Tchad, du passé au présent
La caldeira de l’Erra Kohor et le sommet du Koussi au matin du 16 mars 1997 (photographie Alain Beauvilain, droits réservés).
Document exceptionnel par la qualité et la précision des informations fournies. ‘Reconnaissance du Tibesti’ est la copie du rapport du chef de bataillon Jean Tilho, commandant la circonscription du Borkou-Ennedi, sur les opérations effectuées dans le Tibesti méridional du 4 septembre au 12 novembre 1915 détenue aux Archives Nationales du Tchad. Officier supérieur, géodésiste, correspondant de l’Académie des Sciences (avant d’en devenir un membre éminent), Jean Tilho fait le récit au jour le jour des préparatifs et du déroulement de l’expédition, récit complété au cours des quinze mois de rédaction par de nouvelles observations et par celles des autres officiers parcourant la région. Cette première traversée du Tibesti par des Européens est une expédition militaire qui livre une accumulation de données géographiques (ses relevés de cotes d’altitude sont ceux encore portés sur les cartes IGN), historiques, naturalistes et ethnographiques précises.
Quarante-cinq ans plus tôt, Gustav Nachtigal n’avait fait que reconnaître Zouar et Bardaï avant de contourner le Tibesti, laissant, en raison d’un voyage extrêmement pénible, des descriptions peu précises voire erronées. Ce rapport de Jean Tilho a servi de document de référence pour toutes les études ultérieures.
Le texte a déjà fait l'objet d'une première publication sur financement du projet Appui à la recherche scientifique tchadienne sous le titre Reconnaissance du Tibesti, Rapport du chef de bataillon Tilho, Commandant la circonscription du Borkou-Ennedi, sur les opérations effectuées dans le Tibesti méridional du 4 septembre au 2 novembre 1915, vol. Travaux et documents scientifiques du Tchad, Connaissance du Tchad II, N'Djaména, Centre National d'Appui à la Recherche, éditeur scientifique Alain Beauvilain, mars 1993, 160 pages et une carte hors-texte. Les ventes ont permis en août 1996 sa réédition sur financement du CNAR avec l'addition des tournées effectuées dans le Tibesti en 1922-1923 par Henri Couturier sous le titre Borkou et Tibesti, Connaissance du Tchad IV, éditeur scientifique Alain Beauvilain, 208 pages. À ces tournées est maintenant ajouté l'Escorte de la Mission scientifique du Tibesti 1930-1931 lieutenant Cagnier.
Jean TILHO
Tilho Auguste, Jean, Marie (1er mai 1875, Domme, Dordogne – 8 avril 1956, Paris XVème mais habitait 12 rue Raffet, Paris XVIème, inhumé à Marquay, Dordogne). À sa naissance, Jean, son père (04 mars 1839, Bachos-Binos, Haute-Garonne), gendarme à pied, a 36 ans et sa mère, Marie, Eulalie Glaumont (8 octobre 1852, Salignac, Dordogne – 11 novembre 1948, Soulac-sur-Mer, Gironde), âgée de 22 ans, est au foyer. Ils s’étaient mariés le 10 août 1873 à Saint-Crépin-et-Carlucet (Dordogne). En hommage à son père, Tilho ne gardera que son deuxième prénom, Jean, dans toutes ses publications et signatures. Deux traits physiques le caractériseront en Afrique, sa petite taille (1,60 mètre) et les yeux bleus.
À quarante-six ans, domicilié administrativement 14 rue Oudinot avec sa mère, Jean se marie le 28 octobre 1921 à Paris XVIème à Madeleine, Marthe, Elizabeth Sallenave, une licenciée en géographie domiciliée 25 rue Poussin (27 août 1897, Rivehaute, Pyrénées-Atlantiques - 30 décembre 1969, Boulogne-Billancourt, mais habitait au 12 rue Raffet, inhumé à Marquay, Dordogne). Jean a l’âge de sa belle-mère ((Victor Sallenave, 21 février 1859, ingénieur des Arts et manufactures ; Jeanne Aspasie Sarran, 26 mars 1875, Molières-Cavaillac, Gard - 29 mars 1957, 12 rue Raffet, Paris XVIème, inhumé à Marquay, Dordogne. Le caveau familial abrite aussi sa mère, sa sœur et sa belle-sœur). Ses beaux-parents se sont mariés à Bac Ninh (Tonkin) le 3 octobre 1895, son beau-père étant alors domicilié à Hanoï et sa belle-mère chez ses parents à Dap Caû où son père dirige une briqueterie. À sa naissance les parents de Madeleine sont domiciliés à Saint-Louis-du-Sénégal mais, pour chacun de ses enfants, Jeanne revient accoucher en France. Madeleine est l’aînée de Marguerite (10 septembre 1901, Nîmes - 08 mars 1985, Herblay-sur-Seine) et de Pierre Émile Victor (24 novembre 1903, Nîmes – 25 janvier 1987, Clamart). Deux anciens ministres sont parmi les témoins du mariage : Charles Chaumet (député et ministre de la Marine avant 1921 puis sénateur et ministre) et Paul Painlevé (docteur d’État en mathématiques (à 23 ans), député de 1910 à sa mort en 1933, deux fois Président du Conseil - première fois en 1917-, sept fois ministre dont deux fois avant 1921 -guerre et instruction publique-, est inhumé au Panthéon).
