COMMENT PEUT-ON EN ARRIVER À PRÉSENTER UN SI MAUVAIS PROJET ?

Le confortement de la digue de la Barthelasse concerne une zone protégée Natura 2000. La biodiversité de ce site est exceptionnellement riche. Si le projet est mis en œuvre, ce sera un désastre environnemental. Tout le monde le sait, y compris ceux qui le défendent. Ce projet est condamnable, il manque de légitimité. Ses promoteurs en ont conscience c’est pourquoi ils tentent de renforcer son bon droit dans leur manière de le présenter :

• Il est présenté comme nécessaire à la sécurité des personnes. Or ce projet n’est pas un projet de protection des habitants contre l’inondation mais un projet de protection de l’activité agricole intensive contre les crues habituelles.

• Il est aussi présenté comme une exigence de la loi. C’est absolument faux. La loi exige seulement la mise en sécurité des ouvrages. La loi laisse le choix aux communautés de communes de protéger des inondations, ou pas, tel ou tel secteur. Tout comme elle leur laisse le choix de mettre une digue ici, ou là, ou encore nulle part.

• Il est enfin présenté comme commandé par la science hydraulique. Mais il existe de nombreuses façons de nous protéger des crues. À commencer, bien entendu, par nous assurer de notre capacité à surmonter ses conséquences. Ensuite les analyses des contingences hydrauliques conduisent à de nombreuses stratégies possibles, parmi lesquelles il faut faire un choix. C’est ce qu’a fait pour nous le Grand Avignon. Il a choisi la solution la plus dévastatrice pour la biodiversité.

Les raisons qui ont conduit à ce choix n’ont jamais été débattues par les citoyen-ne-s. On découvre aujourd’hui que le projet est un empilement confus d’études successives. Les solutions hydrauliques choisies sont présentées de façon flatteuse et rabâchée, leurs inconvénients sont minimisés voire oubliés. En fin de compte, on constate que la solution retenue est surtout fondée sur les économies pécuniaires réalisées au détriment de l’environnement.

SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres propose d’autres solutions, rassemblées dans un projet alternatif. Il s’agit d’abord de prendre les choses par le bon bout, celui de la biodiversité. C’est à dire d’abandonner l’arrachage des arbres et l’enrochement subaquatique, sauf au cas par cas aux points faibles connus. Puis dans un deuxième temps de considérer sérieusement, comme le préconise l’autorité environnementale, la solution d’une digue en retrait partout où elle n’existe pas déjà.

UN PROJET DE 1200 PAGES

PAYÉ PLUS DE 800 000 €UROS

QUI OMET D'EXPLIQUER L'ESSENTIEL

Le projet de confortement de la digue de la Barthelasse concerne un espace situé précisément dans une zone Natura 2000 [1] [2] [3] et dans un réservoir de biodiversité et corridor écologique SRCE [4] . La biodiversité de ce site y est exceptionnellement riche [5] [6] [7] [8]. Depuis les années 90, ce dossier a déjà fait l’objet de nombreuses demandes de compléments de la part de l’État [9] notamment pour raison d’insuffisance des études d’impacts environnementaux et d’incohérence des niveaux de protections affichés et des zones protégées délimitées. Malgré cela, la version corrigée, déposée fin 2018 [10] par le Grand Avignon, a trouvé moyen de s’exposer à de sévères critiques de la part des autorités environnementales [11] [12] :

Recommandation MRAe : " L’Autorité environnementale recommande au porteur de projet d’étudier une ou plusieurs solutions intermédiaires permettant de limiter l’impact du confortement des ouvrages de protection sur les berges du fleuve et la ripisylve au droit des secteurs les plus sensibles, afin de s’assurer que le scénario d’aménagement retenu est bien le plus pertinent au regard des impacts environnementaux. "

Avis du CNPN : " un avis défavorable est prononcé sur cette demande de dérogation en raison des faiblesses dans l’état initial, la sous-évaluation des impacts, l’absence de considération d’une mesure d’évitement consistant à déplacer les digues au lieu de détruire la ripisylve, et le faible dimensionnement des mesures compensatoires. "

Plusieurs scénarios de confortement de digue étaient possibles [13]. Le choix qui a été fait parmi ceux-ci repose non seulement sur des études environnementales incomplètes [14] mais aussi sur des études hydrauliques dont nous montrerons ci-dessous qu’elles comportent des inexactitudes et des incomplétudes. Mais aussi qu’elles révèlent une certaine partialité qui aboutit à toujours présenter la solution choisie par ses porteurs comme la meilleure.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[1]Zone Natura 2000 Rhône aval : DOCOB = Document d’objectifs du site « Rhône aval » FR 9301590 - Parc Naturel Régional de Camargue - avril 2014 - pp.22 et suivantes.

[2]Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône Avignon (84) - Étude d’impact sur l’environnement au titre de l’article R.122-2 et suivants du Code de l’Environnement - Bureau d’études Biotope - 34140 Mèze - Décembre 2017 - p.22.

[3]Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône Avignon (84) - Évaluation des incidences au titre de l’article L.414-4 du Code de l’Environnement Au regard des objectifs de conservation du site Natura 2000 FR9301590 « Rhône aval » - Décembre 2017 - p39.

[4]Le Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE) est le document régional qui identifie la Trame Verte et Bleue régionale. C’est un outil d’aménagement co-piloté par l’État et la Région - octobre 2014 - Lien pour la carte : http://carto.geo-ide.application.developpement-durable.gouv.fr/1131/environnement.map

[5]Zone Natura 2000 Rhône aval : DOCOB = Document d’objectifs du site « Rhône aval » FR 9301590 - Parc Naturel Régional de Camargue - p13.

[6]Avis du CNPN : Amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - 25 mars 2019 - p1.

[7]Avis de la MRAe : Avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les Travaux d'amélioration de la protection des îles Piot et Barthelasse contre les crues du Rhône - 12 mars 2019 - pp.8,11.

[8]Projet d’amélioration de la protection contre les crues du Rhône des îles Piot et de la Barthelasse - Etude d’impact sur l’environnement - Bureau d’études Biotope - 34140 Mèze - Juin 2016 modifiée pour la version déposée en 2017 - juin 2017. 2016 modifiée pour la version déposée en 2017- décembre 2017- p.18.

[9]DREAL Auvergne-Rhône Alpes - Service Eau Hydroélectricité et Nature - Demande de compléments - 6 Août 2014 ; 16 décembre 2016 ; 26 juin 2017 ; 12 septembre 2017 ; 4 avril 2018.

[10]Demande d’autorisation des travaux d’amélioration des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Jean Marc Roubaud Président du Grand Avignon 1^er décembre 2018.

[11]Avis du CNPN : Amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - 25 mars 2019.

[12]Avis de la MRAe : Avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les Travaux d'amélioration de la protection des îles Piot et Barthelasse contre les crues du Rhône - 12 mars 2019.

[13]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019 - p.6.

