Nouvelles

J’adore écrire des nouvelles. C’est un format qui me convient et qui s’adapte parfaitement à mon humeur versatile - un jour triste et l’autre gai – alors que l’écriture d’un roman demande une humeur (et donc un style) plus égale.

Il m’est souvent arrivé de commencer un récit à partir d’une simple ambiance ou d’un sentiment, sans savoir où cela allait me mener. Ca me joue des tours car, écrivant au fil de l’inspiration, j’ai parfois du mal à conclure de façon décisive. Or la chute est un élément primordial de la nouvelle. Une chute inattendue sauve une nouvelle médiocre, alors qu’une chute « molle » va ternir l’impression laissée par un bon récit.

Pourtant plus d’une fois, je me suis dit « A quoi bon écrire des nouvelles, puisque personne n’en lit en France ! »

Personne ? Est-ce bien vrai ?

La nouvelle apparaît souvent comme une forme d’expression typiquement anglo-saxonne. D’un point de vue historique, c’est faux. Nous avons eu en France d’excellents et grands nouvellistes. Balzac, Flaubert, Théophile Gautier, Maupassant se sont notamment illustrés dans ce domaine au 19ème siècle. Alors comment se fait-il que le genre soit aujourd’hui si peu prisé ?

Les raisons sont sans doute multiples, mais il est probable que les auteurs ont jugé que le format du roman était mieux adapté pour embrasser les grands bouleversements sociaux et politiques du début du 20ème siècle.

Plus respectable sans doute aussi.

Par la force des choses, face à l’ampleur des grandes œuvres romanesques, la nouvelle s’est trouvée dévalorisée et réduite à l’anecdote.

Au divertissement.

Il en a été autrement outre-atlantique. L’entertainment, justement, a joué à fond. Pour assouvir un large public assoiffé d’aventure, de romance et de sensationnel, les magazines bon marché (les pulps) ont proliféré dès les années 20.

Ce développement, couvrait tous les genres (aventure, mystère, horreur, science-fiction, fantastique, western, sport, policier, érotique…).

Black Mask, Astounding Stories, Weird Tales, chacun dans leur style ont accueilli les débuts de grands auteurs de la littérature de genre. Raymond Chandler, Dashiell Hammett, ont débuté dans Black Mask, Lovecraft, Howard dans Weird Tales, Asimov ou Van Vogt dans Astounding stories

Si on y regarde de près, pendant longtemps tous les grands auteurs de polar, de SF ou de fantastique ont fait leurs classes dans ces revues aux couvertures colorées et évocatrices. Ce sont elles qui leur ont permis de se faire les dents, de définir leur style, de construire les fondations de ce qui allait devenir ensuite leur œuvre romanesque.

Il faut donc ici rendre hommage à la myriade de petites revues et fanzines français qui, en dépit des difficultés, ouvrent leurs portes aux amateurs et écrivains en herbe.

Merci à Black Mamba, à Lunatique, à OutreMonde, à Ténèbres, à Borderline, à Géante Rouge, à Galaxies et à toutes les autres revues et anthologies qui continuent d’offrir à de nouveaux auteurs la possibilité d’être publiés et d’exprimer leur passion. Elles constituent un espace de liberté formidable.

Comme pour les papillons, leur vie est souvent éphémère. Elles sont animées par une poignée de passionnés, des bénévoles qui ne comptent pas leur temps.

Alors, la nouvelle française, morte ?

Que nenni, le cadavre bouge encore !

A une époque où tout doit aller plus vite, à une époque de SMS, de Chat, d’interactivité, de forums…, la nouvelle me paraît plus que jamais moderne et adaptée.

C’est le format idéal pour les trajets en métro, en bus, en RER ou en train. C’est le format idéal pour attendre quelqu’un à la terrasse d’un café. Le format idéal pour se détendre avant d’aller se coucher.

Il est grand temps qu’on lui réserve dans notre pays la place qu’elle mérite.