Son frère, Léopold Gabriel Ernest Tilho (7 mars 1879, Domme, Dordogne – 13 juin 1918, Villers-sur-Coudun, Somme) entre à Saint Cyr 441ème au concours de 1899 (a échoué au concours de 1898) et en sort 514ème le 25 septembre 1901. Il est sous-lieutenant au 162ème régiment d’infanterie à la sortie le 1er octobre 1901, lieutenant le 26 septembre 1903 puis est promu capitaine le 1er novembre 1914. Blessé le 28 août 1914 il revient au front aussitôt guéri. Il est fait chevalier de la Légion honneur le 29 décembre 1916. Il est tué à l’ennemi à Villers-sur-Coudun dans la Somme le 13 juin 1918 étant au 6ème régiment d’infanterie.
Sa sœur, Lucie Estelle (16 janvier 1881, Domme, Dordogne – 25 juin 1953, Bordeaux, Gironde) épouse le 18 janvier 1899 à Bordeaux Amédée Haon, adjudant au 4ème régiment d’infanterie (9 février 1870, Argagnon, Basses-Pyrénées -15 mai 1945, Bordeaux) et en divorce le 21 mars 1907. Lui se remarie le 25 septembre 1916.
Jean entre à Saint Cyr 311ème sur 480 le 24 octobre 1893 et en ressort 218ème sur 465 le 6 août 1895 avec une formation particulière en géodésie et en cartographie. D’origine modeste, comme son frère plus tard, il bénéficie d’une bourse avec trousseau. À la sortie le 1er octobre 1895, sous-lieutenant, il est affecté au 8ème régiment d’infanterie de marine à Toulon puis le 9 juillet 1896 il est désigné pour servir au régiment colonial. Il part de Marseille pour Madagascar le 20 juillet, servant alors au régiment de tirailleurs malgaches, et fait campagne au sud de l’île du 30 juillet 1896 au 23 novembre 1897 où il est chargé de mener des reconnaissances topographiques. Il y est promu lieutenant le 1er octobre 1897 avant de rentrer en France au 5ème régiment d’infanterie de marine le 4 décembre. Le 9 janvier 1899 il est désigné pour servir au Tonkin mais va permuter et rester en France. Le 28 avril 1899 il est placé dans les compagnies de tirailleurs sénégalais de son régiment pour servir au Haut Oubangui et doit partir de Marseille le 25 mai. Ces compagnies étant rapatriées au Sénégal, il part le 25 juin pour le Sénégal et rejoint le Dahomey en août. Il va alors fonder le poste de Gaya et être placé comme résident à Say dans le Troisième territoire militaire (qui comprend le futur Niger). Il en profite pour, de fin 1899 à avril 1902, effectuer de nombreux relevés dans le Haut Dahomey et de Gaya à Say et de dresser la première carte détaillée de cette région. Dans le même temps, le capitaine Moll dresse une carte de la région du Niger au sein de ce Troisième Territoire militaire.
Par décision du 25 octobre 1902, le capitaine Moll, de l’état-major particulier de direction, et le lieutenant Tilho, du 7ème régiment (depuis le 1er juin), sont placés à l’état-major particulier des troupes de l’Afrique occidentale et mis à la disposition du ministre des colonies. Ils s’embarquent le 15 novembre pour diriger la Mission française de délimitation du Territoire du Niger ("Mission Moll") au sein de la Commission franco-anglaise chargée de déterminer, sur le terrain, la frontière séparant, par la Convention du 14 juin 1898, les possessions françaises et anglaises en Afrique occidentale entre le fleuve Niger et le lac Tchad. En plus de Moll et de Tilho, cette mission compte deux autres capitaines, un administrateur, un médecin et plusieurs sous-officiers. Elle débute ses travaux en mars 1903 et parvient au lac Tchad en janvier 1904. C’est le capitaine Tilho qui effectue les observations astronomiques destinées à déterminer les positions des points servant à encadrer les levés des quelques dix-huit mille kilomètres d’itinéraires. Dans le même temps il est promu capitaine "au choix" le 12 juillet 1903 et Moll lieutenant-colonel. Il reçoit aussi le 24 avril un prix avec médaille de vermeil de la Société de géographie « pour ses travaux géographiques sur le moyen Niger ».
