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LE TADLA S’INVITE EN CE1

Découvert, par hasard sur Internet, une leçon de français de CE1, sur l’Afrique avec comme support une petite fille, Leïla, de Beni-Mellal. Éditeur inconnu.

À la découverte de l'Afrique (page 128)

Bonjour, je m’appelle Leïla et j'habite à Béni Mellal, au Maroc.

Le Maroc est un pays situé au nord de l'Afrique, au bord de l’océan Atlantique et de la mer Méditerranée. Béni Mellal est située au centre du Maroc, au pied du mont Tassemit. Le mont Tassemit est appelé « le mont du froid » car il est recouvert de neige dès le mois de novembre.

Vocabulaire :

* une source : un endroit où l’eau sort de la terre.

* des plantations : endroits où sont plantés de nombreux arbres, pour récolter leurs fruits.

* les souks : les marchés.

* un massif montagneux : une chaîne de montagnes.

Au Maroc, avec Leïla (page 129)

Autour de la ville de Béni Mellal, il y a de belles sources *, et des plantations * d’orangers et d'oliviers. Mon père cultive des oliviers. À l'automne nous ramassons les olives vertes, noires ou violettes. Ensuite elles sont vendues sur les souks*, ou pour faire de l'huile.

Une ville au pied des montagnes

Près de Béni Mellal, il y a un massif montagneux*, le Moyen Atlas. Dans ces montagnes on trouve des lacs et de grandes forêts. En hiver, les plus hauts sommets sont recouverts de neige, comme le mont Tassemit.

Compréhension : Où habite Leïla ? Qu'est-ce que l'on cultive près de la ville de Leïla ?

Expression orale : D'après ce que tu viens de Lire, qu'est-ce qui t'attire le plus au Maroc ?

Expression écrite : Imagine que tu dois expliquer à Leïla où tu habites. Écris quelques phrases pour présenter ta ville et ton pays.

Commentaires : Les photographies des deux pages du livre de l’élève proviennent probablement de banques d’images ; celle avec des montagnes enneigées suggère que nous sommes en présence du Mont Tassemit alors que nous sommes ailleurs dans l’Atlas, certainement dans le Haut-Atlas. Rien n’indique que les autres photographies aient été prises au Tadla. Imaginons un instant une petite fille de CE1, en France, une petite Leïla dont la famille vient de Beni-Mellal, confrontée à ce Tassemit faux, que dirait-elle à l’enseignant.e ?

© Copyleft Q.T. 10 mai 2024

L'IRRIGATION DE LA PLAINE DU TADLA

La Science et la vie, 01 août 1954 (source, retronews.fr)(captures d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)

L'IRRIGATION DE LA PLAINE DU TADLA, à la faveur d'une révolution agraire porte le progrès au cœur du Maroc

Il fallut triompher de bien des préjugés avant d'obtenir que l'odeur de terre mouillée évoque, pour le paysan marocain, autre chose que le trou d'eau saumâtre, où hommes et animaux avaient l'habitude d'étancher leur soif. L'exemple du Tadla démontre à tous les « fellahs » qu'elle signifie fécondité et récoltes assurées.

La plus extraordinaire révolution du Maroc s'accomplit en secret dans les campagnes. Elle opère dans les esprits, en les convertissant au progrès. Il s'agit de faire accepter les méthodes de culture modernes par des populations dont le fatalisme confine à l’indifférence. On transforme le paysan semi-nomade en agriculteur irrigant ; on lui fait admettre la pratique de l'assolement, on obtient qu'il se soumette à une discipline collective. Bref, on change un nomade du Moyen Age en un fermier du XXe siècle. Prodigieuse transformation, certes, mais que facilitent plusieurs facteurs. Et d'abord, ce fatalisme indigène : il faut savoir que chez ces cultivateurs, c'est moins de l’indifférence qu'une résignation, une soumission au climat, d'ailleurs encouragée par l'islam. Des siècles d’incertitude du lendemain ont brisé les réactions du paysan marocain. Remédier à la sécheresse et vous porterez à son fatalisme un coup extrêmement sérieux. C’est ce que l’on est en train de faire et de réussir.

Deux fois et demie plus de bouches à nourrir

De toute façon, le Maroc devait accroître ses récoltes. Il compte aujourd’hui deux fois et demie plus d’habitants qu'en 1912, à l’époque de Lyautey. La population augmente d'environ 150 000 individus par an. Certes, le « plein » n'est pas encore fait et le problème de l’alimentation est loin de se poser avec la même acuité qu’en Égypte. Pourtant, à la suite de la désastreuse récolte de 1945, il fallut acheter à l’étranger quelques 10 millions de quintaux de céréales. Une nouvelle disette serait beaucoup plus cruelle encore. Aussi s’emploie-t-on au développement de toutes les possibilités agricoles qui, là-bas, dépendent en premier lieu de l’irrigation. Un débit de un litre d'eau à la seconde. c'est la vie assurée pour trois familles. Avec le débit moyen de 300 mètres cubes à la seconde dont dispose le Maroc, ce sera prés d'un million de familles, soit 5 à 6 millions d'individus qui pourront vivre.

L'exploitation est encore trop souvent archaïque

Jusqu'à présent, la courbe « en dents de scie » de la production céréalière traduit, comme c'est le cas de tous les pays méditerranéens, des périodes de vaches maigres et de vaches grasses : crises en 1926, 1930, 1935, 1937 - récoltes excédentaires en 1939, 1940, 1941, 1942 - chute brusque en 1945 où des malheureux mouraient de faim dans les rues (récolte : moins de 5 millions de quintaux). De cette irrégularité on ne peut plus incriminer les sauterelles : on dispose aujourd'hui contre elles de moyens importants et efficaces. Une explication plus valable, c'est que trop d’exploitations agricoles restent patriarcales : on se sert du vieil araire encore tiré par la zouja, cet attelage à deux qui souvent associe un âne et un chameau. Quant aux semences, nulle sélection : le grain pousse comme Allah le veut et les rendements ne dépassent pas 6 quintaux à l'hectare pour l'orge et le blé dur, bases de l'alimentation. Si la récolte est très mauvaise, il ne reste d'autre ressource au paysan, au fellah, que d'emprunter à l'usurier. Quant au métayer, au khammès, qui apporte son attelage et assume une part des frais d’exploitation, il n'a droit qu'au quart ou au cinquième de la récole. Ces méthodes archaïques persistent dans les nombreux endroits que n'a pas touché l'essor des S.M.P. (Secteurs de Modernisation du Paysannat). Liées à la nécessité de laisser les terres en jachère durant 2 ans, elles expliquent que de vastes étendues soient insuffisamment productives. Toutefois elles ont eu longtemps l'excuse d'avoir été imposées par le régime capricieux des pluies. C'est en effet surtout à celui-ci qu'il faut, en définitive, imputer l'irrégularité du volume des récoltes.

