Actualités Maladies des Reins 2017-2021

La Néphrologie Algérienne à la Croisée des Chemins

«La jeune herbe frêle, fraîche et fière pousse et finit par fissurer et fracasser le mur en béton.»

La Journée mondiale du rein est célébrée depuis 2006 le deuxième jeudi du mois de mars de chaque année. Il s’agit d’une initiative commune de l’International Federation of Kidney Foundations (IFKF) – Fédération internationale des fondations du rein à laquelle appartient la Fondation du rein – Algérie et de l’International Society of Nephrology (ISN).

L’objectif des actions entreprises par les 61 fondations du rein, réparties dans 41 pays dans le monde, est de sensibiliser les populations et les gouvernements aux dangers de la maladie rénale, de ses implications sur la santé des personnes et sur les budgets des pouvoirs publics. Ces fondations ont aussi un rôle d’organiser des réunions scientifiques, des actions de levée de fonds pour la recherche scientifique contre les maladies qui contribuent à l’apparition de l’insuffisance rénale chronique.

Pour mémoire, 850 millions de personnes sont touchées par une insuffisance rénale dans le monde dont plusieurs centaines de milliers sont en hémodialyse ou dialyse péritonéale. Certaines d’entre elles bénéficient de la greffe rénale.

La Chine seule compte 700 000 personnes en hémodialyse. En Algérie, les chiffres seraient de 25 000 personnes, dont environ la moitié sont traitées dans le secteur hospitalier et l’autre dans le secteur extra-étatique «dit secteur privé», mais qui en fait est un secteur citoyen de service public.

Il est tout à fait vrai que, dans certains cas, l’insuffisance rénale chronique peut être considérée pour les personnes âgées comme un phonème naturel de vieillissement. Il faudrait savoir qu’à partir de 50 ans, chaque individu pourrait perdre annuellement 1% environ de sa fonction rénale habituelle. Ainsi, il n’est pas étonnant de voir un homme ou une femme de 80 ans ou plus en insuffisance rénale «naturelle», c’est-à-dire avec une capacité d’épuration rénale amoindrie de 30 à 40% par rapport à une personne jeune.

Malheureusement, il y a des facteurs aggravants tels que le diabète sucré, l’hypertension artérielle ou d’autres maladies qui viennent se surajouter pour rendre cette capacité d’épuration encore moins performante.

Cet état peut demander le recours à une aide extérieure à l’organisme qui est le rein artificiel ou l’épuration extra-rénale par hémodialyse ou dialyse péritonéale. Le thème de la Journée mondiale du rein dans le monde pour l’année 2020 est de prodiguer des soins aux personnes atteintes de maladie rénale «pour tous et partout». Cet objectif semble être atteint en Algérie où toutes les personnes peuvent être considérées comme ayant accès gratuitement aux techniques de dialyse ou de greffe (pour celles qui ont un donneur vivant apparenté répondant aux critères médicaux et éthiques).

Cependant, il faudrait considérer de par le monde qu’une personne sur dix présente une insuffisance rénale à un stade ou à un autre. Il ne faudrait, bien entendu, pas s’alarmer, mais plutôt prendre les précautions nécessaires pour le savoir le plus tôt possible en consultant son médecin traitant au moins une fois par an. Célébrer la Journée mondiale du rein, c’est aussi évaluer le programme national de prise en charge de nos patients et voir si des progrès sont réalisés d’une année à l’autre dans les soins et dans le travail préventif.

La prévention et le traitement des maladies, susceptibles de provoquer une insuffisance rénale aiguë ou chronique, est un élément capital de la lutte contre ce grand fléau social qui va bientôt être la cinquième cause de mortalité dans le monde. Le rôle du médecin de famille est primordial.

Il en est de même de celui des médecins du travail, de l’éducation nationale, des collectivités constituées et de toute communauté médicale. Des règles élémentaires peuvent être inculquées aux citoyens, telles que boire un litre et demi d’eau par jour, faire des exercices physiques, éviter l’alimentation trop salée ou trop sucrée, s’abstenir de fumer et d’absorber des quantités importantes de café.

Il faudrait conseiller de ne pas faire de l’auto-médication et de consulter son médecin traitant pour les examens annuels tels que la prise de tension artérielle, la mesure de la glycémie, de la protéinurie et de la créatinémie… La consultation chez les médecins spécialistes, notamment chez le médecin néphrologue, reste la caution de garantie du diagnostic de la maladie.

Les patients hémodialysés reçoivent leur traitement trois fois par semaine en Algérie de façon à peu près normale. Beaucoup a été fait dans le domaine de l’hémodialyse depuis l’introduction de la néphrologie en Algérie dans les années 1977-1980. Malheureusement, beaucoup reste à améliorer dans plusieurs domaines de cette filière thérapeutique. Sur le plan technique, les méthodes de dialyse plus performantes comme l’hémodiafiltration n’existent pas encore en Algérie. Pourtant, cette technique est devenue une pratique banale depuis plus de deux décennies dans la totalité des pays développés et même dans certaines contrées à niveau de vie plus ou moins semblable au nôtre.

Les néphrologues algériens continuent à exercer leur métier avec du matériel de qualité moyenne et de technicité assez modeste. Ils pourront facilement acquérir les compétences pour utiliser des technologies plus modernes. Le matériel consommable est distribué par une seule firme privée qui a, à elle seule, le lourd fardeau de l’importer puis de le distribuer.

Ouvrir le champ à d’autres entreprises et permettre la diversification de l’approvisionnement en matériel médical d’hémodialyse finit non transformé et sans taux d’intégration locale est un gage de succès dans la politique de l’amélioration de la qualité et du coût. Le monopole est un facteur de régression économique et scientifique. Il est évident que l’aide aux entreprises nationales qui apportent une plus-value dans la fabrication locale de certains matériels pouvant servir dans le pays est une nécessité. Les patients souffrent de l’insuffisance des quantités de médicaments nécessaires au traitement de l’anémie (érythropoïétine et fer injectable).

Il existe souvent des pénuries dans les hôpitaux et les montants des forfaits accordés pour ce traitement par la Sécurité sociale aux patients du secteur extra-étatique sont insuffisants et complexes.

