Grand succès pour les permanences mensuelles « France Insomnie à votre écoute »
Le 16 juin 2022 a eu lieu la dernière permanence avant la pause estivale et la reprise en septembre. À cette occasion, Élisa Wrembel, qui participe aux permanences depuis bientôt deux ans dans le cadre de sa thèse de doctorat, a proposé un bilan de ces derniers mois d'échanges. Les informations rapportées dans ce bilan sont donc issues des discours des membres de France Insomnie et traduisent leurs points de vue sur le sujet de l'insomnie.
Genèse
« En 2016, nous avons créé l’association France Insomnie pour rompre l’isolement des insomniaques et œuvrer afin que l’insomnie soit reconnue comme une réelle pathologie aux conséquences graves sur la vie privée et professionnelle, rappelle Françoise Rousseau, vice-présidente de l’association. L’idée d’organiser des permanences “France Insomnie à votre écoute” s’est vite imposée afin d’accroître l’espace de partage et d’entraide.
Les premières permanences ont eu lieu à Lyon, en janvier 2019, le 3e jeudi de chaque mois dans les locaux de la mairie du 6e arrondissement. Face au succès rencontré, nous avons mis en place ces permanences sur Paris à la MVAC (Maison de la Vie Associative et Citoyenne) du 8e arrondissement en septembre 2019, le 2e jeudi du mois.
En mars 2020, avec la pandémie de covid 19, nous avons transformé ces permanences physiques en visioconférences : elles ont lieu chaque 3e jeudi de 18 heures à 19 heures 30. Accessibles à tous les insomniaques, ces permanences numériques nous ont ainsi permis de toucher un plus grand nombre de participants répartis sur tout le territoire.
C’est pourquoi nous avons éprouvé le besoin de faire un bilan des permanences. Les adhérents qui y ont assisté ont apporté de nombreuses informations précieuses à l’association dans le cadre de ses missions et objectifs. »
Cette permanence, un peu différente des précédentes, a débuté avec un tour de table des participants. Chacun s’est donc présenté, décrivant par la même occasion son parcours d'insomniaque. Ces témoignages successifs ont rappelé à quel point les profils des insomniaques peuvent être divers et leurs parcours différents. Ils se rejoignent cependant souvent sur le sujet du stress ou d'événements difficiles. Tous les insomniaques présents ont confirmé avoir passé de longues années à essayer de gérer leur sommeil, oscillant entre périodes d'accalmies et de rechutes. Enfin, l'ensemble des participants s'est accordé sur ce qu'ils ont trouvé et apprécié dans les permanences France Insomnie :
- le soutien et l'écoute qu'ils ont cherchés, parfois en vain, auprès de leurs proches ;
- la possibilité d'échanger avec des « patients comme eux » qui souffrent de la même pathologie ;
- l’opportunité de relativiser au regard de l'expérience des autres.
Élisa Wrembel, Doctorante en Sciences de l’Information et de la Communication, a présenté un bilan des permanences réalisées depuis janvier 2021, en s'appuyant sur les synthèses qu’elle rédige chaque mois et mis en ligne sur le site de France Insomnie. Elle a tout d'abord rappelé le concept de ces événements, qui sont dédiés à l'entraide, au témoignage d'expériences et au partage d'informations. Ils sont organisés en ligne chaque troisième jeudi du mois. À chaque fois, une nouvelle thématique liée au sommeil et à l'insomnie est proposée. Enfin, chaque permanence donne lieu à la diffusion d'une synthèse telle que celle-ci permettant aux adhérents qui n'auraient pas pu être présents de se tenir informés des discussions qui ont eu lieu.
De nombreux thèmes abordés
Pour introduire ce bilan, la doctorante a présenté un panorama des différents thèmes abordés depuis le mois de janvier 2021. Parmi les sujets traités certains étaient en rapport avec l'actualité, comme « le sommeil en temps de pandémie », « sommeil et fortes chaleurs » ou encore « l'évolution du sommeil tout au long de la vie », qui faisait écho à la Journée du sommeil organisée par l'INSV (Institut National du Sommeil et de La Vigilance). D'autres concernaient les méthodes naturelles pour améliorer le sommeil, les moyens de s'occuper pendant un éveil nocturne ou plus généralement de lutter contre l'insomnie ou encore les liens entre l'insomnie et les difficultés professionnelles. Au cours de cette année et demie de permanences, les troubles du sommeil ont été abordés sous des angles très divers qui rappellent à quel point les facteurs liés à l'insomnie sont nombreux, tout comme ses conséquences. Enfin, au-delà des thématiques affichées, les permanences ont surtout été l'occasion pour les participants de témoigner et de partager leurs expériences.