En culture sèche : une récolte tous les deux ou trois ans

Le total annuel des précipitations ne signifie pas grand-chose : Meknès reçoit plus d'eau que Paris (624 mm contre 550), la quantité toutefois diminue beaucoup à mesure qu'on descend vers le Sud : Casablanca 396 mm, Marrakech 285, Agadir 187. Mais ce qui compte surtout, c'est la régularité du régime des pluies : régularité de la répartition dans l'année, aussi bien que d'une année à l'autre. L'été extraordinairement sec qui caractérise le climat méditerranéen sévit partout en Afrique du Nord (les pluies estivales entrent pour 5 % dans le total annuel à Agadir, pour 4 % à Casablanca). Juillet voit tomber 5 mm d'eau dans l'Atlas (Bekrit), 2,5 mm à Meknès, 0,8 mm à Marrakech, 0,1 mm à Casablanca. Partout, lorsque les pluies tombent, c'est sous forme de violentes averses, d'un profit douteux pour le sol assoiffé. Quant aux variations d'une année à l'autre, elles sont énormes : Meknès reçut en 1941 : 900 mm d'eau mais en 1945, 200, seulement ! Dans ces conditions, on ne s'étonne plus de la faiblesse des rendements et du peu d'étendue des surfaces cultivées, là où l'eau manque parfois. Les Marocains appellent bled bour toute région où l'on ne peut compter sur l'eau que de façon intermittente ; ils l'opposent au bled seguia, ou zone irriguée. Autrement dit, culture sèche (dry farming) et irrigation sont au Maroc les deux méthodes en honneur. Les résultats sont fort différents. La culture sèche n'est qu'un pis-aller. Il s'agit de conserver au sol la maigre humidité qui suffit aux céréales. Pour cela, des labours répétés entravent l'évaporation en brisant le réseau des conduits capillaires et des crevasses qui se forme dans la terre laissée à elle-même. D'autre part, en détruisant la végétation naturelle, ils procurent l'économie de l'eau qu'elle consommerait. On se contente d'une récolte tous les deux ou trois ans, car les pluies de l'année seraient insuffisantes. On retrouve cette méthode, depuis longtemps en honneur sur les rives méditerranéennes, mais plus ou moins modernisée dans toutes les régions insuffisamment arrosées du globe, des plaines du Far-West au Turkestan, de l'Australie intérieure au Moyen-Orient

Un million d'hectares récupérables

Depuis très longtemps, la technique indigène a su, partout où c'était facile, capter les eaux courantes ou infiltrées pour les dériver vers les champs : rhettaras ou galeries couvertes (afin de restreindre l'évaporation) canalisent l'eau de nappes peu profondes ; ouggoug (barrages de dérivation) et tragraout (barrages de retenue) permettent d'utiliser l'eau des oueds issus de la montagne, ou des grosses résurgences situées au pied des escarpements calcaires. Ainsi s'est formée toute une frange irriguée de véritables oasis de piedmont, le « dir » - littéralement « poitrail » vivant - de la montagne. Tels sont le Sous, sur le versant méridional du Haut-Atlas, et le Haouz de Marrakech, sur son versant septentrional : jardins, vergers, olivettes s'étalent dans la plaine. Dans ces deux régions, où le total annuel des pluies est inférieur à 300 et parfois 200 mm, la culture bour est pratiquement impossible. Là où le bled seguia s'arrête, commencent les terrains de pacage des troupeaux de chèvres et de moutons. La colonisation française, apportant les moyens de la technique moderne, a en quelques années beaucoup étendu la surface des périmètres irrigués. On ne se contentait plus de capter les eaux disponibles en été : on retenait une partie des eaux de crue hivernale pour les restituer durant les mois d'aridité. Dans ce sens, depuis 1930, un gros effort a été fait : six zones « de première urgence » sont en cours d'aménagement. [voir tableau A] Il faut ajouter à ce tableau les innombrables ouvrages de petite hydraulique construits par le génie rural : rectification du tracé des eaux, bétonnage des canaux, bains parasiticides, etc. On arrive en tout au débit actuellement utilisé de 55 m3/seconde sur une capacité totale utilisable d'environ 3003m/s, ce qui correspond à une superficie théoriquement récupérable supérieure à 1 million d'hectares. Les travaux en cours - et notamment ceux de la région du Tadla - doivent permettre de porter de 200 000 à 600 000 ha la surface des zones irriguées (dont 400 000 ha en irrigation continue, contre 80 000 actuellement). En trente ans déjà les cultures maraîchères ont passé de 5 000 à 50 000 ha, le nombre d'arbres plantés de 8 millions à 40 millions. Mais les cultures vivrières, céréales et légumineuses, gardent le premier rang ici comme ailleurs. Le souci dominant, c'est de nourrir la population qui augmente toujours. Il va de pair avec la préoccupation de fournir aux villes l'électricité dont elles ont besoin. Deux raisons donc pour que les grands barrages soient rentables.

La plaine du Tadla : une terre fertile mais calcinée

C'est dans le Tadla que le recours aux méthodes modernes, avec toutes les innovations qu'elles entraînent et les problèmes qu'elles impliquent, revêt le caractère d'une véritable « révolution agraire » Cette plaine, comme sa voisine la plaine des Srarhna, occupe l'emplacement d'un lac de l'époque tertiaire qui se trouvait dans une dépression et que les alluvions des rivières ont comblé. Le sol est l'un des plus riches du Maroc. Des 230 000 ha environ de sa superficie plus de la moitié sont des terres de très bonne qualité, convenant à une culture intensive. Pourtant le Tadla, en raison de l'insuffisance des pluies, reste un demi-désert ; avec le Haouz de Marrakech, c'est la région la plus sèche du Maroc atlantique (200 à 300 mm d'eau par an). L'anticyclone estival, générateur de sécheresse, y séjourne plus longtemps que dans le Nord, les chaleurs y sont effroyables : la station de Dariould-Zidouh y a enregistré les plus hautes températures de tout le Maroc, avec plus de 50°C (nous sommes loin des 42°9 enregistrés à Montpellier un jour de juillet 1904 et qui constituent le record de France !). Aussi, est-ce au Tadla que se trouvait le mieux représenté le paysage caractéristique du bled, brousse calcinée par le soleil, avec à peine quelques palmiers nains (doum) et des jujubiers. Là, une rare population, estimée à 110 000 âmes, se répartissant essentiellement entre les deux tribus semi-nomades des Beni-Amir et des Beni-Moussa, régulièrement décimées par les famines, vivait d'un maigre élevage d'ovins et de récoltes problématiques d'orge et de blé dur (une récolte sûre une année sur six) ; décevante loterie agricole.

500 millions de kWh et 150 000 ha

Or le fleuve permanent le plus puissant d'Afrique du Nord, l'Oum-er-Rbia, et son affluent, l'El-Abid, coulent en étrangers, entre les berges encaissées de cette plaine qu'ils ont contribué à former. Situation paradoxale qui avait déjà frappé Charles de Foucauld, à la fin du siècle dernier. Un premier essai d'irrigation fut réalisé en 1937 : le barrage de dérivation de Kasba-Tadla permit la mise en valeur de milliers d'hectares sur la rive droite de l'Oum-er-Rbia (par le siphon de Kasba-Zidania). En 1941, un « Office autonome des Beni-Amir - Beni-Moussa » reçut la charge d'administrer le périmètre irrigable, aussi bien au point de vue technique que social. Il fallait d'abord récupérer les eaux de fuite des barrages (barrages de Bin-el-Ouidane et Aït-Ouarda) qui, par un tunnel de 11 km à travers la montagne du Tazerkount, alimentent l'usine d'Afourer. Le débit constant assuré aux canaux d'irrigation devait être de 46 m3/seconde, permettant d'irriguer 150 000 ha ainsi répartis : Beni-Amir (rive droite de l'Oum-er-Rbia), 40 000 ha ; Beni-Moussa (rive gauche de l'Oum-er-Rbia), 80 000 ha ; Plaine des Srarhnas, 30 000 ha. Il est à noter qu'en dehors des canaux principaux dont le revêtement en béton sera fait sur place, tous les canaux distributeurs sont préfabriqués et portés sur appuis en béton. Ainsi, l'eau turbinée qui produira dès 1955 plus de 500 millions de kWh (autant que le barrage de Chastang récemment terminé sur la Dordogne), alimentant Casablanca, Fès et Oujda en électricité, servira à l'enrichissement systématique d'immensités jusque là désespérément arides.

