Bataillon de Marche du 4e RTT

Le 4e RTT en Indochine

Contexte ignoré par la plupart des militaires sur le terrain

L’épuration suivit de peu la “ libération ”. En Indochine, vietminhs et gaullistes rivalisèrent pour épurer leurs concitoyens. Hô Chi Minh, sans négliger les villes, agit surtout dans les “ communautés villageoises ”. Ordre fut donné d’éliminer les Indochinois francophiles et d’exterminer tous les notables des villages, coopérateurs irremplaçables des Français. Au cours de la seule année 1948, plus de douze mille assassinats furent ainsi perpétrés. Le 21 août 1949, les ondes viets félicitaient leurs soldats d’avoir supprimé 95 % des notables du pays ! Terrorisé, le reste de la population se rallia au Vietminh, tout en gardant le secret espoir que les Français se montreraient plus forts que les forts.

Dans ce climat épouvantable, les “ anciens Français ” n’attendaient qu’une chose : l’arrivée d’une armée qui remettrait de l’ordre. Elle débarqua enfin, commandée par le général Leclerc, accompagné de l’amiral Thierry d’Argenlieu, nommé Haut-Commissaire par le chef du gouvernement provisoire. De Gaulle avait déclaré : « Il faut faire du neuf. » D’Argenlieu et Leclerc appliquèrent la consigne à la lettre et épurèrent à tour de bras.

À Paris, le drame indochinois était loin d’être la préoccupation essentielle du gouvernement. Le 20 janvier 1946, de Gaulle démissionnait à l’occasion d’une dispute autour de la Constitution et livrait ainsi la France au tripartisme, le parti communiste étant majoritaire.

Hô Chi Minh reçu en France avec tous les honneurs en juin 1946, il surveilla de près les travaux de la conférence réunie à Fontainebleau pour régler la question de l’Indochine. Nos missionnaires s’indignaient d’une telle confiance accordée au chef communiste.

Grâce à l’armée française, le Vietminh échoua à prendre le pouvoir en décembre 1946, et se dispersa alors dans tout le pays, principalement dans les campagnes. Le Delta du Tonkin, correspondant au triangle Hanoï-Haïphong-Nam Dinh, était pour lui une source inépuisable de recrutement en hommes et d’approvisionnement en riz. C’était là aussi qu’étaient regroupées les missions catholiques les plus florissantes d’Indochine. Par leur organisation et leur grande force morale, ces missions constituaient un fer de lance puissant contre le communisme, à condition que le clergé le veuille… Hô Chi Minh décida de s’attaquer en priorité à elles. Quand elles seraient ralliées ou anéanties, le terrain serait libre.

Les années 1947, 1948 et 1949 furent marquées par trois tentatives successives du commandement français pour prendre l’avantage sur le Vietminh. « Cette entreprise aurait pu être couronnée de succès, écrit le général Navarre, si une ligne politique nette avait été suivie, si la stabilité et l’unité de commandement avaient été assurées, et surtout si des moyens militaires suffisants avaient été mis en œuvre d’entrée de jeu. Aucune de ces conditions ne fut remplie, car l’atmosphère politique française s’y opposait absolument. Juridiquement, nous n’étions pas en guerre et les communistes, qui avaient dès lors pris fait et cause pour le Vietminh, étaient un parti de gouvernement, auquel il ne fallait faire nulle peine. » (L’Agonie de l’Indochine, Plon, 1956, p. 17)

Sous la présidence de la République de Vincent Auriol. Comme d’habitude, une demi-mesure est adoptée par l’État : Bollaërt pourra prononcer son discours, dans lequel il invitera « toutes les familles politiques, spirituelles et sociales » à conclure une trêve et à s’entendre pour la construction d’un nouveau Vietnam ; de leur côté, les militaires pourront monter leurs opérations, mais, dans le même temps « le gouvernement diminuait son effort militaire et ne proposait plus aucun objectif stratégique au corps expéditionnaire » (général Y. Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Plon, 1979, p. 213).

1948. En remplacement de Valluy et de Salan, désavoués pour s’être plaints au gouvernement du manque d’effectifs, le général Blaizot est nommé commandant en chef. Comme ses prédécesseurs, il considère que le nœud du problème se trouve au Tonkin.