Après la signature du procès-verbal de la mission à Koukaoua entre le colonel Helliott et le commandant Moll, celui-ci charge Tilho d’effectuer « une étude méthodique de cette région (le lac) en reliant par une série de positions astronomiques et d’itinéraires à terre ou en baleinière la côte occidentale du Tchad à la côte orientale, au Kanem et, si possible même, à Fort-Lamy". Il dresse alors la première carte précise du lac Tchad (« Le Tchad. Aspect général en fin avril 1904 »). Il en profite pour se rendre jusqu’à Mao pour déterminer quelques positions astronomiques. Il quitte enfin le lac Tchad le 16 mai 1904 pour atteindre Dakar le 15 janvier 1905 après être passé par Zinder, Gao et Tombouctou. Il arrive en France le 28 janvier épuisé et malade, comme il l’avait déjà été sur les bords du lac Tchad. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 9 juin 1905.
Mais déjà, le 8 avril 1904, un nouvel arrangement franco-anglais avait modifié le tracé de la frontière fixé en 1898 en donnant à la France, en contrepartie de l’abandon de certains de ses privilèges sur Terre-Neuve, des compensations territoriales en Afrique occidentale, principalement au nord de Sokoto. Cet arrangement débouche sur la Convention du 26 mai 1906 et le gouvernement français avait désigné Tilho dès le 30 mars 1906 comme chef de la Mission française des travaux d’abornement de cette nouvelle frontière. Le lieutenant Lauzanne du 21ème régiment d’infanterie coloniale est désigné le 27 septembre pour participer à la Mission. Celle-ci comprend aussi le lieutenant de vaisseau Audoin (en charge des observations magnétiques), le lieutenant Vignon (en charge des de l’astronomie et de la météorologie), le lieutenant Mercadier (chargé par la Société de géographie d’étudier la partie de la Nigeria voisine du Niger), l’officier interprète Landeroin (en charge des études ethnographiques et linguistiques), le docteur Gaillard (naturaliste), le géologue Garde, l’administrateur Roselot, le sous-lieutenant Richard, les adjudants Arnaud, Cosson, Roux, Thibaut, Brocard et Schneider, le sergent Treille, le caporal armurier Porcon.
Cette "Mission Tilho" quitte Bordeaux le 26 octobre 1906 et est à pied d’œuvre dès janvier 1907 et au 15 mars elle est au nord de Sokoto. Elle atteint le lac Tchad en décembre 1907. Jean Tilho en profite pour étendre l’étude au-delà du lac Tchad dans les régions désertiques des Pays Bas du Tchad, de l’Égueï, du Djourab et de la région de Koro Toro, montrant que le lac n’est pas le point le plus bas de la plaine et donnant du poids à l’affirmation des géographes anciens au sujet d’une branche du Nil dans la région, et à l’est jusqu’au lac Fitri. Il est de retour à Bordeaux le 17 octobre 1908 avec une partie des membres de sa mission.
Outre l’abornement de la frontière et ses travaux géodésiques, la "Mission Tilho" livre une carte au 1/500.000e en sept feuilles couvrant une superficie de près de 500.000 km2 avec soixante mille kilomètres d'itinéraires levés et appuyés sur un canevas de trois cents positions astronomiques. La Mission ramène également une foule de documents scientifiques et géographiques, dont un nouveau levé de la carte du lac Tchad, une étude sur les variations de niveau du lac, sur la climatologie, le magnétisme, l’histoire, la langue et l’ethnographie des populations de la région qui seront publiés en trois volumes de documents scientifiques (voir bibliographie).
Le 22 janvier 1909 il est promu officier de la Légion d’honneur pour services exceptionnels (Landeroin également et Mercadier fait chevalier, Arnaud, Treille et Porcon reçoivent la médaille militaire) et sont promus "au choix" au grade de capitaine les lieutenants Lauzanne et Vignon (notamment pour « brillante conduite au cours de la reconnaissance du Bar-el-Ghazal au Fittri ». Manque au retour, l’adjudant Roux, décédé de maladie le 16 septembre 1907 à Baro (dans le cercle de Zinder).