Une nouvelle Californie

Au point de vue humain, il fallait éviter la spéculation sur les terres appelées à bénéficier de l'irrigation et, d'autre part, il fallait éduquer des tribus qui se montraient parfois hostiles. Le premier point fut réglé par le dahir de 1938 qui interdit l'achat des terres dans le périmètre du Tadla par des étrangers aux tribus intéressées. Les petits propriétaires marocains furent ainsi protégés contre leur propre inexpérience et l'on évita de voir une masse de fellahs déracinés, ayant vendu leur maigre portion de steppe pour une bouchée de pain, aller grossir le prolétariat urbain des « bidonvilles ». Le second point, l'éducation du paysan, fut mené à bien dans le « périmètre-témoin » déjà irrigué des Beni-Amir de l'Est. Dix-neuf secteurs de 1 000 ha furent progressivement délimités, avec chacun à leur tête un moniteur français chargé de conseiller les paysans sur le plan technique : distribution de l'eau, recherche d'assolements, d'engrais, prêt de semences, d'outils, etc. Des groupes mobiles de motoculture rayonnent depuis 1945 dans les divers secteurs. Enfin, l'Office exploite plusieurs fermes modèles, analogues dans leur rôle d'éducatrices aux sovkhozes soviétiques. On y obtient des rendements élevés. Restaient les deux questions des terres collectives et du remembrement. Celui-ci, en cours dans le Tadla, regroupe en propriétés de dimensions rationnelles le puzzle existant.

Les propriétés s'aligneront le long de grands axes, coupés perpendiculairement par les canaux d'irrigation et les bandes cultivées. Il s'agit en effet, après l'avoir préservée, d'assurer à la petite propriété le bénéfice de la motoculture moderne. Quant aux terres collectives, inaliénables en droit musulman, l'Office passa d'abord (en 1947) un contrat de location avec les tribus, s'engageant à restituer, dans un délai de vingt ans, les terres concédées, avec toutes les améliorations apportées. Ainsi sont nées quatre entreprises dans les Beni-Amir : une pépinière de 100 ha, une association de culture et d'élevage (1 000 ha), une association laitière et une ferme de culture intensive (Sidi-Moussa).

Mais un nouveau stade fut franchi : le dahir de 1951 autorisa, dans certaines conditions, l'aliénation des terres collectives. Les acquéreurs qui prennent l'engagement de résider en permanence sur leurs terres s'engagent à procéder à leurs frais au défrichement, sous-solage et nettoyage d'une superficie égale à celle dont ils ont obtenu la jouissance, au profit des collectivités indigènes, qui la répartiraient entre les fellahs de la tribu. Ils s'engagent, en outre, à payer aux fellahs de quoi acheter un équipement de labour. Ainsi, avec des milliers d'hectares de terres mortes, l'association franco-marocaine fait une « nouvelle Californie »

Les maisons neuves remplacent les tentes d'étoffe

Les résultats déjà obtenus dans le périmètre des Beni-Amir font bien augurer de ce que sera l'œuvre dans l'ensemble du Tadla. De 3 000 ha en 1941, la superficie irriguée est passée à 15 000 en 1945 et à 25 000 en 1952.

Les rendements en céréales, de 3 quintaux en moyenne à l'hectare dans la zone non irriguée, passent ici à 14 et, en certains cas, à plus de 20. Le coton, sur lequel on compte beaucoup, à rendu, en 1951, 14 quintaux à l'hectare d'un coton à longues fibres, comparable à celui d’Égypte. Cultures maraîchères, plantes à parfum (menthe poivrée, géranium), luzernières s'étendent avec d'excellents résultats. Parmi les arbres fruitiers plantés depuis dix ans, on compte 500 000 oliviers, 250 000 grenadiers, amandiers, figuiers et abricotiers et 160 000 plants de vigne. On ne perd pas de vue la question des arbres coupe-vent, eucalyptus et cyprès, destinés à limiter l'érosion éolienne et à protéger les cultures. L'élevage bovin tend à remplacer de plus en plus les races locales, d'un médiocre rapport, par des bêtes de race zaër pure, en attendant d'y substituer la race tarentaise. Quant aux ovins, il a fallu momentanément interdire leur pacage afin de protéger les jeunes arbustes, mais un bel avenir est quand même réservé à leur élevage selon des méthodes évidemment plus rationnelles. La mise en valeur de la plaine entière s'inspirera des enseignements recueillis dans la zone des Beni-Amir. En se gardant bien de la monoculture, dont les dangers économiques sont considérables, on prévoit, pour 1957, qu'on produira : 9 000 tonnes d'abricots, 11 000 tonnes de figues, 1 500 tonnes d'olives et 1 200 tonnes d'amandes. La commercialisation de ces récoltes demandant à être prévue dans le détail, des conserveries, des huileries, des installations de séchage sous diverses formules et des coopératives sont à l'étude. Sur le plan social, enrichissement certain chez les bénéficiaires de l'irrigation ; on le constate aux achats de bétail, aux maisons neuves qui remplacent les tentes d'étoffe, les moualas de branchages et les mechtas de torchis, à l'amélioration de la nourriture et du vêtement, etc. Chez les Beni-Amir, il existe aujourd'hui neuf écoles fréquentées par 1 300 élèves ; il n'y en avait aucune en 1941. L'agglomération de Fquih-ben-Salah, inexistante cette même année, abrite 8 000 habitants, dont 500 Européens. Elle possède ferme-école et infirmerie moderne avec bloc-opératoire. 

Une véritable entreprise de civilisation

Sur le plan psychologique enfin, cette révolution agraire a entraîné une transformation complète des esprits. Une tradition d'infortune et de soumission aveugle au cours naturel des choses, expression de la volonté divine, avait enseigné aux fellahs à se résigner docilement à la fatalité. Une sagesse tout empirique se dégageait de cette résignation islamique, fondée sur le mépris d'un labeur réputé stérile. Aujourd'hui, le fellah, surpris de la productivité de la terre, et constatant que sa culture peut l'enrichir, réclame l'eau nourricière. La révolution s'étend à sa façon de concevoir les choses, à sa hiérarchie des valeurs, bref à tout son « genre de vie », déjà très transformé. C'est là l'aspect le plus original de l'œuvre entreprise au Tadla ; au-delà de l'exploitation de richesses abandonnées, elle éduque l'homme et lui donne les moyens de vivre de sa terre, à laquelle il se sentira désormais attaché. La stabilité de la population rurale est ainsi sauvegardée et, par là même, en partie, l'équilibre humain du jeune Maroc. Cette entreprise de civilisation doit servir d'exemple, non seulement pour les zones des Doukkala et des Triffas, qu'on envisage d’irriguer, mais pour tous les fellahs du Maroc.

Paul Wagret

TADLA, PLAINE DE POLYCULTURE ET D'ÉLEVAGE

Le coton à longues fibres du Tadla peut rivaliser avec les meilleurs cotons d’Égypte. Ce sera l'une de ses principales ressources, mais de nombreuses autres s'y ajouteront : arbres fruitiers, cultures maraîchères, céréales, dont le rendement atteint déjà 20 quintaux à l'hectare, plantes à parfum, luzernières, vignes, etc. De nombreuses installations de séchage, stockage et de mise en conserve sont prévues pour les abricots, figues, amandes, etc., ainsi que des huileries pour les oléagineux. L’élevage des bovins est en pleine évolution, peu à peu des races plus pures vont remplacer les races locales : celui des ovins subit une éclipse, qu'on espère passagère, par suite de la nécessité de protéger les arbustes.

