Biomascarade !
25, 29 SEPT & 5 OCT 2020
"Rebondissement" Alors que l'Amazonie brûle... c'est au tour de l'Assemblée Nationale de vouloir incinérer la forêt primaire de Guyane pour faire de l’électricité - Acte 2
Communiqué de Presse :
Un amendement déposé par M. Gabriel Serville, député de Guyane et par le groupe Gauche démocrate et républicaine dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), prévoit de créer une dérogation guyanaise aux dispositions censées protéger les forêts de l’Etat. L’objectif est de passer de 150 ha à 5.000 ha de surface de forêt qui pourra être mise à disposition d’exploitants agricoles et forestiers pour, en réalité, développer le secteur de la biomasse industrielle.
Les organisations signataires de Guyane et de l'hexagone dénoncent des conséquences graves : accaparement des terres aux dépens des petits agriculteurs locaux, destruction de la forêt primaire, monoculture intensive d’arbres à des fins énergétiques, disparition de la biodiversité, accélération du changement climatique...
Fabriquer de l’énergie à base de forêts primaires, un projet qui met aujourd’hui en danger les écosystèmes guyanais. Alors que les scientifiques estiment que le couvert forestier de Guyane représente plus de 1.700 espèces d’arbres, la politique d’extension du secteur biomasse par la plantation de monoculture d’arbres à vocation énergétique pourrait bien être un tournant dramatique pour la protection du poumon vert amazonien.
L’amendement entend insérer un article supplémentaire dans les dispositions relatives aux concessions et cessions pour l'aménagement et la mise en valeur agricole des terres de l’Etat en Guyane. Contrairement aux dispositions applicables en métropole, cet article permettrait d’installer en Guyane, des projets de production agricole et forestière, non plus de 150 hectares maximum, mais d’une surface de 5.000 hectares.
Concrètement, quels sont les impacts de cet amendement ?
La Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) et l’Etat français souhaite développer un grand plan biomasse et agro-carburants (sous couvert de développer les énergies renouvelables) pour atteindre une autonomie énergétique à hauteur de 50% d'ici 2030 en Guyane. Mais pour rendre possible ce programme, il est nécessaire d’industrialiser la production de déchets dans le secteur agricole et forestier. Selon les projections de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la biomasse devrait à terme générer 40 MégaWatt, ce qui nécessite des coupes rases dans la forêt primaire guyanaise pour permettre l’implantation de projets couplés avec des installations agricoles.
Carte extrait du Rapport gisement biomasse en Guyane
Si on ne peut que se féliciter des projets agricoles qui entendent permettre à la Guyane d’atteindre une autonomie alimentaire voir même d’exporter un grand nombre de ses ressources végétales (fruits et produits dérivés, wassaï, bois, artisanat...), nous soulignons que cet amendement, au contraire, a pour objectif d’installer des projets qui n’ont d’autres objectifs que de déforester des forêts anciennes, sous couvert de défriches agricoles, pour alimenter les (trop) nombreux projets de centrales à biomasse à vocation énergétique.
Plus de 700 scientifiques ont alerté la commission européenne sur les risques associés au développement des centrales à biomasse. La combustion de bois n’est pas neutre en carbone: elle entraîne, au contraire, l’émission de grandes quantités de gaz à effet de serre à court terme ce qui compromet l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris. Dans le cas d’une forêt primaire, la dette carbone ainsi générée peut-être supérieure à un siècle.
En effet, jusqu’ici les parcelles agricoles des exploitants locaux sont en général de 5 à 50 ha, et dépassent rarement les 100 ha étant donné la limite de 150 ha qui protège le territoire de l’implantation de projets démesurés. Cependant, le Président de la République, Emmanuel Macron a, pendant sa visite en Guyane en octobre 2017, affirmé son souhait d’accompagner le développement de la filière biomasse en Guyane. Dans cet objectif, il a annoncé réformer les contraintes applicables en France et au niveau de la réglementation européenne qui interdit la production d’énergie liée à la déforestation de forêts primaires. Ainsi, pour contourner la loi, il s’agit d’autoriser de fumeux projets agricoles sur d’immenses étendues afin d’alimenter les centrales biomasse, dont la production d’électricité subventionnée est donc très lucrative.
Cet amendement vient répondre à la demande de porteurs de projets de taille industrielle
Des demandes de bail agricole de grande taille ont déjà été déposées pour proposer, grâce à la déforestation de la forêt couplée à des projets de reboisement, par exemple, en Teck de Malaisie, ou d’autres espèces à croissance rapide, d’alimenter les centrales biomasse. La monoculture intensive d’arbres à des fins énergétiques a très souvent un impact dévastateur : rendement dérisoire, consommation d’eau, intrant de pesticides, disparition totale de la biodiversité etc…
Nous alertons sur le fait que cet amendement n’a pour finalité que d'asseoir les projets de monoculture intensive des grands industriels de la biomasse, en sacrifiant les demandes des petits agriculteurs locaux aux exploitations à taille humaine. Ce texte, s’il était adopté, serait un nouveau coup dur pour la protection du climat et de la biodiversité amazonienne. Alors que l’Amazonie subit déjà de plein fouet les feux des agriculteurs et des éleveurs brésiliens, la France se doit d’être exemplaire sur son territoire.
