05 triangulation et premières cartes

La France triangulée

La méridienne de Paris et la carte de France, 1718.

Projet de châssis géographique[modifier | modifier le code]

Cassini I

En 1681, l'abbé Picard présente à l'Académie « un projet pour faire un châssis géographique pour toute la France… présenté à Monseigneur Colbert. ». Ce châssis doit comporter « une grande traverse » triangulée qui irait de Dunkerque à Perpignan et une autre ligne « qui contournerait le royaume suivant les frontières et les côtes », en liaison avec la première4.

Sur ce, en 1683, « Sa Majesté ordonne aux Mathématiciens de l'Académie des Sciences de continuer l'entreprise [de Picard, décédé] et de prolonger vers le Septentrion & vers le Midi jusques aux confins du Royaume, une ligne méridienne qui passât par le milieu de l'Observatoire de Paris. ». La méridienne de Paris, allant de Dunkerque à Perpignan, travail de Cassini I et Cassini II, sera terminée en 1718, après de nombreux reports. Ce sera la première ligne du futur châssis ou canevas qui va couvrir la France.

Le premier canevas géodésique[modifier | modifier le code]

Petit à petit, la France va se couvrir d'un ensemble de lignes schématiques constituées de chaînes de grands triangles de référence.

Premier canevas de grands triangles de référence de la future carte de Cassini, 1744.

Cet ensemble comprend :

la méridienne de Paris - de Dunkerque à Perpignan - et deux autres parallèles à la méridienne (petits cercles de la sphère terrestre qui ne sont pas des méridiens) disposées grossièrement de part et d'autre, l'une vers Nantes, l'autre assez indéfinie dans un premier temps, vers Lyon ;

cinq lignes perpendiculaires à la méridienne (grands cercles de la sphère terrestre qui ne sont pas des parallèles géographiques - voir figureN 1) : la ligne Brest-Strasbourgpassant par Paris, puis au nord une ligne à la hauteur d'Amiens, et au sud, trois autres perpendiculaires respectivement au niveau d' Orléans, Lyon et Bayonne.

l'ensemble de ces lignes de référence sont enveloppées par la triangulation des côtes et des frontières.

Cassini II

En 1718, la méridienne de Paris est donc terminée par Cassini II, elle sera vérifiée en 1739 par Lacaille et Cassini de Thury (Cassini III)5. Après quinze ans d'attente, en 1733, sous l'impulsion du contrôleur général des finances Philibert Orry, le projet de travailler à la description géométrique de la France est mis en œuvre. C'est le véritable point de départ de la future carte des Cassini.

En 1733 et 1734, donc, c'est la perpendiculaire Brest-Paris-Strasbourg qui est triangulée6, les acteurs principaux en sont Maraldi II, Cassini II et ses fils, et d'autres géographes (Delagrive, François Chevallier, et pour une moindre part Outhier). En 1736, les levés de la parallèle à la méridienne de Nantes, Saint-Malo - Nantes, seront le fait de l'abbé Outhier.

« Les côtes & les frontières méritaient bien un examen particulier, aussi ont-elles été déterminées par une chaîne de triangles non interrompue, espèce de fortification géométrique qui assure de la manière la plus inaltérable l'étendue actuelle de ce royaume7. »

Triangulation des côtes :

1736-37 : côtes normandes et bretonnes ;

1737 : Poitou et Gascogne ;

1737 : de Saint-Valery à Dunkerque ;

1737-38 : Bayonne - Antibes.

Les frontières terrestres seront triangulées en 17408.

Ce canevas initial probablement terminé autour de 1740, mais daté de 1744 sera complété pour donner la célèbre carte de 1744.

La carte des principaux triangles de 1744[modifier | modifier le code]

La carte de 1744, sans ses marges.

Cassini III

Non datée, son intitulé est Nouvelle carte qui comprend les principaux triangles qui servent de fondement à la Description géométrique de la France. Levée par ordre du Roy par Messrs. Maraldi et Cassini de Thury, de l'Académie royale des Sciences. Son échelle approximative est de 1 : 1 750 000.

C'est la carte officielle qui suit l'article de Cassini de Thury Sur la description géométrique de la France9.

Elle comporte, comme précédemment, la Méridienne, mais avec trois parallèles et, maintenant, sept perpendiculaires, ce qui forme sur le territoire des pseudo-carrés d'environ 60 000 toises (≈117 km) de côté ; de plus, les côtes et les frontières y sont définies ainsi que leur triangulation . « Il a fallu pour l'exécution de ce projet, former sur le terrain près de 800 triangles [en tout 814 triangles réduits dans le plan horizontal], tous liés les uns aux autres et qui se terminent à 19 [plutôt 17 ou 18] bases qui servent de preuves aux vérifications ». Les instruments et les méthodes employés pour la triangulation sont ceux de l'époque ; on les retrouve sous leur vocable propre (quart de cercle, secteur) et dans l'étude des méridiennes géodésiques. Sur la carte sont aussi localisés un grand nombre de villes, bourgs, châteaux, etc., déterminés géométriquement. Dans les marges sont indiquées les distances à l'Observatoire de Paris de 440 villes, fanaux et montagnes ; plus tard y seront ajoutées latitude et longitude des lieux considérés.

Les axes de référence pour rapporter la position des points géodésiques sont respectivement la méridienne de Paris (axe des y) et sa perpendiculaire menée depuis l'Observatoire de Paris (axe des x). La Projection cartographique est de type cylindrique transverse, non conforme, calculée sur la sphère terrestre10.