La gestion du traitement anti-anémique est faite de façon quasi administrative par les Caisses de Sécurité sociale et les néphrologues n’ont pas l’initiative de la prescription. Les médecins-conseil des caisses de sécurité sociale ne sont pas responsables de cette situation car les décisions de l’application de ces «forfaits absurdes» concernant le montant des séances d’hémodialyse et le traitement anti-anémique ont été prises par d’autres personnes. Il convient de revoir au plus vite cette situation dans l’intérêt des malades. Les patients du «secteur dit privé» n’ont pas accès à plusieurs médicaments non remboursés par la Sécurité sociale (certains antibiotiques, médicaments de lutte contre l’hyperparathyroidie, médicaments de lutte contre l’hyperphosphorémie…).

En cas de nécessité d’une transfusion sanguine urgente dans une clinique, les centres hospitaliers établissent des factures dont le montant pourrait dépasser le prix de la séance d’hémodialyse. La caisse de Sécurité sociale ne rembourse pas les transfusions sanguines. Il faut aussi dire que la plupart des patients paient la pose de l’accès vasculaire pour leur traitement qui consiste soit en l’achat d’un cathéter centrale, soit dans la confection d’une fistule artério-veineuse.

Des tableaux de statistiques concernant les malades sont envoyés régulièrement aux directions de la santé de wilaya pour que les autorités ministérielles puissent connaître la réalité de la situation de l’hémodialyse. Malheureusement, il n’y a aucun retour d’information sur ces données. Il convient, bien entendu, d’élaborer le Registre national des patients insuffisants rénaux et celui des structures et du matériel déployés à travers le pays pour une évaluation saine des besoins, des moyens et des projets à entreprendre.

La carte sanitaire de l’hémodialyse n’est pas faite. Sans cela, comment peut-on alors décider de l’opportunité d’implanter des centres de traitement dans les endroits démunis. En revanche, il est aisé de constater qu’il existe souvent plusieurs cliniques dans un même secteur permettant une offre de soins supérieure à la demande. Cette désorganisation est accentuée aussi par le non-respect de l’orientation des patients vers la structure la plus proche de leur domicile causant des préjudices de frais de transport supplémentaires pour les Caisses de sécurité sociale.

L’exercice de la transplantation rénale en Algérie a parfois fait des progrès mais a parfois aussi régressé. Beaucoup d’enthousiasme a été constaté chez nos collègues néphrologues et transplanteurs rénaux. Cependant, cette activité répond à des normes très strictes que seule la passion d’entreprendre ne suffit pas. La première conférence «Prospectives de la transplantation rénale en Algérie» s’est tenue le 13 avril 1985 à Alger sous l’égide de la Société algérienne de néphrologie et les ministère de tutelle, Enseignement supérieur et Santé. La première greffe rénale à partir d’un donneur vivant a été faite à Alger en 1986.

De cette époque à nos jours, des dizaines de colloques, séminaires, conférences, cours internationaux, débats médicaux et publics ont été tenus sur la greffe rénale. La problématique de la greffe rénale à partir de donneur vivant apparenté a fini par être bien comprise et la population a adhéré à ce projet humain. Malheureusement, l’accompagnement rationnel par les pouvoirs publics concernés n’a pas été à la hauteur. Il n’y a pas eu de programme national de greffe rénale établi de façon organisée et logique.

Après les difficultés que le pays a connues dans les années 1990-2000, est venue ensuite une période au cours de laquelle les apports financiers engendrés par la vente des hydrocarbures a permis l’ouverture de plusieurs unités de traitement par hémodialyse et beaucoup de matériel a été importé pour soigner les malades insuffisants rénaux.

Dans la foulée, certains collègues et certains responsables administratifs ont pensé pouvoir résoudre le problème de la greffe rénale avec la même logique financière. Ainsi, un Institut national du rein a été construit à Blida, des listes d’inscription ont été ouvertes pour les patients désirant être greffés avec un rein de cadavre, plusieurs hôpitaux ont construit ou réaménagé leurs blocs opératoires dans l’objectif de transplanter le maximum de patients. Des financements très importants ont été utilisés sans malheureusement obtenir les résultats escomptés.

Le don de rein est un problème humain que le traitement matériel ou financier ne suffit pas à lui seul de résoudre. Dans le cas du don d’une personne vivante à une autre personne vivante apparentée, la question est plus facile à faire comprendre aux familles. Les autorités civiles, religieuses, les services étatiques concernés et la population sont tous d’accord sur la solution. Malheureusement, les moyens matériels et financiers sont insuffisants et l’organisation de la construction du projet est encore immature.

Il y a une dizaine de centres de greffe rénale autorisés à réaliser cette opération dans le pays. En fait, seulement 70 à 100 greffes sont réalisées par an, ce qui fait une dizaine de greffes en moyenne par centre agréé. Cet objectif est totalement insuffisant. Dans certains pays, un seul centre peut réaliser à lui seul de 150 à plus de 350 greffes par an. Je pense qu’en Algérie, un ou deux centres de greffe rénale suffiraient pour l’instant. Les patients de tout le pays y viendraient pour se faire transplanter.

Des maisons, des familles pourraient être mises à la disposition des patients et de leurs parents pendant la réalisation des examens et des traitements. Les centres hospitaliers de la capitale et des autres villes feront le suivi des patients avant la greffe rénale et après celle-ci. Une ou deux grandes équipes de greffe rénale disposant de tous les moyens matériels et humains sont plus efficaces que plusieurs autres qui en sont démunies. La réalisation de la greffe rénale de donneur vivant dans le secteur extra-étatique ou «dit privé» ne doit pas être écartée dans les 2020 en Algérie.

A l’instar des interventions de chirurgie cardio-vasculaire qui sont effectuées en très grande partie dans le secteur privé en Algérie, la greffe rénale à partir de donneur vivant apparenté pourrait y trouver sa place. Il suffit d’établir un cahier des charges adapté et de pratiquer les contrôles réglementaires en vigueur. Cette disposition permettrait à plusieurs dizaines d’Algériens de ne plus aller tous les ans vers d’autres pays pour se faire transplanter dans un centre privé avec le rein de leur parent.

Le don d’organes à partir de personnes décédées a fait l’objet de plusieurs dizaines de débats, d’écrits, de textes réglementaires, de séminaires religieux et médicaux.

La population n’est en revanche pas convaincue du succès d’un tel projet de société. Elle a raison. Cette question n’est pas mûre et requiert des actes quotidiens de crédibilité des uns et des autres pour acquérir la confiance des citoyens. On ne peut pas forcer par des textes de loi les citoyens à accepter le prélèvement de leur rein après leur décès.