[14]Contribution du COLLECTIF SOS BARTHELASSE-SAUVONS LES ARBRES - Chapitre biodiversité - septembre 2020.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

1 - Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale [15]

Page 5 : Le chapitre " Précisions sur les raisons du choix du projet et et les solutions alternatives " comporte une première partie de 16 pages de description des différents scénarios envisagés par la ville d’Avignon suivies de 41 lignes qui exposent les raisons du choix qui a été fait parmi ces scénarios. Puis une seconde partie de 22 pages qui concerne des solutions alternatives proposées par le Grand Avignon.

1-1 Dans les 41 lignes de la première partie qui exposent les raisons du choix du projet nous lisons

Page 21 : " Le scénario (N.D.R : celui retenu)… est alors considéré comme la solution la plus efficace pour répondre à la protection de l'activité agricole contre les crues à faible temps de retour (biennal à décennal) et notamment par l'Inspection Générale de l'Environnement dans son rapport IGE/07/026 du 27 juillet 2007. "…

Nos commentaires : Ici au moins les choses ont le mérite d’être claires, ce mémoire en réponse reprend ce que le collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres répète depuis 2012 : ce projet n’est pas un projet de protection des habitants contre l’inondation mais un projet de protection de l’activité agricole contre les crues à faible retour [16]. Et encore, la formulation du Grand Avignon est très avenante, voici la citation exacte extraite du rapport de l’IGE de 2007 [17] : " S’il apparaît légitime d’assurer dans les meilleures conditions la protection, voire l’évacuation des habitants de l’île en cas de crue faible à moyenne, il est malsain d’avancer l’enjeu de protection des habitants contre l’inondation comme prioritaire, ainsi qu’il est fait. La priorité est dans la raréfaction des crues récurrentes à l’encontre de l’activité agricole... ". Ceci est un point important dans la démonstration de la faiblesse intrinsèque du projet dans la mesure où celui-ci est contraint de recourir à l’artifice de la sécurité des habitants pour se pourvoir d’une inéluctabilité.

Page 21 toujours : ..." les spécificités du site fortes tant du point de vue environnemental, qu'hydraulique et au regard des enjeux ont conduit à envisager 3 autres scénarios sur la digue longitudinale au Rhône du système d'endiguement :

• Scénario 1 : Conserver en l'état actuel les ouvrages de protection existants,

• Scénario 2 : Réaliser des aménagements de protection nouveaux,

• Scénario 3 : Restaurer les ouvrages de protection existants ".

1-1-1 "Le scénario 1 qui consiste à conserver en l'état la digue de protection existante ne répond pas aux exigences vis-à-vis de la sécurité des biens et des personnes. Les brèches qui se sont produites en 2002 et 2003 ont montré la fragilité des ouvrages d'autant plus qu'ils sont tous submersibles pour un niveau de crue supérieure à la crue vingtennale. Le diagnostic basé sur les reconnaissances géotechniques et des calculs de stabilité confirme un risque élevé pour une grande partie de l'ouvrage et tout particulièrement vis-à-vis de l'érosion interne. En outre, la réglementation exige la mise en sécurité des ouvrages conformément au Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques " .

Nos commentaires : La présentation de ce scénario 1 qui est pourtant la solution la plus évidente pour préserver " les spécificités du site fortes tant du point de vue environnemental... " est instruite exclusivement à charge :

a) D’une part, les " exigences vis-à-vis de la sécurité des biens et des personnes" qui auraient toute leur place dans ce chapitre censé exposer les raisons du choix, ne sont pas présentes.

b) D’autre part, dans l’étude de danger (EDD de 2018), un chapitre consacré à l’appréciation du niveau de risque montre que l’Événement Redouté Central [18] -ERC1- est une rupture de digue [19]. Or un tableau de probabilité d’ouverture de brèche nous présente cet ERC1 comme conséquence des crues Q100, et non pas des crues Q20 [20]. Et le paragraphe consacré à la gravité des conséquences explique que " Les populations sont habituées aux crues et connaissent leurs conséquences, ce qui leur permet de rejoindre les zones refuges lorsque nécessaire " [21] donc un indice de gravité de classe 3 seulement a été retenu [22]. Dans le chapitre suivant qui concerne l’ERC2, c’est à dire la rupture du batardeau [23] de la SNA [24], on apprend que même une " classe de gravité 5 est jugée acceptable par le maître d’ouvrage, les populations étant sensibilisées au risque inondation. " [25]. La conclusion est que, pour les crues Q20, le danger est tout à fait acceptable, tant pour la probabilité de rupture que pour le niveau de gravité de ses conséquences. D’autre part pour ce qui est du batardeau nous constatons que le scénario de son renforcement n’a pas été envisagé ce qui engagerait pourtant moins de travaux et donc de coûts que pour une réfection de toute la digue.

c) Toutes les données ci-dessus, à l’exception du tableau, présentent des valeurs identiques à celles qui figuraient déjà dans l’étude de danger de 2016. Ceci est surprenant dans la mesure où l’EDD de 2016 était " réalisée sur la base de l’état actuel des ouvrages " [26]. Alors que l’EDD de 2018 est " la première étude de danger sur ce linéaire qui est réalisée sur la base de l’état Projet des ouvrages " [27]. La question se pose alors de savoir à quoi sert le projet si les les dangers sont identiques à l’état actuel et à l’état projet.

d) D’autre part le rédacteur de ce texte, pour renforcer la crédibilité de " la fragilité des ouvrages ", invoque ci-dessus, chapitre 1-1-1-, les brèches de 2002 et 2003 survenues au cours de crues centennales Q100 alors que l’objectif du projet est une protection exclusivement pour les crues vingtennales Q20.

Rappelons ici qu’une crue à temps de retour court, est une crue fréquente, par exemple Q10 est une crue qui revient tous les dix ans, c’est une crue peu importante et qui donc présente peu de dangers. Une crue à temps de retour long, est une crue peu fréquente, par exemple Q100 est une crue qui revient tous les 100 ans, c’est une crue importante qui présente beaucoup de dangers. Plus le temps de retour des crues contre lesquelles on compte se protéger est long, plus importants sont les travaux à entreprendre.

Si les crues centennales Q100 sont les vraies causes de la fragilité des digues, alors pourquoi choisir des travaux aussi dispendieux et destructeurs de la biodiversité dans le but de prévenir 4 hypothétiques brèches qui ne peuvent revenir en moyenne que tous les cent ans ? Sur ce point particulier SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres regrette que la solution de se contenter de renforcer les point faibles avérés n’ait pas été poussée plus avant, c’est pourquoi cette solution est intégrée dans son projet alternatif [28].

e) Enfin, le rédacteur omet de préciser que le " Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015" n’exige " la mise en sécurité des ouvrages" que dans le cas où le Gemapien [29] fait le choix d’intégrer l’ouvrage au système d’endiguement [30]. Dans le cas contraire l’ouvrage peut être déclassé (ce ne sera plus une digue) et rester en place puisqu’il n’y a pas de suraléa [31]. L’alternative du déclassement est une des solutions qui figurent dans le projet alternatif que propose SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres [32].