De gauche à droite. Premier rang : capitaine Jean Tilho, lieutenant de vaisseau Antoine Audoin ; deuxième rang : docteur Gaillard, géologue Gilbert Garde, officier interprète Moïse Landeroin ; troisième rang : sous-lieutenant Richard, lieutenant Joseph Mercadier, adjudant Schneider, sergent Cosson ; quatrième rang : sergent Brocard, capitaine André Lauzanne (futur général de division), capitaine Georges Vignon (futur général de brigade), adjudant Thibaut. (Documents scientifiques de la mission Tilho).
Le 15 janvier 1910, toujours hors-cadres à la disposition du ministère des colonies, il est placé à l’état-major particulier, service géographique, bureau de géodésie du ministère des colonies, afin de lui permettre de mettre au net la masse de documents scientifiques collectés sur le terrain.
Capitaine au régiment du Tchad, il est promu "au choix" le 24 juin 1912 chef de bataillon d’infanterie coloniale et il est nommé commandant de la circonscription du Kanem en même temps que l’Académie des inscriptions et belles lettres lui donne une subvention afin de rechercher l’existence d’une ancienne communication fluviale supposée avoir existé entre les bassins du Tchad et du Nil. Parti de Bordeaux le 25 mai et empruntant la voie congolaise, il arrive après quatre mois de voyage à Nguigmi le 31 octobre. Le 2 décembre, l’Académie des Sciences lui accorde un prix.
Il profite de cette affectation pour effectuer trois missions scientifiques, au Bahr el Ghazal, sur la rive orientale du Tchad et dans les Pays Bas du Tchad. À partir de novembre 1913, il est commandant en second de l’Expédition du Borkou que dirige le colonel Largeau et à ce titre il participe à la prise d’Aïn Galaka contre les Senoussistes. En 1914, il devient le premier commandant de la nouvelle circonscription du Borkou - Ennedi à compter de sa date de création le 8 janvier 1914. Il y combine ses activités administratives et militaires avec ses activités scientifiques au cours de trois reconnaissances : le Borkou, six semaines en mars et avril 1914, l’Ounianga, l’Erdi et l’Ennedi, 4 mois d’octobre 1914 à janvier 1915 et le Tibesti central et méridional en dix semaines de septembre à novembre 1915.
Par décision du 23 mai 1914 il est affecté en France au 7ème régiment mais les délais de transmission font que la déclaration de guerre le trouve à Faya. Il ne quitte donc le Borkou - Ennedi qu’en mai 1917 après que la circonscription ait été supprimée le 20 avril. Il reste à Fada du 4 au 10 mai pour arriver à Abéché le 29 mai. De là il gagne progressivement El Fasher en effectuant des relevés géodésiques qu’il cale sur ceux de Faya effectués en janvier 1916 avec une grande précision à partir de la réception des signaux horaires de T.S.F. émis toutes les nuits depuis la tour Eiffel. Arrivé à El Fasher en juillet 1917, il peut raccorder ses mesures géodésiques avec celles de la capitale du Darfour dont la longitude vient d’être fixée par les Anglais par voie télégraphique. Il est cité à l’ordre de l’armée le 1er août 1917.
Replacé dans son régiment d’origine le 16 octobre 1917, il est affecté le 20 novembre au 33ème régiment. Entretemps, le 19 octobre, il donne lecture à l’Académie des inscriptions et belles lettres de son étude sur l’éventuelle communication hydrographique entre le Nil et le Tchad pour laquelle il avait obtenu une subvention en 1912. En avril 1918 il participe aux combats de Bois-Brûlé puis à ceux de Château-Thierry.
Une nouvelle fois il est cité à l’ordre de l’armée pour ses actions du 30 mai au 1er juin 1918. Le 6 juillet 1918, adjoint au chef de corps du 33ème régiment, il est promu lieutenant-colonel d’infanterie coloniale. Le 10 septembre il est affecté à l’artillerie d’assaut. Il prend alors le commandement du Centre interallié d’artillerie d’assaut avant d’être, de 1920 à 1922, le président de la Commission internationale de délimitation instituée par le Traité de Versailles pour fixer la nouvelle frontière entre la Belgique et l’Allemagne. Dans le même temps, ses travaux au Borkou-Ennedi-Tibesti contribuent à la signature de la Convention du 8 septembre 1919 fixant la frontière des possessions françaises et britanniques dans les vastes étendues africaines qui s'étendent entre le lac Tchad et le Nil depuis le 5ème degré de latitude nord jusqu'au Tropique du Cancer.
