Les travaux de recherche dans le domaine des origines de la vie cellulaire passent par la compréhension des phénomènes d’auto-assemblage de structures membranaires à partir de molécules amphiphiles. Nous développons des modèles expérimentaux de systèmes cellulaires simples dans lesquels des macromolécules sont encapsulées dans une bicouche lipidique. Des préparations standards de liposomes sont capables de capturer des acides nucléiques et des peptides, et la double couche perméable aux solutés ioniques et polaires permet les réactions de polymérisation dans le volume encapsulé. Nous avons combiné les méthodes d’encapsulation mises au point dans le laboratoire de D. Deamer avec les synthèses peptidiques développées dans mon laboratoire (Maurel et Orgel, 2000). Ceci représente une étape importante vers l’étude d’un système modèle mimant les premières formes de vie (Zepik et al, 2007). Nous utilisons, d’autre part, la spectrométrie Raman exaltée de surface (SERS) pour caractériser un modèle de protocellules ARN / lipides. L’ARN choisi est le ribozyme sauvage sTRSV (Tobé et al, 2005). Nous avons dans un premier temps établi une méthode de détection d’acides nucléiques par spectrométrie Raman exaltée de surface (SERS) [Elamri et al, 2003, 2004, 2005] permettant de détecter des nanomoles d’oligonucléotides en sondant sélectivement les résidus adényls constitutifs. Cette méthode a pu être utilisée pour étudier les cinétiques d’auto-clivage de sub-nanomoles de ribozyme en solution (Percot et al, 2009).
Etudes fonctionnelles, structurales et dynamique-fonction de ribozymes et de viroïdes ASBVd. (Hautes pressions, diffusion des neutrons.)
Nous avons montré les capacités réplicatives d’un viroïde ASBVd dans un hôte non spécifique (Delan-Forino et al, 2011). L’étude d’un ribozyme « hammerhead » sous haute pression a montré la plasticité et la dépendance conformationnelle de ces ARNs vis à vis des ions divalents (Kaddour et al, 2011). L’activité, l’auto-association et la structure des ribozymes ADHR1 et ADHR2 ont été étudiées par centrifugation analytique et par diffusion des neutrons. Des interactions tige-tige, boucle-boucle et boucle-tige jouent un rôle majeur dans la régulation de l’activité des deux ribozymes (Li et al, 2008). Par RMN, nous suivons les changements conformationels des états pré et post catalytiques d’ADHR1. L’interaction de l’ARN avec l’adénine est transitoire, la dynamique induite constitue l’étape limitante de la catalyse (Buck et al, 2009).
A l’interface de la Biologie, de la Physique et de la Chimie, je développe des travaux sur la structure, les fonctions et les interactions des acides nucléiques. Cette démarche est riche d’intérêt et de promesses. Dans un premier type d’approche, bien ancré dans la physique, on cherche à comprendre les lois qui régissent les interactions dans les systèmes biologiques par l’étude expérimentale de systèmes modèles et par la modélisation basée sur les concepts principalement développés en physique de la matière molle. La deuxième approche est basée sur le concept de relation structure-fonction en biologie : plutôt que de chercher les lois générales, on cherche à comprendre la spécificité, c’est à dire les différences de structure sélectionnée par l’évolution, cela par des études expérimentales physiques, basées sur des méthodes variées, spectroscopies, diffraction, microscopies etc.
Enfin, je m’intéresse à la relation dynamique-fonction. L’activité d’un système biologique au niveau moléculaire ne dépend pas uniquement de son organisation structurale mais aussi des mouvements qui l’animent. Pour certaines activités, comme la catalyse, une flexibilité accrue se révèle nécessaire. Pour d’autres, comme le transfert d’électrons, c’est au contraire, une plus grande rigidité qui est essentielle. Pour explorer la relation dynamique-fonction, des approches originales sont mises en œuvre : une constante de force effective (la résilience), paramètre mesurable par diffusion de neutrons, est fortement corrélée avec la fonction biologique de systèmes. Cette méthode validée avec succès sur des protéines d’Archaea halophiles révèle que l’adaptation à la température résulte de force qui stabilisent les structures macromoléculaires et déterminent leur flexibilité dans une gamme de valeurs spécifiques. En collaboration avec G. Zaccai à l’ILL Grenoble et Ada Yonath du Dept. of Structural Biology, Weizmann Institute Rehovot, Israel, nous réalisons des mesures de dynamique sur un ribozyme, un viroïde isolé et sur le « protoribosome » en différentes conditions de solvant et de température. Le développement et l’application de ce type d’approche méthodologique par spectrométrie, permettant de quantifier les mouvements fonctionnels intramoléculaires, représente un défi important ouvrant un nouveau champ de recherche.
Nos premiers résultats suggèrent qu’au cours de l’évolution les ARNs sélectionnés présentaient des dynamiques spécifiques qui ont permis le maintien de structures et de flexibilités dans les limites étroites requises pour l’activité biologique.
La découverte des ARNs catalytiques a permis la conception d’ARNs thérapeutiques capables de réaliser des réactions de trans-clivages. Ce type de ribozyme fixe les substrats par appariement des bases, coupe l’ARN cible, puis relâche les produits de clivage. Dans le but d’inhiber l’expression de deux produits du gène Tpl2/cot, Proto-Cot et Cot, surexprimés dans 40% des tumeurs du sein, Yanli Li, qui a effectué sa thèse au laboratoire, a inséré dans des hairpin ribozymes la séquence de 22 nucléotides provenant du gène Tpl2/cot. Nous avons montré et caractérisé ces nouveaux ribozymes capables de couper en cis et en trans le fragment du gène inséré (Li et al, 2007, 2008, 2009).
Aptamères dirigés contre des marqueurs de cellules fœtales
Au cours de la gestation, l’organisme maternel, le fœtus et le placenta sont soumis à de multiples interactions réciproques (Maurel et Kanellopoulos, 2008). L’existence d’échanges cellulaires entre la mère et le fœtus est maintenant bien connue et la recherche de cellules fœtales mâles ou des antigènes HLA spécifiques du fœtus sont les deux stratégies utilisées dans la détection de ce trafic cellulaire. Les PCR et RT-PCR sur des séquences ou des gènes spécifiques du fœtus ou de la mère –sur des modèles murins- ont permis de repérer ces évènements comme étant fréquents. Cependant seul le développement de techniques permettant d’atteindre des seuils de sensibilité de détection extrêmement résolutifs permettra d’envisager des diagnostics prénataux non invasifs afin de déceler d’éventuelles déficiences ou incompatibilités immunologiques. L’objectif de notre travail, en collaboration avec le laboratoire de Colette Kanellopoulos consiste à sélectionner des cellules fœtales grâce à des aptamères identifiés contre des marqueurs spécifiques de ces cellules. De tels aptamères pourront d’une part permettre la purification par affinité des cellules foetales et après pontage, la caractérisation des protéines reconnues par les aptamères.