Prétendre que la situation était excellente était un mensonge (rapport de Bollaërt) : ceux qui étaient sur place savaient que le Vietminh se montrait de jour en jour plus entreprenant. En conséquence de l’intervention ministérielle, les opérations “ Ondine ” et “ Pégase ” n’eurent aucune portée sur le Vietminh et se limitèrent à étendre notre contrôle sur le Delta. Deuxième occasion perdue de gagner la guerre.

1949/1950. Pendant ce temps, l’ennemi a réorganisé ses troupes et adopté une stratégie de guerre longue : guérilla dans les campagnes, harcèlement de nos troupes réparties en petits postes isolés. D’autre part, le commandement français sait que le temps presse, car en Chine, Mao Tsé Toung va bientôt l’emporter sur le nationaliste Tchang Kaï Chek ; si le communiste l’emporte, c’est la masse chinoise qui déferlera au secours du Vietminh. Dans cette perspective peu réjouissante, le général Blaizot monte une opération, qu’on pourrait dire “ de la dernière chance ”, pour le mois d’octobre 49.

Pour mettre en œuvre cette politique, Auriol nomma au poste de Haut-Commissaire Léon Pignon, qui avait été le promoteur de la solution Bao-Daï dans l’entourage de Thierry d’Argenlieu. Pignon voulait offrir à Bao-Daï une Cochinchine pacifiée ; il donna l’ordre au général Blaizot de reporter son effort militaire dans le Sud. Négligence et corruption ainsi que le trafic de piastres firent que les plans sur les opérations du Tonkin avortèrent ainsi celles prévues dans le sud de la Cochinchine. La Chine communiste, plus tôt que prévu, apportait son aide à Hô Chi Minh sans trop être inquiétée par la présence des forces françaises au Tonkin qui en septembre 1950 évacuaient Cao Bang et la RC 4 afin de concentrer ses forces dans le delta.

Les journaux communistes menaient le bal et influençaient les autres : socialistes, démocrates-chrétiens ou gaullistes. (…) Les Français cessaient d’être effrayés par un communisme qu’ils avaient pris l’habitude de côtoyer. Conséquence : nos soldats étaient systématiquement diffamés. L’Humanité rendait compte des “ victoires ” de l’armée démocratique du Vietnam. (…) Hô Chi Minh savait exactement ce que le commandement français envisageait pour la fin de l’année 1949 et pour 1950. Témoignage chrétien n’était pas en reste. (…) Après les campagnes de presse, les communistes français en vinrent aux insultes directes, aux attaques de trains de blessés revenant d’Indochine et à des actes caractérisés de sabotage. Dans “ Soldats de la boue ”, Roger Delpey écrit : « Il faut posséder une âme de fer pour ne pas renier une patrie qui sacrifie ses enfants après les avoir laissé insulter. Et pourtant, si la France survit demain au-delà des mers, ce sera grâce encore à une poignée de défenseurs… » Le sergent Yves Gignac, a décrit l’âme de ces défenseurs d’empire : « On ne dira jamais assez quelle fut la pauvreté, pire, la grande misère du corps expéditionnaire. On est bien loin du mercenaire et du trafic des piastres !… Cette armée de chevaliers a tenu. Mieux encore, elle a tenté l’impossible. En effet, très rapidement après les opérations de dégagement du début, on s’aperçut qu’il fallait non seulement tenir le terrain, mais conquérir la population. Ce fut toute la longue histoire de la “ pacification ”[…]. Alors, là, se produit un autre miracle. Ce jeune soldat va tout naturellement retrouver la grande tradition de la France coloniale. Dans cette guerre de pacification où la conquête des âmes est plus importante que celle du terrain, le rôle du poste est essentiel. Car, par son action en profondeur, c’est lui qui doit nous rallier les villageois et, en renforçant notre influence, priver les rebelles de leur soutien naturel. C’est dans ce rôle tutélaire que nos garçons de vingt ans font des merveilles. Seuls, livrés à eux-mêmes, ils retrouvent la grandeur de leur mission et l’exercent avec un amour et une compréhension qui, le plus souvent, manquent à ceux qui dirigent la guerre. » (…) La présence des aumôniers et des missionnaires donnait à tous ces sacrifices de nos soldats leur sens véritable. C’est leur œuvre qu’Hô Chi Minh voulait anéantir. Partout où elles passaient, ses bandes persécutaient les chrétiens, calomniaient, arrêtaient ou tuaient les missionnaires, les catéchistes. La plupart des missions gravirent un dur calvaire. (…) Ne se trouvait-il donc personne dans le clergé de France pour soutenir ces défenseurs de Chrétienté ? (…) (Source : Indochine histoire)

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Opération en Pays Moï (juillet 1948)

Récit du colonel (H) Henri Béraud paru dans "La Charte" de juin 2016. (Autorisation demandée le 13 juillet 2016)

Case moï sur les Hauts Plateaux (Annam), photo du net.

