comme les neiges des Tumucumaques.
On est peu de choses dans le monde de la Macronie !

Vous avez dit Greenwashing ? Qui a osé dire cela ?

A ECOUTER !

Dans un captivant reportage diffusé sur Radio France International, on découvre l'état d'esprit déconcertant de Laurence Monnoyer Smith, la nouvelle directrice du Développement Durable du CNES qui semble tout ignorer des capacités du mix énergétique de la Guyane et de la sobriété de seulement 300 000 guyanais (eq. d'une ville comme Nantes) ; pour cette spécialiste de la communication, il n'y a pas d'alternative pour la Guyane, c'est soit brûler la seule forêt d'Amazonie européenne soit « faire pédaler les gens » Et si on commençait plutôt par appliquer les économie d'énergie sur les 700 km2 du Centre Spatial sachant qu'un salarié du CSG produit en moyenne 149 tonnes de Co2 contre 11 tonnes par habitant, en moyenne nationale ? (Source Rapport parlementaire page 89 )



Une source d'énergie au rendement dérisoire !

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