Le 23 juin 1923 il est affecté à l’état-major particulier de l’infanterie coloniale, détaché au service géographique de l’armée mais une maladie grave, « conséquence des fatigues supportées au cours des longues années passées sous le climat déprimant des tropiques dans les conditions matérielles les plus défavorables » (Introduction à "Du lac Tchad aux montagnes du Tibesti, ... " 1926) l'oblige alors à suspendre toute activité de mai 1923 à novembre 1924. Sur proposition de Paul Painlevé, alors président du conseil et ministre de la guerre, il est promu colonel le 25 juin 1925. Le 31 décembre 1926 il est élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d’honneur. La décoration lui est remise le 11 février 1927 par le général de division Gouraud, alors gouverneur militaire de Paris et ancien commandant du Territoire militaire du Tchad du 17 juillet 1904 au 11 août 1906).
De 1927 à 1930, étant au 21ème régiment, il est le Commandant supérieur des forces françaises en Chine chargées de la défense de la concession française lors des troubles qui suivent la mort de Sun Yat Sen. À son retour il est affecté à l’état-major particulier du ministère. En 1932, il est promu général de brigade des troupes coloniales et le 2 février il est nommé commandant de la brigade colonial malgache à Périgueux
Le 17 mai 1918, alors qu’il est en plein combat sur le front, la Société de géographie, dont il est membre depuis 1902, lui décerne sa Grande médaille d’or « pour son exploration de l’Afrique centrale ». Les deux précédents lauréats étaient, en 1913, Ralph Amundsen pour « sa découverte du pôle Sud » et, en 1914, l’amiral Robert E. Peary pour « sa découverte du pôle Nord ». Toujours en 1918, il reçoit la Grande médaille d'or de la Société de Géographie de Londres, puis celles des sociétés d'Anvers, de Bordeaux et de Marseille. En 1920, il reçoit le prix Jean Duchesne-Fournet pour ses « Travaux au Borkou - Ennedi – Tibesti » ; le montant du prix étant affecté à l’édition de ses documents géographiques et notamment de la carte du Borkou - Ennedi - Tibesti.
Depuis 1903 il multiplie ses rapports ou ses conférences aux séances de l’Académie des Sciences, de la Société de géographie, de l’Académie des inscriptions et belles lettres dont les contenus sont transcrits au Journal officiel de la République française. En 1918, il est élu membre correspondant de l’Académie des sciences et en 1927, il est élu membre de l’Académie des sciences coloniales. Toutefois, malgré ses apports à la connaissance et ses efforts pour les diffuser, il connaît une longue série d’échecs pour devenir membre de l’Académie des sciences. Ainsi le 6 février 1922 il n’obtient que deux voix sur cinquante-sept membres votants, le 26 février 1923 quinze voix sur cinquante-neuf, 2 février 1925 une voix sur cinquante-huit,… Il ne sera élu membre titulaire de l’Académie des Sciences dans la "Section de géographie et de navigation" que le 20 juin 1932 (38 voix sur 51). Il deviendra le président de cette section. Le 3 avril 1933, Gustave Binger, militaire, ancien gouverneur de la Côte d’Ivoire (1893-1895), pays dont il a proposé le nom, lui succède en tant que membre correspondant de cette section de géographie et de navigation.
Il met alors tout son prestige et toute son énergie pour lutter contre une menace grave qui pèse, selon lui, sur tout l’avenir du lac Tchad, la capture du Logone par la Kabia, affluent du Mayo Kebbi, affluent de la Bénoué, elle-même affluent du Niger. Le jour même de son installation sous la coupole, il déclare à la presse : « Je suis persuadé que l'avenir se révélera plus beau pour le Tchad que les plus optimistes n'ont pu le rêver. Certains ont voulu y voir des étendues arides. Mon camarade Lenfant a parlé de régions abandonnées. Pour moi, je pense à la parole de Barth s'écriant, après un voyage de longs mois, que le Tchad, où il venait d'arriver, est une des contrées les plus fertiles de la terre.
Maintenant que je suis membre de l'Institut, je compte bien continuer mon action pour la constitution d'une petite équipe de jeunes techniciens qui étudieraient la situation sur place. Il s'agit de garantir 150.000 à 200.000 km2 d'un dessèchement complet ».
Il réussit à obtenir de l’Académie des Sciences le prix Albert 1er de Monaco pour 1934, ce qui lui permet d’accomplir à ses frais une nouvelle mission d’étude au Tchad. Le 1er mai 1935 il est placé dans la section de réserve et le 28 juin 1935 il est fait Grand officier de la Légion d’honneur. La médaille lui est remise le 14 juillet 1935 par Albert Lebrun, Président de la République.