Des parcours complexes
Le premier grand constat retiré des échanges réalisés pendant les permanences concerne les parcours des insomniaques souvent caractérisés par leur complexité. Il est marquant de retrouver dans la quasi-totalité des témoignages un dénominateur commun : celui d'avoir consulté une quantité impressionnante de professionnels de santé ou de praticiens pratiquant des médecines alternatives. À chaque fois, les participants ont témoigné de parcours alambiqués entre une multitude de professionnels et de disciplines ne parvenant pas à trouver de solution pour améliorer leur sommeil. Ils ont souvent exprimé le sentiment d'avoir « tout essayé », de s'être sentis « baladés à droite à gauche entre différents professionnels » et d'avoir vécu un véritable « parcours du combattant » dans leur quête d'une solution pour mieux dormir. De nombreux témoignages ont également traduit un sentiment d'incompréhension dans la relation aux professionnels, justifié selon certains patients par un décalage entre leur volonté d'exprimer des sentiments intimes et subjectifs sur leur sommeil et la réponse des professionnels, considérée comme « trop pragmatique » et « éloignée de la réalité ». Parce que les parcours des insomniaques sont tous différents, ceux-ci souhaiteraient pouvoir bénéficier d'un accompagnement plus individualisé, sans être « mis dans une case » au regard d'un protocole dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Cette problématique vient aussi des difficultés du système de santé à apporter des réponses au problème de l'insomnie. Bien que des perspectives positives soient annoncées quant aux traitements à venir, la prise en charge de l'insomnie reste complexe pour différentes raisons. Beaucoup de patients décrivent une « impasse thérapeutique ». Ces premiers constats, relatifs au parcours des insomniaques, mettent en avant l'intérêt de proposer des consultations plus longues et dédiées au sujet du sommeil pour permettre au médecin d'avoir une vue d'ensemble sur la problématique et au patient de se sentir écouté. L'amélioration de la formation des professionnels, à travers un meilleur accès à l'information sur la gestion des troubles du sommeil, pourrait également leur permettre d'orienter plus efficacement les patients.
Faire face à l'insomnie
Le second bloc d'informations issu des permanences concerne la gestion de l'insomnie ou comment « faire face à l'insomnie ». Tout d'abord, les permanences ont rappelé qu'il existe souvent des décalages dans les ressentis de l'insomnie. Nous savons déjà qu'il existe différents profils de dormeurs avec des besoins différents et qui peuvent évoluer au cours de la vie. Le sommeil renvoie avant tout à un ressenti subjectif, c'est pourquoi deux personnes qui dorment le même nombre d'heures pourront témoigner de ressentis tout à fait différents. Finalement, les discours des patients ont parfois donné l'impression qu'il existe « autant de types d'insomnies que d'individus ». De la même façon, tous les troubles ne se ressemblent pas. Certains sont ponctuels, liés à des périodes spécifiques et peuvent disparaître grâce à des mesures d'hygiène de sommeil simples. D'autres sont chroniques et s'inscrivent sur le long terme avec des phénomènes de rechutes fréquents. Pour trouver des solutions, la recherche d'informations en ligne est très pratiquée par les membres. Sur Internet, une quantité impressionnante d'informations est mise à disposition du public. Parmi tous ces éléments, il est nécessaire d'organiser un tri et d'adopter un regard critique pour éviter les nombreuses arnaques qui ont tendance à s'appuyer sur la détresse des insomniaques pour leur proposer des traitements dits « miraculeux ». Malheureusement, aujourd'hui ce type de traitement miracle n'existe pas et le chemin vers une amélioration du sommeil nécessite un certain engagement du patient. Pour autant, il faut rester vigilant pour que cet engagement dans la recherche de solution ne se transforme pas en obsession.
