Des notes et des illustrations pour mieux comprendre La boîte à merveilles d'Ahmed Sefrioui. Les images sont empruntées uniquement dans un but didactique.
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Ahmed Sefrioui, écrivain marocain, né en 1915 à Fès. C’est l’un des premiers fondateurs de la littérature marocaine d’expression française.
Passionné de patrimoine, il a occupé des postes administratifs aux Arts et Métiers de Fès, puis à la direction du tourisme à Rabat. Il sera à l’origine de la création de nombreux musées comme Batha, Oudaya et Bab Rouah. Il est mort en mars 2004.
Genre : Un roman autobiographique
Auteur : Ahmed Sefrioui
Langue : Français
Écriture : 1952
Parution : 1954
Éditions : Le Seuil
De par son genre, le récit de « La boîte à merveilles » reste un véritable témoignage du vécu de ses personnages par la fréquence des noms de quartier qui constituent une véritable cartographie géographique de la ville de Fès
la solitude de Sidi Mohammed.
À six ans j'étais seul, peut-être malheureux, mais je n'avais aucun point de repère qui me permît d'appeler mon existence : solitude ou malheur.
Je n'étais ni heureux, ni malheureux. J'étais un enfant seul. Cela, je le savais. Point farouche de nature, j'ébauchai de timides amitiés avec les bambins de l'école coranique, mais leur durée fut brève. Nous habitions des univers différents.
Mon père se souvint avoir été à un moment de sa jeunesse dans l'atelier de l'un de ses oncles maternels, tisserand de couvertures. Il s'acheta donc un minimum de matériel, loua un coin dans un atelier et s'installa tisserand. II faisait honnêtement son travail, améliorait de jour en jour sa production. Bientôt, ses articles furent très disputés et le ménage jouit d'un certain confort.
Âgée de vingt-deux ans, la mère du narrateur, Lalla Zoubida, prétend être descendante du prophète et s’en vante comme son amie et ancienne voisine Lalla Aïcha.
Les deux femmes marchaient à tout petits pas, se penchant parfois l'une sur l'autre pour se communiquer leurs impressions dans un chuchotement. À la maison, elles faisaient trembler les murs en racontant les moindres futilités, tellement leurs cordes vocales étaient à toute épreuve ; elles devenaient, dans la rue, aphones et gentiment minaudières.
Lalla Aïcha habitait dans l'impasse de Zankat Hajjama une maison avec une porte basse. Cette maison rappelait, par certains côtés, Lalla Aïcha elle-même. Toutes les deux avaient connu des temps meilleurs, toutes les deux en gardaient une attitude guindée, une distinction désuète.
Le babouchier est un artisan qui fabrique à la main des babouches.
Moulay Larbi: le mari de Lalla Aïcha fabrique des babouches. Il a eu des litiges avec Abdelkader son associé qui était avant son ouvrier.
Il s’est remarié avec la fille d'Abderrahman le coiffeur.
Driss El Aouad: fabricant de charrues, il a à peu près le même âge que le père du narrateur (la quarantaine). C’est l’époux de Rahma et le père de Zineb.
Kenza la voyante : Adepte de la confrérie des Gnaouas (gens de Guinée) elle s’offrait, une fois par mois, une séance de musique et de danses nègres. Des nuages de benjoin emplissaient la maison et les crotales et les guimbris nous empêchaient de dormir, toute la nuit.
Je ne comprenais rien au rituel compliqué qui se déroulait au rez-de-chaussée. De notre fenêtre du deuxième étage, je distinguais à travers la fumée des aromates les silhouettes gesticuler. Elles faisaient tinter leurs instruments bizarres.
L'école était à la porte de Derb Noualla.
Le MARDI, jour néfaste pour les élèves du Msid, me laisse dans la bouche un goût d'amertume.
À six ans, j'avais déjà conscience de l'hostilité du monde et de ma fragilité. Je connaissais la peur, je connaissais la souffrance de la chair au contact de la baguette de cognassier. Mon petit corps tremblait dans ses vêtements trop minces. J'appréhendais le soir consacré aux révisions.
Le cognassier est un arbre fruitier, porteur de jolies fruits appelées les coings.
La baguette du fqih est faite à partir des branches du cognassier.
La baguette de cognassier.
Le fqih, un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient constamment des flammes de colère, habitait la rue Jiaf. Je connaissais cette rue. Je savais qu'au fond d'un boyau noir et humide, s'ouvrait une porte basse d'où s'échappait, toute la journée, un brouhaha continu de voix de femmes et de pleurs d'enfants. (Le bain maure).
Je crois n'avoir jamais mis les pieds dans un bain maure depuis mon enfance. Une vague appréhension et un sentiment de malaise m'ont toujours empêché d'en franchir la porte.
À bien réfléchir je n'aime pas les bains maures. La promiscuité, l'espèce d'impudeur et de laisser-aller que les gens se croient obligés d'affecter en de tels lieux m'en écartent.
Ce soir, la chambre de Fatma Bziouya brillait d'un éclat inaccoutumé.
Oh ! Merveille ! Au centre du mur, une lampe à pétrole était accrochée. Une flamme blanche et paisible dansait imperceptiblement dans un verre en forme de clarinette. Une glace, placée derrière, intensifiait la lumière. Nous étions, ma mère et moi, complètement éblouis.
Le lendemain, à mon retour du Msid, pour le déjeuner, je sautai de joie et de surprise lorsque je découvris, accrochée au mur de notre chambre, bien au centre, une lampe à pétrole identique à celle de notre voisine.