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[15]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019.

[16]Crues à faible retour : c’est une crue fréquente, par exemple Q10 est une crue qui revient tous les dix ans, Q20 tous les vingts ans...

[17]Lettre de mission adressée par le directeur de l’Eau en délégation de la ministre de l’Écologie et du développement durable au chef du service de l’Inspection générale de l’environnement- "la protection des îles de la Barthelasse et de Piot contre les crues fait l’objet d’un désaccord entre les services de l’État et la ville d’Avignon. " - 15 mai 2007. Et : Rapport de l’Inspection Générale de l’Environnement (IGE) - Protection des îles de la Barthelasse et de Piot contre les crues du Rhône - Pierre BALLAND - Xavier MARTIN - 27 juillet 2007 - p.10.

[18]Événement Redouté Central ERC : Événement important pour la sûreté hydraulique ou consécutif à une crue pouvant conduire à un potentiel de danger important.

[19]EDD 2018 des ouvrages de protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Ville d’Avignon Rapport n° : RM13-113 - Révision n° : G ISL Ingénierie SAS - Paris - 26/11/2018 - p.133.

[20]EDD 2018 - idem - p.166.

[21]EDD 2018 - idem - p.169.

[22]EDD 2018 - idem - p.169

[23]Batardeau : Barrière étanche ou barrage provisoire et amovible.

[24]SNA : Société Nautique d’Avignon, club d’aviron.

[25]EDD 2018 - idem - p.171.

[26]EDD 2016 des ouvrages de protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône Ville d’Avignon (RM13-113_C_Etude de danger) ISL Ingénierie SAS - Paris - Non datée - p.10.

[27]EDD 2018 - idem - p.10.

[28]LA DIGUE VERTE - Projet alternatif - Collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres - mai 2020.

[29]Gemapien : Relatif à la GEMAPI. Collectivité territoriale responsable de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations.

[30]Système d’endiguement : Ensemble des éléments concourant à préserver une même zone protégée des inondations. Et : Les Guides du CEPRI : Les ouvrages de protection contre les inondations - S’organiser pour exercer la compétence GEMAPI et répondre aux exigences de la réglementation issue du décret du 12 mai 2015 - CEPRI - Centre Européen de Prévention du Risque Inondation - Février 2017.

[31]Décret n° 2019-895 du 28 août 2019 portant diverses dispositions d'adaptation des règles relatives aux ouvrages de prévention des inondations - NOR : TREP1907214D

Cité par France Digues (Association Nationale des Gestionnaires de Digues) : R.562-14 et 562-19 : " Les digues non intégrées à un système d’endiguement après les échéances règlementaires perdent leur qualification : une digue qui ne serait pas dans un système d'endiguement n'est plus une digue. L'ouvrage doit donc être neutralisé = supprimer le suraléa (la notion de « neutralisation » est rattachée aux modalités du L. 181-23). Cela ne veut pas dire que l'ouvrage disparait : un ouvrage sans suraléa ni enjeu de protection pourra être conservé, mais ne pourra pas être classé. "

[32]LA DIGUE VERTE - Projet alternatif - Collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres - mai 2020.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

1-1-2 " Le scénario 2, proposé dans l'objectif d'une amélioration de la protection, consiste à réaliser un système d'endiguement constitué d'ouvrages neufs en remplacement de la digue longitudinale de l'île de la Barthelasse en bord de berges du bras d'Avignon sur un linéaire de l'ordre de 5 400 m. L'aménagement d'une digue qui permettrait de conserver la ripisylve à fort enjeu écologique serait réalisé en retrait derrière la digue dans les parcelles agricoles et boisées. Cette solution présente des impacts significatifs : maîtrise foncière avec expropriation, rétablissement des accès routiers, franchissements hydrauliques des fossés de drainage, présence du drain CNR, destruction de parcelles boisées et agricoles, apport de volumes de remblais supplémentaires en zone inondable imposant de réaliser une compensation hydraulique sur les niveaux et en volume par tranche altimétrique au droit de la berge, problème de gestion de l'eau stockée en crue entre la digue actuelle qui serait conservée et la nouvelle digue, coûts élevés de réalisation " .

Nos commentaires : Le scénario 2 décrit ci-dessus est un scénario de digue en retrait [33]. Il est présenté de façon partiale et comme essentiellement coûteux :

a) Il y a une différence de traitement entre d’un côté l’impact environnemental et de l’autre l’impact économique :

Non seulement les coûts environnementaux de tous les scénarios ont été négligés dans l’analyse coût bénéfice [34] mais de plus, ici aussi, ils sont minimisés dans leur énonciation :

impact environnemental : " L'aménagement... permettrait (N.D.L.R : au conditionnel) de conserver la ripisylve à fort enjeu écologique "

impact économique : " Cette solution présente (N.D.L.R : au présent) des impacts significatifs : maîtrise foncière--- coûts élevés de réalisation ".

b) Dans le texte 1-1-2- ci-dessus, le seul impact positif retenu pour ce scénario 2 se résume à deux mots " conserver la ripisylve " alors que l’énumération des impacts négatifs est florissante dans une présentation qui comporte un item social " expropriation " , un item réglementaire " apport de volumes de remblais supplémentaires en zone inondable ". tout le reste est relatif au coût : " rétablissement des accès routiers, franchissements hydrauliques des fossés de drainage, présence du drain CNR "et "problème de gestion de l'eau stockée en crue entre la digue actuelle qui serait conservée et la nouvelle digue, coûts élevés de réalisation ".

c) Bien que le projet n’apprécie manifestement pas cette solution, nous faisons remarquer que de nombreuses digues en retrait sont réalisées juste en aval par le SYMADREM [35] sur le Rhône entre Avignon et la mer (voir photo ci-dessous).

La MRAe [36], elle même, dans son avis sur le projet d’Avignon écrit : "Un scénario d’aménagement mixte, alliant création de nouveaux ouvrages et confortement des ouvrages existants (recul partiel de la digue), aurait pourtant pu s’avérer pertinent " [37]. Les digues en retrait sont une très bonne solution pour préserver la biodiversité, c’est pourquoi elles figurent aussi dans le projet alternatif de SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres [38].

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[33]Digue en retrait : Digue située non pas directement sur la berge, mais plus ou moins à l’intérieur des terres.

[34]Amélioration de la protection des îles de Barthelasse et Piot contre les crues - Analyse Coût-Bénéfice - BG Ingénieurs Conseils - Lyon – 5 février 2014. Et : Analyse multicritère des systèmes d'endiguement de l'île Piot et de l'île de la Barthelasse - Communauté d’Agglomération du Grand Avignon - BG Ingénieurs Conseils SAS- Lyon - 18 juin 2019.

