XVII ème siècle

Le Grand Dictionnaire des pretieuses ou la clef de la langue des ruelles (1660),Baudeau de Somaize, Antoine .

Paris, Jean Ribou, 1660 (Bibliothèque Nationale de France, Dépt Réserve des livres rares).

96 pages, in-12. Le volume contient, dans ses premières pages, une préface ironique de l’auteur qui annonce la publication d’un second volume ; ainsi que la copie du privilège royal qui interdit les éditions sans l’accord et le respect des droits de l’auteur. Il est orné de bandeaux au seuil de chaque section alphabétique et de cul-de-lampes en fin de section. Il s’agit d’un pamphlet sous forme de dictionnaire qui se moque des termes et tournures employés par les Précieuses. Selon Delphine Denis (1998), il marque « avec le roman de l’Abbé de Pure et la comédie de Molière, l’apogée de la production satirique consacrée à la langue des précieuses. » La préciosité désigne un courant de pensée et un mouvement littéraire qui s’est développé dans un contexte mondain au XVIIè siècle. Elle est essentiellement illustrée par des femmes de l’aristocratie, qui ont pour habitude de se réunir dans l’intimité de leur chambre : le terme consacré pour désigner le lieu de ces réunions est la « ruelle », c’est-à-dire l’espace entre un lit et le mur de la pièce, ce qui explique le sous-titre du dictionnaire. Les précieuses adoptent un langage recherché, qui recourt aux ornements du discours, tels que la métaphore ou la périphrase et ces raffinements à la mode ont donné lieu à une dénonciation régulière de leur « jargon », à une époque où l’on recherche au contraire à normaliser le discours, voire à épurer la langue française (cf. Furetière). Le dictionnaire de Somaize démontre que le goût de la néologie situe la préciosité résolument du côté des Modernes dans la querelle littéraire et stylistique qui les oppose aux Anciens. Le projet de Somaize consiste donc à se moquer de ce beau langage en le traitant comme une langue étrangère incompréhensible sans l’outillage d’un dictionnaire pour la traduire. Délaissant les définitions logiques, il classe par ordre alphabétique des formules ou des mots courants pour en donner l’équivalent en langage « prétieux ». Ainsi à la lettre C, on lira : Laquais, mouchez la chandelle : Inutile, ôtez le superflu de cet ardent. Le cerveau : le sublime. Pour composer ce répertoire, Somaize s’inspire d’un traité satirique de Charles Sorel et relève les perles que lui fournissent les œuvres littéraires précieuses et leurs plagiats humoristiques. Réédité l’année même de sa parution, l’ouvrage est augmenté l’année suivante pour adopter l’apparence d’une encyclopédie en deux volumes de l’univers précieux, sous le titre Le Grand Dictionnaire des prétieuses, historique, poétique, géographique, cosmographique etc. C’est cette seconde version que republie l’éditeur Pierre Jeannet dans la prestigieuse collection « Bibliothèque Elzévirienne » en 1856, édition préparée par le philologue Charles-Louis Livet. Il offre au lecteur d’aujourd’hui un témoignage des « produits dérivés » (Schuwey) de la littérature du temps, autant que « le matériau nécessaire à une archéologie du discours galant » (Denis). Le dictionnaire original de 1660 est conservé à la et accessible en ligne.

Les articles du dictionnaire des précieuses adoptent plusieurs formes. L’élucidation du sens par une ou plusieurs expressions équivalentes plus fréquentes. Somaize s’attarde tantôt sur des formes de langue, comme un mot du lexique ou une expression à l’infinitif, tantôt sur un exemple de discours, intégrant les pronoms « « nous », « vous », qui laissent des précieuses comme dans une scène prise sur le vif.

Grand Dictionnaire des Précieuses, p.19

Grand Dictionnaire des Précieuses, p.19

Id., p.4

L’impression d’un discours en situation se confirme lorsque l'on reconnaît la source littéraire des expressions comme « la forme enfoncée dans la matière »(Moliere, Précieuses ridicules, sc. 5). Ou lorsque Somaize relève la polysémie d’une expression selon son contexte d’emploi.