Commentaires : Des faits, des réalisations connus et décrits de nombreuses fois mais ici ce qui semble important pour Paul Wagret est l’aspect « entreprise de civilisation » mis en avant, pourtant ... Diên Biên Phu, 07 mai 1954. 70 ans après cet article, le Tadla retourne peut-être tout doucement à son état « ante-civilisationnel », faute d’eau. Combien de semaines de pluies faudra-t-il pour que les barrages du bassin de l’Oum er-Rbia se retrouvent pleins, pour que les printemps soient de nouveaux doux et verts, eux qui sont devenus caniculaires et ocres ?

Photographies, ici

© Copyleft Q.T. 02 mai 2024

KASBA-TADLA SUPPLANTÉ PAR BENI-MELLAL

MAROC – MONDE du vendredi 27 novembre 1953 (Source, gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)

BENI-MELLAL, OASIS ET CENTRE ÉCONOMICO-SOCIAL DE LA RÉGION ATLAS-TADLA

En nous rendant à Bin-el-Ouidane, ce fameux barrage d'où jaillira bientôt l'abondance pour de vastes contrées du Maroc, nous avons fait halte dans cette oasis magnifique que, dans la vilaine désertique du Tadla, représente Beni-Mellal, pittoresque village accroché au flanc de la montagne dans un nid de luxuriante verdure. Si, laissant derrière soi les rues populeuses du quartier marocain on s'élance avec la route entre les oliviers qui de toute part enserrent la ville pour aller admirer cette vieille kasbah qui, voici quelques années, fut restaurée par M. Ecorcheville sans nulle atteinte à sen harmonie, comment ne pas se laisser charmer par la douceur de ces lieux humides qu'emplissent, parmi la touffeur d'une verdure aux mille nuances, des rumeurs de cascades ? Au loin, la plaine, ses violets et ses bleus intenses ...

Afflux de population dans la Région de Beni-Mellal

Mais à cause des travaux importants qui s'effectuent actuellement à Bin-el-Ouidane, Aït-Ouarda et Afourer, Beni-Mellal n'est plus aujourd'hui uniquement un village pittoresque. Il est devenu la véritable capitale de toute une région qui est appelée à jouer un rôle particulièrement important dans le Maroc de demain. De partout, des Arabes et des Berbères y affluent à la recherche du travail. Les quartiers indigènes sont déjà surpeuplés et, ici comme ailleurs, l'administration aura à s'occuper de l'épineux problème du logement. Mais ce que nous ignorions et ce que nous avons appris à Beni-Mellal, c'est que la construction des barrages a attiré et continue à attirer une très nombreuse population européenne. De France, d'Algérie, d'Espagne, d'Italie, des hommes et des familles sont venus y chercher du travail. On en compte à l'heure actuelle environ 5 000. Beaucoup certes habitent dans les cités provisoires construites à proximité des barrages, mais très nombreux sont aussi ceux qui se sont fixés à Beni-Mellal. Est-il nécessaire de souligner combien tous ces gens se trouvent ici dépaysés ? Qu'on s'efforce seulement d'imaginer ces femmes de petits ouvriers de France, arrachées à leur banlieue de grande ville, à leur « meublé», pour venir atterrir du jour au lendemain dans une maison du bled, souvent de style marocain où, tout en payant certainement un loyer très élevé, mais parce qu'elles pourront prendre comme domestique une femme du pays, s'imagineront avoir complètement changé de vie ... Les enfants sont, eux aussi, soumis au même complet bouleversement. S'adapter… C'est évidemment beaucoup plus facile à dire qu'à réussir. Et dans bien des cas, c'est la détresse, la déception, l'amertume, quand ce n'est pas le foyer brisé, car l'homme, employé au barrage ou à l'une ou l'autre des entreprises annexes, ne rentre chez lui la plupart du temps qu'à la fin de la semaine … Et que deviendront ces milliers de « déracinés » une fois le gros des travaux achevé ? C'est la question angoissante qui se pose à l'heure où déjà on commence à licencier du personnel ...

La terre a pris de la valeur

La terre à Beni-Mellal et dans les environs ne coûtait à peu près rien naguère. Privée d'eau, elle était dans l'ensemble à peine cultivable et le colon européen l'aurait dédaignée. Mais dès que jailliront les eaux de Bin-el-Ouidane, le désert reverdira … C'est ce qui explique la spéculation effrénée dont, depuis deux ou trois ans, ces terres sont l'objet. Des sociétés et des particuliers achètent aux autochtones des lopins de terre, les groupent et les défrichent. D'importantes entreprises de défrichement se sont installées à Beni-Mellal et ont déjà presque fini de rendre irrigables ces milliers d'hectares. Qui s'étonnera dans ces conditions que les prix des terres se soient décuplés en très de temps. Les fellahs, même si la plupart d'entre eux ne sont pas encore à même d'évaluer les bienfaits de l'irrigation à venir, ne s'en rendent pas moins bien compte de la convoitise dont leurs terres sont aujourd'hui l'objet et, tout naturellement, ils en profitent … Afin de protéger les propriétaires indigènes de leur propre ignorance et pour les mettre à l'abri des spéculations, l'Administration a été amenée à faire prendre en juillet 1938, et à titre strictement provisoire, un dahir interdisant l'achat de terres dans le périmètre irrigué, par tout étranger à la tribu. Ce dahir a été abrogé dernièrement. Mais on a pu ainsi éviter que les populations rurales du Tadla, qui sans cela eussent été rapidement dépossédées à bas prix de leur patrimoine, n'aillent grossir le prolétariat urbain. À l'heure actuelle, la propriété, dans le périmètre irrigué sur la rive droite, se répartit comme suit :

- Terres individuelles appartenant aux fellahs : 20 250 hectares ;

- Terres collectives : 1 200 hectares ;

- Domaines de l’État : 350 hectares ;

- Patrimoine de l'Office : 2 200 hectares ;

- Terres de colonisation : 3 000 hectares.

L'aspect social n’est pas à négliger

Mais en passant à Beni-Mellal, comment ne pas aller visiter le magnifique centre social que l'Entraide franco-marocaine a lancé, voici quatre ans, dans le pays. Sous la dynamique et très généreuse direction de Mlle Jacoliot, une magnifique œuvre d'amitié franco-marocaine a été réalisée. Mlle Jacoliot elle-même s'occupe tout particulièrement des écoles de Beni-Mellal et de la région (dépistage de maladies, isolement des jeunes tuberculeux, orientation vers les préventoriums, etc.). En outre, Mlle Jacoliot a entrepris de venir en aide à ces innombrables foyers de transplantés auxquels nous avons fait allusion. Elle connaît bien le pays : elle peut les conseiller, les guider, leur indiquer les démarches à faire et dans quel sens il convient de les faire. Et surtout elle leur apporte le réconfort de sa présence, de sa compréhension. Un peu de chaleur humaine ... N'est-ce pas là le sens profond de toute véritable entraide ? Sa collaboratrice, Mme Audebert, dirige le dispensaire où, tous les jours, elle donne des soins à plusieurs centaines de personnes. Certaines viennent de très loin, font parfois dix, vingt kilomètres pour venir chercher une guérison, souvent improbable malheureusement, parce que le mal est déjà trop avancé … Mais ce qui se fait, se fait. Grâce à ces deux femmes courageuses et dévouées, même dans le domaine médical et social, Beni-Mellal représente pour le moment un véritable centre pour la région. De l'irrigation naîtront un jour prochain, avec les cultures nouvelles, les villages, les centres administratifs, les écoles et les infirmeries qui les accompagnent.

