XVIII ème siècle

Le dictionnaire de l’Académie française (4ème édition) A Paris, écrit par une grande partie des écrivains célèbres du XVIIème et XVIIIème siècles, sous l’égide de Charles Pinot Duclos, 1762.



Édité chez la Veuve de Bernard Brunet, ce dictionnaire est publié en deux tomes in-folio avec un texte sur deux colonnes. La 4ème édition commence par une préface qui explique la manière dont le dictionnaire est présenté, ainsi que les nouveautés apportées. Elle définit les mots utiles à cette période, ainsi que certains mots anciens que l’on retrouve uniquement dans de vieux livres. Cette édition est écrite durant les temps où les lettres françaises avaient le plus d’éclat.

L'actualisation de l'orthographe d'usage concerne la distinction entre les lettres I et J ainsi que U et V, qui permet de passer de vingt-trois à vingt-cinq lettres dans l’alphabet. Ainsi par exemple, le mot « utilité » et le mot « vue » sont maintenant séparés, tandis qu’ils se suivaient dans l’édition précédente. On apprend aussi que les lettres doubles, et vues comme inutiles puisqu’elles ne sont pas prononcées, finissent par être supprimées : ainsi le B, le D, le H et le S. En outre, la 4ème édition de l’Académie française a également décidé de supprimer les lettres placées au milieu d’un mot et qui ne se prononçaient pas : par exemple, le B dans « Obmettre », ou encore le D dans « Adjoûter ».



La 4ème édition du dictionnaire de l’Académie française est un dictionnaire de langue, c’est-à-dire qu’il a une fonction métalinguistique. C’est aussi un dictionnaire généraliste et objectif, ce qui veut dire qu’il a une certaine neutralité scientifique et que les différents auteurs ne donnent pas leur avis personnel. La 4ème édition est également un dictionnaire de définition, donc explicatif, et qui classe les mots de manière alphabétique. De plus, ce dictionnaire précise à quel registre de langue chaque mot correspond (poétique, soutenu, familier, etc).

Cette édition est celle qui a le plus été commercialisée, avec de nombreux formats in-quarto réalisés après le format in-folio de 1762.

L’édition de 1762 est vue comme « la seule importante pour l'histoire de notre idiome, qu'elle reprend à un siècle de distance des premières créations du génie classique, et qu'elle suit dans une époque de création nouvelle. Cette édition [...] prêterait à plus d'une induction curieuse sur le travail des opinions et le mouvement des esprits. Du reste, dans sa nomenclature étendue et correcte, elle montre bien qu'une langue fixée par le temps et le génie n'a pas besoin de se dénaturer pour traiter tous les sujets, suffire à toutes les idées. » (Villemain, A-F)

Villemain affirme également que cette édition permet une meilleure précision des définitions, ainsi qu’un plus grand nombre d’expressions et d’exemples. Pour appuyer cette citation, il est possible d’affirmer que le dictionnaire développe son langage basé sur la science et l’art, qui se répandent depuis un siècle, ainsi que sur les différents types de métiers. Cela permet alors à certains termes moins connus des citoyens de passer dans la langue commune.

Nous allons maintenant analyser l’article « île » du dictionnaire de l’Académie française (4ème édition). Nous remarquons tout d’abord que l’article commence par le mot vedette, suivi de l’abréviation « s. f. » qui signifie « substantif féminin ». Par la suite, on retrouve la définition la plus utilisée du terme recherché, avec des exemples pour illustrer l’explication du mot. Après cette définition, nous retrouvons celles qui sont le moins utilisées. Parmi ces dernières il y a des mots écrits avec la racine « île » mais qui ne correspondent pas concrètement à ce mot.




Féraud, Jean-François, Dictionnaire critique de la langue française.

Marseille, Jean Mossy, Père & Fils, 1787 (Bibliothèque Nationale de France, Dépt Littérature et art)


Ce volume de 863 pages est le premier de trois tomes. Dès les premières pages une courte lettre de l'éditeur Jean Mossy, Père & Fils dédie l'ouvrage à l'archevêque d'Aix, conseiller du roi et membre de l'Académie française, Jean-De-Dieu-Raymond De Boisgelin. S'ensuit la préface de l'auteur puis une table des abréviations utilisées et des auteurs cités dans l'ouvrage. Dans ce volume, Féraud présente les définitions des mots allant de la lettre A à la lettre D, c'est pourquoi il traitera les mots des lettres E à N dans un deuxième tome et des lettres O à Z dans un troisième, publiés respectivement en 1787 et 1788.

