Historique de l'orgue de Saint-Michel

La présence d’un orgue dans l'Abbatiale est très ancienne. Mais l’orgue tel qu’il est aujourd’hui est le fruit du travail successif des facteurs Jean ADAM (1681), Jean-François VAUTRIN (1792), JACQUOT-JEANPIERRE (1881) puis Théodore JACQUOT & Fils (1931).

La naissance de l’orgue fut possible grâce à l’action de l’Abbé DOM HENNEZON qui transforma l’abbaye en profondeur. Le 1er août 1679, DOM HENNEZON signa un marché avec le facteur Jean ADAM, originaire du nord meusien. Initialement, l’orgue commandé devait être plus modeste que ce qui fut finalement réalisé - et visible de nos jours. En effet, c’est au grès de sa construction qu’il fut décidé d’en augmenter sa taille, notamment en y ajoutant - chose inédite et parfaitement étrangère à facture française de cette fin du 17ième - « deux grosses tourelles pour y faire une montre de seize pieds en montre ».

Le buffet tel qu’il est visible de nos jours fut réalisé lors de cette commande. Un grand nombre d’artisans locaux et régionaux ont participé à sa construction : Claude JEANSON, Luc BRIFFAUX, Jacques MATTHIEU, maître HUMBERT La VEUFVE (menuisiers), Christophe PIEGOROT et Claude LAURENT, (compagnons), Mathieu ROUSSELANGE, et bien d’autres charpentiers, scieurs, ferronniers, serruriers. Les magnifiques sculptures monumentales et autres ornements sont, eux, l’œuvre du maître-sculpteur François MOLLET. Une couronne du duché de lorraine coiffe chaque tourelle de pédale tandis qu'une couronne royale domine l'ensemble de l'instrument. La réalisation du buffet fut supervisé et dirigé par un moine de l’abbaye, frère Jean BROCARD.


Cet orgue était constitué de trois claviers (positif de dos, grand-orgue, écho) avec pédale et un accouplement à tiroir grand-orgue/positif. Il fut livré pour le printemps 1681 et sa composition était vraisemblablement la suivante :

Choses remarquables à retenir :

  1. sa composition est très avant-gardiste pour l'époque : en effet, la Bombarde de 16 pieds installée est la toute première Bombarde de pédale attestée en France. La seconde Bombarde de 16 pieds connue fut construite après 1691 à Notre-Dame de Paris,

  2. le Gros Nazard 5 1/3 est également le premier Gros Nazard installé et attesté en France. Le second Gros Nazard 5 1/3 fut construit en 1699 dans l'orgue de la Basilique Saint-Denis,

  3. au-delà de sa registration moderne et innovante, l'orgue se singularisait davantage des orgues de son époque grâce à son architecture, elle aussi avant-gardiste, liée à la présence des deux tourelles de pédale indépendantes de 18 pieds de hauteur.

En résumé, l'orgue de Saint-Mihiel avait donc plus de 10 ans d'avance sur les grands orgues contemporains parisiens de cette fin du 17ème siècle ! Unique orgue de France de l'Ancien Régime à posséder cette particularité architecturale, à la pointe de la facture de l'époque, l'orgue de Saint Michel était incontestablement l'un des plus beaux - si ce n'est le plus beau - orgues français du 17ième.

Cependant, les goûts musicaux évoluèrent au fil du temps, si bien qu'un siècle plus tard, l'orgue fut jugé démodé. Il fut alors décidé de construire un orgue intégralement neuf tout en conservant le magnifique buffet. Le 20 Juillet 1789, soit six jour après la prise de la Bastille, les moines bénédictins signèrent avec Jean-François VAUTRIN, le marché de la construction du nouvel orgue. L'instrument fut livré en 1792. Malgré les troubles révolutionnaires, il échappa au pillage et à la destruction.


Ce nouvel orgue était constitué de quatre claviers dont deux demi-claviers (positif de dos, grand-orgue, récit, écho) avec pédale et un accouplement à tiroir grand-orgue/positif. En 1792, la composition de l'orgue VAUTRIN était la suivante :

L'orgue de VAUTRIN était incontestablement d'esthétique "classique français".

Le milieu du XIXième siècle vit l'arrivée de l’ère "romantique", durant laquelle on vit disparaître les caractéristiques de l'orgue "classique français" au profit de la multiplication des jeux de huit pieds et l'apparition de claviers dits "expressifs". L'orgue de Saint Michel n'échappa à cette évolution esthétique puisqu'il fut décidé de modifier l'orgue VAUTRIN en remplaçant les demi-claviers de récit et d'écho par un clavier complet de récit expressif. Ces travaux furent confiés à la maison JACQUOT-JEANPIERRE en 1880-1881. Néanmoins, la composition du positif de dos, du grand-orgue et de la pédale resta inchangée.


En 1881, la composition de l'orgue JACQUOT-JEANPIERRE était la suivante :

En 1917, durant la première Guerre Mondiale, l'orgue n'échappa malheureusement pas à la réquisition de sa tuyauterie par les troupes allemandes, qui fut vouée à être fondue en munitions et shrapnels. La magnifique tuyauterie de VAUTRIN, romantisée par JACQUOT-JEANPIERRE, disparut à jamais.


Avec les dommages de guerre, la reconstruction de l'orgue et de sa tuyauterie fut possible en 1931. Ces travaux furent confiés à la maison JACQUOT & FILS. La tuyauterie fut fournie par le tuyautier MASURE de Paris, et les jeux de fonds et d’anches furent respectivement harmonisés par Pierre JACQUOT et Jean PERROUX. Les majeures modifications furent les suivantes :

  1. Ajout d’une machine Barker dans le soubassement de l'orgue pour alléger le toucher.

  2. Ajout d’une seconde laye fut ajoutée aux sommiers du grand-orgue

  3. Ajout d’une trompette de 8 pieds au récit expressif

  4. Remplacement du tirage mécanique des jeux du récit par un tirage pneumatique.

Cet orgue de 1931, l'actuel, est assez hétéroclite car majoritairement d'esthétique classique, mais avec un clavier romantique. A cela s’ajoute une Fourniture-Cymbale du grand-orgue bien trop aigüe car mal adaptée à l'orgue et à l'édifice. A sa décharge, la manufacture JACQUOT & FILS ne savait pas comment composer les pleins-jeux, registres bien trop éloignés et étrangers à sa facture et à son esthétique.

Bien que de qualité et homogène, l'harmonisation de l'orgue est donc d'esthétique "néo-classique hybride" ; il est possible d’y jouer un large répertoire, mais sans "éclat", et de manière assez creuse. Au-delà de ces questions d'esthétique discutables, son état est tel qu'il n'est, de toute façon, plus possible de faire vibrer les oreilles des mélomanes et les murs de l'Abbatiale.