[35]SYMADREM : Syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer, principal opérateur du Plan Rhône, composé de communes, conseils départementaux et régionaux. Il opère entre le barrage de Vallabrègues et la mer.

[36]MRAe : Mission régionale d’Autorité environnementale, service déconcentré de l’État qui doit rendre un avis sur tous les projets soumis à une enquête d’Utilité publique.

[37]Avis de la MRAe : Avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les Travaux d'amélioration de la protection des îles Piot et Barthelasse contre les crues du Rhône - 12 mars 2019 - p.10.

[38]LA DIGUE VERTE - Projet alternatif - Collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres - mai 2020.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

1-1-3 "Le scénario 3 consiste à restaurer et conforter la digue existante et tout particulièrement le talus côté Rhône très endommagé par l'érosion externe (sapement de la berge) et par les systèmes racinaires des arbres qui favorisent l'érosion interne. Le principe d'aménagement de mise en sécurité de l'ouvrage est un retalutage [39] de la berge avec mise en œuvre d'un cordon d'enrochements sous-fluvial (sous le niveau de la retenue normale). Cette solution oblige de supprimer les arbres sur la digue dont la présence et le développement est incompatible avec la stabilité de la digue. Au regard des enjeux écologiques, sur les sections de digue qui présentent des sur largeurs en crête, les arbres seront conservés en partie supérieure. La variante 3 (suppression du quai des Allemands) associée au scénario 4bis et préconisée par l'Inspection Générale de l'Environnement permet de supprimer l'impact hydraulique du projet. Dans les secteurs à forts enjeux et les plus sensibles, le recul de la digue a été envisagé mais pose des problèmes conséquents de raccordement avec l'existant dans des zones boisées et agricoles. "

Nos commentaires :

a) Les deux seules légitimations avancées ci-dessus pour la "mise en œuvre d'un cordon d'enrochements " sont d’une part : " le talus côté Rhône très endommagé par l'érosion externe...et par les les systèmes racinaires des arbres " et d’autre part :" résister à l’érosion de l’écoulement en crue ". Or l’érosion externe n’est nulle part précisément observée ni décrite dans ce dossier. Pour l’érosion par l’écoulement du fleuve, référons-nous à l’étude de danger EDD de 2016 [40] qui est " consacrée à l’ouvrage existant ". Elle indique que "Les vitesses d’écoulement au niveau des ouvrages issues de la modélisation 2D sont modérées (inférieures à 2 m/s) … les phénomènes d’érosion à la traversée d’Avignon semblent donc peu préoccupant " [41].

b) Bien sûr cette étude affirme aussi que " Les ouvrages concernés par l’érosion externe sont les ouvrages de l’île de la Barthelasse non protégés … par un perré [42] ". Mais on peut constater que ni la digue en long Girardon [43], ni le perré maçonné le plus long de la Barthelasse , qui va du Pont Daladier pratiquement jusqu’à la Projette ne sont mentionnés. Cette zone n’est donc pas sujette à l’érosion externe par l’écoulement du Rhône en temps normal, et très faiblement en temps de crues, par conséquent son enrochement n’est pas justifié.

c) On se pose alors deux questions. D'abord, comment se fait-il que d'importants et coûteux moyens techniques aient été déployés pour sonder la digue et que pas un seul n’ait détecté le chemin de halage, ni le perré aujourd'hui recouvert par des hauts fonds, qui sont pourtant des ouvrages conséquents (voir l'image ci-dessous prise lors de l'extraction récente de 2500m3 de sédiments alluvionnaires fins situés dans le périmètre du projet). Ensuite comment se fait-il que dans le dossier du projet, ne se trouve aucun argument pour justifier la préférence accordée à l'enrochement de la berge sous l'eau alors que, parmi les 8 envisagées, cette technique de confortement est d'un impact rédhibitoire pour de nombreuses espèces et par conséquent pour les objectifs de conservation de la zone Natura 2000 (voir ci-dessus dans le module biodiversité, chapitre 4, "Les libellules"). On devra se contenter, en 2019, dans le mémoire en réponse page 22, d'un pitoyable constat de l'état de fait: " Le choix s'est orienté vers la solution de reprise et du confortement des talus côté bras d'Avignon par la pose d'enrochements sous-fluvial". En somme, "le choix" se serait "orienté" tout seul, de façon émancipée. Au regard de l'importance des enjeux, ceci est irrecevable.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[39]Retalutage : Reconstruire la pente d’un talus.

[40]EDD 2016 des ouvrages de protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône Ville d’Avignon (RM13-113_C_Etude de danger) ISL Ingénierie SAS - Paris - Non datée.

[41]EDD 2016 - idem - p.96.

[42]Perré : Revêtement en pierres sèches ou maçonnées d’un talus. EDD 2016 - idem - p.96.

[43]Digues en long Girardon : Digues construites de chaque côté du Rhône par l’ingénieur Girardon après les crues de 1840 pour fixer le fleuve dans un seul chenal.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

c) Par ailleurs, nous lisons dans le même paragraphe : " Tous les ouvrages sont concernés par l’érosion de sapement sauf (N.D.L.R : ceux) qui disposent d’un ségonal [44] important. ". Cela est un très bon argument en faveur des digues en retrait qui par définition ont un ségonal et donc ne sont pas concernées par l’érosion de sapement.. Pourtant, quand il s’agit de présenter les avantages/inconvénients du scénario de digue en retrait cet argument positif est tout simplement " oublié " (ci-dessus paragraphe 1-1-2- b).

d) Pour les crues Q20, en ce qui concerne les probabilités de ruptures par instabilité, c’est à dire par glissement ou érosion interne, le tableau 53 de l’EDD 2016 rappelle [45] que, pour la Barthelasse, de la section S3 à S8 les cotes varient de " probables à très improbables " c’est à dire un niveau faible de risque de rupture.

e) La seule légitimation du choix de la suppression du quai des Allemands est sa préconisation " par l'Inspection Générale de l'Environnement " IGE. Dans son rapport de 2007 l’IGE considère un peu légèrement le quai des Allemands comme une " singularité...(N.D.L.R : dont) chacun s’accorde en effet à estimer nécessaire sa suppression " [46].

Rappelons que cet aménagement fait partie d’un ensemble avec les 4 tenons [47] d’Avignon situés juste en aval (image ci-dessous) et avec le chemin de halage et le pérré maçonnés en vis à vis, rive droite. Cet ensemble est toujours fonctionnel. Il a été conçu et construit à une époque où le problème principal était de protéger du fleuve le Nord de la ville [48] et de maîtriser les conséquences désastreuses de sa brusque inflexion vers le sud au niveau du pont Saint Benezet, tout en permettant la navigation de basses-eaux [49].

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[44]Ségonal : Bande de terre comprise entre le fleuve et sa digue.

[45]EDD 2016 des ouvrages de protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône Ville d’Avignon (RM13-113_C_Etude de danger) ISL Ingénierie SAS - Paris - Non datée - p.113.