Maguy MORTIER.

Commentaires : J’avais déjà compris que l’édification du barrage de Bin el-Ouidane fut le point de bascule pour Kasba-Tadla, le moment du déplacement du centre de gravité du Tadla, le temps de l’endormissement tadlaoui débutait. Maguy Mortier affiche une magnifique candeur. Quand je pense aux pauvres familles européennes déracinées qui affluèrent à Beni-Mellal, me revient en tête le mouvement inverse de travailleurs nord-africains seuls, trimant, rentrant le soir dans leur gourbi de cartons et de tôles dans un bidonville français. Certes Mlle Jacoliot et Mme Audebert s’occupent des indigènes et les soignent, que Dieu les bénisse pour leur dévouement, mais ne négligent pas les pauvres déracinés européens. On notera aussi la candeur, liée à l’époque, face aux bienfaits, à la richesse qui découlera de toute cette région irriguée. Merci à la Bibliothèque nationale de France de nous faire revivre ses heures glorieuses du progrès technique et social.

© Copyleft Q.T. 29 avril 2024

UN MORVANDIAU À KASBA-TADLA (ÉTÉ 1951)

extraits de MICHEL BAROIN, Les secrets d'une influence par Jean-Michel BLANQUER (Librairie Plon 1992) (visibilité partielle sur gallica.bnf.fr (https//gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33348160/f9.vertical) ou ici (https://excerpts.numilog.com/books/9782259024938.pdf) ou sur https://books.google.fr/)

pages 30 à 33 du chapitre 2 intitulé, Sciences po + modèle paternel = Police

L'été 1951 promet des réjouissances plus exotiques que d'ordinaire. Michel a décidé en effet de joindre l'utile à l'agréable. Il a proposé à l'un de ses professeurs, spécialiste du Maghreb, Charles-André Julien, de rédiger sous sa direction un mémoire sur « Le nationalisme marocain ». Deux cousines qui habitent le protectorat français sont prêtes à le recevoir et le jeune Baroin affirme qu'il pourra recueillir sur place des renseignements de première main. Le projet est accepté et voilà notre Morvandiau qui traverse pour la première fois la Méditerranée.

Le coup de foudre pour la terre et les hommes d'Afrique du Nord fut instantané. Il apprécia tout de suite ce pays écrasé sous le soleil où les habitants ont gardé les manières et les allures de leurs origines paysannes. De ses premières impressions, il tire une certitude immédiate : le Maroc, c'est déjà l'Orient. Pour s'en convaincre, «il n'est que d'entendre dans le calme du jour qui point (...) résonner la complainte monotone du Muezzin appelant les fidèles à la prière » (1).

En vertu d'une hospitalité que, dans ces régions, les Européens ont su apprendre des Arabes, il est accueilli comme un prince par ses cousines. Elles lui font découvrir un Maroc méconnu où les paysages déserts succèdent aux foules grouillantes des villes.

Rapidement, Michel commence à recueillir des données pour son travail. La situation politique, il la connaît quelque peu pour l'avoir étudiée avant son voyage. Sur place, ses observations viennent confirmer l'opinion qu'il s'était formé : la France est en train de perdre le Maroc parce que aucune politique moderne n'est véritablement entreprise pour partager les pouvoirs et donner à chacun un rôle et une dignité.

Comme un membre de sa famille travaille dans la police, il le suit au cours de ses enquêtes. Il va dans le Tadla, au pied des monts du Moyen-Atlas où les premiers attentats sont commis. Il est reçu par le contrôleur civil de Kasba-Tadla. Il découvre des villages, comprend les intrigues qui se fomentent et les mouvements qui se développent; surtout, il discute beaucoup avec des interlocuteurs de rencontre, caïds, responsables nationalistes ou simples citoyens.

En participant à une enquête sur l'assassinat de deux instituteurs, il se rend compte, en parlant avec les Marocains, de l'importance de l'infiltration du parti démocrate de l'indépendance, du parti communiste et, surtout, de l'Istiglal. Ce mouvement s'appuyait en grande partie sur les zaouias, sortes de confréries religieuses qui l'intéressèrent beaucoup. N'avaient-elles pas en particulier pour principes « la discrétion absolue » et « la solidarité avec les frères » ?

Mais les partis et les clans importaient peu. Au-delà de tout ceci, l'évolution profonde du pays, la dissolution de ses liens avec la métropole, ne pouvaient lui échapper. Il en comprit la nature lorsqu'un Marocain lui déclara un jour : « Je ne suis pas particulièrement attaché à l'Istiqlal ou au PDI (2), mais je suis un bon musulman. »

La population du Maroc a déjà tiré un trait sur la France et Baroin s'en désole. D'abord parce qu'il aime cette terre et qu'il voudrait qu'elle garde des liens avec son pays. Ensuite, par patriotisme car c'est un peu de l'Empire français qui va encore s'évanouir ; par humanisme aussi car il pense que le Maroc n'est pas mûr pour l'indépendance et que, faute de cadres, il va passer d'une dépendance plutôt bienveillante à la dépendance plus dure d'une autre puissance. Enfin, justement, par souci stratégique, car il pense que les intérêts américains, espagnols et surtout soviétiques s'apprêtent à fondre sur cette proie sitôt qu'elle sera laissée à son sort.

Il repart donc en métropole le cœur mêlé de sensations chaudes et de froide amertume d'avoir vu de ses yeux tant de beautés et tant de gâchis.

Dès la rentrée, il s'attelle à la rédaction de son mémoire et y ordonne ses observations et impressions. Il rédige là en réalité un document étonnant qui, quarante ans plus tard, n'est pas dépourvu de saveur. Le récit s'éloigne quelque peu de la neutralité, du recul et du bon ton qui prévalent ordinairement rue Saint-Guillaume. La passion est à fleur de mot, avec une rage à peine contenue devant les occasions manquées et les incompréhensions mutuelles. Pour lui, l'indépendance est plus que probable mais, à trop court terme, elle est regrettable. C'est une position courageuse puisqu'il sait que son correcteur, ancien membre du cabinet de Léon Blum, est un partisan affirmé de l'indépendance immédiate.

Peut-être est-ce pour compenser les éventuelles conséquences de son opinion dissidente qu'il n'hésite pas au début du mémoire à sacrifier à la loi du genre en écrivant à propos d'émeutes survenus en 1937 : « M. Charles-André Julien relate cet événement dans son remarquable ouvrage l'Afrique du Nord en marche.» Deux ans de Sciences po lui ont donc tout de même appris ce qu'étaient déférence et diplomatie.

Quoi qu'il en soit, la spécificité de ce travail est qu'il s'apparente davantage à un rapport rendu à un supérieur pour lui indiquer des voies d'action qu'à un mémoire d'étudiant. On retrouve là un caractère très pragmatique, sans cesse préoccupé par les conséquences pratiques de ses vues théoriques.

Il y a aussi quelque chose d'un peu policier au long des quelque quatre-vingts pages du texte. Les acteurs en présence sont décrits avec force détails. Ainsi, les responsables de chaque parti sont examinés tant du point de vue de leur biographie que de leur caractère dans un style qui rappelle davantage une fiche de renseignements généraux qu'un devoir d'étudiant.

