"Le déficit public doit rester sous les 3% du PIB"

La fameuse "règle des 3%" justifie toutes les réductions budgétaires depuis des décennies. Mais elle n'a aucun fondement économique !

L'histoire de son apparition est assez cocasse. En 1981, Mitterrand commande à ses conseillers une règle "frappante et parlante" qui lui permette de refuser les demandes de ses ministres. Guy Abeille et Roland de Villepin (le frère de Dominique) choisissent le ratio du PIB sur le déficit parce que "ça fait technique" et le chiffre 3 car il évoque "les 3 Grâces, la Trinité, les trois ordres alchimiques, etc". L'idée a été trouvée "sur un coin de table, sans aucune réflexion théorique", avoue-t-il.

Cette "règle d'or" sera ensuite inscrite dans les traités européens, et est aujourd'hui la clef de voûte des politiques austéritaires imposées au pays membres.

Non seulement les 3% sortent de nulle-part, mais en plus le ratio PIB/déficit public est absurde. Selon l'expression consacrée, c'est comparer des carottes et des chou-fleurs. Le PIB est annuel alors que les dettes d'état sont pluriannuelles (7 ans en moyenne). Qui plus est, la dépense publique contribue au PIB (comme par exemple, quand il finance la construction d'une école ou paye un médecin). Opposer l'un et l'autre n'a donc pas de sens !

Si cela n'a pas de sens, il y a par contre des conséquences. En effet, lorsque l'économie est en mauvaise santé, le PIB stagne ou baisse et par conséquent, pour respecter la règle des 3%, le pays doit diminuer ses dépenses publiques. Seulement voilà, c'est justement quand l'économie ralentit qu'il faudrait appliquer des plans de relance et éviter comme la peste les plans d'austérité. Les économistes appellent cela "pratiquer une politique contracyclique", c'est à dire pousser l'économie dans la sens inverse au lieu de la pousser vers la catastrophe. Lorsque l'économie ralentit, retirer de l'argent du système (une politique d'austérité) ne fait que la ralentir davantage : on accentue le problème, c'est une politique procyclique. A l'inverse, injecter davantage d'argent dans le système lorsque celui-ci ralentit permet de relancer la machine. Rien n'empêche, ensuite, de stopper ces politiques lorsque l'économie repart : à ce moment-là, les rentrées d'argent liées à l'impôt seront plus importantes et compenseront les dépenses engagées pendant la crise. Pourquoi, en effet, s'imposer d'être à l'équilibre sur une année et pas sur le temps d'un cycle économique ? Comprendre la dette sur plusieurs années permet d'investir quand on en a besoin et de rembourser quand on le peut. A l'inverse, imposer une ration de 3% annuel revient à faire une saignée à un patient qui a perdu du sang.


Ces candidats à la présidentielle proposent-ils de réduire le déficit public pour respecter le ratio PIB / déficit ?

* Nota Bene : certains des candidats ont des positions manquant de clarté, changeantes, ou en inadéquation avec d'autres de leurs prises de positions, qui peuvent nous empêcher d'affirmer avec certitude en quoi leur programme correspond aux sujets développés ici. Certains n'ont également pas publié de programme. Ces situations évoluant rapidement, nous pouvons également ne pas avoir mis à jour cet encart avec les dernières nouveautés. N'hésitez pas à utiliser la page de contact si vous relevez des imprécisions ou des erreurs.
Sources
http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/decryptage/2015/09/04/29002-20150904ARTFIG00110-deficits-pourquoi-la-regle-des-3-de-bruxelles-n-a-aucun-sens.php