Tchad, du passé au présent
Henri, Claude COUTURIER
Dijon, 26 octobre 1878 - Fort-Lamy, 14 avril 1931
Henri, Claude Couturier est né à Dijon le 26 octobre 1878 d’un père âgé de trente-deux ans, Else, distillateur, et d’une mère âgée de vingt-six ans, sans profession. Ses parents se sont mariés le 13 janvier 1873 à Verrey-sous-Salmaise (Côte d’Or). Il a un grand frère, Jean Baptiste, né à Dijon le 20 novembre 1873 (mais qui décédera le 15 mars 1890). Il se marie le 6 mars 1919 à Anne, Germaine Weber, née à Dijon le 30 janvier 1894 d’un père menuisier. Elle décédera à Dijon le 12 mai 1958.
Se déclarant ‘quincailler’ il s’engage pour cinq ans le 20 mars 1897 au 1er régiment de tirailleurs algériens. Il séjourne en Algérie (24 mars 1897 – 18 octobre 1898).
Caporal le 20 mars 1899 il se réengage pour cinq ans comme soldat de 1ère classe le 23 juin 1899 au 8ème régiment d'infanterie de marine et est à nouveau promu caporal le 11 septembre 1899. Promu sergent le 10 juillet 1900, il passe le 29 juillet à la direction des services administratifs du corps expéditionnaire de Chine puis au 16ème régiment d’infanterie de marine et au 18ème régiment d’infanterie coloniale où il est promu sergent-fourrier. Le 23 avril 1902 il est mis à la disposition du général commandant la brigade d’occupation de la Chine. Il est affecté en Chine jusqu'au 30 octobre 1904.
Réengagé pour cinq ans le 26 mai 1906 il est admis le 20 mars 1907 comme élève-officier à l’École militaire d’infanterie. Sous-lieutenant au 2ème régiment d’infanterie coloniale pour prendre rang au 1er avril 1908, il participe à la relève des troupes de l’Indochine et quitte Marseille le 27 février 1910 passant au 1er régiment de tirailleurs annamites le 1er juillet. Le 21 mars 1914, pour date du 1er avril, il est nommé au grade de lieutenant avec deux années d’ancienneté. De prolongation de séjour en prolongation de séjour, il ne rentrera en France que le 29 septembre 1914 pour participer à la Guerre de 1914 jusque fin décembre 1917. Promu capitaine le 5 mai 1915, il passe au 26ème bataillon de tirailleurs sénégalais le 13 juillet et est blessé d'un éclat d'obus à la tête le 6 juin 1915
À partir de fin décembre 1917, il participe à des opérations en Tunisie au cours desquelles il est blessé à Monastir le 16 mai 1917 d'un éclat d'obus à l'avant-bras gauche. Cela ne l’empêche pas de participer à la campagne sur le front sud tunisien du 26 décembre 1917 au 18 mars 1918 qui se prolonge en Algérie jusqu’au 9 avril avant de revenir en France pour les derniers mois de la guerre.
Nommé chef de bataillon à titre temporaire le 15 septembre 1918, il est affecté le 17 janvier 1919 au 23ème régiment d’infanterie de l’armée polonaise et sera membre de la Mission militaire française de Pologne du 7 mai 1919 au 23 octobre 1919 puis dans l’armée polonaise jusqu’au 23 mars 1922. Il en démissionne et sera désigné le 24 avril 1922 pour servir en Afrique équatoriale française avec embarquement à Bordeaux le 1er juin. Il est alors affecté au régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad où il sera promu chef de bataillon par décret du 23 décembre 1923 (avec rang au 15 décembre).
De juillet 1922 à juillet 1924, il effectue son premier séjour au Tchad exerçant les fonctions de chef de la circonscription du Borkou - Ennedi. Sept ans après Jean Tilho, il se lance dans des reconnaissances de longue durée dans la partie septentrionale du Borkou, poussant à l'occasion jusqu'en Tripolitaine et pénétrant dans la colonie du Niger pour atteindre Aozou. Ce faisant, il est le premier à explorer les pistes de Binem à Aozi, d'Ouri à Koufra et d'Ouri à Guézenti.