Les actes d’amitié et d’amour des citoyens au quotidien sont nécessaires pour bâtir une société qui permette cette «transaction» sincère d’un organe provenant par amour d’un être décédé à un autre citoyen pour sa survie. Le sujet de la greffe rénale à partir du donneur décédé n’appartient ni aux médecins, ni aux autorités de santé, ni aux autorités religieuses. Chacun a fait son possible pour sensibiliser la population. C’est la société qui donnera le signal de départ pour la réalisation d’une telle œuvre humaine. Les aspects financiers et matériels accompagneront le projet.

Faut-il parler de l’Agence nationale de greffe d’organes, de sa composition, des titres médicaux et universitaires de ses membres, de son rôle, de ses missions, de ses connaissances scientifiques, de ses capacités, de sa représentation auprès des autorités de tutelle, de sa connaissance de l’histoire de notre population, ses traditions et coutumes, des différents milieux qui composent notre société ? Nous espérons voir ce sujet trouver une solution.

L’enseignement moderne de la néphrologie, la formation médicale continue et la recherche scientifique sont les piliers de l’avenir de la spécialité. La résistance et l’hostilité des collègues d’autres disciplines, les difficultés rencontrées auprès des pouvoirs publics ne pouvaient que faire décourager les néphrologues et les faire repartir dans les pays où ils ont bénéficié de leur formation et obtenu leur diplôme.

Malheureusement pour eux, des personnes déterminées ont su relever le défi et tels cette herbe fine et frêle décidée à pousser et grandir pour faire fissurer puis casser ce mur de béton, ils ont pu ouvrir l’enseignement de la discipline le 02 novembre 1988. Sans formation médicale continue et sans le financement de celle-ci, il ne peut y avoir de progrès, et sans progrès, c’est la régression intellectuelle assurée. Actuellement, l’industrie pharmaceutique aide les médecins dans ce domaine. Malheureusement, la relation est compliquée et pas toujours claire.

Ce problème de financement de la formation médicale est majeur et doit relever des autorités de tutelle. La recherche scientifique devrait être la cheville ouvrière du développement de la néphrologie moderne. Pour faire de la recherche, les jeunes néphrologues doivent croire dans leur projet professionnel. Les sujets de recherche épidémiologique, clinique et même de science fondamentale sont nombreux et hautement réalisables dans ce grand pays qu’est l’Algérie.

Là, il faudrait des leaders et une foi dans son métier et dans l’avenir. Former tous les ans plusieurs dizaines de néphrologues pour les voir partir dans d’autres pays est très frustrant. Les collègues, chefs de service, les présidents de Société savante et les pouvoirs publics doivent repenser leur façon de réfléchir et d’agir pour permettre à tous ces jeunes de regagner leur confiance et de croire dans la profession qu’ils ont choisie. Ainsi, nous espérons que lors de la célébration de la prochaine Journée mondiale du rein, le jeudi 11 mars 2021, des progrès substantiels seront réalisés dans la lutte contre l’insuffisance rénale et dans le bien-être des patients qui continueront à suivre un traitement par dialyse ou greffe rénale.

Par le Pr Hottman Salah

Membre fondateur et ancien président de la Société algérienne de néphrologie, ancien président du comité pédagogique national de néphrologie, ancien chef de service de néphrologie du CHU Béni Messous ( Alger). Président de la Fondation du rein en Algérie Fédération internationale des fondations du rein ( IFKF). Auteur du livre Naissance de la néphrologie en Algérie. ANEP Editions 2016.

HOTTMAN SALAH 12 MARS 2020 El Watan


PRISE EN CHARGE DE L’INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË

Un moniteur multifiltrate pour le CHU de Sétif

Le service de réanimation du CHU Saâdna-Abdenour de Sétif vient de bénéficier d’un moniteur multifiltrate de sang, le premier du genre au niveau de la wilaya de Sétif.

En effet, c’est l’association “Les caravanes médicales de Sétif” qui a pris l’initiative de doter le service de cet appareil dont le montant est estimé à plus de 520 millions de centimes.

Selon des spécialistes, le nouvel équipement d’hémofiltration permettra de mieux prendre en charge les patients souffrant d’insuffisance rénale aiguë et autres pathologies, notamment pour les patients hospitalisés en réanimation.

Il permet une manipulation simple, flexible, voire idéale, pour le traitement de substitution rénale continue. Il est à rappeler que l’association Les caravanes médicales de Sétif” a, depuis le début de la pandémie, beaucoup aidé les différents hôpitaux de la wilaya en les dotant d’équipements et de moyens de protection.

Liberté Farid Belgacem le 22-08-2020

La fédération des insuffisants rénaux lance un appel au président de la république

Gel des greffes rénales dans plusieurs centres hospitaliers

De nombreuses listes de couples de donneurs-receveurs pour une greffe rénale, préparées dans les services de néphrologie des principaux centres hospitaliers dans la perspective d’une transplantation, sont en attente depuis plusieurs mois.

L’activité de greffe rénale est actuellement gelée dans les différents centres greffeurs, qui sont plus d’une dizaine à travers le territoire national. «Les transplantations rénales se sont ralenties depuis 2015 pour des raisons qu’on ignore, alors que toutes les conditions étaient réunies depuis longtemps», déplore M. Boukhors, président de la Fédération nationale des insuffisants rénaux (FNIR).

Les dernières opérations remontent à décembre 2017 pour certains centres, en l’occurrence le CHU Mustapha Pacha, alors que d’autres connaissent un réel ralentissement de l’activité en raison de manque de moyens matériels et humains, tels que Beni Messous, Tizi Ouzou, Constantine, Sidi Bel Abbès, etc.

De nombreuses listes de couples de donneurs-receveurs pour cette greffe rénale, préparées dans les services de néphrologie des principaux centres hospitaliers dans la perspective d’une transplantation, sont toujours en attente depuis plusieurs mois. Une situation inextricable pour les malades qui attendent depuis des années d'être soulagés du mal qui les ronge.

Les équipes médicales, notamment les néphrologues, tentent tant bien que mal de préparer les dossiers des malades en effectuant tous les examens nécessaires et préalables à la greffe, malheureusement ils doivent attendre des mois, voire des années.

«Nous n’avons pas greffé depuis décembre 2017 suite à la décision de l’administration de l’hôpital de suspendre le salaire du chirurgien référent, le Pr Laribi, alors qu’il a été détaché officiellement par décision ministérielle en 2015 pour assurer l’activité de greffe au sein de l’établissement hospitalier universitaire Mustapha Pacha. Les malades ont été préparés, malheureusement ils n’ont pas été greffés.