Les discussions sur l’amendement auront lieu dans les prochains jours à l’Assemblée nationale. Nous réclamons le retrait ou le rejet de cet amendement qui porte atteinte aux engagements internationaux de la France et aux principes fondamentaux, tels que le principe de non régression en matière environnementale et l’objectif de zéro perte nette de biodiversité.
Nous serons vigilants à la position du gouvernement dans cette affaire, car celui-ci avait déposé un amendement identique avant de le retirer.
Contact presse :
Marine Calmet : 06.89.24.03.99
Les signataires :
Collectif des premières nations de Guyane
Eric Louis, chef coutumier du village Kuwano, Kourou, Guyane
Organisation des Nations autochtones de Guyane
Fédération des Organisations Autochtones de Guyane
Fédération Parikweneh de Guyane
Citoyens Pour le Climat Guyane
Compagnie des Guides de Guyane
DROIT DE SUITE !
30 SEPTEMBRE 2020 : Lire le Communiqué de Europe Ecologie Les Verts :
Loi ASAP : un amendement cache le massacre programmé de la forêt amazonienne française.
2 OCTOBRE 2020 : VICTOIRE !
Dans la rubrique « Nous ne savions pas que c'était impossible, c'est pourquoi nous avons réussi ! »
suite à notre campagne d'information sur les réseaux sociaux,
le gouvernement rejette l'amendement précité :
- Revivre la séquence du vote de l'amendement à l'Assemblée Nationale à voir ici !
- La réaction du Député Gabriel Serville sur son compte Facebook.
- Maiouri Nature Guyane à l’honneur sur France-inter, dans l’émission radiophonique de Denis Cheyssous, en prologue de son émission Co2 Mon amour (4 oct 2020). Trois minutes à écouter et à partager !
- Notre réponse à chaud au propos de notre député G. Serville :
Maiouri Nature Guyane se félicite que suite à son communiqué de presse, votre amendement #878 n’ait pas obtenu un vote favorable, mais posons-nous les bonnes questions ?
- Permettre des cessions forestières de 5000 ha (au lieu de 150 ha actuellement) …! A qui cela va t’il bénéficier ?
Aux agriculteurs & forestiers locaux ou aux multinationales de la Biomasse industrielle ?
- Alors pourquoi cet amendement, déposé puis retiré par le Gouvernement et repris aussitôt à votre compte ! D’où vient cette précipitation ? Pourquoi n’avoir pas organisé une discussion citoyenne sur le sujet en amont ?
- Nous n’avons jamais entendu les forestiers locaux se plaindre qu’on les empêche d’accéder aux forêts de Guyane ! Quel intérêt pour eux d’obtenir des baux amphythéotiques (qui est une quasi propriété privée) alors que jusqu’à présent ils se satisfont pleinement des concessions forestières ?
Quel intérêt pour eux d’obtenir la propriété du foncier sur lequel ils n’ont qu’une courte mission, à savoir prélever 3 à 5 arbres par hectare puis passer à la parcelle suivante ?
...et surtout ne plus avoir à gérer, voir payer des impôts sur les milliers d’hectares qu’ils ont parcouru ou parcourront durant leur carrière de forestiers ?
- Maiouri Nature Guyane a contribué à la rédaction de la plaquette « les 25 filières d’emplois d’avenir en Guyane » qui positionne les filières « agroforesterie » « Métier du bois » mais aussi la « Biomasse vertueuse » (sur déchets de scieries, rebuts d'exploitation forestière, défriche agricole et bois immergés du barrage Petit-Saut), respectivement en 1ère, 6eme et 9eme position des filières créatrices d'emplois...
Autant dire, que nous, environnementalistes de Guyane, ne sommes pas contre la coupe raisonnée de la forêt guyanaise.
En revanche, l’amendement inique, que vous avez déposé n’a pour nous, qu’un intérêt potentiel que pour les grands groupes industriels de la biomasse qui frappent à la porte, pour implanter et approvisionner leur immense centrale à bois pour revendre de l’électricité.
- Brûler des forêts primaires pour faire tourner les clims des Centres Commerciaux tels Family Plaza, es-ce gérer la forêt de #Guyane en bon père de famille ?
A l’inverse, par ex. le projet de recouvrir tout le toit et parkings du CC Plaza de panneaux solaires ne peut que nous satisfaire.