En avril 1947, le 4e Régiment met sur pied un Bataillon de Marche pour l'Indochine. Ce Bataillon tient le Sous-Secteur de Phan-Thiet du 1er mai 1947 au mois d'août 1949. Il débarque à Bizerte le 3 septembre 1949.

En 1948, venant des Alpins, je suis volontaire pour l'Indochine par esprit d'aventure. Après 17 jours de traversée, à fond de cale sur le fameux Pasteur (nous étions plus de 4.000 hommes à bord), débarquement à Saïgon le 26 juin 1948.

Au camp Pétrus-ky, je suis affecté au bataillon de marche du 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens à Phan Thiet en Sud-Annam.

Voyage, style Far West, dans la "Rafale", dans une succession de cinq trains civils se suivant à 400 mètres de distance, à travers rizière et jungle. Le 7 juillet, arrivée à Phan Thiet, "capitale du nuoc mâm familial".

Étant sergent ancien, je suis affecté comme sous-officier adjoint à la section d'intervention du bataillon. Accueil très sympathique par le chef de section, un Corse qui a déjà baroudé en Italie, en France et en Allemagne.

Nous sommes les deux seuls Européens de cette section d'intervention, composée de gradés et de tirailleurs tunisiens dont certains "chibani" (anciens) ont participé aux campagnes d'Europe.

22 juillet 1948 : Après quelques sorties en escorte de convois, départ pour une première opération pédestre. À Ma Lâm (village à majorité Cham), nous passons la journée au point initial d'un groupement opérationnel commandé par le capitaine Dutertre du 4e RTT.

A 21 heures, les 160 hommes de la "colonne Dutertre", composée de Tunisiens, de légionnaires du 2e REI (2e Régiment Étranger d'Infanterie), de tirailleurs rhadés du 3e BMEO ( 3e bataillon Mixte d'Extrême-Orient) et de partisans, démarrent le long de la voie ferrée.

Dès le départ, les cris des guetteurs Vietminh et le tam-tam accompagnent notre marche. L'effet de surprise nous paraît manqué.

La pluie se met à tomber à verse. Les ponchos sont vite traversés. La nuit est d'encre avec les semelles lisses de mes chaussures anglaises, je dérape des diguettes glissantes, plongeons dans la rizière, on se perd, on se cherche...

23 juillet : pause à une heure du matin. Nous sommes trempés jusqu'aux os et nous essayons de dormir sur le sol spongieux. A quatre heures, nous reprenons la marche pour surprendre, à l'aube, le camp du Comité Exécutif Vietminh du Haut-Donnaï. Comme par hasard, le camp, composé de plusieurs paillottes servant de bureaux et d'hôpital, est vide. En m'isolant, je m'aperçois qu'un vietminh a eu les mêmes besoins que moi la veille et qu'il s'est essuyé avec une enveloppe et une lettre où figurent des adresses. Je remets délicatement le tout à l'interprète de l'officier de renseignements. Au retour de l'opération, on m'apprendra que cette lettre a permis de démanteler une filière de recrutement pour le maquis.

Nous marchons toute la journée en pleine jungle. Pendant tout le temps d'écoulement de la colonne, les "vet aù" (oiseaux sirènes) n'arrêtent pas de siffler, ce qui peut alerter tout ennemi. Le soir, nous couchons en pleine forêt et, pendant toute la nuit, le cile va déverser généreusement ses cataractes. Les tigres font entendre leurs cris rauques autour du bivouac et on ne dort pas beaucoup.

Progression des tirailleurs tunisiens (BM 4E RTT) dans "l'herbe à éléphant", juillet 1948.

