Alors que les deux premières dimensions (performance et processus) s'intéressent à ce que les apprenants réalisent effectivement, la dimension perception va porter sur ce que les élèves expriment par rapport à leur expérience d'apprentissage ou sur ce que les enseignants expriment par rapport à l'environnement d'apprentissage. Une opinion est une réponse verbale à une question. Elle peut varier en fonction des caractéristiques des acteurs et de la situation. Ce questionnement peut concerner différents aspects : l'utilité, l'efficacité, l'utilisabilité, la motivation et la satisfaction.
En termes d'échantillonnage, il y a deux cas de figures : la liste des individus est disponible ou est indisponible. Quand elle est disponible, on peut envisager un sondage aléatoire simple ou un sondage aléatoire stratifié. Quand elle est indisponible, on peut mettre en oeuvre un sondage à deux ou plusieurs degrés (on tire aléatoirement des grappes et des individus dans ces grappes) ou un sondage par méthode des quotas dans le cas d'une population (le chercheur crée alors un modèle réduit de la population).
Lors d'une recherche, la perception des acteurs est parfois la seule source d'informations disponible. Dans ce cas, le chercheur peut rechercher à questionner différents types d'intervenants. Cette étude centrée sur l'apprentissage du tableau noir en formation initiale questionne plusieurs reprises d'une part, les enseignants "pré-service" et d'autre part, les maîtres de stage qui les accueillent.
Plusieurs outils complémentaires peuvent être utilisés pour recueillir l'avis et les caractéristiques initiales des différents utilisateurs (élèves, enseignants, tuteurs, concepteurs, responsables de formation, ... ) de l'environnement technopédagogique.
L'approche par questionnaire est pertinent pour recueillir l'opinion d'un nombre important de sujets. On peut soit construire un nouveau questionnaire soit réutiliser un questionnaire validé d'un point de vue édumétrique.
Concernant les questionnaires validés, plusieurs d'entre-eux peuvent être mobilisés.
Le questionnaire de Davis (1989) permet de recueillir à l'aide de douze items l'avis des individus concernant l'utilité et l'utilisabilité. Cette prise d'informations peut être associée à l’expérience utilisateur. L’importance de celle-ci réside dans le fait qu’elle prend une part importante dans l’acceptabilité des nouvelles technologies par les utilisateurs. Pour l'apprécier, on évalue généralement deux dimensions complémentaires : l'utilité et l'utilisabilité. La liste ci-dessous reprend l'ensemble des items proposés aux étudiants et leurs unités de sens correspondantes à la suite de leur expérience dans un wiki. Chaque item est associé à une échelle de Likert de 6 niveaux (tout à fait en désaccord -> tout à fait d'accord). Vous pouvez prendre connaissance de l'analyse réalisée à partir de ce recueil d'informations dans cet article.
Utilité
Utilisabilité
De manière complémentaire, Campbell & al. (2003) cités par Feyfant (2011, p.5) mettent en avant l’importance de prendre en compte les caractéristiques initiales des élèves. « Des différences relatives aux capacités intellectuelles et psychomotrices, à l’état des connaissances antérieures, aux sources d’intérêt et de motivation, au style cognitif et au niveau socioéconomique des élèves doivent être prises en compte pour saisir l’influence (ou l’absence d’influence) de pratiques pédagogiques ». Concernant la nature de ces caractéristiques, il peut être ainsi instructif en nous référant au modèle de Slavin (1995) de prendre en considération les buts motivationnels et le niveau de départ des apprenants susceptibles d’avoir un effet de modulation sur les variables décrites ci-dessus. Elles peuvent contribuer à expliquer la qualité de l’apprentissage sur le plan individuel (Rienties & al., 2009). Les buts motivationnels font référence au