Cette carte sera accompagnée des détails des opérations de triangulation effectuées avec les angles de chaque triangle, la longueur des côtés, le résultat des calculs. Ce travail existe sous différentes formes, dans différents ouvrages ou manuscrits que l'on peut trouver à l'Observatoire de Paris, à la Bibliothèque nationale de France, à l'IGN11.

Cartouche orné de la carte.

 

Marges : villes, fanaux, montagnes (partiel).

Cette triangulation initiale et homogène de la France « exécutée par une main savante » forme ce qu'on peut appeler le réseau géodésique de premier ordre. C'est à partir de ces grands triangles que pourra se poursuivre le détail de la France en complétant les milieux des espaces non triangulés.

Pour le futur, dans un premier temps, Cassini, à travers Grandjean de Fouchy, invite « les évêques, les magistrats, les seigneurs et même les particuliers à achever le détail des endroits qui restent à lever » pour faire de nouvelles cartes particulières, mais - il insiste - en « s'assujettissant à l'échelle et aux positions de la carte générale », comme l'ont déjà fait « les Mrs de la Société royale des Sciences de Montpellier pour la carte du Languedoc ou M. l'abbé Outhier pour les plans des diocèses de Bayeux et de Sens12 ; les plans des forêts du Roi ou les cartes particulières des frontières du royaume, qui ont été levées pour les camps des armées du Roi ».

Dans un deuxième temps, à la fin de son article Sur la description géométrique de le France - édité en 1749, Cassini prend le contre-pied de ce qu'il écrit quelques pages avant : « Nous nous réservons de donner, dans la suite, des Cartes particulières de la France, où l'on placera tous les lieux principaux qui sont tant dans l'intérieur que dans les limites du royaume. »

Triangulation complémentaire 1745-1783[modifier | modifier le code]

Entre les perpendiculaires à la Méridienne, il reste de vastes zones à couvrir de grands triangles à rattacher au réseau de premier ordre. Ces grands espaces seront triangulés par des équipes de deux ingénieurs expérimentés ayant participé à des levés des perpendiculaires précitées. Leurs outils et leurs méthodes sont les mêmes que ceux employés sur le réseau de premier ordre13.

Dans ces zones, le réseau hydrographique de la Seine - Seine, Marne, Oise, Aube, Yonne - sera couvert, dans cet ordre, de 1747 à 174914.

En 1747, Cassini de Thury publie une Carte qui comprend tous les lieux de la France qui ont été déterminés par les opérations géométriques15. La Seine y est triangulée et le réseau tracé en Flandre par Cassini de Thury en 1746-47, pendant la guerre de succession d'Autriche y est représenté.

Plan triangulé de 60 000 toises autour de Paris, avant 1751.

Pour le reste, le maillage du pays sera effectué en fonction des cartes que Cassini va entreprendre, à la suite de la décision du Roi du 7 juillet 1747 qui dit à Cassini, dans un contexte précisé plus loin : « Je veux que la carte de mon royaume soit levée…, je vous en charge, prévenez-en M. de Machault, alors contrôleur général16. ».

Le maillage commencera donc au plus tôt en 1748. Cassini s'engage à accompagner les cartes qu'il va alors publier du réseau secondaire les concernantN 2. C'est ainsi qu'il donne dans l'Introduction à la seconde feuille occidentale de la carte de la France, levée en 1751, une planche qui « comprend l'étendue de quatre carrés de 60 000toises… », avec l'explication correspondante « qui représente l'ouvrage de deux ingénieurs »17.

Ainsi donc, le maillage du pays sera quasi définitif en 1783, lorsque Cassini de Thury publiera la Description géométrique de la France. À la fin de l'ouvrage, on trouve une carte de France couverte de plus de deux mille triangles (réseau primaire et secondaire)18. Le cuivre sur lequel elle est gravée est identique à celui de la carte de 1744, avec le même cartouche et, il en porte même la date, ce qui prête à confusion. Dans l'avertissement inclus dans la carte on peut lire : « Cette carte représente la France traversée par le Méridien de l'Observatoire Royal de Paris et par des lignes perpendiculaires et parallèles à ce Méridien, tracées à la distance de 60 000 toises les unes des autres…  ». Sur cette carte, on peut toujours voir, en plus des triangles qui définissent la France, la triangulation hors frontières, en Flandre, œuvre de Cassini de Thury, en 1746-47 ; on y trouve aussi, difficilement, les numéros d'ordre de chaque carte individuelle.

Carte de France, 1783 (partie N-W).

 

Le cartouche avec la date 1744.

 

L'avertissement.

La carte générale[modifier | modifier le code]

La première carte géographique de la France publiée par l'Académie Royale des Sciences en 1747.

En 1747, les informations données par la Carte qui comprend tous les lieux de la France qui ont été déterminés par les opérations géométriques permettent de publier la première carte géographique du pays (sans triangles). Intitulée Carte de France dressée sur les observations de Mrs de l'Académie Royale des Sciences, elle est l'œuvre de Philippe Buache de la même Académie.

La France y est représentée dans ses contours avec ses côtes, ses frontières et ses cours d'eau. Les provinces sont citées, leurs limites territoriales sont définies et les principales villes y sont indiquées. Les pays limitrophes y apparaissent avec quelques détails supplémentaires (villes, fleuves, etc.).

Les coordonnées géographiques, longitude par rapport à l'Observatoire et latitude y sont seules définies. L'échelle est donnée en différentes lieues régionales.

Cette carte est probablement la première carte géographique correcte du royaume de France. Elle accompagnera, en supplément, la publication annuelle « grand public » La Connaissance des Temps éditée par la même académie.

D'autres cartes suivront, telles les cartes de Robert de Hesseln en 1786 et la nouvelle carte des départements et districts de Louis Capitaine en 179419.

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Cartes de CASSINI: 

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