24 juillet : Départ à l'aube. Nombreux passages de rivières avec de l'eau jusqu'au ventre. Traces d'éléphants et de tigres. Arbres remplis de gazouillis d'oiseaux multicolores (une vraie féérie) et parfois aussi d'un hideux python. Nous marchons comme des dératés, car il faut rattraper quatre heures de marche effectuées sur une fausse piste.

Les auditeurs sont juste recouverts du bout d'étoffe nécessaire

Le soir, nous arrivons au village moï de Quao. Les notables invitent les cadres à boire de l'alcool de riz à la jarre ; on suce le liquide à l'aide d'un bambou que l'on se passe.

La nuit tombée, je pénètre dans une case sur pilotis où je suis saisi par la fumée. Un partisan m'invite à m'accroupir autour du foyer. Une jeune fille, torse nu, chante l'amitié franco-moï : " Les guerriers blancs sont venus protéger les Moïs des Annamites ", etc.

Les auditeurs sont juste recouverts du bout d'étoffe nécessaire. Un vieillard souffle dans le "Kömbaot", calebasse à six tubes qui produit des sons de klaxon d'automobile. Nous couchons enfin au sec dans une cabane de bambou.

Cérémonie de la "jarre"

25 juillet : Nous marchons pendant toute la journée, guidés par des Moïs. Parfois, nous croisons des indigènes qui marchent en file indienne, le coupe-coupe ou l'arbalète sur l'épaule, leur longue pipe fichée dans le chignon. On n'a pas seulement changé de région, on a changé de monde, on a changé de temps...

Nous traversons le Da Klina, qui a une largeur de 200 mètres, sur un pont de lianes. Nous admirons toute la qualité et la technique de ce pont suspendu, construit par des "sauvages", comme les appellent les Annamites dans le terme méprisant de "moïs".

Nous bivouaquons au village de Ryèr. Ces petits villages sont soit enfouis au fond d'une vallée de torrent, soit accrochés au flanc d'un mont abrupte. Le village est solidaire du "mir" (plantation de riz obtenue en brûlant la forêt), il se déplace quand le terrain est épuisé.

Le pays Röglaï est très cloisonné; on ne circule que sur des pistes étroites en brousse et leur tracé se modifie selon les déplacements des villages, c'est-à-dire tous les 10 ou 15 ans, et les cartes d'état-major, qui comportent encore des blancs, sont ainsi faussées.

26 juillet : À midi, nous sommes à Da kring. Plus de viande et de biscuits. Nous achetons des poulets et du riz. Le soir, nous arrivons à Dry. Chaleureux accueil par la population. Pendant que les femmes décortiquent le riz avec de grands pilons, les notables nous invitent à boire "la jarre". Puis, chaque notable se place en face d'un sous-officier européen en tenant un bol plein d'alcool de riz. Il faut vider la moitié et le notable vide le reste en signe d'amitié. Nous voyons plutôt double... Un partisan m'explique la raison de cette seconde cérémonie. Comme les femmes leur défendent de boire, les hommes profitent du passage d'étrangers pour s'adonner à de nombreuses libations.

Éternelle Ève !

Toutes ont les seins nus, juste un pagne de cotonnade autour des reins. À la rivière, pour se baigner, elles ont une telle adresse lorsqu'elles se dévêtent ou se rhabillent, qu'on n'a pas le temps d'entrevoir ce qu'elles veulent garder caché... On pourrait les trouver belles sans cette bouche, toujours rougie de bétel, dont les lèvres découvrent des dents limés et noires. "Nous ne voulons pas avoir des dents de chiens" disent les Moïs en regardant nos dents blanches.

Sitôt arrivé dans notre paillotte, je m'allonge, au sec, sur le bambou de la case

Les MoÏs des Hauts Plateaux (photos sergent Béraud)

27 juillet : La marche à travers la jungle continue toute la journée, sous une pluie battante. De nombreuses sangsues s'infiltrent dans les souliers et percent même le pantalon de treillis. À la halte, j'en trouve sept, repues de sang à la jambe gauche et quatre à la jambe droite.

À midi, nous achetons de la volaille. Pour payer, je présente un billet de 20 piastres usagé; le Moï préfère un autre billet de 10 $ tout neuf, malgré les explications de l'interprète.

Après manger, pour faciliter la digestion, nous passons le Da Trang avec de l'eau jusqu'au ventre.