Le passage à la retraite est l’occasion pour lui de renouer avec le Tchad. En effet, le 4 décembre 1935, le Président de la république, Albert Lebrun, par décret le charge, avec son épouse « d’une mission dans la région du Tchad, en vue de mettre au point la question de la capture éventuelle du Logone par la Bénoué ». La demande en avait été faite par le ministre des colonies pour lequel il importait « de procéder le plus tôt possible à la détermination d’un minimum de points de repère entre Fianga, à l’ouest, et Éré, à l’est, afin de tirer parti du travail photographique, de grande valeur géographique, déjà effectué par l’aviation de Bangui, sur la zone précitée ». Cette mission se déroule en 1936, les frais de transport étant mis à la charge du budget du Cameroun et des fonctionnaires des services techniques et une escorte sont mis à sa disposition. Au cours de cette mission, à partir de mesures de pente, de levés topographiques et de déterminations de points géodésiques, il montre que les risques de capture sont déjà en partie réalisés. Son rapport, publié en 1947, concluait : « L'importance de ce phénomène de capture, déjà considérable au point de vue purement géographique, l'est plus encore au point de vue politique, économique et humain, puisqu'il ne tend à rien de moins qu'une modification radicale de la situation générale du Centre africain par la suppression du bassin continental tchadien et l'extension du Sahara vers le sud ».
Pour le Tchad, Jean Tilho est celui qui le premier a donné une carte au lac Tchad et au Borkou-Ennedi-Tibesti et qui a longtemps milité pour une meilleure connaissance de l'interfluve Logone - Mayo Kebbi. L'évolution du lac Tchad, la connaissance du Borkou-Ennedi-Tibesti, le risque de défluviation du Logone demeurent encore des thèmes actuels de recherche. Ne dit-on pas que le Tibesti est moins bien connu aujourd'hui que l'Antarctique ?
Confronté sur le terrain à la grave famine des années 1913-14, Jean Tilho, dans une communication à l'Académie des Sciences de 1919, s'est engagé pour le développement économique du cœur de l'Afrique par la réalisation d'une voie ferrée, le Transsoudanais, qui relierait Dakar et Conakry à Port-Soudan et Djibouti par Ouagadougou, Sokoto, Kano, Fort-Lamy et Khartoum.
Après la Seconde Guerre mondiale, il est nommé président de la Commission scientifique du Logone et du Tchad de l’Office de la recherche scientifique coloniale qui deviendra l'Office de la Recherche scientifique et technique outre-mer (l’ORSTOM) en 1953. À ce titre, en 1954, il présente au FIDES une demande pour la construction à Fort-Lamy de bâtiments comprenant des laboratoires et des logements.
À sa mort, l’Académie des Sciences d’Outre-Mer émet le souhait que son nom soit donné à un point géographique remarquable du Tchad. Ce sont finalement les rochers d’Hadjer el Khamis qui sont retenus. Il ne semble pas que ce vœu entre dans les faits. Toutefois, la Ville de Fort-Lamy baptise de son nom la rue où ont été édifiés ces bâtiments de la Commission scientifique du Logone et du Tchad pour l’ORSTOM). Avec la guerre civile, ces bâtiments, situés sur une propriété du domaine de l’État français, sont dévastés et l’ORSTOM abandonne ses activités au Tchad. La Coopération française et l’état tchadien y créent en 1989 le Centre de recherches appliquées (CRA). Celui-ci devient le 14 décembre 1991 le Centre national d’appui à la recherche (CNAR) qui est donc domicilié Avenue du général Jean Tilho. Le Centre national de recherche pour le développement (CNRD), qui succède au CNAR le 3 septembre 2015, est domicilié Avenue général Daoud Soumaine, le chef d’état-major de l’Armée nationale tchadienne tué le 8 février 2008 lors de la bataille de Massaguet.
Alain Beauvilain
Parmi les ublications de Jean TILHO
1) Le Haut Dahomey, d’après le lieutenant Tilho. La Géographie, Paris, 1900, tome I, p. 402-405.
2) Exploration du lac Tchad (février-mai 1904). La Géographie, Paris, 1906, tome XIII, pp. 195 - 213, une carte hors-texte au 1/400.000ème Le Tchad. Aspect général en fin avril 1904.
3) Délimitation franco-anglaise entre Niger et Tchad (mission Moll). La Géographie , Paris, 1906, tome XIII, p. 332-336.
4) Sur la précision des déterminations de longitude à terre, par le transport du temps, à l’aide des montres de torpilleur (Mission Niger - Tchad). La Géographie, Paris, 1910, tome XXI, pp. 34 - 37.
