Patrick Brüll (Né le 31-03-1967)
Cet acteur, formé à ľINSAS (Institut national supérieur des arts du spectacle) et à l'ESACT (Conservatoire national supérieur de Liège),
entend prendre part à la création, chercher et ressentir le sens en jeu, nourrir une présence consciente.
Patrick Brüll s’intéresse particulièrement au travail du corps et à la notion de mouvement scénique, et se spécialise en suivant des formations notamment en Russie, en France... Il est ensuite marqué par des artistes comme Thierry Salmon, dont les spectacles l’incitent à faire du théâtre sa vie
Après 30 ans de carrière exercée sur nos grandes scènes nationales, (Le Public, Le Rideau de Bruxelles, Les Galleries, Océan Nord, Les Martyrs, Le théâtre royal du Parc, Le Varia, Le Vilar...), et après plus d'une cinquantaine de spectacles , c’est aujourd'hui l’un des acteurs qui compte dans le paysage théâtral belge.
Il est également impliqué depuis plus de 15 ans dans la compagnie de l'infini théâtre.
Nominé plusieurs fois aux Prix du Théâtre, il reçoit celui du Meilleur second rôle masculin en 2000. Aujourd’hui, ce sont principalement les grands textes classiques qu’il interprète, avec bonheur.
On l'aperçoit de plus en plus au cinéma et en télévision. (Unité 42, Sophie Cross, La Forêt, Insoumise, Palace Beach Hotel, Méprises, L'Instit...)
A côté de son travail d’interprétation, Patrick Brüll donne cours dans nos plus hautes écoles artistiques, travaille à la transmission de son stage sur la "Présence", et développe des activités liées à la voix : doublages, commentaires radiophoniques, audioguide, voix identitaire de chaines TV, audiodescriptions...
Il fonde son travail d’artiste et de pédagogue sur un accueil permanent et toujours fragile de la Sensation.
"Tentative d’éclairage de ce qui compte pour moi, aujourd’hui"
Le monde est un théâtre ou chaque artiste allume le chemin des retrouvailles.
Depuis de nombreuses années, et progressivement, il m’apparaît que les corrélations entre mes croyances personnelles, mon expérience de vie et mes pratiques artistiques semblent conduire vers une convergence qui m’est salutaire.
De plus en plus, les frontières entretenues entre imaginaire et réel, entre temps et espace, entre vie et mort, entre illusion et vacuité... s’amenuisent, et laissent place à un vertige qui ne permet plus au contrôle que j’exerçais (empêcher les incidents de modifier le projet créateur conscient) de garantir un sens à mon travail, une justesse à ma démarche.
Aujourd’hui, la plongée dans ce vertige occupe la plus grande partie de mon attention. Ce vertige est puissant et fragile, il bouscule ce qui m’apparaissait pourtant solide, et s’inscrit dans l’instant, et non plus dans une durée. Il convoque la maîtrise (faire confiance dans la capacité à accueillir toutes les modifications, sans perdre l’essence du projet).
24000 fois par jour, en moyenne, quelque chose au plus profond de nous décide de vivre. Chaque inspire-expire est suivit par un instant vide, hors du temps, essentiel et mystérieux, berceau du formidable désir de vivre qui explose silencieusement, et laisse émerger le miracle de l’inspire-expire suivant.
Partageant en chemin les recherches d’Alejandro Jodorowski sur un théâtre de la guérison, je sais qu’on ne joue pas impunément. Les innombrables couches qui forment ma personne (créature) n’ont de cesse d’étouffer mon être dans la peur du mystère qui l’habite. Pourtant, le théâtre m’a offert un terrain concret de prise de conscience que je n’étais pas ces couches-là, puisqu’il m’était parfois possible d’en changer, d’en essayer d’autres, sans me perdre.
Jouer, raconter, incarner… La fiction est un outil puissant. Elle est la marque d’une conscience qui se cherche un chemin, un terrain de jeu, de je. En ce sens, le théâtre se devrait d’être un laboratoire dans lequel nous pouvons favoriser cette conscience. Le lieu du mensonge est sacré, puisqu’il nous rappelle que nous y créons notre vérité. Il n’est, pour moi, que le miroir de notre incarnation, et, comme elle, nous pouvons nous y perdre en flottant à travers les méandres illusoires que notre ego propose.
D’ailleurs, par la pratique professionnelle d’un théâtre, lui-même plongé dans une société mercantile et basée sur le mérite, j’ai tenté d’être un bon petit produit, un apparaître efficace, un cri d’existence au monde... Et comme il se doit, je me suis laissé consommé avec bonheur. Dans ces conditions, comme beaucoup, j’ai souvent "profané" le lieu du théâtre, et participé à en faire un espace qui n’arrive que trop rarement à être celui l’expérience du vivant.
Voilà bien mon désir, aujourd’hui. Plonger, nourrir et partager un vertige créateur qui allume en chacun le mystère d’être en vie, ici et maintenant.
Jouer, raconter, incarner… faire partager l’expérience créative du vivant, où et quand cela est possible, (c’est à dire, à chaque instant). Il n’y a pour moi rien de plus politique, philosophique et artistique que de participer aux retrouvailles avec la conscience, sacrée, que nous co-créons tous : ce que nous appelons le Réel.
Patrick Brüll