Les patients soumis aux épouvantables séances de dialyse vivent avec l’espoir d’être greffés. Nous sommes obligés de tout refaire. C’est une perte de temps et d'argent. Ils sont une quarantaine de couples qui attendent cette greffe à qui nous avons proposé d’être pris en charge ailleurs, mais ils ont préféré attendre», regrette le Pr Hadoum, chef de service de néphrologie au CHU Mustapha Pacha.

Et de signaler qu’en dépit de tous les moyens disponibles au niveau de l’hôpital, doté de tout l'équipement moderne et des blocs opératoires, «on nous a obligé à cesser l’activité, mais nous restons confiants et nous souhaitons que le chirurgien soit rétabli dans son activité afin de pouvoir soulager nos patients». Et de rappeler que la Jordanie, qui dispose de 11 centres greffeurs, réalise 1200 greffes par an, et 120 Algériens y ont été greffés en 2017.

Contacté par nos soins, le chirurgien, le Pr Laribi, n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet. Pour de plus amples informations, nous avons tenté de joindre le directeur général de l’hôpital, M. Banana, sur son téléphone, mais en vain.

La chargée de la communication que nous avons contactée nous a affirmé que le directeur était occupé. Par ailleurs, outre le CNMS qui réalise, depuis plus d’un mois, trois greffes par semaine, le CHU de Blida n’assure plus de greffe depuis plusieurs mois tout comme le CHU de Tizi Ouzou, alors que le CHU de Beni Messous est lui à l’arrêt depuis deux ans.

«Depuis l’ouverture de l’Institut du rein en janvier 2018, on nous a signifié qu'aucune greffe ne sera pratiquée au niveau de notre structure», affirme un chirurgien du CHU de Blida. Le service de transplantation rénale de l'EHS Docteur Abdelkader Boucherit de Constantine n'a effectué aucune greffe rénale depuis 2014, et ce, en dépit de l'existence de trois salles d'opération fonctionnelles, conformes et dotées d'équipements modernes, a rapporté, la semaine dernière, l’APS.

Pour la Fédération nationale des insuffisants rénaux, la transplantation est un sujet qui fait, hélas, l’objet de tapages sporadiques «des promesses non tenues par divers responsables et par des personnes en quête de publicité, alors que des milliers d’Algériens (plus particulièrement des enfants) souffrent le calvaire ou décèdent dans l’indifférence totale de ceux chargés de les soigner, les sécuriser et les accompagner».

Elle estime que la situation est actuellement intenable, relevant que devant «l’opacité, le manque d’information, de communication et le mépris envers les malades, nous demandons l’intervention de monsieur le président de la République afin de mettre fin à cette incurie». Mais selon l’Agence nationale de la greffe, la situation s’arrangera dans les prochaines semaines. «Une organisation sera mise en place prochainement afin de remettre tous ces centres en service», affirme-t-on.

Djamila Kourta le 11.06.18 El Watan

En dix années

Le CHU de Tlemcen n’a réalisé que 100 greffes rénales

Le service de chirurgie du centre hospitalier universitaire de Tlemcen vient de réaliser sa 100e transplantation rénale, depuis l’entame du processus en 2007. Pourtant, le centre hospitalier de Tlemcen a été doté d’équipements de haute technologie, à l’image des échographes de dernière génération, de colonnes de célioscopie, de scialytiques plafonnés avec caméras, de tables opératoires, d’unités de stérilisation. Il reçoit régulièrement des experts du CHU d’Angers (France) et des spécialistes de l’hôpital de Montpellier jumelé à celui de Tlemcen depuis 2010. Le bilan reste assez mitigé pour deux raisons. Les contraintes des équipes médicales sont réelles (rareté des donneurs compatibles, difficultés à prélever les organes sur les personnes en mort encéphalique…). Et des centaines d’insuffisants rénaux sont en attente d’une greffe dans la région, depuis des années pour la plupart. Pour réduire un tant soit peu la liste, les spécialistes de l’établissement hospitalier ont décidé d’assurer, désormais, quatre transplantations par mois, soit près de 50 greffes par an. Par ailleurs, certaines interventions compliquées doivent impérativement être réalisées à l’étranger. À ce niveau-là, aucune solution n’a été trouvée pour l’heure au profit de ces malades condamnés à souffrir à petit feu.

Liberté radar le 07-04-2018

Service d’hémodialyse de l’EPSP de Khemis El-Khechna

Sans néphrologue depuis plus de trois mois

Le service d’hémodialyse de l’Établissement public de santé de proximité (EPSP) de Khemis El-Khechna, localité à 25 km à l’ouest du chef-lieu de la wilaya de Boumerdès, couvre toute la région qui totalise environ 150 000 habitants. Pourtant, il fonctionne sans médecin néphrologue, depuis plus de trois mois, soit depuis que le titulaire du poste a démissionné de ses fonctions. Les insuffisants rénaux mis sous hémodialyse souffrent de la situation.

Liberté radar le 04-02-2018

Insuffisance rénale chronique

Deux millions d’Algériens concernés

Plus de 23 000 insuffisants rénaux chroniques suivent des séances d'hémodialyse à travers 317 centres d'hémodialyse ouverts dans le secteur public et privé.

Le nombre de malades souffrant d’insuffisance rénale chronique est en nette progression d’année en année.

Par définition, cette pathologie, aux conséquences lourdes, est traitée soit par l’hémodialyse, soit par dialyse péritonéale, soit par la transplantation rénale. Les statistiques présentées à l’occasion de la tenue du 24e congrès national de néphrologie au Centre international des conférences d’Alger donnent froid dans le dos. Deux millions d’Algériens ont un problème rénal chronique, soit 10% de la population adulte âgée de plus de 18 ans. Pas moins de 2 000 nouveaux cas sont traités chaque année. Plus de 23 000 insuffisants rénaux chroniques suivent des séances d'hémodialyse à travers 317 centres d'hémodialyse ouverts dans le secteur public et privé.

La progression effrénée de cette pathologie interpelle et les pouvoirs publics et les spécialistes en néphrologie pour réfléchir aux voies et moyens devant contribuer à l’amélioration de la prise en charge thérapeutique de cette frange de la population. Le professeur Hammouche Mustapha, président de la Société algérienne de néphrologie, dialyse et transplantation (Sandt), nous a confié en marge des travaux du congrès que le nouveau challenge des néphrologues est la transplantation rénale. Et de rappeler au passage que “l’on a pu réaliser, en 17 ans, seulement 2 000 transplantations en Algérie”. Un chiffre qui reste en deçà de la demande exprimée. Pour les participants au congrès, les séquelles de l’insuffisance rénale sur le patient lui-même sont nombreuses et graves.

