Telle a été la question posée par un collègue plein de questionnements suite à la démission d'un autre collègue. Sur le moment pris au dépourvu, je lui ai donné mon argument principal, je vais essayer d'y répondre un peu plus en détail après plus de réflexion.
(Ecrit en mai 2022, j'ai passé le CAPES en 2018 après plus de 10 ans dans différents métiers d'ingénieur)
Pour répondre à cette question, je vais commencer par lister ce qui m'a fait quitter mes postes précédents (dans le désordre) :
Beaucoup de "technique" trop peu d'échanges "humains".
Le manque de sens : quand la qualité de ce qui est vendu se mesure à la réduction des effectifs du client cela fait poser quelques questions.
La prise de risque financière trop importante par rapport à ce que je m'autorisais dans mon projet qui me tenait le plus à cœur (création d'une société dans le domaine de l'hydrogène).
Une mobilité géographique nécessaire pour évoluer et à laquelle je ne voulais pas me plier.
L'impression d'avoir fait le "tour du sujet" un peu rapidement, j'ai besoin de changement.
...
En résumé des questions de valeurs, d'intérêt trouvé dans le travail, mais également des questions de priorités dans l'équilibre vie familiale / vie professionnelle.
Et pourquoi l'enseignement ?
Ma femme enseignait depuis 9 ans en REP+ quand j'ai pris cette décision. Je voyais alors plus de la moitié du temps de travail, une partie du temps hors la classe (oui, celui qui est tant invisibilisé…) et j'avais également de vagues idées, par ses récits, des difficultés du quotidien. Ce n'est donc pas une reconversion dans l'inconnue totale.
La demande en prof des maths (c'était avant la réforme du lycée qui a un peu rebattue les cartes de ce côté là) me laissait espérer un poste à 30 minutes de la maison. (Tous les autres offres d'emploi dans mes domaines précédents demandaient plus d'une heure de trajet)
C'est un métier qui me paraissait avoir du sens et avec le contact humain qui pouvait me manquer dans d'autres postes.
Voyant mes enfants évoluer, j'ai trouvé les processus d'apprentissages et le développement psycho-cognitif passionnant, ce métier était donc à nouveau un moyen d'apprendre.
Les horaires (certes extrêmement contraints en journée) et les vacances scolaires permettent d'organiser le temps de travail (hors réunion, de la sortie de l'école à 20h00 je suis dispo pour voir plus les enfants et gérer leurs activités, le travail reprend après).
Après 4 ans, qu'est ce que j'y ai trouvé et pourquoi je continue à chercher un poste d'ingénieur à proximité de chez moi ?
Ce que j'y cherchais : le travail avec l'humain, le challenge, un métier chaque jour différent est bien présent.
En premier lieu j'ai découvert avec surprise un métier très physique (oui de l'extérieur cela peut surprendre) mais après 3 heures de suite avec des classes de 4eme à 27 ou 28 on est épuisé physiquement. Une certaine tension, le besoin de regarder partout et prendre chaque décision très rapidement.
J'ai expérimenté une année le fait d'avoir MA salle, aujourd'hui je suis dans 8 salles différentes sur deux établissements différents. Et bien ce n'est pas DU TOUT la même chose (et en premier lieu pour les élèves : des repères, un lieu où il savent ou me trouver, le matériel toujours à disposition...). Ces conditions que j'aurais pensé être de petits détails avant pèsent aujourd'hui sur le sentiment d'efficacité et donc le sens trouvé à ce travail.
Le salaire est incomparable à celui que j'avais auparavant ce n'est pas une surprise mais une c'est une des raisons principales pour laquelle je continue à chercher activement des postes à proximité, quand arrivera le temps des études pour les enfants, la balance organisation du temps de la semaine vs besoin en finances risque de changer...
Le profbashing (même de l'institution voire de proches) est également une des raisons qui font que je ne pense pas rester enseignant jusqu'à la retraite.
Conclusion :
Je fait aujourd'hui un métier passionnant bien qu'épuisant voire frustrant à certains moments.
Dire que j'envisage de faire autre chose n'est un aucun cas une marque de regret, et cela ne m'empêche pas de m'investir pleinement, j'entends juste par là que cela reste un métier et qu'il y a de nombreux autres moyens de s'accomplir.