[46]Rapport de l’Inspection Générale de l’Environnement (IGE) - Protection des îles de la Barthelasse et de Piot contre les crues du Rhône - Pierre BALLAND - Xavier MARTIN - 27 juillet 2007- p.16.

[47]Tenons : petites digues (épis) perpendiculaires aux digues basses longitudinales qui servent à les tenir et permettent aux alluvions de combler petit à petit les anciens chenaux.

[48]Crue de novembre 1840 : au Nord -Est de la ville, le Rhône déborde l’île de la Synagogue (éponyme de l’actuel quartier), inonde l’intra-muros par la porte Saint Lazare, et contourne Avignon par l’Est.

[49]Navigation de basses-eaux : Possibilité pour les bateaux de circuler même en été quand le niveau du fleuve est bas.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

La première fonction de cet ensemble était d’empêcher toute évolution morphodynamique [50] du fleuve, tâche qu’il assume avec succès encore aujourd’hui comme le constate l’étude de danger de 2016 [51]. Preuve en est que depuis deux siècles, après chaque crue, le Rhône reprend sagement sa place entre la pile distale du pont Saint Benezet et la Barthelasse.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[50]Évolution morphodynamique : Évolution des formes du fleuve dues aux crues à l’érosion et au transport solide d’alluvions. Lônes, méandres, nouveau lit...

[51]EDD 2018 des ouvrages de protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône. Ville d’Avignon Rapport n° : RM13-113 - Révision n° : G ISL Ingénierie SAS - Paris - 26/11/2018 - p.96.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

D’autre part, il permettait, et permet toujours, à la navigation avalante [52] de se placer en rive droite dans un chenal [53] toujours assez profond en basses eaux et régulièrement débarrassé de sa charge solide [54] grâce à l’accélération de l’eau produite par la déflexion du courant par le quai des Allemands, voir image ci-dessous. Il permet également de protéger et garantir la fonctionnalité du quai de la Ligne pour la navigation montante [55] comme avalante par un niveau d’eau suffisant en toute saison.

C’est entre autres grâce à cette " anomalie " que l’on peut voir aujourd’hui des bateaux de 130 mètres de long se permettre de passer le pont Saint Benezet en culant [56] pour que leurs passagers, touristes du monde entier, puissent l’admirer dans son écrin classé patrimoine mondial de l’UNESCO. Et tout cela sans que l’on n’ait jamais eu besoin de dragages à cet endroit.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[52]Navigation avalante : Bateaux naviguant dans le sens du courant du fleuve.

[53]Chenal : Le chenal de navigation est le passage suffisamment profond par où peuvent circuler les bateaux.

[54]Charge solide : Ce sont les sédiments, galets, graviers ou sables transportés par le courant du fleuve.

[55]Navigation montante : Bateaux naviguant dans le sens inverse du courant du fleuve.

[56]Culer : Bateau qui navigue en marche arrière.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[57]Amélioration de la protection des îles de Barthelasse et Piot contre les crues - Atlas Cartographique - BG Ingénieurs Conseils SAS- Lyon -11 avril 2012 - p.8.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

f) La dernière phrase de ce chapitre 1-1-2- ci-dessus concernant le scénario 3 évoque encore la possibilité de créer une digue en retrait, seule solution de digue qui préserverait la biodiversité. Hélas, c’est pour mieux la repousser à l’appui d’un argument spécieux au regard des enjeux : " le recul de la digue a été envisagé mais pose des problèmes conséquents de raccordement avec l'existant dans des zones boisées et agricoles. ". Ces " problèmes conséquents " ne sont pas décrits. En matière de travaux publics, raccorder 2 bouts de digue, fût-ce en " zones boisées et agricoles " ne présente pas à priori un cas d’école épineux, il doit plus probablement s’agir encore une fois d’une histoire de coûts ou bien de maîtrise du foncier.

En résumé cette partie d’un chapitre censé nous éclairer sur " les raisons du choix du projet " résiste bien peu à l’analyse qui montre sa pauvreté eu égard à son objectif.

Les arguments sensés étayer les justifications hydrauliques ne sont pas recevables pour ce qui concerne :

- La sécurité des personnes.

- La fragilité des ouvrages.

- L’interprétation d’un texte réglementaire.

- Le parti-pris dans la présentation des avantages/inconvénients des différentes options.

- L’invocation abusive d’une érosion qui n’existe pas pour justifier des enrochements.

Par contre l’intention de valoriser immodérément l’avantage pécuniaire pour éclipser la destruction de la biodiversité est saisissante.

1-2 La dernière partie du chapitre concerne des solutions alternatives proposées par le Grand Avignon

" plusieurs solutions alternatives ont été étudiées dans deux secteurs de l’île de la Barthelasse, dans l’objectif d’éviter des zones sensibles (forêt alluviale et berges à forts enjeux écologiques) et d’éviter des ruptures de la continuité écologique. " [58].

1-2-1 Premier secteur : Est Projette.

3 solutions sont proposées.

Alternative n° 1 digue en retrait.

Nos commentaires:

a) Ici encore, cette première solution, est celle qui ne présente aucun impact négatif pour la biodiversité mais elle n’est pas privilégiée par le grand Avignon. Le projet alternatif de SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres privilégie cette solution [59].

b) Le texte parle d’une création de digue. Or il s’agit de la réhabibilitation d’une ancienne digue en retrait qui a été abandonnée pour pouvoir agrandir, au détriment de la ripisylve, les surfaces protégées des petites crues ; puis qui sera récemment détruite partiellement pour pouvoir accroître les surfaces cultivées. (cf ci-dessous photos aériennes de 1965 et 2019). Ici, dans un souci de restauration de la qualité du corridor de biodiversité, SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres préconise de reconquérir la marge fluviale et de remettre en service cette digue en retrait récemment démantelée.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[58]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019 - p.24.

[59]LA DIGUE VERTE - Projet alternatif de confortement de la digue des îles Piot et Barthelasse - Collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres - mai 2020 - p.8.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

c) Nous notons que cette solution constituait déjà en 2016 une partie de la variante n°1 des mesures correctrices de la ligne d’eau [60] (abandonnée au profit de la suppression du quai des Allemands - voir plus haut). L’étude hydraulique de 2012 [61] lui attribuait alors un objectif de correction hydraulique : "Cette mesure a pour objectif de créer un lit majeur dans ce secteur, permettant ainsi de réduire les pertes de charge. Une surface d'environ 10 ha serait inondée dès la crue Q 10 .Ce secteur est marqué par la présence de 2 habitations, de parcelles cultivées et d'une décharge" (image ci-dessous).

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[60]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019.