De plus, des vues stratégiques de bonne tenue sont exprimées avec le réalisme et la froideur d'un analyste des services de renseignements.

Finalement, la passion pour le sujet reprend ses droits et il conclut sur un vibrant plaidoyer en faveur d'une politique plus généreuse et plus ambitieuse car, ajoute-t-il, « ce n'est qu'ainsi par l'entente, l'amitié, en partant comme le faisait Pavie « à la conquête des cœurs » que l'on peut bâtir quelque chose de solide ».

Les deux traits majeurs de sa personnalité sont ici révélés, comme deux sabots qu'il utiliserait successivement pour mieux avancer. D'un côté, l'élan du cœur qu'aucune fausse pudeur ne vient voiler ; de l'autre, un hyperréalisme écartant toute rêverie et toute illusion.

Ce long travail enfin accompli, il a maintenant tout son temps pour se consacrer à son nouveau programme.

(1) Extrait du mémoire de Michel Baroin

(2) Parti démocrate de l'indépendance.

Commentaires :

- « les habitants ont gardé les manières et les allures de leurs origines paysannes », comme tous les Humains descendants de chasseurs-cueilleurs, une phrase de remplissage comme beaucoup d'autres dont on ne sait pas si elle relève de l'admiration ou du mépris ;

- « le Maroc, c'est déjà l'Orient. Pour s'en convaincre, - il n'est que d'entendre dans le calme du jour qui point (...) résonner la complainte monotone du Muezzin appelant les fidèles à la prière », Michel Baroin et Jean-Michel Blanquer associent Orient et Islam dans un raccourci inquiétant pour des intellectuels issus de Sciences Po ;

- « Il va dans le Tadla, au pied des monts du Moyen-Atlas où les premiers attentats sont commis », quels sont les attentats commis au Tadla ? La série de meurtres par le fou du Tadla entre le 09 mai et le 15 mai 1951 ?

- « En participant à une enquête sur l'assassinat de deux instituteurs, il se rend compte, en parlant avec les Marocains, de l'importance de l'infiltration du parti démocrate de l'indépendance, du parti communiste et, surtout, de l'Istiqlal. » ; il faut attendre quelques lignes pour comprendre le mot infiltration, « Je ne suis pas particulièrement attaché à l'Istiqlal ou au PDI, mais je suis un bon musulman. » ; les partis marocains sont infiltrés par la mouvance islamique ; « infiltration » ancienne que son professeur Charles-André Julien devait avoir déjà appréhendée, on est loin du scoop d'un étudiant ; « Le nationalisme marocain eut deux sources majeures d'inspiration au XXe siècle. La première passe par les mosquées, c'est l'idéologie salafiste (qui prône le retour aux sources de l'islam pour faire renaître le monde musulman jugé décadent), doctrine importée des réformistes religieux proche-orientaux comme Mohammed Abdou, et répandue au Maroc par le cheikh Abou Chouaïb Dukkali. À partir des années 1920, elle marque profondément les étudiants de la Quaraouiyne, comme Allal el Fassi ou Mokhtar el Soussi (Penseurs maghrébins, 1993). », Pierre Vermeren, Histoire du Maroc depuis l'indépendance, La Découverte, 2016 (disponible sur https://archive.org/) ;

- « La population du Maroc a déjà tiré un trait sur la France et Baroin s'en désole. D'abord parce qu'il aime cette terre et qu'il voudrait qu'elle garde des liens avec son pays. » Michel Baroin n'a pas 21 ans quand il séjourne au Maroc à l'été 1951 pour la première fois, guidé par des membres de sa famille, en saisit de suite la complexité, discute avec aisance avec les caïds et les fellahs, en tombe amoureux selon Blanquer, coup de foudre amoureux ou anticipation du coup d'après ; Baroin et Blanquer restent dans un universalisme issu d'une pensée refermée sur elle-même, centrée sur l'occident, avec un imaginaire colonisé par de multiples clichés dont ils sont incapables d'analyser la perversité redoutable sur le raisonnement le plus architecturé ; « L'universalisme, comme tous les « ismes », est une doctrine. Je l'identifie à cette notion selon laquelle une région du monde serait porteuse de l'universel. Aimé Césaire disait que « notre monde a besoin d'un universel riche (...) de tous les particuliers ». C'est-à-dire un universel qui ne soit pas dicté par un supposé centre du monde, mais un universel horizontal, tel que des cultures et des langues qui se rencontrent et convergent le produisent ensemble. » Souleymane Bachir Diagne (Le Monde du 02 avril 2022) ;

- « De plus, des vues stratégiques de bonne tenue sont exprimées avec le réalisme et la froideur d'un analyste des services de renseignements. », « un hyperréalisme écartant toute rêverie et toute illusion. », ainsi se trouve justifié le titre du chapitre 2 en forme d'équation énigmatique ;

- « deux sabots qu'il utiliserait successivement pour mieux avancer », on comprend mieux l'adhésion au en-même-temps macronien de Blanquer.

© Copyleft Q.T. 02 avril 2022 modifié le 11 août 2023

FOUAD LAROUI ET LES CHIENS ERRANTS

Ce n'est pas très compliqué d'écrire, disait Thomas Bernhard, il suffit d'incliner la tête et de laisser tomber tout ce qu'il y a dedans sur une feuille de papier. Emmanuel Carrère - Yoga (Éditions P.O.L., 2020)

Aucune envie d'écrire sur les chiens marocains qui par leurs aboiements nocturnes continuels polluent notre sommeil et puis je lus un livre de Fouad Laroui, Méditations marocaines (Éditions Zellige, 2018). Je n'apprécie pas trop cet auteur marocain, à la fois par le fond de ses livres qui se veulent un miroir de notre monde alors qu'ils shuntent l'essentiel et leur forme, une écriture facile et bâclée avec constamment une injonction à rire de formules ou situations qui se veulent humoristiques, ironiques et qui, en réalité, sont assez pathétiques comme leur auteur. Je lus donc Méditations marocaines, recueils de chroniques parues sur le site 360ma : Site marocain indépendant d'information généraliste et de décryptage annonce Google aussi ironique dans sa présentation que Fouad Laroui veut l'être. J'en retins deux chroniques, une sur les chiens que je livre ici (texte photographié puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) et une autre sur le Sahara occidental qui montre l'égo surdimensionné de l'auteur.

Nos amies les bêtes

Quand j'étais petit, encore élève à l'école Charcot d'El Jadida - comme c'est loin, tout ça ... - j'assistais parfois, avec d'autres gamins tout aussi éberlués, à une sorte de western urbain : le plus fameux policier j'didi de l'Histoire, un certain Z..., faisait une tournée dans un camion appartenant à la commune. Dressé dans la benne, qui était rempli de sable, le fusil au poing, l'œil terrible, le Rambo des Doukkala tirait sur les chiens errants qui avaient le malheur de se trouver sur son passage. Un comparse moins gradé allait ensuite ramasser les cadavres des pauvres bêtes assassinées pour les jeter dans la benne - on comprend maintenant pourquoi elle était remplie de sable : c'était pour absorber le sang.

Ne croyez pas que ledit Z... était une sorte de pervers cynophobe : il faisait tout simplement son boulot. C'est comme cela que la commune d'El Jadida réglait alors la question des chiens errants, susceptibles de propager la rage. (Un jour, Z... tomba gravement malade, victime d'une paralysie faciale. Les J'didis ne manquèrent pas de dire que c'était l'âme d'un chien qui se vengeait ainsi de lui - mais c'est une autre histoire.)