Dans ce dictionnaire, Féraud a fait le choix de simplifier l'orthographe de certains mots en supprimant les consonnes doubles ou en ajoutant des accents aux voyelles. Ainsi, à la lettre A, on peut trouver le mot « aproche » au quel il a supprimé un « p ». (p. 142), ou encore le mot « caûserie » à la lettre C (p. 375)

Dans certaines entrées, Féraud apporte également des commentaires quant à la prononciation de certains mots, comme c'est le cas du mot « avant-hier » (p. 201)

De plus il se permet de citer des auteurs parmi les plus reconnus de son temps pour illustrer les définitions. En cela, son dictionnaire n'a rien à envier à celui de l'Académie qui invente des phrases d'illustration. D'autre part Féraud a su mettre son dictionnaire hors de portée de la polémique à l'inverse de Furetière par exemple. Cependant, le Dictionnaire critique de la langue française n'a pas le succès attendu étant donné que la sortie du Dictionnaire de l'Académie a fait plus parler de lui, notamment grâce à sa version de poche. Cela ne n'empêche pourtant pas le dictionnaire de Féraud d'être reconnu et recherché à l'étranger.





Le Dictionnaire du Vieux Langage François

Le Dictionnaire du Vieux Langage François est écrit par François LACOMBE, un auteur sur lequel nous avons peu d'informations personnelles. Le dictionnaire est publié par Panckoucke à Paris en 1766. Il est composé d'un volume de 498 pages. Les dimensions sont celles d'un format in-octavo. L'oeuvre s'apparente à un lexique dans lequel l'on trouve un équivalent du terme ancien en français de l'époque et dans certains cas en latin. Dans la préface de sa première édition, l'auteur avertit le lecteur de l'absence d'une introduction de sa confection dans laquelle il étudie l'origine et l'évolution de la langue française. Cette étude devait être suivie d'un recueil de textes de poètes provençaux. Cette introduction sera publié en 1767 dans une réédition du dictionnaire qui comptera alors 560 pages. Le Dictionnaire du Vieux Langage François est un dictionnaire bilingue de l'ancien français à un français plus moderne. On y trouve aussi une courte définition. Lorsqu'un mot a besoin d'explications juridiques ou historiques, il est complété par des citations souvent tirées de manuscrits en vers. Il s'agit d'un dictionnaire généraliste, étymologique.

Ici se trouve un exemple d'entrée du dictionnaire. Par exemple, le mot « Accouer » fait l'objet d'une définition logique. « Accouplage » lui a son équivalence dans un français plus moderne « accouplement » puis son étymon latin « copulatio ». « Accoupler » quant à lui fait l'objet d'une définition par attachement .

Ci contre, un exemple de citation de texte littéraire tiré du Roman de la rose. Lacombe porte un intérêt au français méridional et aux origines celtes de la langue française, ce qui mènera l'auteur à apporter des modifications à son œuvre qui sera rebaptisée Dictionnaire de la langue romanes ou du vieux langage françois et sera rééditée en 1768.

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

Sous la direction de Denis Diderot et de Jean d’Alembert, L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers a été publiée à Paris par André le Breton, Laurent Durand, Antoine- Claude Briasson et Michel Antoine David de 1751 à 1772. Cette encyclopédie contient 35 volumes qui contiennent eux-mêmes 17 volumes de textes, 11 volumes de planches et 71 818 articles. Elle est également illustrée. Ce dictionnaire encyclopédique a connu de très nombreux opposants lors de sa création, notamment les Jésuites, et des accusations de plagiats. Il sera même condamné par le parlement de Paris car il contient « plusieurs maximes tendant à détruire l’autorité royale, à établir l’esprit d’indépendance et de révolte et […] à élever les fondements de l’erreur, de la corruption des mœurs, de l’irréligion et de l’incrédulité ». Sa production sera donc interrompue de février 1752 à novembre 1753. L’Encyclopédie devait être au départ uniquement la traduction en français de la Cyclopaedia d’Ephraïm Chambers car en France les arts mécaniques étaient tenus pour mineurs. Ce projet devait contenir quatre volumes de textes et un complément avec des traductions en d’autres langues. Mais lorsque Diderot et d’Alembert prennent la tête de la rédaction elle devient un projet d’encyclopédie originale très important, avec plus de 150 auteurs ayant participé à sa rédaction.


