LE DIAGNOSTIC DANS LA CLINIQUE PSYCHANALYTIQUE ?
Par Philippe Hellebois
Comme beaucoup de choses en psychanalyse, la pratique du diagnostic semble inspirée par Janus, le dieu aux deux visages. Elle est dédoublée de s’exercer à la fois dans l’universel et dans le singulier. Les phénomènes cliniques doivent d’une part être rangés dans les classes nosographiques existantes héritées de la psychiatrie classique, mais aussi être nommés d’une façon qui ne vaut que pour l’analysant. C’est sur ce point d’ailleurs que se distinguent l’individu et le sujet. Le premier est un exemple parfait de sa classe, le second, un exemple lacunaire de ne jamais s’y résorber entièrement¹.
La classe ne dit jamais comment le sujet l’habite d’une façon toujours incomparable de n’être que la sienne. Irréductibles les unes aux autres, les diverses expériences subjectives ne peuvent donc s’additionner, et constituent par conséquent la limite du savoir nosographique. Lacan a ainsi pu écrire que « Les sujets d’un type sont donc sans utilité pour les autres du même type. Et il est concevable qu’un obsessionnel ne puisse donner le moindre sens au discours d’un autre obsessionnel », ou encore poser « qu’il n’y a pas de sens commun de l’hystérique »².
Le diagnostic se dit donc de plus d’une manière. D’une part, il est catégoriel, classificatoire, mais d’autre part relève d’un art lorsqu’il s’agit de faire un pas de plus jusqu’au sujet. C’est dire qu’il faut tenir les deux fils d’une seule main puisque l’un ne va pas sans l’autre.
Si le premier est connu depuis longtemps, le second est à inventer. Lacan considérait que le clinicien n’est psychanalyste, et non savant rempardé derrière des catégories, qu’à la condition d’entrer dans le jeu du signifiant avec un sujet. La cure consiste ainsi en un dialogue asymétrique dans lequel il a la charge de la moitié du symptôme – à l’analysant les histoires qui le font sujet, à l’analyste l’objet qui les cause. Le symptôme, qu’il qualifie alors d’achevé, ou encore d’analytique, peut ouvrir à une clinique inédite³.
1. Miller, J.-A., « La signature des symptômes », La Cause du désir, Paris, Navarin, 2017, n°96, p. 112-120.
2. Lacan, J., « Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 556-557.
3. Lacan, J., Séminaire, livre XII, Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2025, p. 264.
Dominique Holvoet, Véronique Mariage, Philippe Hellebois, Virginie Leblanc-Roïc, Claude Parchliniak, Jean-Philippe Parchliniak, Guy Poblome, Thomas Roïc, Bernard Seynhaeve et Agathe Sultan.