[61]Étude hydraulique 2018 - Analyse complémentaire de la mesure correctrice initiale (variante 4bis) - BG Ingénieurs Conseils - Lyon 20 juin 2012 - p.7.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

L’étude d’impact de 2017 [62] explique de même que " Cette mesure sera efficace dès les crues Q10, étant donné la création d'un lit majeur supplémentaire sur 1 km de long, permettant de relier la digue amont et la partie déjà en retrait de la digue aval. Selon le rapport Hydratec, cette mesure provoque un certain nombre d’effets.../... Impact important pour la crue Q20, le lit majeur devient proportionnellement significatif par rapport au lit mineur, il participe activement à l'écoulement ". Nous notons que ces fonctions très utiles ont été oubliées et ne figurent plus dans la colonne des " avantages " hydrauliques qui est désespérément vide dans le tableau A ci-dessous. Le projet alternatif de SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres reprend ces arguments pour étayer sa préférence pour cette solution [63].

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[62]Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône Avignon (84) - Étude d’impact sur l’environnement au titre de l’article R.122-2 et suivants du Code de l’Environnement - Bureau d’études Biotope - 34140 Mèze - Décembre 2017 - p.159.

[63]LA DIGUE VERTE - Projet alternatif de confortement de la digue des îles Piot et Barthelasse - Collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres - mai 2020 - p.9-4.1.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Alternative n° 2 digue accolée au remblai existant. (sans commentaires particulier)

Alternative n° 3 digue accolée sur seulement la moitié de sa longueur. (sans commentaires particulier)

Commentaire pour les 3 alternatives :

a) Contrairement à ce qui se passait jusqu’à présent le porteur de projet n’a pas imposé son choix sans concertation. Le Grand Avignon mentionne l’alternative qu’il préconise et livre les deux autres alternatives à l’examen de l’enquête d’utilité publique. Et pour cela nous lui en sommes reconnaissants. Par contre nous sommes obligés de signaler encore une fois que la présentation des alternatives manque de discernement. Si l’on compare l’alternative n° 1 à la solution de base, à en croire le Tableau-A ci-dessous, les niveaux les plus forts, représentés par deux gros pavés rouges, sont le pendant l’un de l’autre, l’un négatif pour l’hydraulique l’autre positif pour la biodiversité :

Mais si l’on rentre dans le détail, on peut constater que l’impact négatif hydraulique concerne la construction d’un remblai de 18 000 m³, nécessaire à la digue en retrait, dans la zone d’expansion des crues ZEC. Or il se trouve qu’une décharge d’un volume plus important, et insubmersible à Q100, est attenante au remblai prévu. Pourtant son existence n’est jamais considérée comme impactant l’hydraulique. De plus, la modification éventuelle de l’accès à cette décharge est considérée comme un impact négatif sur les enjeux "liés au milieu humain " (voir tableau ci-dessous). Dans les 3 alternatives proposées cette décharge reste toujours en place.

En clair, la destruction de 2,2 ha de ripisylve et de 70 espèces protégées est mise dans la balance en regard de l’accès à une décharge!

Aucune solution pour déplacer cette décharge située en ZEC et en zone Natura 2000 n’a été imaginée. Par contre le projet propose de détruire la ripisylve et de la " compenser " ailleurs [65] [66], voir image ci-dessous.

Deux poids deux mesures ?

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[64]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019 - p.43 (reconstituée).

[65]Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Dossier de demande de dérogation au titre de l’article L. 411-2 du Code de l’Environnement - Bureau d’études Biotope - 34140 Mèze - Décembre 2017 - p.94.

[66]Projet d’amélioration de la protection contre les crues du Rhône des îles Piot et de la Barthelasse - Etude d’impact sur l’environnement - Bureau d’études Biotope - 34140 Mèze - Juin 2016 modifiée pour la version déposée en 2017 - juin 2017. 2016 modifiée pour la version décembre 2017 - p.18.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

nb : de plus ces parcelles sont situées à l’intérieur des terres, les arbres replantés n’auront donc pas les mêmes fonctions écologiques. Or en 2014 déjà la DREAL demandait : " les surfaces compensées… devront avoir les mêmes fonctions écologiques que la ripisylve détruite " [68].

b) Pour le reste, le tableau ci-dessous nous montre qu’en fin de compte l’alternative consiste essentiellement à choisir entre préserver la biodiversité ou bien faire des économies.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[67]Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Dossier de demande de dérogation au titre de l’article L. 411-2 du Code de l’Environnement - Bureau d’études Biotope - 34140 Mèze - Décembre 2017 - p.94.

[68]DREAL Auvergne-Rhône Alpes - Service Eau Hydroélectricité et Nature - Demande de compléments - 6 Août 2014 - p.4.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

1-2-2 Deuxième secteur : Mas Saint Jean

2 solutions sont proposées

Alternative n° 1 Plantation d’arbres [69].

Notre commentaire : Cette solution ne modifie en rien les travaux prévus sur la berge à savoir l'éradication de toute végétation, talutage et enrochement subaquatique sur toute la longueur. À cet endroit, la route de crête est située à l’aplomb de la berge, le talus amont est presque vertical. Le remblai est de mauvaise qualité et les arbres sont pratiquement tous de grands sujets aux racines traçantes. Les conséquences immédiates de leur arrachage sera l’effondrement immédiat de la route. Il faudra donc tout reconstruire, et ceci n’est pas pris en compte.

Alternative n° 2 Recul de la digue [70].

Nos commentaires :

a) Bien que cette solution prévoie un élargissement de la digue côté talus aval, nos remarques faites pour l’alternative n°1 restent valables pour celle-ci dans la mesure où l’éradication de toute végétation, le talutage et l’enrochement subaquatique sur toute la longueur sont maintenus.

b) Curieusement, aucune des solutions ne mentionne, ni dans le texte, ni sur les coupes, ni sur les vues 3D, l’existence d’une ligne EDF moyenne tension.

Cette ligne jouxte la route (voir image ci-dessous), et sous cette ligne électrique, comme sous toutes les autres, il n’est pas question d’y prévoir autre chose qu’une végétation basse. SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres propose que l’on profite de cet espace pour y implanter une digue en retrait. Les poteaux EDF n’ont pas de racines traçantes, et, au regard de l’érosion hydraulique, leur emplacement ici est comparable à celui de tous les autres poteaux situés sur la Barthelasse quand elle est inondée.

Cette solution permettrait de préserver intégralement la ripisylve et surtout les vieux arbres qui sont nécessaires, rappelons-le, à la fonction de corridor écologique [71] [72].

Pour ce qui est de l’enrochement, le projet alternatif de SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres propose qu’il soit mis en œuvre seulement là où des affouillements [73] en pied de berges sont avérés.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[69]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019 - p.38.

[70]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN -idem - p.39.

[71]Ripisylves méditerranéennes et chauves souris enjeux et conservation - Étude RipiMed - GCP- juin 2019. " Les ripisylves sénescentes sont les plus favorables à la biodiversité " - p.37.

[72]" Une grande partie de l’intérêt de la ripisylve réside dans la présence de vieux sujets " DREAL Auvergne-Rhône Alpes - Service Eau Hydroélectricité et Nature - Demande de compléments - 6 Août 2014 - p.4.