Écouter son corps
De la même façon, certains insomniaques ont témoigné d'une focalisation sur les causes profondes de leurs insomnies. Sans juger cette quête parfois utile et personnelle, l'expérience des permanences a démontré qu'elle pouvait parfois devenir nocive. Plusieurs insomniaques ont par ailleurs affirmé avoir trouvé la cause de leurs insomnies sans que cela ait eu d'impact sur leur sommeil. Pour plusieurs adhérents, « il s'agit de chercher à écouter son corps plutôt que de s'obstiner à vouloir trouver la raison pour laquelle on ne dort pas ». Dans les récits, la gestion de l'insomnie semble passer par l'écoute de soi, dans un processus très subjectif. Dans ce cadre, beaucoup d'adhérents ont partagé des points de vue très différents sur une même thérapie. Selon l'un d'entre eux : « Quelque chose peut marcher pour tout le monde sauf pour vous, mais cela marche aussi dans l’autre sens, il s’agit de trouver ce qui fonctionne pour vous ». Cela nécessite aussi d'accepter que l'efficacité des outils puisse être temporaire et qu'il soit nécessaire d'en changer régulièrement. En effet, plusieurs membres ont témoigné d'une forme d'accoutumance à certaines thérapies au bout d'un temps plus ou moins long et de la nécessité de varier les expériences pour conserver un effet sur le sommeil. Le cœur du propos réside donc dans la connaissance de soi, dans l'idée que le fait d'aller mieux s'inscrit dans « un chemin qu'on doit se chercher et chacun a le sien ». Ces différents éléments poussent les insomniaques à demander un meilleur accès à l'information grand public sur le sommeil pour éviter les fausses croyances qui engagent parfois des pertes de temps dommageables pour les patients. Le partage d'informations et de conseils, comme il existe via l'association France Insomnie, permet également d'éviter les pièges et d'être bien informé pour agir plus efficacement sur son problème.
Les traitements médicamenteux
Le sujet des médicaments est revenu lors de la quasi-totalité des permanences organisées par l'association. Il est souvent au cœur des questionnements des insomniaques qui ont témoigné de rapports difficiles avec la consommation de somnifères ou d'autres médicaments. Au cours des permanences, tous ont constaté un réel manque d'alternatives à ces prescriptions qui sont très souvent vécues par les patients comme un réflexe « automatique » de la part des médecins. Il existe en effet un paradoxe entre le fait que ces substances soient remboursées alors que les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC), pourtant indiquées en première intention, ne le sont pas (sauf exception). Bien qu'il soit important de ne pas tomber dans une diabolisation des médicaments, qui ont aidé un grand nombre de personnes à s'en sortir, il semble nécessaire de mieux encadrer leur prescription et le suivi des patients qui ont parfois témoigné de stratégies de sevrage autonomes et potentiellement risquées pour leur santé.
Insomnie et santé mentale
Les liens entre l'insomnie et la santé mentale sont très intimes. Pour les membres qui ont témoigné, il était souvent difficile d'identifier les liens de cause à effet entre la dépression et l'insomnie, de savoir si c'était « la poule ou l'œuf ». Pour autant, plusieurs adhérents ont affirmé s'être senti catalogués par des professionnels de santé qui auraient directement considéré leurs problèmes de sommeil comme une conséquence de leur dépression, alors même qu'ils avaient le sentiment que la dépression découlait des insomnies : « Ce n’est pas parce que je suis dépressif que je ne dors pas, c’est parce que je ne dors pas que je suis devenu dépressif ». Si les deux sont très souvent liés, c'est notamment parce que l'insomnie génère de la culpabilité chez ceux qui la vivent. Au cours des permanences, plusieurs membres ont témoigné d'un sentiment d'échec lié à l'incapacité à réaliser leurs objectifs et au fait de se sentir « endormi dans leurs capacités ». Cette logique de dévalorisation de soi s'est retrouvée chez de nombreux participants qui ont parfois décrit des situations personnelles ou professionnelles très tendues à cause de leurs problèmes de sommeil. Ce sentiment constant de « surchauffe physique et psychologique » les a parfois conduits à avoir l'impression de « survivre plutôt que de vivre ». Dans ce cadre, l'association France Insomnie défend l'importance de mieux accompagner les patients sur le plan psychologique.