Bref, je croyais ces temps révolus, mais voilà qu'on apprend, à l'occasion d'un fait divers horrible (cette pauvre bête martyrisée par des crétins adeptes de sorcellerie), que la gestion des animaux, si l'on ose dire, laisse encore à désirer chez nous. Nous ne sommes pas encore le plus beau chenil.

Il paraît que certaines municipalité mettent du poison dans les jardins publics, ce qui n'est pas parce que ça peut toucher des animaux domestiques parfaitement sains, ou même des enfants. D'autres emmènent les chiens à la fourrière et les euthanasient, mais pas en douceur : avec un poison violent qui entraîne une terrible agonie. Il y a aussi des municipalités qui font des tournées exactement comme celle dont je fus témoin dans mon enfance. À Kh..., il y a quelques semaines, un brave homme a essayé de s'interposer, il s'est retrouvé devant le caïd qui lui a passé un savon. Quelle idée aussi d'avoir pitié des chiens errants !

Soyons clair (comme disait je ne sais plus qui) (2) : les villes et les communes ont raison de s'occuper du problème des chiens errants, qui peuvent attaquer les citoyens et propager la rage. Si elles ne le faisaient pas, on le leur reprocherait. Mais est-ce trop demander que cela se fasse avec un peu d'humanité, un minimum de compassion ? Il paraît que le niveau de civilisation d'un pays se juge par le sort qu'il fait aux handicapés. D'accord. Et si on y ajoutait : le sort qu'il fait aux animaux ?

2 : Allusion au ministre (de la Communication...) Mustapha Al-Khalfi qui, lors d'une interview à Europe 1, en février 2015, ne cessait de répéter : « J'ai été clair » alors qu'il n'avait en fait rien dit d'intelligible.

Commentaires : Brigitte Bardot n'aurait pas écrit plus mal. Le problème de ce type de défense de la cause animale reste son étroitesse d'esprit, réduisant le monde animal à ce qui dans l'évolution nous demeure proche, et excluant de fait le plus grand nombre et la plus grande masse (au sens physique du terme) des animaux : les invertébrés. Peu de gens réalisent des documentaires sur le ver de terre, grand laboureur, alors que sur YouTube prolifèrent des vidéos sur le sort des pauvres chiens errants marocains, qui en plus de japper toute la nuit, agressent et provoquent même la mort. On aimerait également avoir l'avis savant de Fouad Laroui, sur les élevages intensifs de poulets au Maroc, poulets qu'il retrouve dans son tajine concocté, peut-être par une petite bonne arrachée à sa famille contre une poignée de dirhams. 

Il y eut un temps où en sortant du cinéma Chantecler, il suffisait d'un caillou pour éloigner les quelques chiens errants qui se disputaient un morceau à manger sur la décharge à ordures située dans un ravin en lisière de la ville, à l'Est (le ravin est toujours visible) ; la journée aucun chien. Puis vint le temps des chiens animaux de compagnie avec leurs déjections, comme en France. Aujourd'hui nous sommes dans le temps des chiens errants, agressifs qui toute la journée baguenaudent dans les jardins, tournent autour des containers à ordures et sortent leurs crocs à tou.tes les passant.es.

On nous vante la stérilisation comme alternative à l'abattage, certes, mais les vétérinaires marocains suffiront-ils pour effectuer cette tâche qui semble immense ? Dans un article paru le 29 septembre 2022 sur le site Maroc-hebdo-press, la maire de Casablanca révèle le chiffre dérisoire de 250 000 chiens ramassés annuellement dans sa ville ; on parle de 40 000 chiens à Tanger. Le décompte a-t-il été fait pour les campagnes ? Mais d'où viennent tous ces chiens ? On parle aussi de l'expérience turque : à Istanbul les chiens étiquette à l'oreille, stérilisés et recensés, n'aboient pas, on se pose dans un jardin en toute tranquillité (observation personnelle, juillet 2021).

Le 31 janvier 2022 j'écrivais sur le forum DAFINA, sur la page consacrée aux CHIENS DE GARDE AU MAROC :

Dans un livre de 1980, Les Marocains, Éditions Arthaud-voir vivre, Jean Delorme rapporte à la page 10 :  A propos de voleurs, les résidents ne se fient pas uniquement à leur chien de garde. Les malandrins savent fort bien l'effrayer sans bruit. Il leur suffit de s'enduire de graisse de hyène ou de lion, qu'ils se procurent sur le souk. Les chiens craignent terriblement les odeurs caractéristiques de ces animaux sauvages, et vont se cacher en tremblant pendant que le cambrioleur opère ; ils n'aboient même pas. Dans le paragraphe suivant l'auteur évoque des amulettes comme une vertèbre humaine que l'on pouvait se procurer sur les souks il y a une vingtaine d'années, soit dans les années 1960. Je vais regarder si par hasard ces produits, qui ont disparu des souks il y a fort longtemps, si jamais ils y étaient présents, sont disponibles sur Amazon ... Jean Delorme n'affabulait peut-être pas ; on observe dans des souks très reculés, comme celui de Tleta Beni Zrantel, des marchands qui proposent des « objets » improbables, dans des bocaux, à la vente.

Fouad Laroui incline probablement souvent la tête.

© Copyleft Q.T. 13 novembre 2022

KASBA-TADLA EN VENDÉE

Les mécanismes de mémoires orales apocryphes me fascinent. Emilio Sanchez Mediavilla - Une datcha dans le Golfe (Métailié, 2022)

L'occurrence Kasba-Tadla rentrée dans un moteur de recherche aboutit, entre autres, à Cholet, où existe un restaurant, « Kasba-Tadla ». Le propriétaire de ce restaurant, Mohamed Fakhiri, publie en 2021 un livre intitulé : Marocain de naissance, Français de cœur. Comme pour toute aventure littéraire locale, la presse régionale rencontre l'auteur. On ne nomme pas un restaurant Kasba-Tadla par hasard.

Site Internet de OUEST-FRANCE, Sylvain AMIOTTE. Publié le 15/11/2021 à 08h31

ENTRETIEN. Mohamed Fakhiri, doyen des restaurateurs à Cholet : « L'amour, secret de la réussite »

Il sert son couscous depuis 42 ans à Cholet (Maine-et-Loire). À 72 ans, le plus ancien restaurateur de la ville témoigne de son parcours d'immigré dans un livre intitulé Marocain de naissance, Français de cœur.

Mohamed Fakhiri, devant sa couscousserie Kasba Tadla (nom de la ville natale de son père) ouverte en 1979, se présente comme le doyen des restaurateurs à Cholet.

Doyen des restaurateurs à Cholet (Maine-et-Loire), à la tête de la couscousserie Kasba Tadla depuis 1979, Mohamed Fakhiri, 72 ans, témoigne de son parcours d'immigré dans un livre intitulé Marocain de naissance, Français de cœur. Entretien.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

C'était un besoin. Ce n'est pas commun de rester 42 ans au même endroit. J'ai servi des clients jusqu'à la 4e génération. La plupart ne savent pas vraiment qui je suis.

En me mettant à nu, ce livre est aussi une thérapie. J'y raconte la séparation avec mon pays, ma famille et mes amis, à l'aube de mes 20 ans. Plusieurs blessures aussi. Celle d'avoir été, bébé, arraché à mes parents, qui étaient très pauvres, par ma tante. J'ai vécu avec elle dans l'opulence, mais en manquant d'amour.