Un cas d’insuffisance rénale chronique, qui n’est pas bien pris en charge et dans les délais, risque d’avoir d’autres complications plus graves. “Des problèmes cardiovasculaires et pulmonaires, la thyroïde et l'hypocalcémie.” C’est dire que les problèmes des souffrants d’insuffisance rénale chronique sont nombreux. Pour assurer un meilleur suivi et une prise en charge complète de ces patients, le ministère de la Santé a lancé le Registre national des insuffisants rénaux chroniques dialysés.

Il s’agit d’outils de collecte et d’interprétation des données relatives aux malades atteints d’insuffisance rénale.

Avec cet outil, on constituera un fichier national épidémiologique de la maladie. Lors de son intervention, le ministre de la Santé, le professeur Mokhtar Hasbellaoui, a reconnu que l’Algérie n’est pas suffisamment outillée en termes de textes réglementaires pour développer la transplantation rénale. En attendant la mise en place de l’arsenal juridique nécessaire, le ministre insistera “sur la dimension bioéthique qui ne doit pas être négligée”. Le ministre rappellera aussi que “la mise en place effective de l’Agence nationale de greffe d’organes permet d’ores et déjà de préparer les différentes équipes à travailler dans un cadre organisé autour de projets consensuels et à réunir les conditions d’une dynamisation de la greffe”. Dans le domaine des prélèvements des organes et tissus à des fins thérapeutiques, le ministre lancera un appel aux spécialistes pour veiller à ce que “le prélèvement et la transplantation des tissus et organes se fassent dans le strict respect de l’éthique et de l’intégrité du corps humain à l’effet de combattre toute forme de trafic d’organes”.


Liberté Hanafi H. le 27-11-2017

La FNIR dénonce les conditions de prise en charge des malades

La lente agonie des 24 000 insuffisants rénaux

Selon la Fédération nationale des insuffisants rénaux, la situation est encore plus compliquée pour les enfants. La dialyse pédiatrique n’existant pas en Algérie.

Le porte-parole de la Fédération nationale des insuffisants rénaux a parlé, hier, d’une prise en charge déshumanisée et complètement désorganisée des insuffisants rénaux en Algérie. Mohamed Boukhors a déploré l’absence d’une traçabilité des malades dialysés, le manque de moyens et le faible taux de transplantations rénales. Lors du Forum hebdomadaire santé, qu’il a animé au niveau de l’hôtel El-Djazaïr, le porte-parole de la Fnir a soutenu que le nombre des dialysés a atteint cette année les 24 000 malades, si on compte les 800 personnes sous dialyse péritonéal, en dehors du milieu hospitalier. Ces

800 patients sont généralement orientés vers cette méthode d’épuration du rein par manque de place dans les centres de dialyse. Ils ont droit chaque trimestre à 600 kilos de poches de dialyse qu’ils doivent stocker chez eux et apprendre sur le tas comment les utiliser.

Le patient laisse s’écouler jusqu'à 4 heures une poche d’environ 2 litres de solution de dialyse dans son abdomen au moyen d’un tube qui y a été préalablement inséré en dessous du nombril. Ensuite, il vide sa cavité abdominale en laissant s’écouler le dialysat usagé dans une poche vide avant de remplir à nouveau sa cavité péritonéale avec un dialysat neuf. L’ensemble du processus est répété 3 à 4 fois par jour avec son lot de risque d’attraper des infections pouvant mettre le diagnostic vital en jeu.

Dans tous les cas, cette méthode ne peut être pratiquée au delà de quatre ans. “Par la suite, soit l’insuffisant rénal est hémodialysé, soit il meurt faute de soins adaptés”, affirme le porte- parole de la Fnir.

La courbe présentée par cette fédération montre qu’en 1980, le pays comptait une centaine d’insuffisants rénaux et disposait de 45 générateurs de dialyse. Le stress liés au terrorisme ainsi que d’autres facteurs dont l’absence totale de prévention ont fait grimper ce taux à 7 894 malades en 2006, à 13 000 en 2008 jusqu'à atteindre une ascension de 24 000 patients en 2017. “Cette exponentielle démontre la gravité de la situation. La prise en charge d’un malade est de l’ordre de 10 000 dinars par jour. Une dialyse très courte de 3 à 3 heures et demi entraîne des complications avec pour résultats des dépenses supplémentaires dues à des hospitalisations répétées et à une augmentation des handicaps. À moyen terme, elle peut même entraîner la mort. Nos dialysés n’ont pas de dossier médicale ou de suivi ; il n’y a aucune traçabilité de cette catégorie de malades au niveau des hôpitaux.”

Pour les enfants, la situation est encore plus compliquée. La dialyse pédiatrique n’existe pas en Algérie. Selon Mohamed Boukhors, les kits de dialyse ne sont pas adaptés aux petits poids qui perdent leur capital veineux très vite.

“Pourtant la différence de prix entre le kilt pédiatrique et le kilt pour adulte est de 300 à 400 dinars seulement l’unité. Et même la dialyse pour adulte doit se faire en fonction du poids. Il y a le F6, F8 et F10 et eux n’importent que le F7 pour tout le monde”.

Chez les enfants, la douleur de l’aiguille devait être atténuée par une pommade anesthésiante, qui n’est plus importée. Certains parents se la procure de l’étranger. Les enfants ne survivent pas plus de six ans à l’insuffisance rénale au stade terminal. Durant ce tragique parcours, leur croissance et leur scolarité sont perturbées. Ils sont en permanence fatigués, ne doivent pas pratiquer des sports violents. Même la quantité de l’eau à boire est limitée à un verre par jour.

La transplantation rénale est actuellement le meilleur traitement possible pour soigner les enfants atteints d’une insuffisance rénale chronique terminale et mettre un terme à leur calvaire en dialyse chronique (dialyse péritonéale ou hémodialyse). La solution idéale reste, naturellement, la prévention de la maladie rénale chronique de l’enfant. Pour ce faire, le dépistage précoce, le diagnostic précis des affections rénales infantiles et les mesures thérapeutiques appropriées pour éviter l’évolution fâcheuse vers le stade terminal, passent par la nécessité de la mise en place d’un programme national de prévention et de lutte contre les maladies rénales chroniques de l’enfant. Les spécialistes peuvent énumérer jusqu'à une centaine d’affections qui peuvent mener les enfants à la dialyse, que l’on peut regrouper en les malformations congénitales de l’appareil urinaire ou uropathies malformatives, les néphropathies héréditaires ou familiales et, enfin, les glomérulonéphrites chroniques acquises.