Près d'un pied de vigne séculaire, s'ouvrait la boutique de Si Abderrahman le coiffeur.
Mon père venait se faire raser les cheveux depuis son installation à Fès, dans la boutique de Si Abderrahman.
Je n'aimais pas Si Abderrahman. Je savais qu'il serait chargé de me circoncire. Je redoutais ce jour. Je sentais des frissons me parcourir l'épiderme quand je le voyais manier le rasoir ou les ciseaux.
Le Mausolée de Sidi Ali Boughaleb dispose de son propre Mezouar (sous préfet) et contient aussi les tombes de tous les Boutaleb de Fès qui y sont enterrés depuis plusieurs siècles. Ce sanctuaire dispose aussi d'une maktaba ou bibliothèque. La famille Boutaleb est réputée pour son mysticisme et son savoir. Elle a fourni de nombreux commerçants, oulémas (hommes de science) et juristes (dont le célèbre fqih Boutaleb).
Le Mausolée de Sidi Ali Boughaleb dispose de son propre Mezouar (sous préfet) et contient aussi les tombes de tous les Boutaleb de Fès qui y sont enterrés depuis plusieurs siècles. Ce sanctuaire dispose aussi d'une maktaba ou bibliothèque. La famille Boutaleb est réputée pour son mysticisme et son savoir. Elle a fourni de nombreux commerçants, oulémas (hommes de science) et juristes (dont le célèbre fqih Boutaleb).
La Kissaria, rendez-vous de toutes les élégantes de la ville, me parut contenir les fabuleux trésors de Soleiman, fils de David. Des caftans de drap amarante, des gilets précieusement ornementés de passementerie et de boutons de soie, des djellabas en voile de laine, des burnous somptueux voisinaient avec des tulles irisés comme des toiles d'araignée sous la rosée, des taffetas, des satins moirés et des cretonnes aux couleurs sauvages .
-Tu porteras ta djellaba blanche, des babouches neuves que te fabrique Moulay Larbi, le mari de Lalla Aïcha et une belle sacoche brodée.
Je perdais mes babouches tous les trois pas. Mes parents voyaient grand. Ni les vêtements, ni les chaussures n'étaient à ma taille. Mais j'étais heureux.
Ma mère se leva pour se préparer. Elle changea de chemise et de mansouria, chercha au fond du coffre une vieille ceinture brodée d'un vert passé, trouva un morceau de cotonnade blanche qui lui servait de voile, se drapa dignement dans son haïk fraîchement lavé.
Les FEMMES de la maison s'achetèrent toutes des tambourins, des bendirs et des tambours de basque. Chacun de ces instruments avait sa forme, son langage particulier.
Le soir, des bouquets de femmes richement vêtues ornaient toutes les terrasses. Les tambourins résonnaient, les chants fusaient de partout. Le soleil en robe d'or s'attardait à l'horizon, baignait toute la ville de rose fané et de mauve délicat.
Dans la Boîte à Merveilles il y avait une foule d'objets hétéroclites qui, pour moi seul, avaient un sens: des boules de verre, des anneaux de cuivre, un minuscule cadenas sans clef, des clous à tête dorée, des encriers vides, des boutons décorés, des boutons sans décor. Il y en avait en matière transparente, en métal, en nacre. Chacun de ces objets me parlait son langage. C’étaient là mes seuls amis.
C'était un gros cabochon de verre à facettes taillé en diamant, un bijou fabuleux et barbare, provenant à n'en pas douter de quelque palais souterrain où demeurent les puissances de l'Invisible.
Il déposa les deux bracelets sur le matelas à côté de ma mère.
- Je ne veux pas les voir, ces bijoux de mauvais augure, dit ma mère. Je crois que je ne les porterai jamais. Je sens qu'avec eux, le malheur est entré dans cette maison, tu feras bien d'aller les revendre dès demain.
- Tu verras bien: ce que je te dis est la vérité. Je ne suis peut-être pas intelligente, je ne suis qu'une faible femme, mais mon cœur ne ment pas quand il me renseigne sur quelqu'un ou sur quelque chose. Ces bracelets ne m'apportent aucune joie. Maintenant, je vais m'occuper du dîner.
Mon père nous quitta le surlendemain à l'aube. Il partit, avec pour tout bagage, une sacoche de berger, en palmier nain, dont il avait fait l'acquisition la veille, une faucille neuve et un sac en toile, avec une fermeture à coulisse.
Le croyant est souvent éprouvé. J'ai perdu dans la cohue des enchères aux haïks tout notre maigre capital.
J'avais mis l'argent dans un mouchoir. J'ai dû laisser le mouchoir tomber par terre, croyant le glisser dans ma sacoche.
Je suis un montagnard et un paysan. La saison de la moisson commence à peine, on embauche des moissonneurs. J'irai travailler aux environs de Fès.
« Sidi El Arafi que nous irons consulter est aveugle. Je tiens les renseignements de Khadouj Lalaouia qui l'a consulté deux ou trois fois. Elle m'a affirmé que tout ce qu'il lui avait prédit s'était réalisé point par point. »
« -Lalla Aïcha j'ai, moi aussi, grand besoin de conseils. Je tremble pour ma maison, pour mon mari, pour mon fils. Quand la colère de Dieu se déchaîne sur les gens pauvres comme nous, elle les réduit en cendres. Les personnes qui « savent nous sont d'un secours précieux. Sidi El Arafi a bonne réputation, il nous aidera sûrement. »