Cette œuvre représente l’esprit des Lumières qui dépeint le savoir et la liberté. Elle a permis à un plus grand nombre de lecteurs d’accéder au savoir et elle représente une culture moins basée sur l’érudition et d’avantages sur les techniques et l’entreprise. Elle est également la première encyclopédie française, et le premier dictionnaire à s’intéresser aux sciences, aux arts et aux métiers, représentant ainsi une grande avancée dans la représentation du vocabulaire technique et professionnel.

RICHARD Simon, DICTIONNAIRE UNIVERSEL FRANCAIS ET LATIN OU DICTIONNAIRE DE TREVOUX

A Paris ,1743


950 pages, 8 tomes, in-folio. Le premier tome est publié à Paris avec une première page qui présente une dédicace au Prince Souverain de Dombes. Il est important de noter la dualité du dictionnaire qui est rédigé en Français et en Latin.

Le Dictionnaire Universel Français et Latin, aussi appelé vulgairement Dictionnaire de Trévoux (à cause du nom des « Mémoires de Trévoux »), est un ouvrage historique synthétisant les dictionnaires français du XVIIème siècle, entrepris par les Jésuites entre 1704 et 1771. Celui qui décide d’entreprendre ce projet se nomme Richard Simon.

Ce dictionnaire connaît 8 volumes au cours de 1704 à 1771.

Il est essentiel car il apparaît comme un bilan des différentes études sur les mots au cours de XVIIIème siècle.

C’est avec la protection du prince Louis-Auguste de Bourbon (ce qui souligne l’ importance et la notoriété de l’ouvrage) qu’un groupe de jésuites édite depuis 1701, un journal connu sous le nom de «Journal de Trévoux ou Mémoires de Trévoux». Un des buts de cette publication était de servir de riposte contre les publications protestantes.

Cet ouvrage joue un rôle assez important dans son siècle car il permet une large diffusion de la culture française lors du siècle des Lumières. En effet, le siècle des Lumières met en place un souffle de renouveau, liberté et surtout de culture sur l’ensemble du monde. Une occasion que le Dictionnaire de Trévoux ne manquera pas pour étendre sa science.

Il connut néanmoins un début assez difficile dû à sa grande ressemblance avec le Dictionnaire de Furetière. Cependant, un tournant s’observe à partir de 1752 où le Dictionnaire de Trévoux devient alors plus fluide et plus précis. Il devient alors une véritable ressource pour son siècle.

On peut également questionner la place du latin dans ce dictionnaire, sert-il de traduction, de guide ou de simple moyen de prolonger la culture antique?


Dictionnaire de Trévoux analyse d’une définition : «Bouliner»

Bouliner v.n. Aller à la bouline, prendre le vent de côté. Obliquo ventinavigare. On appelle aussi cette manière de naviguer, louvoyer. On commence à dire figurément, Bouliner; pour dire, biaiser dans les affaires, n’aller pas droit, trouver quelque détour, ou échappatoire. Cela est bas du style familier.

Bouliner v.a. Terme de gens d’armée, qui signifie «volet» dans le camp . Furari . Il avait perdu au jeu tout ce qu’il avait bouliné. Ce soldat se fera pendre , il s’annule à bouliner . Il est populaire .

Bouliné , ée , part.

On peut voir que le mot «Bouliner» a trois entrées . La première semble définir le sens le plus couramment utilisé (en verbe) qui signifie «prendre le vent de côté» dans le domaine de la navigation. La seconde semble s’apparenter à un verbe plus ancien qui signifie «volet» dans les camps. On précise aussi une définition par expression . La dernière définit le participe passé du verbe «Bouliner».

Il est intéressant de noter que cet article précise le registre de langue utilisé . En effet , le premier sens est plutôt familier. Le second sens est plutôt populaire.

Enfin, l’article fait aussi une définition par étymologie. En effet le Dictionnaire de Trévoux utilise le latin pour définir les mots. Ici, le premier sens découle de «Obliquo ventinavigare».

Et le deuxième sens de «Furari» .