La Fédération des insuffisants rénaux a transmis au ministère de la santé un programme de dépistage en milieu scolaire. La réponse de la tutelle est énigmatique : “C’est une piste de seconde intention.”

Mohamed Boukhors s’insurge : “Je n’ai rien compris à cette réponse. Pourtant la fédération a tout organisé. Un laboratoire a même mis à notre disposition des languettes permettant la détection d’une problème urologique ou rénale chez l’enfant. Au lieu de cela on préfère se contenter de repérer les myopies et les signes de surdité que les parents peuvent aisément repérer seuls.”

Liberté le 16-10-2017 Nissa H

100 à 120 algériens se font opérer dans ce pays annuellement

Amman, une destination de choix pour la greffe rénale

Les patients dialysés se rendent, en grand nombre, en Jordanie pour y être greffés du rein accompagnés de leurs donneurs. En 2016, pas moins de 100 couples ont été greffés du rein dans des cliniques spécialisées de la capitale Amman. La majorité des couples sont originaires des wilayas de l’Est et du Sud algériens. Ils déclarent avoir dépensé pour ce “tourisme de greffe” entre 3,50 et

4,50 millions de dinars algériens. Ils expliquent leur exil thérapeutique par l’attente trop longue et les difficultés d’accès auprès des centres de greffe rénale en Algérie. Ils y sont encouragés par les autres patients qui reviennent satisfaits après une intervention réussie.

Liberté Radar le 26-04-2017

Journée mondiale du rein

L’hôpital Mustapha Bacha se dit prêt pour le prélèvement sur cadavre

Un adulte sur 10 souffre d’une affection rénale, soit près de 600 millions de personnes dans le monde.

L’Organisation mondiale de la santé prévoit une augmentation de la prévalence de la maladie rénale chronique de 17% dans les 10 ans à venir. Et pourtant, chaque année, en raison d’un diagnostic tardif, des millions de personnes décèdent prématurément d’insuffisance rénale chronique et des complications cardiovasculaires qui lui sont associées. Ces maladies rénales, même si elles sont le plus souvent silencieuses, sont diagnostiquées dans certains cas à des stades avancés, mais souvent on arrive à stopper l’évolution avec des médicaments, ont déclaré des spécialistes lors de la journée scientifique organisée, jeudi dernier, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale du rein, placée sous le thème «Obésité et rein» pour faire le point sur les bio-marqueurs et la biothérapie en cours et l’histoire de la néphrologie, de la dialyse et de la transplantation. Les intervenants ont ainsi mis l’accent sur l’importance des traitements, notamment la biothérapie, qui sauve des centaines de vies et d’organes.

«C’est pourquoi, nous insistons sur le dépistage précoce de certains maladies néphrétiques pour pouvoir les prendre en charge précocement et surtout stopper l’évolution de la maladie», a indiqué le Pr Hadoum, chef de service de néphrologie au CHU Mustapha Bacha. Il a par ailleurs insisté sur l’intérêt d’un suivi régulier de ces malades. Le problème du diagnostic précoce se heurte par contre à d’autres difficultés d’ordre technique, à savoir l’absence de laboratoire de génétique pour justement identifier la maladie et mettre le patient sur un traitement adéquat, relève le Dr Arzour, du service de néphrologie au CHU Mustapha Bacha, qui vient tout juste d’ouvrir ses portes. Elle a déploré l’absence de certains examens en génétique nécessaires pour le diagnostic, notamment dans la maladie de Fabry . «Nous sommes contraints d’envoyer les prélèvements à l’étranger», a-t-elle indiqué. La progression de la maladie rénale en Algérie est un fait inquiétant, ont noté les intervenants, en revenant sur les principaux facteurs de risque connus de tous.

La prévention est ainsi l’axe essentiel dans une stratégie de réduction de la prévalence de l’insuffisance rénale chronique. D’ailleurs, à ce jour, il n’existe pas de statistiques fiables quant au nombre de patients qui arrivent en hémodialyse, déplore le Pr Malika Benhalima, chef de service d’immunologie et coordinatrice de la greffe à l’hôpital Mustapha Bacha. «La seule chose que nous sachions est qu’actuellement 22 000 patients bénéficient d’hémodialyse répartis à travers le territoire national», a-t-elle précisé, tout en soulignant la reprise de l’activité de greffe au CHU. Et de rappeler que de juin 1986 à fin décembre 2014, 1609 greffes exclusivement à partir de donneurs vivants apparentés ont été réalisées. «En 2015, le nombre de greffes a considérablement augmenté, à l’hôpital Mustapha Bacha, il est passé de 21 à 54, soit 122 ont été greffés depuis 2014 et 311 ont été préparés depuis», a-t-elle indiqué. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, de nombreux travaux ont été entrepris pour la préparation de l’introduction de la greffe à partir de donneurs en état de coma dépassé (DEME).

Une feuille de route été mise en place avec la réalisation essentiellement en 2015 de travaux préparatoires et des opérations de test et de simulation. «Il nous a été permis de conclure qu’il est possible techniquement de réaliser ce type de prélèvement et de greffe en toute sécurité», a -t-elle assuré. Pour le Pr Hadoum, tout est prêt pour se lancer dans cette activité. «Nous attendons l’autorisation du ministre de la Santé pour nous lancer dans cette activité de greffe sur donneur en état de coma dépassé», a-t-il signalé, tout en précisant que le centre prévoit la réalisation de 60 greffes sur donneurs vivants apparentés au cours de l’année 2017.

Djamila Kourta El watan 12.03.17

Échecs des greffes rénales abo incompatible à l'EHS de Batna

Décès et silence total des autorités sanitaires

Dans le souci d’augmenter le nombre de greffes sur donneur vivant et à défaut de greffe par prélèvement sur cadavre, l’équipe médico-chirurgicale de l’EHS de Batna s’est lancée dans la technique ABO incompatible qui s’est soldée par trois décès depuis 2015.

La dernière patiente n’a pas eu la chance de passer à l’étape de la transplantation. Elle est décédée pendant le traitement de désensibilisation alors qu’elle n’était même pas en dialyse. Par ailleurs, un patient de 27 ans se retrouve aujourd’hui dans un état grabataire suite à une greffe rénale contre-indiquée, selon les spécialistes de son cas sachant qu’il souffre d’une oxalose. L'opération de greffe a été, malgré cela, effectuée et s’est soldée par un rejet avec récidive de la maladie.