Affecté à son retour au 41e régiment des tirailleurs coloniaux, il est au Maroc de juillet 1925 à septembre 1926. Enfin il est nommé lieutenant-colonel le 25 septembre 1929 alors qu'il est depuis décembre 1926 au 22e régiment d'infanterie coloniale.
À nouveau affecté au régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad, il part de France le 6 janvier 1930 et rejoint son régiment en mars. En raison de son expérience antérieure, il est aussitôt chargé de l'inspection des unités du Kanem, du Borkou et du Tibesti, qui vient d'être remis par la Colonie du Niger à la Colonie du Tchad pour compter du 1er novembre 1929. Dans le cadre de cette fonction, il reçoit l'ordre de procéder à la reconnaissance, dans la partie septentrionale du Tibesti, de la zone occupée par les troupes chargées de la surveillance de la frontière libyque. Sa mission dure sept mois, couvrant toute la saison chaude. Il la mène jusqu'à son terme bien que sa santé soit sérieusement ébranlée par l'effort et les privations. Sa mission achevée, il souffre très gravement d'insomnie mais il refuse malgré tout d'anticiper son retour en métropole. S'étant cassé le poignet gauche, c'est au cours de sa convalescence qu'il décède le 24 avril 1931 à 18 heures 30 d'un accès pernicieux palustre à forme foudroyante. Il est inhumé au cimetière de Fort-Lamy.
Cité les 6 et 14 février 1915 pour faits de guerre, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur le 13 juillet 1915 "capitaine d’infanterie coloniale au 2ème régiment de tirailleurs de marche : excellent officier à tous points de vue, actif, énergique, toujours sur la brèche. Très beaux états de services. Véritable officier de guerre (Croix de guerre avec étoile de vermeille et palme)"), puis, cité le 18 février 1918 et le 17 novembre 1918 (à l’ordre de la 5ème armée), il est promu officier de la Légion d'honneur le 4 septembre 1920).
Henri Couturier a laissé de son premier séjour au Tchad les itinéraires de ses missions dans le Borkou et au Tibesti, documents extrêmement précis accompagnés, au jour le jour, de cartes au 1/100.000e coloriées à la main et de dessins des principaux rochers "repères". Ses itinéraires et ses cartes donnent une toponymie restée à ce jour unique et inexploitée, la carte NF 34 II (Bini Erda) portant très peu de toponymes, celles NF 34 I (Yebbi Bou) et NF 34 VII (Guézenti ?) étant de simples minutes photogrammétriques. Quant à la carte NF 34 VIII (Ouri ?), elle n'a jamais été dressée. Ses descriptions de Gouro (page 12), Goumeur (page 26), Tioro (page 31), Aozi (page 54), Ouri (page 60), Guézenti (page 75) et de la région d'Aozou (page 79) sont les premières et expriment sa connaissance du milieu et des hommes.
Les originaux de ces documents sont déposés aux Archives nationales du Tchad, cote W 54, avec son rapport "Sur la reconnaissance effectuée au mont Toummo en août 1930", resté inachevé par son décès.
Sorti du rang, Henri Couturier n’était pas un scientifique comme Jean Tilho mais les rapports de ses “Tournées dans le Tibesti” ont été rédigés avec un souci extrême de précisions géographiques et naturalistes : relevé rigoureux des itinéraires, notation de tous les faits méritant de l'être, récolte d'échantillons minéralogiques pour détermination scientifique à Fort-Lamy et en France. Si des erreurs systématiques peuvent apparaître dans le texte, elles sont aisément corrigeables (comme la présence de filaos, en fait des tamarix, ou dans la toponymie... qui dépend de l'infor-mateur en bien des lieux), les rapports de ses itinéraires sont accompagnés d'une cartographie au 1/100.000e de l'étape quotidienne. Pour sa tournée de décembre 1922 à janvier 1923, toutes les cartes du document original ont été remarquablement coloriées à la main.
Sont reproduites ici les cartes correspondant à la coupure I.G.N. Yebbi Bou (NF 34 I) qui n'est qu'une simple minute photogrammétrique. De très nombreuses photographies accompagnent les manuscrits. Malheureusement aucune n'est exploitable aujourd'hui. Des dessins en noir et blanc les complètent, cinq sont reproduits.
Alain Beauvilain