Nous allons coucher à Xa Du, après avoir passé le Song Nga en bac. Apercevant une petite paillotte sur pilotis, j'y grimpe, mais un Moï m'appelle et, avec des yeux suppliants, me fait signe de couper le cou. L'interprète m'explique que c'est l'endroit réservé aux esprits. Tout à fait les peaux rouges des lectures de mon enfance...

28 juillet : à midi, nous arrivons à Tanh Linh, notre but. Je crois arriver en terre promise, car nous sommes harassés et une partie de l'effectif marche pieds nus. Les miens sont dans un triste état. Plus de chaussettes! Le fait de marcher souvent dans l'eau ramollit les pieds et le sable frottant entre le cuir et la peau cause de nombreuses plaies.

Sitôt arrivé dans notre paillotte, j'enlève mes brodequins que je ne remettrai pas avant après-demain et je m'allonge, au sec, sur le bambou de la case. Quelle volupté !

29 juillet : Repos. Le village est peuplé de Chams (prononcer Thiam) et de Moïs. L'administrateur est monsieur Desfosse, âgé de 70 ans et marié à une Annamite. Les fonctions du père sont actuellement assumées par le fils. La région est réputée pour la chasse au tigre et à l'éléphant.

30 juillet : Nous partons à sept heures, en direction de la Cochinchine. Nous arrivons à Tra Tan après dix heures de marche harassante, dont une heure dans le cours d'un ruisseau servant de chemin. Nous passons la nuit en jungle, sur un terrain infesté de sangsues.

Nous venons de parcourir 75 km en 36 heures

À la section, le sergent Béchir (un chibani) et trois tirailleurs continuent à respecter le Ramadan. Nous admirons leur ténacité, car ils marchent toute la journée sans manger, sans boire et sans fumer. Quand, au passage d'un ruisseau, chacun s'arrête pour boire à grandes lampées, eux, ils traversent stoïquement "l'oued" 1, sans regarder autour d'eux. La nuit, au lieu de dormir, ils préparent leurs repas.

31 juillet : Départ à quatre heures pour surprendre un bataillon VM (vietminh). C'était un "tuyau crevé" et nous nous retapons douze heures de marche pour revenir. "Marschieren, immer marschieren" 2...

Beaucoup d'hommes ont enlevé leurs souliers. Je termine les dix derniers kilomètres pieds nus avec les chaussures accrochées au ceinturon. Nous venons de parcourir 75 kilomètres en 36 heures. Pour rien et dans quel terrain !

À Tanh Linh, je m'écroule sur le bat flanc de bambou dans la case moï. Enfin dormir, dormir...

1er août : Repos. À l'ordinaire, toujours riz sauce tomate (achetée chez le Chinois), "singe" et biscuits.

2 août : Départ brutal à 11 heures, 18 kilomètres sur la piste de Suô Kiet, couverts en trois heures par une chaleur accablante, afin d'arriver à temps pour embarquer sur la "Rafale". Au dernier kilomètre, on compte de nombreux malades et traînards.

En arrivant au poste de Suô Kiet, on nous annonce que le radio s'est trompé de 24 heures et que le train ne passe que demain. Amère plaisanterie !

3 août : Embarquement sur la "Rafale" et bivouac à la gare de Muong Man pour attendre la correspondance avec Phan Thiet.

4 août : Retour à Phan Thiet pour la "navette" qui assure la liaison ferroviaire. Nous avons plus de 300 kilomètres dans les "pattes".

Le soir nous fonçons, en camion, à la rescousse du côté de PK 30, sur la route coloniale 1 (RC1). Nous arrivons trop tard, il ne nous reste plus qu'à ramener les corps des quatre tués de chez nous.

Les jours suivants, le tiers de notre section est passé à l'infirmerie, à la suite des fatigues subies pendant l'opération en pays moï. Je fais partie du lot pour un "début de palu". Les anciens appellent cela le "cadeau de bienvenue".

À cette première opération devaient se succéder d'autres, en brousse ou dans la rivière, moins harassantes, mais avec des résultats toujours aussi peu satisfaisants...

Nous avions souvent l'impression de "courir après du vent" car le Vietminh refusait l'accrochage. Par contre, il nous causa des pertes dans des embuscades soigneusement montées.

Et il en fut ainsi pendant les 28 mois de mon séjour.

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