La blessure aussi d'avoir été forcé de quitter l'école à l'âge de 16 ans alors que j'adorais ça. La séparation avec ma femme, également, après 36 ans de vie commune, et avec mon fils adoptif Mehdi pendant plusieurs années.

Vous pensez que votre témoignage peut être utile ?

Cela peut aider certaines familles à ouvrir les yeux. Quand on veut donner de l'amour à un enfant, ce n'est pas avec de l'argent et des choses artificielles.

Pourquoi avez-vous quitté le Maroc en 1971, il y a 50 ans ?

J'étouffais intellectuellement. L'horizon était bouché. Je voyais mes parents pauvres et je voulais les aider, ainsi que mes deux frères et mes deux sœurs. C'était impossible en travaillant dans le privé, au Maroc, avec à peine 2,50 € par semaine. Il ne me restait qu'une seule porte : partir dans un pays dont je connaissais la langue.

Vous avez enchaîné les petits boulots dans la région avant d'ouvrir votre restaurant à Cholet en 1979. Comment vous êtes-vous lancé ?

En 1976, j'ai d'abord tout laissé tomber pour acheter un camion et vendre des frites. Un jour, à Jard-sur-Mer, un client m'a demandé un couscous. Je me déplaçais l'hiver sur les foires et les sorties de stades, l'été sur la côte. Les gens me suivaient pour mon couscous, car ils n'en trouvaient pas d'aussi bons ailleurs. Je me suis lancé, sans argent, sans rien. Le restaurant a démarré en flèche. Il n'y avait pas de couscousserie à Cholet. Et je suis le dernier, encore aujourd'hui !

Comment expliquez-vous cette longévité ?

Quand je suis parti du Maroc, j'avais la hargne. Les premières années, j'avais la bougeotte, car je me cherchais. Au bout de sept ans de restaurant, seul dans ma cuisine, j'ai compris : je cherchais ma liberté sans le savoir et je l'avais trouvée ici. Le sérieux, le travail, le respect des clients, tout cela a payé. Vous avez beau faire le meilleur couscous du monde, il faut une touche de tendresse pour durer. Je remercie mes clients pour ces 40 années d'amour.

Vous avez pu aider votre famille durant toutes ces années ?

Oui. Je pouvais dormir sur mes deux oreilles, car je savais que mes parents mangeaient à leur faim. C'était ma manière de leur rendre leur dignité. Dès ma deuxième année en France, je me suis battu pour que mon père, meunier, achète le moulin dans lequel il était salarié et ne soit ainsi plus exploité.

Je m'étais juré que mes frères et sœurs soient tous des travailleurs indépendants, et c'est le cas. Je suis un missionnaire infatigable. Ma mère disait qu'il ne fallait jamais envier les autres, mais avancer soi-même.

La famille, c'est le fil de votre vie ?

Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. On ne peut pas vivre sans amour. C'est comme ça que l'on peut avancer dans la vie. Sinon on devient un passager sans âme. Je suis d'ailleurs en train d'écrire un deuxième livre, en forme de lettre à mes parents décédés. J'aimerais écrire leur testament, eux qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école.

« Marocain de naissance, Français de cœur », c'est le titre de votre livre. Que représente la France à vos yeux ?

Tout ce que je suis devenu, c'est grâce aux Français que j'ai rencontrés. Par exemple la personne, à Angers, qui m'avait permis de trouver un travail à mon arrivée, et d'avoir ainsi mes papiers pour rester légalement en France.

Que vous inspire la situation des migrants ?

Je suis outré en voyant tous ces gens qui s'échouent dans la Méditerranée et qui sont dévorés par les poissons. Pour moi, c'est un génocide. Et on reste impassible. Je propose que la France arrête de manger le poisson de Méditerranée, car il a le goût humain.

Il faut s'interroger : pourquoi ces gens-là quittent-ils leur pays jusqu'à en mourir ? Comme moi, ils voulaient partir pour aider leur famille. Je pense surtout à ceux qui restent et qui perdent la seule ressource qui pouvait améliorer leur sort. Aujourd'hui, tous les jeunes Marocains rêvent de partir.

Votre livre témoigne aussi de la mixité, vous qui avez fait votre vie à Cholet avec une Vendéenne...

La mixité est souvent niée, alors qu'elle est là, dans la rue. Il faut l'encourager, au lieu de l'incriminer. C'est la chance de la France. Si on arrête l'immigration, l'économie s'arrêtera. On ne le dit pas assez.

Comment souhaitez-vous partager votre livre ?

J'aimerais aller dans les lycées, les facs, les centres sociaux, pour témoigner et échanger. Je lance un appel.

Marocain de naissance, Français de cœur, en vente au Passage culturel, place Travot, à Cholet. 20 €. Contact : Mohamed Fakhiri, 06 86 88 05 65.

Une année sabbatique

« Retraité » depuis dix ans, Mohamed Fakhiri, 72 ans, a continué d'ouvrir son restaurant chaque hiver du vendredi soir au dimanche midi. Cette fois, il a décidé de prendre une année sabbatique. « Je veux partager mon livre et rendre visite à ma famille au Maroc que je n'ai pas vue pendant deux ans à cause du Covid, alors que j'y vais habituellement deux fois par an. »

Mais il le promet : il rouvrira le restaurant Kasba Tadla en octobre 2022. « Je reprendrai mon crayon éternel, la louche ! Quand je suis dans ma cuisine, je suis heureux. Et je le suis encore plus quand je vois les gens qui se régalent. »

Site Internet du Centre socioculturel LE VERGER

Rencontre avec Mohamed Fakhiri, auteur de « Marocain de naissance et Français de cœur » - le 8 Décembre 2021

Mohamed Fakhiri raconte son parcours entre le Maroc et la France : « Marocain de Naissance, Français de cœur », un livre singulier empreint de sincérité. Mohamed sera présent au Verger le MERCREDI 8 DÉCEMBRE 2021 de 15h à 18h pour échanger sur son livre.

Profitez d'un passage au relais lecture pour venir à la rencontre de Mohamed Fakhiri.

Regards par Michel Caillard, Journaliste.

Cela fait une quarantaine d'années que Mohamed Fakhiri tient l'excellente Couscousserie Kasba Tadsa. Autant dire que cet homme sympathique, souriant, est une célébrité à Cholet.

Quand je suis venu l'interviewer dans le cadre d'une enquête sur la construction du centre commercial des Arcades Rougé, il y a déjà longtemps, il ne m'a pas parlé de ses craintes de commerçant soucieux de son chiffre d'affaires, mais de poésie !

Mohamed, c'est tout ça : un homme surprenant, généreux, d'une extraordinaire curiosité intellectuelle....

Dans le livre de souvenirs qu'il va publier prochainement, il évoque sa jeunesse difficile, son déracinement, son arrivée tout jeune à Angers. Depuis, il a fait des tas de métiers, suivi des formations, fondé une famille, aidé ses parents, ses frères et sœurs restés au pays. Il a réellement « vécu mille vies ».

Avec la mère de ses enfants, il a créé, à Cholet, une association qui accueille des orphelins de la ville de Beni Mellal, au Maroc.

Aujourd'hui, à l'heure de la retraite, il souhaite que ses amis, ses anciens clients, découvrent sa vraie personnalité.

Le titre de son livre : « Marocain de naissance, Français de cœur ».

A réserver dans toutes les bonnes librairies !

Commentaires : Un parcours « exemplaire » d'immigré comme l'écrivent certain.es, surtout une prise de paroles volontaire rare.

Entretien de Mohamed Fakhiri avec une télévision locale, ici

© Copyleft Q.T. 02 décembre 2022