La face cachée des profils de captures
La totalité des diagnostics présentés dans ce document sont réalisés sur la base de données de ‘captures’ déclarées par les pays pêcheurs pour des captures et/ou des débarquements réalisés au sein de la zone géographique prise en compte. Elles occultent de ce fait de nombreuses sources de mortalité qui affectent les espèces exploitées et celles impactées par les pratiques de pêche et leurs conséquences. Je soulève dans ce qui suit un certain nombre de facteurs, sans objectif d’exhaustivité, qui génèrent de la mortalité qui n’est pas comptabilisée dans les statistiques de captures.
Défaut de déclaration et sous-déclaration
La trajectoire qu’a connue l’évolution du régime d’accès à la ressource dans les eaux marocaines, ainsi que celle des structures étatiques d’encadrement de l’activité de la pêche, ont fait que le niveau de maîtrise des statistiques des pêches a été variable durant les quatre dernières décennies. Durant le années 1970s où prévalait un régime de libre accès au-delà des 70 milles nautiques, doublé de faibles capacités nationales pour la surveillance des eaux territoriales, la qualité des déclarations des captures faites par les pays pêcheurs ne dépendait que de leur bon vouloir. De plus, une grande partie de la flotte hauturière marocaine alors toute jeune ne débarquait pas dans les ports marocains. Ces ports constituaient alors les seules structures étatiques de collecte des statistiques des pêches des flottes côtières, la pêche artisanale ne bénéficiant d’aucun encadrement.
Les avancées réalisées depuis cette période sont indéniables. La grande majorité des captures transitent actuellement par les ports et halles du royaume et il ne persistent que quelques niches d’échappement mieux encadrées (accords de pêches avec des pays tiers). Le réseau des halles à marée s’est grandement étoffé, et le taux d’encadrement de la pêche artisanale s’est considérablement amélioré.
Néanmoins, si la part de l’informel diminue grâce à l’amélioration du niveau d’encadrement de l’activité de la pêche, il me parait peu probable que la part de la fraude suive la même tendance. Une étude menée en 1999 dans les ports de Tanger, Casablanca et Agadir, faisait ressortir une moyenne de 47% des captures qui échapperaient à la déclaration (El Mamoun, 1999) et atteignent 88% dans certains cas. Si cette part peut être très variable d’un type de pêche à l’autre, cette estimation ne s’éloigne guère de l’information que permet d’avoir la proximité avec les acteurs de la pêche.
Prises accessoires – rejets
Les engins déployés par les pêcheurs capturent sans distinction les espèces qui leurs sont accessibles dans le milieu environnant. Il en résulte que des espèces non désirées ou des tailles on désirées ou prohibées soient capturées, et qui sont de ce fait rejetées à la mer avec des très fortes probabilités de mourir si elles ne le sont pas avant même d’être rejetées. La part des rejets est très variable d’un engin à l’autre et même d’un métier à l’autre ; la pêche au chalut est plus génératrice de rejets que celles qui utilisent d’autres engins (palangres, filets, sennes…) et la pêche crevettière qui se pratique au chalut est l’une des pratiques les plus génératrices de rejets (plus de 80%). Parmi les espèces rejetées on retrouve tous types de poissons et invertébrés marins, mais également des mammifères, des tortues et des oiseaux.