Considérée comme le traitement de référence des patients atteints d’insuffisance rénale chronique à un stade terminal, la greffe de rein a du mal à connaître son essor en Algérie malgré la bonne volonté des équipes de santé à mener à bien ce geste médical qui sauve des vies humaines. Mais l’approche est différente d’un centre à un autre. Outre tous les problèmes bureaucratiques qui constituent un frein à cette activité, il y a ceux qui veulent créer un cadre organisationnel autour de cette activité hautement sensible, afin d’assurer une planification à long terme et s’assurer de la sécurité des patients, alors que d’autres préfèrent travailler au jour le jour et exprimer leur autosatisfaction en faisant du chiffre, sans prendre en compte toutes les conséquences afférentes (décès, rejet, complications, etc).

Ce qui demeure inévitable pour certains spécialistes, mais non sans prendre en compte les bonnes pratiques médicales. Un vrai levier pour relever le défi, affirme-t-on. «Les décès et les rejets existent même dans les pays où la greffe est bien développée, mais cela ne doit pas dépasser les normes surtout lorsque l’on ne maîtrise pas certaines techniques dont la faisabilité est très complexe», répondent les chirurgiens et des néphrologues. La réglementation est plutôt claire là-dessus, car en termes de greffe rénale, l’obligation de résultat est exigée à 100% et l’équipe médicale et le patient sont protégés par la loi. «Il n’y a aucune urgence dans ce type d’intervention.

Il y a une préparation du couple compatible à cette opération qui se fait normalement», explique un néphrologue et «donc l’aventurisme est interdit». Mais cela n’a pas empêché des équipes des différents EHS d’outrepasser la loi tout en profitant d’un vide juridique en la matière en élargissant le champ aux donneurs non apparentés et préparer des couples afin de procéder à l’opérationa dans le souci d’augmenter le nombre de greffes sur donneur vivant sans tenir compte des conséquences qui risquent d’être très graves. Même si cela est fait tout en ayant la bonne intention d’offrir des chances aux patients notamment, d’autres se veulent prudents et moins hasardeux. Agissant dans cet esprit de l’exploit, l’équipe de néphrologues de l’EHS de Batna et dans le but de pallier la rareté des organes, a tenté une expérience jusque-là jamais effectuée en Algérie. Il s’agit de la technique ABO incompatible, c’est-à-dire procéder au prélèvement d’organe sur un donneur dont le groupe sanguin n’est pas compatible avec le receveur. Le donneur doit donc être soumis à un lourd protocole de désensibilisation, laquelle technique nécessite un personnel spécialisé.

Les faits remontent donc à octobre 2015 : une dépêche APS datant de 20 octobre 2015 avait annoncé qu’«après la série de greffes de rein réussies grâce à la compétence des chirurgiens et la qualité du matériel médical, l’équipe du service néphrologie du CHU de Batna, sous la direction du Pr Ahmed Bougroura et la supervision du Pr Lionel Rostaing, chef du département de néphrologie et transplantation d’organes du CHU Rangueil de Toulouse (France), vient de réaliser une innovation».

Et d’ajouter : «L’intervention, effectuée jeudi dernier (soit le 15 octobre 2015, ndlr), a permis de transcender la barrière des groupes sanguins qui constituait la principale barrière immunologique en matière de transplantation d’organes solides.» Un mois après, soit le 16 novembre 2015 à l’occasion de la 43e greffe réalisée dans cet établissement, l’APS rapporte que «les 43 patients qui ont subi depuis le début de l’année en cours une opération sont ''tous'' en bonne santé», a encore affirmé le Pr Bougroura, alors que l’un des patients traités et greffés par l’ABO incompatible était déjà décédé. Il a même présenté à l’occasion du 22e congrès de la Société algérienne de néphrologie, qui a eu lieu au palais de la Culture à Alger du 7 et 8 novembre 2015 deux cas de patients greffés avec cette technique et qui étaient en bonne santé, tout en appelant à la généralisation de cette technique en Algérie. Les cas ont été présentés lors du congrès de la Société algérienne de transplantation les 4 et 5 décembre 2015. Le troisième cas en désensibilisation a été également présenté au congrès de la même société en 2016. D’après nos informations recueillies auprès des familles et une association locale de malades sur un nombre de patients originaires de Batna et ses environs préparés pour bénéficier de cette technique, «il y a eu des décès, des rejets et des reprises en dialyse».

Deux patients âgés respectivement de 44 ans et 41 ans sont décédés, l’un le 15 janvier 2015 et l’autre le 24 octobre de la même année, soit quatre jours après l’article de l’APS et leurs actes de décès sont en notre possession. «Le premier a mis fin à ses jours par sentiment de culpabilité vis-à-vis de son frère qui lui a donné son rein après le rejet», relève un membre de la famille. Le second patient a reçu le rein de sa deuxième épouse, dont le mariage a été conclu en juin 2014, et qui a fait une tentative de suicide. La troisième victime est une dame âgée de 42 ans originaire de Chelghoum Laïd (Mila) décédée le 23 octobre 2016. Son cas est édifiant. «Elle a bénéficié d’un traitement de désensibilisation, alors que sa maladie n’est pas classée à un niveau critique pour passer à une greffe, en plus à une ABO incompatible. Elle est décédée bien avant d’être greffée.

Ce sont autant de drames que des familles ont vécus. Il faut que cela cesse. Il ne faut pas faire de la politique sur les dos des malades», s’indigne un membre d’une association d’aide aux insuffisants rénaux qui a requis l’anonymat. Par ailleurs, le cas du patient âgé de 27 ans atteint d’une maladie génétique, l’oxalose en l'occurrence, et pour qui la greffe est contre-indiquée, a dépassé l’entendement. Le patient a été greffé malgré le diagnostic consigné dans son dossier qui est déjà passé par deux hôpitaux, Constantine et Mustapha Bacha à Alger, qui n’ont pas voulu prendre le risque.