Certaines expressions ou métaphores sont également assorties d’un commentaire explicatif toujours moqueur. Enfin le projet satirique, sensible dans l’ironie de la préface et par le schéma de citation/traduction, apparaît encore avec certaines remarques facétieuses :

Le Dictionnaire françois de Pierre Richelet (1680)

ou

Dictionnaire françois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles

remarques sur la langue française, ses expressions propres, figurées et

burlesques, la prononciation des mots les plus difficiles, le genre des noms, le

régime des verbes, avec les termes les plus communs des arts et des sciences: le

tout tiré de l’usage et des bons auteurs de la langue française


Le Dictionnaire françois de Pierre Richelet, paru à Genève en 1680, est le premier dictionnaire français entièrement monolingue différent du dictionnaire de Jean Nicot, Thresor de la langue françoise tant ancienne que moderne ( 1606). Contrairement à Jean Nicot, Richelet ne donne pas les mots en latin. Le Dictionnaire françois est constitué d’un volume comportant environ 560 pages. Son format in- quarto est l’équivalent d’un format A4.

Le Dictionnaire françois possède différents ornements comme des lettrines ornées, des bandeaux décoratifs et des culs-de-lampe. Il y a aussi un “avertissement” au début, destiné aux lecteurs, puis une dédicace à celui qui a financé le dictionnaire à savoir Ferdinand Von Fürstenberg .



Ce dictionnaire est écrit clandestinement. En effet, selon une lettre royale du 26 juin 1674, le privilège exclusif de publier un dictionnaire de référence de la langue française est réservé à l’Académie. C’est pourquoi Richelet fait imprimer son dictionnaire à l’étranger, il obtient aussi le financement de la part de Ferdinand Von Fürstenberg, évêque de Paderborn, futur dédicataire du dictionnaire et connu pour être un généreux mécène des Arts et des Lettres. Puis Richelet contacte un libraire genevois d’origine allemande, Jean Hermann Widerhold. Le dictionnaire commence à être diffusé à Villejuif de façon illégale et obtient un grand succès.


La simplicité de ce dictionnaire fait sa spécificité, il n’y a pas de grandes explications étymologiques, mais une brève présentation de chaque mot. De plus Richelet fait le choix d’une simplification orthographique. Ainsi, il supprime les lettres doubles lorsque celles-ci n’influent pas sur la prononciation comme pour “afaire, ataquer, dificulté”. Le “es” qui se prononce “é” , sont remplacés; par exemple “desdain” devient “dédain”, “respondre” fait place à “répondre”, il a ainsi décidé de notre orthographe actuelle. D’autre part Richelet ajoute beaucoup de citations d’auteurs anciens et contemporains pour illustrer les définitions. Il apporte une nouveauté: en plus d’être le premier dictionnaire monolingue, il propose une simplification orthographique.

Dictionnaire Universel, contenant généralement tous les mots françois, Tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, datant de 1690, Antoine Furetière.

Cet ouvrage a été édité à La Haye et Rotterdam dans la maison d’édition Arnoud et Reinier en 1701. Il s’agit d’une publication posthume Ce dictionnaire possède 2 160 pages, il y a trois volumes au format 29,5 x 27,5.

Ce dictionnaire provoquera une querelle avec l’Académie française puisque A. Furetière voulait créer son propre ouvrage contenant un vocabulaire varié, notamment des termes aussi vieux que modernes, sur les sciences et les arts, comme son titre l’indique. Il mise sur la diversité du vocabulaire traité et reçoit le “ privilège exclusif” du roi.


Selon Chantal Wionet dans la revue Dix-huitième siècle, Antoine Furetière publia deux oeuvres à une année d’intervalle : Essais d'un Dictionnaire Universel et Factums pour Messire Antoine Furetière, Abbé de Chalivoy contre quelques- uns de l'Académie française. Antoine Furetière tente d’expliquer ses projets ainsi que de les défendre face aux académiciens. Cependant , ils ne sont pas de cet avis-là, le traitent de “ franc-tireur”.

Pourtant, entre le dictionnaire universel et le dictionnaire de l’Académie, il y a un élément majeur qui les différencie: la richesse. Pour Antoine Furetière, le plus important est le développement du vocabulaire technique pour les arts et les sciences.


Dictionnaire étymologique ou Origines de la langue Françoise de Pierre de Caseneuve, Paris, 1694.


C’est en hommage et en gage d’amitié que Gilles Ménage décide de changer

ingénieusement l’intitulé de son dictionnaire, pour son protecteur le chevalier de

Méré, qu’il a connu grâce à Guez de Balzac.

