J’ai traversé les années, les siècles, les millénaires…Je suis déesse, Vénus, Aphrodite, Héra, Déméter, Perséphone… Je suis statue, objet de culte, objet d’art, objet de pouvoir…
J’ai la mémoire, je suis la mémoire.
De la terre de Sicile aux salles d’exposition d’un musée américain, du show-room d’un marchand d’art anglais aux entrepôts clandestins italiens, de l’Antiquité à nos jours, l’auteur nous entraîne à la découverte de la déesse de Tangrina.
Prix 15 €
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Book trailer
Lecture d'un extrait par Louise et Michel CARON
Un site perdu dans la campagne de Sicile...
La découverte de ce site archéologique perdu dans la campagne sicilienne, au bout d'une longue et étroite route empierrée m'a laissé une impression de sérénité et de nostalgie. J'ai gardé ce lieu en mémoire comme un instant d'éternité, un de ces moments où le temps s'arrête.
J'ai aussi découvert l'existence de la "Dea Morgantina", une statue monumentale à l'histoire mouvementée et rocambolesque... une idée de roman ? ! ?
Pour mon deuxième roman « Mémoires de déesse », l’objet archéologique est donc… une statue. Elle est le personnage central, l’héroïne qui nous conte son histoire, mouvementée et singulière. Une biographie ? Non, une personnification.
Le sculpteur antique a donné forme humaine à un bloc de pierre, j’ai tenté de prolonger le processus créateur en donnant la parole et la mémoire à la statue. Le choix de la personnifier a déterminé la route à suivre. La statue devait être présente tout au long du roman, à chaque chapitre, ce qui limitait a priori les lieux et les situations.
Finalement pas.
D’abord, les lieux …
La statue a voyagé de pays en pays, d’un continent à l’autre : clandestinement dans une vieille fourgonnette de sa terre sicilienne à la frontière suisse ou en avion, affrété spécialement pour elle par un richissime marchand d'art anglais. Elle a ensuite tenté sa chance à Los Angeles, star parmi les stars, elle a connu la gloire exposée dans le plus grand musée américain.
Les situations ensuite…
Elle a été sous les feux de l’actualité lors d’un procès retentissant qui a modifié la législation des œuvres d’art. Je me suis inspiré de l’enquête menée par deux journalistes américains du New-York Times Jason Felch et Ralph Frammolino relatée dans leur livre « Chasing Aphrodite » paru en 2011 et sur leur site : https://chasingaphrodite.com/about/
J’ai croisé les informations avec d’autres sources américaines et italiennes... un travail journalistique.
La statue a traversé les années, les siècles, les millénaires… une longue existence avec évidemment de nombreux souvenirs stockés dans sa mémoire, dans ses mémoires.
J’ai eu la chance de me rendre sur place pour la rencontrer. Par deux fois. Elle est monumentale ! Plus de deux mètres. Monumentale.
Pourtant, elle reçoit peu de visites maintenant malgré sa notoriété. Elle s’expose désormais dans une petite ville au cœur de la Sicile, à l’écart des routes touristiques de l’île. J’ai pu interviewer plusieurs personnes qui la côtoient au quotidien dont une guide française qui veille sur elle et qui parle d’elle avec passion. Elle m’a inspiré l’un des personnages du roman.
Selon le contexte, les époques, les personnes, la déesse a été identifiée comme Vénus, Aphrodite, Héra, Déméter... De grands rôles pour une grande actrice. Elle a été adorée, admirée, jalousée, redoutée, brisée aussi mais elle s’est relevée et elle est remontée sur son piédestal. Déifiée dès sa création, elle a perdu ses attributs au fil du temps mais elle a gagné en mystère et en renommée (re-nommée).
Une statue à qui j’ai donné vie, cela fait penser évidemment à Pygmalion. En écrivant ce livre, ce n’est pourtant pas mon amour qui lui a donné vie, ce sont les autres personnages du roman. Elle m’est apparue dans le regard des autres qui lui donnait sa personnalité, qui animait cette statue. Ce sont les personnages du roman qui ont vu en elle ses différentes facettes. Comme une star, sa vie ne lui appartient pas, elle est ce que chacun y voit. Le sculpteur a façonné son corps, les personnages lui ont donné une âme.
Elle est multiple : un objet de culte, un objet d’art, un objet de pouvoir, un objet de mémoire...
Dans un premier temps, j'ai pris beaucoup de plaisir à créer les personnages de tombaroli, je me suis aidé d'articles et je me suis inspiré de pilleurs ayant eu maille à partir avec la justice sicilienne. Et j'ai utilisé le langage d'Andréa Camilleri pour faire parler mes personnages.
Je vous recommande ses romans policiers faisant intervenir le commissaire Montalbano qui vous dépaysent et vous envoient directement au cœur de la Sicile.
Tombarolo au (pluriel tombaroli) est un terme italien qui désigne les « pilleurs de tombes étrusques » et les personnes s'adonnant au pillage des antiquités en général sur les sites archéologiques. Le tombarolo procède en général à des fouilles clandestines (scavi abusivi) sans aucune méthodologie et ne s'intéresse qu'au prélèvement sauvage et au commerce illicite des objets. Dans les tombeaux, les pillages prennent souvent l'allure de véritables profanations.