[73]Affouillements : Creusement des berges ou digues du aux remous du courant du fleuve.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Rappel : SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres propose partout sur les zones du corridor Natura 2000 et de la Trame Bleue [74] d’abandonner l’arrachage des arbres et l’enrochement subaquatique, sauf au cas par cas aux points faibles avérés, émergés ou immergés. Cela est possible par deux solutions alternatives. La première consiste à se contenter de réparer et d’entretenir les ouvrages tels qu’ils existent actuellement. La seconde consiste à y ajouter des digues en retrait partout où il n’y en a pas déjà [75]. Ces digues pouvant éventuellement être accolées au remblai existant comme le propose le Grand Avignon pour le secteur Est projette, voir les images ci-dessous :

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[74]Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE).

[75]LA DIGUE VERTE - Projet alternatif - Collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres - mai 2020 -

[76] Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019 - p.31.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

2 - Étude hydraulique - Rapport d'étude [77]

Ce document est présenté dans le dossier d’autorisation du 3 décembre 2018, aucun nouveau document traitant de l'hydraulique ne sera joint par la suite à l'exception de l'analyse multicritère du 18 juin 2019 et le mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale (décembre 2019).

Page 8 : "Secteur Ile de la Barthelasse : Le calage des digues longitudinales existantes comprises entre le Pk 241.42 et le Pk 234.56 est fixé à la cote 6,60 m au rhônomètre, situé au droit du pont Daladier dans le bras d'Avignon soit au niveau théorique de la crue vingtennale. "

Page 52

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[77]Étude hydraulique 2018 - Analyse complémentaire de la mesure correctrice initiale (variante 4bis) - BG Ingénieurs Conseils - Lyon 20 juin 2012.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Annexes/Atlas cartographique [78]:

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[78]Amélioration de la protection des îles de Barthelasse et Piot contre les crues - Atlas Cartographique - BG Ingénieurs Conseils SAS- Lyon -11 avril 2012 - p.5.

[79]Amélioration de la protection des îles de Barthelasse et Piot contre les crues - Atlas Cartographique - BG Ingénieurs Conseils SAS- Lyon -11 avril 2012 - p.5.

[80]Atlas Cartographique - idem - p.11.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Si l’on superpose les deux cartes ci-dessus, et que l’on trace la différence entre les deux (en rouge ci dessous), voici le résultat :

La différence entre entre l’état initial et l’état aménagé représente la zone effectivement protégée des inondations Q20.

Or, pour les analyses ACB et multicritère la surface inondée Q20 ÉTAT ACTUEL n’est bizarrement pas la même [81] [82] :

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[81]Amélioration de la protection des îles de Barthelasse et Piot contre les crues - Analyse Coût-Bénéfice – ACB - page 16 - 5 février 2014. (jointe au dossier autorisation 3 décembre 2018) - p.18.

[82]AMC - Analyse multicritère des systèmes d'endiguement de l'île Piot et de l'île de la Barthelasse - BG Ingénieurs Conseils SAS - Lyon 18 juin 2019 - (jointe au mémoire en réponse ).

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Ce qui aboutit pour les enjeux à une surface qui correspond pratiquement à la carte des zones inondables Q100 [83]

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[83]Amélioration de la protection des îles de Barthelasse et Piot contre les crues - Analyse Coût-Bénéfice - ACB- 5 février 2014 - page 16. (jointe au dossier autorisation 3 décembre 2018) – p.2.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Soit il y a une erreur dans l’étude hydraulique ou dans les analyses ACB et multicritère, soit il y a une erreur dans l’énoncé ci-dessous :

" Le principe général de l'aménagement consiste à re-hausser les ouvrages de protection existants. Ces mesures de protection permettent d'éviter les inondations causées par les crues fréquentes (Q10 - Q20) et par débordement du bras d'Avignon, tout en garantissant leur inondation pour les crues rares (Q100 ). " [84].

Soit, autre explication possible, les mesures de protections permettent d’éviter aussi les crues Q50 et plus jusqu’à Q99 mais on ne le dit pas.

• Parce-que contrairement à Q20 (3250 m 3 /s), Q50 (3950 m 3 /s) n’est pas considérée comme une crue fréquente ?

• Parce-qu’il faudrait alors expliquer pourquoi la ZEC qui fonctionnait jusqu’à présent sur la Barthelasse à partir de Q10 devrait fonctionner maintenant seulement à partir de Q99 ?

• Parce-qu’il faut présenter le renforcement des ouvrages comme absolument incontournable pour résister jusqu’à Q99 en omettant de rappeler qu’une solution intermédiaire et avantageuse, le scénario n°3, prévoyait de baisser la ligne de crête du nord de la Barthelasse ? Pourquoi ce scénario ne serait-il plus valable puis qu’aucun document n’explique pourquoi il a été abandonné ? (voir ci-dessous).

" Scénario N°3 : ... ce scénario propose de baisser le profil en long de la digue, notamment sur le secteur intermédiaire entre les PK 236 et 238, en mettant en œuvre un abaissement progressif et continu de la digue et permettant des surverses progressives au-delà de la crue vingtennale. Par rapport au scénario 2, ce profil améliore les conditions d'entrées des débits dans l'île de la Barthelasse pour la crue centennale et réduire ainsi l'impact sur les lignes d'eau. " Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale (décembre 2019) page 14 . [85].

Pour conclure ce paragraphe, nous dirons que ce dossier est confus. À quel niveau de crue serait protégée l'île de la Barthelasse, Q10, Q20, Q50 ou Q99? La preuve en est que l’autorité environnementale elle même, dans on avis de mars 2019 demande au Grand Avignon de clarifier "la différence entre le niveau de protection défini à l’échelle globale et la cote projetée pour chaque tronçon d’ouvrage".

Des éclaircissements conséquents arriveront enfin dans l'analyse multicritère du 18 juin 2019.

Mais on se souvient que, pour des raisons de respect de la ZEC (zone d'expansion des crues) le projet doit limiter la protection de la Barthelasse aux seules crues décennales (Q10). On ne comprend donc toujours pas pourquoi des travaux coûteux de prévention de rupture sont prévus sur des ouvrages qui sont désignés comme ne pouvant pas rompre à Q10. Page 70 :"La modélisation de la rupture de la section 7 à la Grande Bastide a permis de conclure que la section ne rompt pas pour des crues de retour Q 10". Ndlr: idem pour la section 8 - Les Cabanes.

La seule phrase que l'on puisse trouver à ce sujet se trouve page 66:

"Afin d'étudier 4 scénarii d'inondation différents, nous avons choisi d'étudier en plus le scénario d'une crue vingtennale car c'est cette période de retour qui dans l'état aménagé engendre les premiers dommages sur l'île de la Barthelasse".

