AVOIR SU
Billet d’humeur de Hubert Saint-Germain
L‘AREQ est partout au Québec....
AVOIR SU
Billet d’humeur de Hubert Saint-Germain
Tout le monde ne vieillit pas de la même façon : il y en a qui deviennent secs et ridés comme des pruneaux oubliés dans l’armoire d’une maison abandonnée par ses habitants alors que ceux-ci sont partis vivre ailleurs, d’autres se transforment en boules de graisse inesthétique à cause d’un régime alimentaire qui abuse du sucre et ne comporte aucun exercice physique pour brûler les calories excédentaires. L’idéal serait de vieillir le moins mal possible, mais cette forme de résilience, celle de l’acier bien trempé au feu de l’épreuve, n’est pas donnée à tout le monde. Certes, à l’impossible nul n’est tenu dit un adage bien connu, mais on reste un homme ou une femme à part entière aussi longtemps que l’on refuse de s’affaisser dans son ombre comme une plante privée d’eau et de lumière.
Le grand âge s’installe dans ses petites misères et les facultés cognitives et physiques diminuent comme les piles d’une lampe de poche qui ont épuisé leurs réserves d’énergie, et tout ce qui était simple devient compliqué : le moindre geste, la moindre tâche; par exemple, faire sa toilette matinale et s’habiller avant une sortie. Quelle cravate porter avec cette chemise ? Comment assortir les couleurs ? Et les poils qui sortent des narines, qu’en fait-on quand ils ont une racine trop profonde dans l’appendice nasal et que les arracher vous fait aussi venir des larmes à cause de la douleur ? Quand une pilosité excessive envahit vos oreilles alors que vous portez déjà des prothèses auditives, toutes vos conversations peuvent engendrer des malentendus dont personne n’a vraiment besoin… Ce sont là des inconvénients de plus en plus fréquents à mesure que passent les années.
Avoir su et ne plus savoir, avoir pu et ne plus pouvoir… telle peut être l’ironie du sort imparti aux humains, mais il faut quand même se faire une raison : c’est encore la vie… Le vieillissement n’est pas une raison suffisante pour mourir avant sa mort.
Rue St-Laurent (ma Moyenne Noirceur) par Sylvie Dicaire
Clin d’œil au roman de Jean-Philippe Pleau Rue Duplessis ma Petite Noirceur, Lux Éditeur, 2024, 323 p.
J’ai voulu embrasser Montréal à pleine bouche Me fondre dans sa faune étrange et bigarrée Caresser ses contours de la cime à la souche Goûter son suc amer sur ma langue assoiffée
Je me suis invitée dans de belles aventures Façonnée inventée définie réécrite J’ai taillé le bois mort et soigné les boutures Patienté travaillé repoussé mes limites
J’ai cherché dans l’amour un prospecteur brûlant Qui saurait dénicher tout au fond la matière J’ai trouvé dans l’amour un jardinier patient Qui cultive le sol d’une unique manière
Avec lui Montréal brille de mille feux Notre pont symbolise les rêves que l’on a eus Jadis chacun pour soi maintenant pour nous deux La ville un ingrédient de l’amour reconnu
J’ai fait mon lit au creux d’un quartier animé Ai trouvé mes repères et le rythme des pas Cette cadence qui est mienne la voilà assumée Assurée j’ai trouvé une nouvelle voie
Mais sur « La Main » hier au gré d’un rendez-vous Sensations différentes territoire nouveau Je me sens étrangère et reviennent d’un coup Les relents des ailleurs qui me collent à la peau
Les graines de banlieue et de ville de région Malmènent brusquement les pousses trop fragiles Parasites latents, comme un savant poison, Annihilent la besogne de mains pourtant agiles
Embrasser caresser goûter me fondre encore Ma Montréal un jour tu me reconnaîtras . Mes talons claqueront sur n’importe quel trottoir Sans honte et sans complexe j’me sentirai chez moi
Jardin de décembre par Denise Lavoie
Le jardin s'engourdit
Une fine neige, saupoudrée la nuit dernière, feutre les bruits de la rue Le soleil de décembre lance ses derniers feux sur les branches cristallisées L'étang s'est emmuré sous sa pellicule de glace Trois feuilles séchées, tenant à un fil, sont engourdies au bout d'une canne de framboisier
Les fruits des rosiers, éclats rouges au milieu de tout ce gris, s'offrent aux étourneaux
Les vignes dénudées se figent sur leur tuteur, parées pour le grand coup de froid Les capucines survivantes se sont tapies en vain au pied des églantiers Les cassis offrent leurs derniers fruits rabougris aux morsures du gel Le jardin suspend sa lente respiration
Seul l'écureuil continue ses tournées, avec l'énergie d'une veille d'hibernation et grapille des graines éparpillées des grands tournesols et des petites graminées disséminées près de la clôture, des cassis séchés et tombés, quelques grains de raisin oubliés et moisis. Tout un trésor.
Derrière le mur terre de Sienne, toute une vie en décembre ! Et moi, une tasse de citronnade chaude au creux de mes mains, je me réchauffe le coeur en ce petit matin lumineux
J'aime cette lumière des débuts d'hiver
J'aime cette période de l'années qui sent le poulet rôti, le gâteau aux pommes et les costauds mijotés de légumes
J'aime la chaleur des rencontres d'amis
J'aime les musiques de l'atelier de menuiserie, de la scie à chantourner et de tous ces outils qui fricotent des cadeaux chargés de tendresse
J'aime l'odeur du bois coupé
Derrière la clôture, une vie surprenante en décembre
Poèmes par Colette Larivière
➿
LA CRUE
Les rues ont disparu
C'est une calamité
Mais la décrue
Gardera les cœurs inondés
➿
SOURICETTE
Sans tambour ni trompette
Elle fouine sur les tablettes
De son museau frémissant
Pourvu d'un odorat puissant
Minet est cloué sur la carpette
Plus de galipette
Son instinct le surprend
D'un désir brûlant
Le bruissement de Souricette
Une opérette
L'oeil gourmand
Un coup de griffe et vlan
➿
MADELEINE
La mort de ta reine
Madeleine
Creuse une immense peine
Souterraine
À perdre haleine
Madeleine
Tu as craché ta haine
Comme ricane l'hyène
Ta petite sirène
Madeleine
Au coeur de porcelaine
Danse dans l'azur de la plaine
➿
LE DEVOIR
Dès l'enfance il m'a enrôlée
Ses bretelles se sont bien enfoncées
Au poteau de la vie il m'a enchaînée
Et sur mes reins il s'est reposé
➿
LES MOTS
Comme des flèches ils entrent en nous
Certains font de grands remous
Mais quelques-uns font écho
Et se transforment en crédo