Au début, le tombarolo usait de méthodes assez rustres et traditionnelles. Le sondage manuel du départ effectué au moyen d'une longue tige métallique (spillone) introduite dans le sous-sol afin de le sonder est passé progressivement à un sondage magnétique (sondes professionnelles) et les pics, pioches et pelles remplacés par des pelleteuses. (Wikipedia)
MORGANTINA, Italie - Valerio Salerno, un homme trapu brûlé par le soleil, a vécu au milieu des ruines tout au long de ses 60 années. Comme un guide officieux, il connaît chaque pouce carré de cette ville grecque située dans les collines de la Sicile orientale. Il peut vous accompagner pour une promenade à travers l'ancienne agora de Morgantina, souligner ce qui reste du sanctuaire de Perséphone et de Déméter et expliquer comment la plomberie a travaillé dans l'amphithéâtre magnifiquement préservé. Il peut aussi vous montrer une demi-douzaine de trous fraîchement creusés - 6 pieds de diamètre, 3 ou 4 pieds de profondeur - où les tombaroli, pilleurs de tombes, ont œuvré.
«Ils viennent la nuit. Parfois, ils travaillent avec des bulldozers, parfois avec seulement des détecteurs de métaux, mais personne ne voit rien, personne n'entend rien, personne ne sait rien," dit-il avec dédain. "Certainement pas les gardes," a-t-il ajouté, montrant un bâtiment en brique d'un étage où les gardes sont censés surveiller le site à l'aide de caméras et de projecteurs.
Le pillage des sites archéologiques pour les objets anciens a été une industrie artisanale lucrative dans certaines parties de l'Italie rurale des siècles derniers. Mais au cours des deux dernières décennies, il a fleuri, un mastodonte de 50 à 100 $ millions par an. Parmi les entreprises de la Mafia, le commerce de l'art et des objets volés se classe juste derrière drogues, armes et blanchiment d'argent.
Pour la partie sicilienne du roman, je me suis aussi documenté sur les méthodes de la mafia et j’ai été particulièrement inspiré par les «pizzini», ces minuscules bouts de papier roulés en boule qu’un membre dirigeant de la mafia sicilienne Cosa Nostra utilisait pour communiquer et qui ont causé sa perte…
Mes personnages affiliés à la mafia utilisent ce système pour échanger des informations importantes et en particulier lors des transactions commerciales et financières.
A ce propos, voici le lien vers un article très édifiant sur l’arrestation de Bernardo Provenzano.
Extrait du roman
Nicolo sort de la poche de son pantalon un petit bout de papier entouré d’un adhésif et le glisse dans la main de Pietro avant de rejoindre Le Monocle dans la voiture. Au signal de son cousin, Giuseppe ouvre la porte coulissante du hangar. La voiture sort et disparaît. Luigi apparaît sur le seuil de la porte.
- Ils sont enfin partis ! C’est que j’ai cru que je prenais racine à faire le guet.
- Ça va bien Luigi, tu peux y aller maintenant, dit Pietro l’air contrarié.
- Quoi ? Ils ne nous la prennent pas notre déesse ?
- Si, si. On en reparle demain.
- D’accord. Ciao les gars !
Luigi sort, Giuseppe referme la porte et s’approche de son cousin, occupé à déplier la petite boule de papier.
- Alors ? demande Giuseppe … qu’est-ce qu’il a dit ?
- Rien.
- Rien !? Tu te fous de moi, là !
- Non ! Sur ce putain de papier, il écrivit ! Mais si des questions et des questions, tu me posas, alors le lire, je ne pus ! Compris ?
Pietro sort du hangar en lisant le papier.
Une statue est une œuvre... d'art, elle existe par le regard qu'on lui porte. Pour notre déesse, les choses se compliquent car elle a changé d'identité, donc le regard porté sur elle a également changé. Elle a aussi changé de fonction, ce qui a changé les rapports que les hommes entretiennent avec elle. Elle est multiple : objet de culte, objet d’art, objet de pouvoir, objet de mémoire...
Objet de culte
C’est un objet de culte dans l’Antiquité, c’est sa fonction première. Pour son créateur, pour les Hommes qui la prient et l’honorent, elle est l’incarnation d’une déesse.
Objet d’art
C’est un objet d’art car il est unique. C’est une œuvre rare, très peu de statues monumentales datant de cette époque ont été retrouvées. Rare aussi par sa composition, c’est une statue acrolithe, c’est-à-dire constituée de roches différentes : ici, de marbre et de calcaire.
Elle est objet d’art, elle est exposée, elle est donnée à voir aux visiteurs.
J’ai eu souvent l’occasion de visiter des musées en France et à l’étranger. En visite individuelle et en groupe avec des jeunes élèves de ma classe, j’ai été amené à observer leurs attitudes et leurs réflexions devant des œuvres d’art. Le spectacle est dans la salle. Quelques extraits sont dans le roman.
Objet de pouvoir
C’est un objet de pouvoir dans le monde de l’Art : musées, marchands d’art, tombaroli, archéologues, historiens.
Le monde de l’Art l’a convoitée, prêt à dépenser des millions pour la posséder. Même des pays se la sont disputée menaçant leur relation diplomatique. L’enjeu, la restitution d’œuvres d’art.
Objet de mémoire
L’objet archéologique est muet. Les historiens et les archéologues tentent de le faire parler, eux aussi, de retrouver à partir de son histoire celle des êtres humains.
La déesse nous raconte son histoire, une histoire de mémoire.
Elle agit sur les hommes comme un miroir, chacun peut y voit ce qu’il est.
C’est à vous de voir, de lire … pour voir