sens de l’apprentissage et à la valeur que l’élève accorde à la tâche. Deci & Ryan (2000) formulent ainsi l’existence de plusieurs niveaux de motivation déterminés par les buts que se fixe l’apprenant par rapport à la tâche au moment d’initier un comportement. Le modèle distingue trois types de buts : les buts d’évitement, les buts de performance et les buts de maîtrise. La motivation intrinsèque est considérée comme le plus haut niveau de motivation autodéterminée que peut atteindre un individu. L’apprenant animé par des buts de maîtrise ou de compétence réalise une activité pour l’intérêt que lui procure l’apprentissage ou pour le plaisir d’apprendre. La motivation extrinsèque apparaît quand l’individu tente d’obtenir quelque chose en échange de la pratique de l’activité ou pour éviter des conséquences négatives. Elle est donc davantage liée à des raisons instrumentales (performance, récompense, besoin de reconnaissance). Enfin, l’amotivation se traduit plutôt chez l’apprenant par une tendance à éviter la tâche proposée. Le questionnaire de Bouffard & al. (1998) permet de mesurer les buts de maîtrise, les buts de performance et les buts d'évitement. Dans un environnement de type CSCL, Rienties & al. (2009) mettent en évidence que les apprenants animés de buts de maîtrise participent davantage aux échanges centrés sur la tâche à réaliser et sur les aspects cognitifs. Ces résultats corroborent en partie ceux obtenus par De Lièvre & al. (2009) qui montrent que les apprenants avec un degré de motivation intrinsèque plus élevé procèdent plus souvent à une évaluation critique de ce que réalisent ou énoncent leurs partenaires dans le forum de discussion. Quintin (2008) met en avant quant à lui à l’aide d’une analyse de régression qu’un niveau élevé de motivation orientée vers la performance explique en partie la progression individuelle dans un contexte d’apprentissage collaboratif réalisé à distance.
Au niveau des styles d'apprentissage, le modèle de Grasha (1996) suppose l’existence de trois dimensions prenant place lors d’interactions sociales : participatif vs fuyant, collaborateur vs compétitif, autonome vs dépendant.
· Le style participatif se caractérise par le désir d’apprendre le contenu du cours et de s’engager dans la tâche alors que le style fuyant témoigne plutôt d’un intérêt réduit pour apprendre et une faible participation lors d’une activité.
· Le style collaboratif passe quant à lui par le besoin d’interagir avec d’autres tandis que le style compétitif se caractérise par une motivation extrinsèque importante.
· Le style indépendant se traduit davantage par une pensée autonome, une bonne confiance en soi, une capacité de se structurer son travail, tandis que le style dépendant est lié au besoin de considérer l’enseignant comme une source d’informations qui structure l’apprentissage.
Le questionnaire de Kolb peut également être intéressant à considérer dans la mesure où il s'intéresse à la manière dont les élèves traitent l'information. Il permet de mettre en évidence quatre profils d'apprentissage distincts.
Le questionnaire TPACK permet par exemple d'évaluer les perceptions du degré de maîtrise d'un contenu, des connaissances pédagogiques et des habiletés technologiques.
Le questionnaire Nasa-TLX permet d'avoir un évaluation subjective par l'apprenant de la charge cognitive qu'il mobilise pour réaliser les tâches d'apprentissage ou pour assurer celle-ci. Il se compose de six sous-échelles complémentaires qui permettent d'évaluer l'exigence mentale, l'exigence physique, l'exigence temporelle, la performance, l'effort demandé et la frustration. Une application (en anglais) sur tablette est désormais disponible pour administrer ce questionnaire. Les trois premières dimensions concernent les contraintes imposées au sujet par la tâche et les trois dernières s'intéressent aux interactions du sujet avec la tâche.