5) Le Tchad et les Pays Bas du Tchad. La Géographie, Paris, 1910, tome XXI, pp. 149 -168, une carte hors-texte au 1/500.000ème Lac Tchad (aspect en avril 1908).
6) Documents scientifiques de la mission Tilho (1906-1909). Paris, Ministère des colonies, Imprimerie nationale, 1910-1911.
Tome premier : LX et 412 pages ;
Tome deuxième : VII et 631 pages ;
7 cartes dont celle du lac Tchad et celle du Bodéli et Borkou.
7) Aperçu sur les résultats scientifiques de la mission Tilho. Revue scientifique, Paris, 1910.
8) The French mission to lake Chad. The Geographical Journal, Londres, sept. 1910, pp. 271 et ss.
9) La mission française du capitaine Tilho au lac Tchad. Le Mouvement géographique, Bruxelles, 1911, n° 47, pp. 598 - 601.
10) La détermination des longitudes en campagne par la télégraphie sans fil (Expériences faites entre Paris et divers points du Sahel d’Alger en février et mars 1912) (avec le capitaine Troadec). La Géographie, Paris, 1912, tome XXVI, pp. 157 - 176.
11) Dictionnaire haoussa comprenant haoussa-français et français-haoussa. (en collaboration avec M. Landeroin). Paris, Ministère des Colonies, Mission Tilho, Imprimerie nationale, 1909, 163 pages.
12) Grammaire et contes haoussas. (en collaboration avec M. Landeroin). Paris, Ministère des Colonies, Mission Tilho, Imprimerie nationale, 1909.
13) Reconnaissance dans les « Pays-Bas » du Tchad (18 juin - 11 août 1913). La Géographie, Paris, 1913, tome XXVIII, pp. 372 - 374.
14) Documents scientifiques de la mission Tilho, Tome III. Paris, Émile Larose, 1914.
15) Rapport préliminaire de mission au Ministre des Colonies et à l’Institut de France. Bulletin de la Section de Géographie, 1917, Paris, Imprimerie Nationale, 1919, avec une carte au 1 / 30.000.000e. pp. 195-235
16) Exploration du Commandant Tilho en Afrique Centrale, Borkou - Ennedi - Tibesti - Dar-Four (1912 - 1917). La Géographie, Paris, 1916-1917, tome XXXI, pp. 401 - 417.
17) Une mission scientifique de l’Institut de France en Afrique centrale, Tibesti, Borkou, Ennedi. Note de M. Tilho. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1919, t. 368, pp. 984 - 988, avec une carte au 1/5.000.000ème.
18) Une mission scientifique de l’Institut de France en Afrique centrale. Esquisse géographique du Tibesti, du Borkou et de l’Ennedi. Note de M. Tilho. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1919, t. 368, pp. 1081 - 1085.
19) Esquisse géologique du Tibesti, du Borkou, de l’Erdi et de l’Ennedi. Les formations sédimentaires. Note de MM. A. Lacroix et Tilho. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1919, t. 368, pp. 1169 - 1174.
20) Les volcans du Tibesti. Note de MM. A. Lacroix et Tilho. Note de M. Tilho. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1919, t. 368, pp. 1237 - 1240.
21) Les matières premières et les chemins de fer de l’Afrique tropicale au nord de l’Équateur. Note de M. Tilho. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1919, t. 369, pp. 418 - 422.
22) Du lac Tchad au Nil par le Tibesti, l’Ennedi et le Dar Four. Revue scientifique, 1920, pp. 129-141.
23) The exploration of Tibesti, Erdi, Borkou and Ennedi, in 1912-1917. The Geographical Journal, Londres, 1920, t. LVI, pp. 81-99, 161-183, 241-267.
24) Sur la fréquence des brouillards de sable dans le Sahara oriental. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1920, t. 170, pp. 1435 - 1438.
25) La mise en valeur de l’Afrique tropicale. Société belge d’Études et d’Expansion, 1920.
26) La frontière franco-anglo-égyptienne et la ligne de partage des eaux entre les bassins du Nil et du lac Tchad. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1921, t. 173, pp. 563 - 567.
27) L’exploration du Sahara oriental - Mission Tilho, carte du Tibesti, du Borkou et de l’Ennedi. La Géographie, Paris, 1921, tome 36, pp. 295 - 317, une carte hors-texte au 1/2.000.000ème Carte provisoire de la région Tibesti, Borkou, Erdi, Ennedi (Mission de l’Institut de France (1912-1917).
28) Carte provisoire de la région Tibesti, Borkou, Erdi, Ennedi (Mission de l’Institut de France 1912 -1917) (par le) Lieutenant-colonel Tilho.