De « Remarques sur la Langue Françoise », il adoucira le titre dans ses « Observations

sur la Langue Françoise»

Les notions de “ sagesse “ et de “ modération ” sont particulièrement importantes pour Gilles Ménage. Il souligne notamment le rôle de l’Académie pour le

français, langue qu’il distingue de toute autre langue vivante. Il la désigne comme la plus belle « de toutes les Langues vivantes […] la plus sage & la plus modeste ». Ainsi le français serait une langue qui se doit d’être contrôlée et maintenue par l’Académie Française.

Gilles Ménage (1613-1692), publie en 1694 avec Pierre de Caseneuve ( 1591 - 1652) ce volume (XXXVIII - 845p.) : “Observations de la langue française”, la même année que le Dictionnaire de l’Académie Françoise.

Ménage, grammairien, linguiste, écrivain, critique littéraire et partisan de la préciosité

du XVIIème siècle, polémique en 1650 avec Vaugelas dans son dictionnaire. Il essaiera de conserver le plus possible les vieux mots et les termes provinciaux.

Ménage préparait, avant de mourir, une nouvelle édition de ce dictionnaire, qui n’a parue qu’en 1694 sous le titre de Dictionnaire étymologique, ou Origines de la langue Françoise. Cette réédition fut alors publié en collaboration avec :

Simon de Val Hébert, H.-P. (16.. - 1741) – Éditeur scientifique

Leclerc Sébastien (1637 - 1714) – Graveur

Cossin, Louis (1627 - 1704) – Graveur

Lepautre, Pierre (1652 - 1716) – Graveur

Lepautre, Pierre (1652 - 1716) – Graveur



Divisé en trois parties, il traite donc le la langue française et plus particulièrement l'étymologie.

Dictionnaire de l’Académie Françoise, Paris, Institut de France, 1694.



Le dictionnaire comprend environ 18 000 mots, 761 pages et a été édité à l’Institut de

France à Paris par la Veuve de Jean Baptiste Coignard, imprimeur du Roi et de l’Académie Française. L’ouvrage débute par une dédicace au roi Louis XIV, suivie de la préface et des noms des auteurs qui sont les membres de l’Académie française, tels que François Charpentier, le doyen, Armand du Cambout, et al (une quarantaine d’auteurs).

L’Académie Française rédige son premier dictionnaire qu’elle dédie au roi Louis XIV en

1687 avant de le publier officiellement en 1694. Cet ouvrage, né du contexte où L’Académie Française publie une loi en 1674 qui interdit aux autres auteurs de dictionnaires d’en publier. Des auteurs comme Furetière sont donc contraints de publier leurs ouvrages à l’étranger. Cette loi amène même à une querelle nommée «Querelle des dictionnaires ». C’est donc grâce à ce privilège de publication qu’ils vont publier la première édition du dictionnaire, il en existe désormais neuf.

L’Académie Française a affirmé que ce dictionnaire était censé faire autorité et était écrit dans le but de glorifier la puissance de la langue française, qui s’est fortement développée à cette époque. Il apparaît également dans un but d’imposer la langue française standard contre les dialectes régionaux très présents à l’époque. Les auteurs affirment d’ailleurs : « C'est dans cet estat [de perfection] où la Langue Françoise se trouve aujourd'huy qu'a esté composé ce Dictionnaire; & pour la representer dans ce mesme estat ».




La particularité de ce dictionnaire est que les mots ne sont pas classés par ordre alphabétique, mais ils sont regroupés par leurs racines morphologiques. Cette particularité est justifiée par les auteurs dans la préface : « Comme la Langue Françoise a des mots Primitifs, & des mots Derivez & Composez, on a jugé qu'il seroit agreable & instructif de disposer le Dictionnaire par Racines, c'est à dire de ranger tous les mots Derivez & Composez aprés les mots Primitifs dont ils descendent ». Le point positif de cette décision est que cela permet de mettre en lumière toutes les relations possibles entre les mots, mais le point négatif est que la recherche d’un mot spécifique en devient beaucoup plus compliquée. En ce qui concerne l’orthographe employée ici, « l'accent circonflexe est rarement utilisé, la voyelle étant suivie alors d'un "s" (ex: "pasmer" pour "pâmer"). Et dans beaucoup de cas (quoique pas toujours) où le français moderne écrit "é", la 1ère édition écrit "es" (ex: "répondre" est écrit "respondre", "écrire" devient "escrire") ». (Université de Chicago)