Le lâcher-prise et les méthodes naturelles
Pendant les permanences, la question des méthodes naturelles est très régulièrement revenue dans les échanges. Au-delà de calmer les tensions, la pratique d'activités relaxantes permet de focaliser son attention ailleurs que sur les problèmes de sommeil : « la clé n'est pas de chercher à s'endormir, mais de chercher à se détendre ». Les responsables de l'association ont rappelé très souvent l'importance de l'hygiène de sommeil pour gérer les insomnies. Bien que de nombreux insomniaques aient expliqué être lassés de ces mesures répétées pendant plusieurs années, « les choses les plus élémentaires peuvent aider » et beaucoup d'entre eux ont réussi à aller mieux grâce à des changements simples. Enfin, certains sont parvenus à cheminer jusqu'à changer complètement de regard sur leurs insomnies et à les considérer comme une force. Quelques personnes rencontrées dans le cadre des permanences ont notamment expliqué qu'elles avaient décidé de mobiliser leur temps passé à ne pas dormir pour exploiter leur créativité. Ce changement de perspective semble également passer par une forme de lâcher-prise et d'acceptation et constituer l'aboutissement d'un long processus.
Les objets connectés et applications de suivi
Pendant les permanences, le sujet des objets connectés et applications de suivi a parfois été abordé. Avec la multiplication de ces outils sur le marché ces dernières années, les adhérents ont souvent eu besoin du regard critique de l'association. En effet, parmi les services proposés, tous ne sont pas validés scientifiquement. Pour autant, les témoignages ont montré que les applications de suivi du sommeil pouvaient être utiles dans certains cas, notamment pour se « recadrer » de façon ponctuelle, en phase de rechute notamment. Pour certains, elles ont permis de « se prendre en main et d'avoir une prise de conscience ». Toutefois, l'utilisation d'objets connectés pour mesurer le sommeil n'a pas toujours été une expérience positive pour les adhérents. Selon les dispositifs, certains objets ne transmettent pas toujours des données très fiables (ne captent pas la différence entre une position statique dans le lit et le sommeil, etc.) et peuvent même amener le patient à trop se focaliser sur la mesure de son sommeil.
Modes de vie, travail et sommeil
Enfin, les permanences ont été l'occasion d'aborder les liens entre le mode de vie, le travail et le sommeil. Très souvent, la situation professionnelle influe sur la qualité du sommeil et vice-versa. Dans certains cas, le rythme imposé par l'activité professionnelle ne convient simplement pas au rythme biologique de la personne et engendre des situations très compliquées. De nombreux participants ont vécu des arrêts de travail à répétition. Pour plusieurs des personnes qui ont témoigné, le rapport au travail a été encore compliqué par la réaction de leurs supérieurs et/ou collègues qui ont souvent tendance à minimiser le problème. Le manque de prise au sérieux de l'insomnie par la sphère professionnelle (et parfois personnelle) a souvent déclenché un sentiment d'humiliation et beaucoup d'isolement chez les insomniaques. Beaucoup ont témoigné de phrases répétées et qui ont renforcé ce sentiment négatif : « tu as trop fait la fête ! », « la nuit, c'est fait pour dormir » ou encore « si tu es fatigué, tu n'as qu'à dormir ». Dans ce contexte, la sensibilisation de la sphère professionnelle à la réalité de l'insomnie paraît être un enjeu très important. Plus largement, la reconnaissance du problème au niveau public permettrait d'agir sur les représentations partagées de ce sujet souvent sous-considéré.
Les thérapies ou traitements testés et commentés
Pour finir ce bilan, une liste non exhaustive des thérapies ou traitements testés a été
présentée. Elle permet de dresser le portrait des sujets abordés pendant les permanences : les témoignages, avis et commentaires sont à retrouver dans les synthèses :
- Le CBD (cannabidiol)
- La TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale)
- Le biofeedback
- La kinésiologie
- La cryothérapie
- La cure thermale
- La sophrologie
- La mélatonine
- La cohérence cardiaque
- L'hypnose et l'auto-hypnose
- Le yoga
Et bien d'autres à venir...
Un grand merci à Élisa sans qui les synthèses et le bilan de ces permanences n’auraient pu avoir lieu.