29) Sur l’ordre de grandeur des variations de profondeur et d’étendue du lac Tchad. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1925, t. 180, pp. 1233 - 1236.
30) Sur l’aire probable d’extension maxima de la mer paléotchadienne. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1925, t. 181, pp. 643 - 646.
31) Sur une aggravation du danger de capture par le Niger des principaux affluents du Tchad. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1926, t. 182, pp. 1063 - 1065.
32) Les variations de niveau du lac Tchad. Bulletin de l’Association des géographes français - mai 1926.
33) Du Nil aux confins du Tibesti par le centre du désert libyque (explorations du prince Kemal et Dine). C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1926, t. 183, pp. 935 - 938.
34) Du lac Tchad aux montagnes du Tibesti. Exposé géographique sommaire de l’exploration de M. Jean Tilho dans les régions du Tchad, du Borkou, de l’Ennedi et du Tibesti (1912-1917). Imprimé pour l’auteur, Paris, 1926, 92 p., pl. et carte hors-texte.
35) La protection des eaux du bassin du Tchad. C.R. Séances de l’Acad. des Sciences coloniales, Paris, t. VI, 1925-26, pp. 419 et ss.
36) Devons-nous sauver le lac Tchad ? Revue scientifique, Paris, 1927, pp. 454 - 493.
37) Variations et disparition possible du Tchad. Annales de Géographie, Paris, 1928, pp. 238 - 260.
38) Notice complémentaires sur les explorations et travaux scientifiques de Mr Jean Tilho. Paris, Larose, 1932, 16 pages.
39) Remarques au sujet de la note de M.M. Conrad Kilian et J. Petit-Lagrange : « Sur le parcours probable de l’oued Tafassasset en aval du puits d’In-Afeffalah ». C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1933, t. 197, pp. 1301 et ss.
40) La géologie de la région au nord du Tchad. (en collaboration avec H. Douville). C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1933, t. 197, pp. 1012 - 1016.
41) Sur l’éventualité de la capture du Logone, affluent du lac Tchad, par le Niger. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1934, t. 199, pp. 752 - 754.
42) Sur deux croquis concernant la capture éventuelle du Logone et ses conséquences pour le bassin du Tchad. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1934, t. 199, pp. 897 - 900.
43) Sur quelques particularités géographiques de la nouvelle frontière franco-italienne entre l’Afrique Équatoriale française et la Tripolitaine. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1935, t. 200, pp. 358 - 361.
44) Remarques au sujet de la note de M. Louis Feyler sur le tracé de la vallée du Tafassasset au nord du Grand Erg du Ténéré et la probabilité de son prolongement, au sud, jusqu’au Tchad. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1935, t. 200, pp. 724 - 727.
45) Le Logone quittera-t-il le lac Tchad ? Revue générale des Sciences, Paris, 1936.
46) Géographie physique. Extrait d’une lettre de Monsieur Jean Tilho. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1936, t. 202, pp. 532 – 534.
47) Sur l’état actuel de la zone de capture du Logone par la Bénoué. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1936, t. 202, pp. 2109 - 2113.
48) Notice sur Gustave Binger. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1936, t. 203, pp. 1107 - 1110.
49) A propos du lac Tchad. Bulletin du Comité de l’Afrique française, 1937, pp. 265 - 271.
50) La coupure du Logone par la Bénoué. Bulletin Association des Géographes Français, Paris, mars 1937, pp. 49 - 53.
51) Remarques de M. Jean Tilho au sujet de l’hélicostat. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1938, t. 206, pp. 1357 et ss.
52) Sur la découverte, par Monsieur Stéphane Desombre, d’un éléphant fossile au centre du Sahara. Note de MM. Jean Tilho et Camille Arambourg. C.R. de l’Acad. des Sciences, Paris, 1938, t. 206, pp. 1775 - 1779.
53) Au sujet de la capture du Logone par la Bénoué. Mission préparatoire de l’Académie des Sciences et du Ministère des Colonies. Revue scientifique, Paris, 1939. Pp. 159-171.
54) Trusteeship et socio-psycho-géographie (Revue coloniale belge, Bruxelles, 15.1.1946, pp. 3 et sq.
55) Le sort des mandats africains. Revue coloniale belge, Bruxelles, 1.2.1946, pp. 8 et sq.
56) Le lac Tchad et la capture du Logone par le Niger. Librairie - Imprimerie Gauthier-Villars, Paris, 1947, 202 p., une carte hors-texte. (Extrait de l’Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1946).
Cartes :
- Carte des oasis du Borkou et des massifs montagneux de l’Ennedi et de l’Erdi au 1/1.000.000ème. Service géographique de l’Armée, 1925.