Ecoutons les conseils des membres du @Generg973, professionnels de l’énergie renouvelable, tels @pperrot_973
« La consommation d'énergie en Guyane se stabilise malgré un gisement d'économies encore peu exploité, sans compter les nombreux projets innovants en attente de mix énergétique, tels les fermes solaire, l'hydraulique au fil de l’eau, éolien, biomasse sur déchets,…»
- Votre argument concernant les fruits exportés de Chine ou d’Australie n’est pas valable, car 80 % du marché des fruits et légumes des Guyanais est satisfait par la production locale…
- Si votre amendement précédent, adopté en séance, concernant la faisabilité de rétrocéder 250 000 ha à la Collectivité Territoriale, favorise effectivement les Accords de Guyane, il est injuste de dire que l’amendement #878 soit de même ambition ; Ne serait-il pas même diamétralement opposé à l’intérêt général qui régit ces accords ?
- En terme de démocratie participative, cet amendement n’a pas été discuté avec les guyanais, aucune consultation du public n’a été organisée sur la question. En l'occurrence, cet amendement aurait probablement pour conséquence le développement d’exploitations irraisonnées, d’Eléphants blancs de taille industrielle, bien loin des parcelles demandées par les exploitants guyanais,…avec pour conséquences : accaparement des terres aux dépens des petits agriculteurs locaux, destruction de la forêt primaire, monoculture intensive d’arbres à des fins énergétiques, disparition de la biodiversité, accélération du changement climatique...
- Concernant la filière bois dont nous respectons les valeurs, comme vous le faites à juste titre, il faut savoir que la Biomasse industrielle tend justement à la détruire ; elle repose actuellement sur la valorisation des grumes de bois d’œuvre, de haute qualité. Or, cet amendement est susceptible de permettre des déforestations massives, sans valorisation de nos essences patrimoniales pour implanter des monocultures intensives d’arbres ; ces projets sur forêts primaires ont des bilans carbone déplorables.
- Le bail emphytéotique n'est pas compatible avec la gestion forestière et c’est pour cela que l'Office National des Forêts n’en délivre pas. Cet amendement permettrait potentiellement ainsi de contourner les prérogatives de l'ONF, dont vous vantez pourtant la gestion exemplaire (PEFC, FSC…). Si un bail emphytéotique est délivré, c'est un quasi droit de propriété : l'Etat n'a plus de droit de regard sur l'usage qui en est fait et les exploitants ne seront pas du tout tenus des principes de respect de la biodiversité.
- Pour comprendre de quoi nous parlons, je vous encourage à visiter le site internet de Maiouri Nature Guyane où est présenté un exemple de demande de cession foncière de 11000 ha, sur laquelle seuls 250 ha de fermage et 30 ha de cacao/café sont prévus , le reste (97%) sera soit conservé en l’état (quid ?) soit replanté en bois-énergie, soit par 1000 hectares de Teck de Malaisie, un concept qui nous rappelle le Plan Vert et de ses plantations infructueuses de pins caraïbes…
Enfin, votre référence à la dramatique problématique des mules en Guyane, nous rappelle les fallacieux arguments des promoteurs du Cyanure, qui voulaient nous faire croire, que la Guyane n’avait qu’un seul salut : « la Mine Industrielle » ou bien les dérives du RSA et du trafic de Cocaïne ?!!
Ceci étant dit, en dehors des faits précités, nous restons toutefois sensibles à l’énergie que vous dépensez sans compter pour défendre notre Guyane.
Pour en savoir plus :
- Voir l’article “Pendant que l'Amazonie s'embrase, la Guyane Française projette de brûler sa forêt primaire avec les subventions de l'Europe !” publié par Maiouri Nature Guyane le 27 août 2019.
La presse Guyanaise en parle :
- Une Saison en Guyane : Brûler du bois pour s’éclairer , une énergie sous haute tension : Par Marion Briswalter
- Plus de 700 scientifiques alertent le Parlement européen sur l’utilisation de la biomasse forestière à une échelle industrielle : Un article de Canopée, Forêt vivante ICI
- Forêts guyanaise : l'amendement controversé : par Guyaweb le 7 octobre 2020.
- En savoir plus sur le projet de dérogation pour les régions ultrapériphériques (Outre mer) à l’article 26 la Directive COM (2016)767 sur la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans cette présentation.
- Les fumeux projets des fonctionnaires du CIRAD aidés de bureaux d''études tombés du ciel de l'Hexagone :
A lire dans le rapport GFClim 2020 du Cirad / ONF / UMR Ecofog :
Extrait page 5 : « Pour produire du bois d’œuvre en plantation, une défriche initiale est réalisée sur des parcelles de forêt naturelle exploitées entre 1974 et 1994, sur une surface suffisante pour atteindre les objectifs de production fixés...»
- Pour information, le 21 septembre dernier, le "World Rainforest Movement" célébrait la Journée internationale de lutte contre la monoculture d’arbres. Voir le dossier complet.
- Lettre ouverte sur les investissements dans les plantations industrielles d’arbres dans les pays du Sud.
Copyleft Patochard sept. 2020