Les pièces à conviction

L’appartement était plongé dans le noir. Un noir profond, un noir étrange.

Celui dans lequel les peurs et les craintes prennent vie. Celui où, au moindre mouvement, il y a cette sensation d’être suivi.

Il était là, caché dans un tiroir. Un petit carnet noir. Un de ceux que l’on glisse dans la poche.

A ses côtés, une lettre chiffonnée…

Lettre ouverte avant de disparaître.


Voilà, il est temps. Vous avez, entre les mains, des réponses, peut-être.


Je ne pensais pas en arrivant à Los Santos que les choses se dérouleraient ainsi. Pourtant ce fut le cas.

Il faut que les gens sachent comment on en est arrivé là... Enfin comment j’en suis arrivé là…


Est-ce que je regrette ? Non ! Je ne suis pas quelqu’un de regrets.

Je ne regrette pas ce qu’il s’est produit.

Je ne regrette pas comment mon histoire se termine.

Je ne regrette pas mes actes.

Je ne regrette pas d'avoir agi de cette manière.

Non, je ne regrette rien.


Je ne regrette pas d'avoir dit oui, ce fameux soir de mai, lorsqu’un homme m’a proposé de l’aider à faire le guet pour des supérettes. Ils étaient trois : cet homme à l’accent mexicain, prénommé Miguel, une jeune femme Haylie et un autre homme, Guillaume.

Ils ne m’ont pas demandé qui j’étais, d’où je venais. Juste si je voulais bosser et ça m’allait très bien. Alors je les ai suivis. Tout a commencé à cet instant précis.

De quatre, on est passé à plus nombreux. A partir de quatre, on s’est installé dans un quartier. En étant juste quatre, on a réussi à se faire connaître et reconnaître dans le business. Être juste quatre à la base, monter les échelons, prendre des risques, pour en arriver là, maintenant.


Et Miguel nous a trouvé un nom : La Mano.


Cet homme m’a fait confiance. Pourtant je ne le connaissais pas. Je ne saurai dire comment on doit considérer notre relation et je ne cherche pas à le faire. J’ai été son comptable, puis, son numéro deux.

Pour le reste : les autres, vous… Vous pouvez mettre des étiquettes, j’en ai rien à foutre !


Je ne pensais pas qu’un jour, les choses se dérouleraient ainsi. Je ne pensais pas que ce journal de bord, écrit pour ne rien oublier du business, pourrait servir à d’autres que moi.

Je ne cherche pas à justifier quoi que ce soit. Pourquoi le faire ?

Je ne veux pas qu’on me plaigne ou que l’on m’excuse. Non, cela ne sert à rien. Ce qui est fait est fait. C’est maintenant du passé.


Pourtant, je ressens le besoin de laisser une trace, autre que les rumeurs ou les légendes urbaines qui me précèdent. Bien sûr que vous savez de quoi je parle… Du cannibale, de Pablo de la Mano, pour ne citer que ces deux-là.


A la lecture, certains comprendront, d’autres non.

Certains auront des réponses, d’autres non.

Certains auront un nouvel avis sur ce qui a été, d’autres non.

Et j’en passe.


Et je m’en cogne !


Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le but de ce carnet, de cette lettre. Je ne cherche vraiment pas à me faire apprécier. J’en ai rien à battre. C’est ce qui a été, c’est ce qui est.


Ce carnet représente juste ma vie à Los Santos.


Je ne pensais pas qu’à Los Santos, j’aurai le droit à une deuxième chance et pourtant. Et quelle chance s’est offerte à moi ! Moi qui venais d’Europe, d’Espagne plus précisément pour fuir. Voilà où j’en suis arrivé.


Non, vraiment, je ne regrette rien !

L’appartement était plongé dans le silence. Un silence profond, un silence étrange.

Celui dans lequel les peurs et les craintes prennent vie. Celui où, les pensées deviennent des amies familières et rassurantes.

Il était là, ce léger grésillement, posé sur l'oreiller, laissé à l'abandon, comme sorti du passé, encore allumé, magnétique...