Le questionnaire de Grasha & Reichmann-Hruska (1996) interroge quant à lui les styles d'enseignement. L'idée des auteurs est que le style préférentiel de l'enseignant influence sa manière dont il présente l’information, interagit avec les étudiants et encadre le processus d’apprentissage. Pour évaluer ces préférences, le questionnaire se compose de 40 items fermés sous la forme d’échelle de Likert à 7 niveaux (pas du tout d’accord à tout à fait d’accord) et permet d’évaluer 5 dimensions spécifiques. Pour chaque dimension, un score peut être ainsi calculé à partir de la moyenne obtenue aux différents items associés à chaque rôle (8 items par rôle). Pour créer un profil préférentiel, le questionnaire évalue les cinq rôles spécifiques suivants. Le profil « expert » possède des connaissances et s’appuie sur une expertise que les apprenants ont besoin. Il s'efforce de conserver son statut d'expert entre les élèves en affichant des connaissances détaillées. Il a le souci de mettre les élèves au défi dans la perspective de développer leurs compétences. La transmission des savoirs se révèle plutôt importante à ses yeux. Le profil animé par une « autorité formelle » a le souci de fournir une rétroaction positive et négative, d'établir les objectifs d'apprentissage. Il importe pour lui de fixer les attentes et les règles de conduite des élèves. Il est préoccupé par les façons correctes, acceptables et normalisées de faire les choses. Le profil guidé par un « modèle personnel » met en oeuvre le principe de l'exemple résolu (Chanquoy, Tricot & Sweller, 2007). Pour y parvenir, il supervise, guide et dirige en montrant comment faire les choses. Il encourage ainsi les étudiants à observer puis à imiter l'approche de l’enseignant. Le profil « facilitateur » met l'accent sur les interactions entre l'enseignant et les élèves. Il guide les élèves en leur posant des questions, en explorant des options, en leur suggérant des solutions possibles et en les encadrant de manière active au cours du processus d’apprentissage. L'objectif général est de développer chez les élèves la capacité d'agir et de prendre des responsabilités de façon autonome. Le profil « qui délègue » est soucieux de développer la capacité des élèves à fonctionner de façon autonome. Il stimule les apprenants à travailler de façon autonome sur des projets ou au sein d'équipes autonomes. L'enseignant a plutôt le rôle de personne-ressource.
Quand il construit un questionnaire d'opinions, le chercheur peut mobiliser différents types d'échelles : le choix d'un niveau par rapport à une affirmation sur une échelle (Likert) et le positionnement par rapport à une échelle bipolaire (différenciateur sémantique d’Osgood). Certaines questions peuvent être proposées sous la forme d'un choix dichotomique. Le chercheur peut enfin solliciter les sujets en leur demandant de classer une série de propositions ou de répondre à une question ouverte. De nombreux outils en ligne existent pour construire et pour administrer un questionnaire (Par exemple : Google Forms). L'avantage de ce type d'outil est de pouvoir recueillir les données directement dans une feuille de calcul exportable ensuite dans un logiciel de statistique (Par exemple : Jasp).
Lors de la construction d'un questionnaire, il importe d'identifier le concept (par exemple : la classe inversée) investigué. Plusieurs dimensions seront utiles pour l'appréhender (par exemple : utilité, satisfaction, ...). Chaque dimension sera évaluée à l'aide de différentes questions complémentaires. Chaque item pourra être associé à une variable et chaque réponse sera ainsi un indice pour le chercheur. Concept - Dimensions (1, 2, 3) - Variables (questions 11, 12,...) - Indices (indice 111 = réponse 1 à Q1, indice 112 = réponse 2 à Q1, ...). Au niveau de l'élaboration des questions, évitez le vocabulaire technique et spécialisé (par exemple l'usage d'un jargon lié à la technologie ou à la pédagogie) ainsi que les questions trop longues.
L'entretien est plus approprié pour un nombre plus réduit de sujets. Au travers des échanges entre le chercheur et les sujets, il est souvent utilisé pour approfondir certains aspects à partir d'un guide d'entretien élaboré au préalable. Il peut être utilisé de manière complémentaire au questionnaire d'opinion (en sélectionnant un nombre de sujets au profil contrasté et objectivé par l'analyse de leurs réponses aux questionnaires par exemple). La difficulté réside ensuite dans l'analyse des verbatim recueillis. Certains outils de traitement automatique du langage peuvent aider le chercheur à recherche des informations précises dans les textes retranscrits et à les visualiser ensuite (Par exemple : Voyant Tools ou TXM). Vous pouvez également utiliser un logiciel comme wordcounter pour avoir des informations quantitatives sur votre corpus. Ces indicateurs peuvent porter sur différents aspects : nombre de mots, nombre de mots uniques, ... Le logiciel Readerbench offre également de nombreuses possibilités pour traiter le contenu de textes à l'aide de différents modules d'analyses.