Ce concept de "premier dommage" est-il censé expliquer pourquoi une digue ne rompant pas à Q10 doit pouvoir résister à Q20 alors que l'objectif de protection est bien Q10 ?

Pour mémoire, voici la première phrase de l'avis de la MRAe[86] qui est catégorique sur la garantie du niveau de protection de l'île de la Barthelasse à Q10:

"Le projet de confortement des digues des îles Piot et Barthelasse consiste à rehausser et garantir le niveau de protection des ouvrages existants contre les crues du Rhône jusqu’à une crue vingtennale pour l’île Piot et décennale pour l’île de la Barthelasse."

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

[84]AMC - Analyse multicritère des systèmes d'endiguement de l'île Piot et de l'île de la Barthelasse - BG Ingénieurs Conseils SAS – Lyon 18 juin 2019. (jointe au mémoire en réponse ).

[85]Mémoire en réponse aux avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - Biotope - Bureau d’études BG. Projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône - Décembre 2019 - p.14.

[86]Avis de la MRAe : Avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les Travaux d'amélioration de la protection des îles Piot et Barthelasse contre les crues du Rhône - 12 mars 2019 – p.6.

______________________________________________________________________________________________________________________________________________

3 - Analyse Coût-Bénéfice et Analyse Multicritère

Les premières versions du projet comportaient une analyse coût-bénéfice (ACB) pour l'ensemble des îles Piot et de la Barthelasse. En 2019, notre collectif SOS Barthelasse a demandé au Grand Avignon une ACB distincte pour chacune des deux îles pour tenir compte de leur nature différente. L'île Piot est urbanisée, la Barthelasse est une île rurale agricole.

Le Grand Avignon a donc commandé deux analyses multicritère distinctes qu'il a jointes au projet en novembre 2019. Ces analyses considèrent qu'il y a deux systèmes d'endiguement indépendants, l'un pour l'île Piot, l'autre pour l'île de la Barthelasse.

Ces analyses sont des outils d'aide à la décision pour les porteurs de projets. Cette décision est d'autant plus difficile à prendre quand un projet comporte plusieurs objectifs, souvent contradictoires. Par exemple chercher un développement économique et, en même temps, protéger la biodiversité. Dans une telle configuration, où aucune possibilité n’est parfaite, une ACB peine à évaluer plusieurs options. C'est ce que prétend réussir l'analyse multicritère. Sa méthode consiste à établir un nombre important de critères puis de juger chacune des solutions aux yeux de chacun des critères, puis dans un dernier temps à agréger ces jugements pour désigner la solution qui obtient les meilleures évaluations.

L'analyse multicritère du système d'endiguement de l'île de la Barthelasse calcule deux choses:

1 - Calcul des dommages monétaires d'une inondation sur les enjeux (habitants, emplois...), puis le coût des mesures envisagées (investissement initiaux et annuels différés...) puis le rapport du bénéfice des dommages évités sur ces coûts... Nous trouvons en conclusion : "Si ce rapport est supérieur à 1 le projet est rentable économiquement".

2- Calcul des économies réalisées par le Grand Avignon (VAN) si le projet était mis en œuvre (en comparaison avec la situation actuelle)... Nous trouvons aussi en conclusion: "Si la VAN est positive le projet est rentable économiquement".

Tout citoyen se demande où et quand sont pris en compte le coût de la destruction de la biodiversité et de ses conséquences. Mais ce n'est tout simplement pas prévu dans l'analyse. La seule chose que l'on apprend 46 pages plus loin, c'est que sont pris en compte des coûts dits environnementaux (indicateur M7) et qu'ils sont intégrés dans le coût des mesures envisagées. Et de quoi sont composés ces coûts dits environnementaux ? "Les coûts environnementaux correspondent aux coûts des mesures correctives mises en place pour réduire les impacts négatifs sur l'environnement du projet" (page 107). Il s'agit donc simplement du coût des compensations imposées par la séquence Éviter-Réduire-Compenser (ERC). Voici encore un effet pervers de cette séquence ERC. D'abord, elle n'est pas appliquée puisque des solutions pour Éviter existent mais ne sont pas envisagées. Mais de plus, intégrée de façon tellement caricaturale dans les calculs d'une analyse multicritère, elle permet de faire croire que l'on prend en compte l'environnement alors qu'il n'en est rien. La séquence ERC, un permis de détruire ?

Étant donné que pas un seul euro de dommage dû à la destruction de la biodiversité, des services écosystémiques, ni à leurs conséquences, ne sera payé par le Grand Avignon, il n'est pas étonnant que l'analyse multicritère considère que son projet soit "rentable économiquement". Et la décision prise par le Grand Avignon n'en est pas moins attendue. Il est cependant légitime de se poser ici la question de l'utilité, du sens, et de la rentabilité même d'une telle "aide à la décision".

Comme le disent Jean Gadrey et Aurore Lalucq dans leur ouvrage "Faut-il donner un prix à la nature", "ce mode d’évaluation peut donner une impression d’objectivité, une caution scientifique à des travaux et à des décisions hautement politiques ", mais "La monétarisation est rarement un outil adéquat pour éclairer les décisions publiques pour des raisons démocratiques et d’équité".

Tant que, a minima, les dommages indirects tangibles et intangibles ne seront pas intégrés dans les ACB ou multicritère, il en sera toujours ainsi.

Mais revenons à la façon dont la destruction de la biodiversité est considérée dans cette analyse. Dans la partie consacrée au système d'endiguement de l'île Piot, la destruction du quai des Allemands n'est considérée que par une ligne ajoutée dans la colonne du coût des mesures envisagées, pour le reste, il n'y a strictement rien. Comme si le décaissement de 35 000 m3 de digue en berge couverts d'arbres et contigus à une zone de hauts fonds remarquable par sa richesse en biodiversité ne nécessitait même pas l'application de mesures de compensations pourtant si inopérantes et si bon marché.

D'aucuns pourraient penser que cette analyse multicritère démontre que le projet de digue du Grand Avignon mettrait en évidence une raison impérative d'intérêt public majeur. Bien évidemment, il n'en est rien. Ces calculs monétaires fastidieux ne démontrent que ce qu'ils mesurent : ce qui coûte cher coûte cher.

4 - Conclusion

Le volume, le poids et le coût d’un dossier ne suffisent pas à établir son sérieux, ni à l’exonérer d’un examen attentif surtout lorsqu’il s’agit d’apporter une aide à une décision d’importance.

Le collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres, dans la mesure de ses moyens, fait ce travail. Les études hydrauliques, de danger, et les analyses ACB et multicritère contenues dans ce projet d’amélioration de la protection des îles Piot et de la Barthelasse contre les crues du Rhône ne justifient en rien la nécessité d’arracher 5 kilomètres d’arbres de la ripisylve et d’enrocher 4 kilomètres de berge sous l’eau.

Le collectif SOS Barthelasse-Sauvons les Arbres ne se contente pas de montrer les carences du projet mais propose un projet alternatif et évolutif.