«Ce patient a besoin d’une double greffe, à savoir le rein et le foie. Car avec la greffe de rein seulement, sa maladie va récidiver», explique-t-on. C’est ce qui est arrivé et le patient est actuellement dans un état grabataire en attendant une prise en charge à l’étranger. Cette obstination à faire tout ce que les autres ne font pas malgré tous les problèmes que cela peut engendrer relève de «l’inconscience». Ainsi, de nombreuses questions s'imposent : comment peut-on décider de traiter un patient sans prendre en compte les dangers que cela pourrait engendrer ? Est-ce que l’EHS de Batna a formé une équipe dédiée à cette technique ABO incompatible qui nécessite une technicité et un savoir-faire ? Dans quel cadre cette technique est menée ? A-t-on eu l’autorisation officielle du ministère de la santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et celle de l’Agence nationale de la greffe et du comité d’éthique ? A-t-on les moyens nécessaires pour utiliser ce type de technique ? Cette greffe nécessite une grande disponibilité et une formation des chirurgiens, des anesthésistes, des biologistes et des immunologues, rappellent les spécialistes. «Le futur receveur d’une transplantation rénale ABO nécessite une préparation pré-opératoire. Le protocole de conditionnement vise à diminuer le taux d’anticorps anti-ABO, à empêcher leur réapparition et à favoriser un état d’accommodation.

Un suivi rigoureux des anti-corps anti-ABO doit être assuré pendant les quinze jours post transplantation», explique un néphrologue. A-t-on réuni toutes ces conditions pour se lancer dans une activité très complexe et très risquée ? De l’avis d’un chirurgien transplanteur, la loi algérienne portant la greffe rénale est effectivement permissive. «On peut faire tout ce que l’on veut, mais il ne faut pas se faire attraper. Dans le cadre de cette activité, les équipes médico-chirurgicales doivent être très vigilantes et prudentes, surtout devant des cas où les donneurs ne sont pas de la fratrie.» Interrogé, le Dr Bougroura Ahmed, maître-assistant au service de néphrologie de l’hôpital de Batna, a d’abord minimisé les choses tout en se défendant : «Nous sommes des médecins, nous proposons des solutions à nos malades, surtout dans les situations d’urgence comme cela a été le cas pour un patient. Nous avons toutes les conditions nécessaires pour assurer cette activité dans notre service et nous l’avons effectuée sans regret.

Nous avons une convention avec l’Institut Pasteur d’Algérie pour les examens immunologiques et nous travaillons avec le service de physiologie de Constantine. Il n’y a pas eu de décès comme vous le dites, à l’exception d’un patient qui est décédé des suites d’une infection pulmonaire 20 jours après l’intervention.

Quant à la troisième patiente que vous avez citée, elle n’a pas bénéficié d’un traitement pour l’ABO incompatible. Il y a des gens qui veulent nous bloquer vu le travail extraordinaire effectué par notre équipe, alors on invente des choses. L’urgence pour régler le problème de la greffe rénale est le prélèvement sur cadavre», a-t-il assuré tout en se félicitant d’avoir effectué 65 greffes durant l’année 2016. Concernant le patient atteint de la maladie génétique l’oxalose, le Dr Bougroura a tenu à souligner qu’«il s’agissait d’une néphropathie initiale indéterminée», sans plus. Le président de la Société algérienne de transplantation, le Pr Nabil Debzi, chef de service d’hépatologie à l’hôpital Mustapha Bacha, affirme être au courant d’une greffe par ABO incompatible à l’EHS de Batna avec la collaboration d’une équipe de Toulouse : «Pour se lancer dans cette technique complexe, il faut d’abord avoir une grande expérience dans la greffe et je pense que l’équipe de Batna a réalisé de nombreuses greffes avec succès. D’ailleurs, le Pr Chaouche avait été interpellé sur cette question lors de notre congrès et il a déclaré avoir effectivement effectué une greffe ABO incompatible avec toutes les précautions recquises», a souligné le Pr Debzi. Abondant dans le même ordre d’idées, le Pr Hocine Chaouche qui a initié l'équipe de Batna à la greffe rénale, signale avoir greffé un patient ABO incompatible qui, effectivement, est décédé des semaines après d’une infection pulmonaire. «Je ne cautionnerai jamais les gens qui font n’importe quoi. Maintenant, dans le cas de ce malade précis, la technique était l’unique alternative vu son état de santé dont de sérieux problèmes veineux.

Il ne pouvait plus rester en dialyse. Nous avons pris le risque, mais il fallait le faire et les néphrologues ont tout fait pour sa préparation qui a d’ailleurs été faite avec les néphrologues de l’hôpital de Toulouse», a précisé le Pr Chaouche qui a tenu à rendre hommage à cette «jeune équipe engagée et dévouée pour sauver des malades. En plus, c’est l’un des meilleurs centres qui préparent bien leurs patients et il en sont aujourd’hui à une soixantaine de greffes par an et les résultats sont supérieurs à tous les autres centres.» Du côté du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, on affirme que l’EHS de Batna s’est lancé dans cette technique et dispose de tous les moyens nécessaires. «Nous les avons accompagnés. L’équipe a été autorisée à traiter des patients qui n’avaient aucune autre alternative», a souligné le Pr Mohamed El Hadj, directeur des structures de santé au ministère de la Santé. Il dément catégoriquement l’enregistrement de cas de décès, sauf un «patient qui a succombé à une infection pulmonaire», a-t-il noté tout en précisant que l’ équipe de Batna se lancera bientôt dans la greffe hépatique. «Le Dr Karim Boudjemâa, de l’hôpital de Rennes, viendra la semaine prochaine pour voir le service de l’EHS de Batna et planifier un programme de greffes», a-t-il ajouté.

Au final, la greffe rénale peine à se faire une place en tant qu’activité à part entière à cause de l’immobilisme de l’agence nationale de greffe, dont la responsabilité dans tous les dysfonctionnements est tout entière.

Djamila Kourta El watan 26.02.17

Algérie : Un quart des 5 millions d’insuffisants rénaux sont au stade final

L'Algérie compte pas moins de 5 millions d’insuffisants rénaux, selon les dernières statistiques des organisations d'aide à cette catégorie de malades chroniques citées par la radio nationale.

Et 1.250.000, soit un quart d’entre eux, se trouvent au stade final, donc, nécessitant une greffe rapide du rein pour éviter d’y laisser leurs vies.

La transplantation rénale est l'unique solution thérapeutique pour ces insuffisants rénaux se trouvant au stade final.

L'accès à la greffe rénale reste limitée d'autant plus que de nombreux malades peuvent recevoir des reins objet de dons parmi les membres de leur familles.

La raison est simple, les autorités sanitaires refusent toujours de délivrer des autorisations à ce genre de prélèvement. Les mêmes autorités continuent d'encourager les malades à la dialyse au lieu de la transplantation rénale.

Algerie 1 Kaci Haider 10 Mars 2017