Exil

Articulations Philosophiques et Psychanalytiques

2022-2023


Séminaire de recherche organisé et animé par Dorothée Legrand

CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique)

Archives Husserl, ENS, PSL (École Normale Supérieure, Université Paris Sciences et Lettres)

IHEP (Institut des Hautes Études en Psychanalyse)

dorothee . legrand [at] ens . psl . eu

« Nous avons dit dans notre introduction que l’homme était un oui. Nous ne cesserons de le répéter. Oui à la vie. Oui à l’amour. Oui à la générosité. Mais l’homme est aussi un non. Non au mépris de l’homme. Non à l’indignité de l’homme. A l’exploitation de l’homme » 

(Franz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Le Seuil, 1952). 

Joseph Mallord William Turner, Négriers jetant par-dessus bord les morts et les mourants - un typhon approche, 1840 

(Slavers Throwing Overboard the Dead and Dying, Typhoon Coming On), Museum of Fine Arts, Boston)

Les jeudis de 20 à 22h

Salle CELAN 

(Bât Ulm - RdC à droite du grand hall)

ENS, 45 rue d’Ulm, Paris

13 octobre* ; 17 novembre* ; 15 décembre* ;

12 janvier** ; 09 février*** ; 09 mars**** ;

06 avril ; 11 mai*****.



* Quelques ressources

13.10 : Jean-Claude Milner, Relire la révolution, Lagrasse, Verdier, 2016. Jacques Lacan, L'éthique de la psychanalyse, séminaire VII, Paris, Le Seuil, 1986. James Walvin, The Zong, A Massacre, The Law and The End of Slavery, New Haven and London, Yale University Press, 2011. Albert Boime, "Turner's Slave Ship: The Victims of Empire", Turner Studies: His Art and Epoch 1775-1851, 10 (1), 34-43, 1990.

17.11 : Jacques Lacan, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » (1958), Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, pp. 627-8. Jacques Lacan, Séminaire VIII : Le Transfert (1960-61), Paris, Seuil, 2001, séance du 15.03.61. 

15.12 : Franck Chaumon, « Loi, éthique, politique », Lacan : La loi, le sujet et la jouissance, Paris, Michalon, Le Bien Commun, 2004. Pierre Legendre, Sur la question dogmatique en Occident, Paris, Fayard, 1999. Alain Supiot, Homo juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Paris, Seuil, Points Essais, 2005. François Ost, Le droit ou l'empire du tiers, Paris, Dalloz, 2021. Hannah Arendt, Les Origines du Totalitarisme III : Le système totalitaire, Seuil, Points Essais, 2002.


** Le 12.01, nous aurons le plaisir de recevoir Gregory Cormann (Uliège, département de philosophie) et Jeremy Hamers (Uliège, département média, culture et communication). A la suite du colloque international qu’ils ont organisés à Liège en 2019 sur les « corps migrants : récits et présences », leur communication à deux voix se proposera de « représenter les corps migrants (cinéma, littérature, théâtre) ». 

Sans anticiper sur la présentation et la discussion que nous proposerons Grégory Cormann et Jérémy Hamers, quelques phrases issues d’un article qu’ils ont récemment coécrit pourront dire la pertinence de leurs travaux pour le séminaire en cours, et pour les questions qui traversent la contemporanéité de notre rapport à l’exil et aux exilé.es. 

Grégory Cormann et Jérémy Hamers décrivent et dénoncent une sursollicitation du corps du migrant, face inversée d’une anonymisation, d’une désingularisation : les pratiques administratives, ainsi que la médiatisation des ‘migrants’ opèrent une transformation du corps en un objet témoin, tout en gommant l’individu qui en est le sujet. Les pratiques artistiques tentent parfois de mettre en œuvre le passage d’un amas de corps à des trajectoires individuelles extraites de l’anonymat. Mais de telles mises en récit n’offrent aucune garantie quant à la constitution d’un contre-champ aux abstractions médiatiques et politiques. A quelles conditions, donc, un récit propose-t-il effectivement une repolitisation du corps migrant, c’est-à-dire, à quelles conditions les productions littéraires, théâtrales ou cinématographiques proposent-elles réellement un contre-champ aux représentations dominantes qui nient les expériences singulières des migrants ? Une (re)mise en scène des récits singuliers de souffrance peut-elle échapper à une sursollicitation/dépolitisation des corps ? L’aggravation de l’impuissance – à montrer, à raconter, à partager, à ramener à la vie – peut-elle aussi être le socle d’un retour politique aux corps migrants ? La mise en scène des absents peut-elle nous confronter à l’image furtive de notre capacité ou de notre incapacité à faire avec eux ? Que peut encore faire un auteur lorsque, confronté aux témoignages, traces et résidus, il n’a pour seuls corps vivants et présents, que le sien et les nôtres ? Comment mobiliser les corps vivants et présents – qui auraient pu être absents ? Comment faire pour que les absents soient des nôtres ? (montage de quelques propos de Grégory Cormann, Jérémy Hamers, “Corps migrants”, Tijdschrift voor Filosofie, 83, 1, 101-132, 2021).

Quelques ressources :

Hagelstein, M., & Hamers, J. (July 2016). Montage et résistance du réel chez S. Kracauer: Photographie, cinéma, texte. Bulletin d'Analyse Phénoménologique, 12 (2016) (4). en ligne

Cormann, G. (2015). Se récapituler au futur : Sartre et Fanon, l'enjeu d'une préface. Temps Modernes (Les), 686, 105-134. doi:10.3917/ltm.686.0105

Hamers, J., & Cormann, G. (2015). Le pouvoir des sentiments : Kluge, Adorno, Ferenczi. Cahiers d'Études Germaniques, 69 (2), 65-83. en ligne

Cormann, G. (2015). Sartre et l'instinct de mort. In M. Gyemant & D. Popa (Eds.), Approches phénoménologiques de l'inconscient (pp. 141-159). Olms. 

La pièce du NIMIS groupe "Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu", discutée par Gregory Cormann et Jérémy Hamers est accessible en ligne :   https://www.dailymotion.com/video/x5g0gnl 


*** Le 09.02, nous aurons le plaisir de recevoir Sophie Mendelsohn, psychanalyste à Paris, et à l'initiative du Collectif de Pantin (dont le site internet est d'une rare richesse, reflet des séminaires et publications qui animent ce collectif). Les travaux de Sophie Mendelsohn questionnent actuellement l'incidence du racisme dans la pratique de la psychanalyse et réciproquement, la manière dont la psychanalyse peut répondre au racisme (voir notamment: Livio Boni et Sophie Mendelsohn, La vie psychique du racisme. 1, L'empire du démenti. Paris, La découverte, 2021. Une recension de cet ouvrage est disponible ici). Sophie Mendelsohn nous présentera notamment le projet An/harkie.

Quelques ressources :

Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne. Galilée, 1995 (Archive Fever).

Alice Zeniter, L'art de perdre. Flammarion/Albin Michel, 2017.

 Zahia Rahmani, Moze. Sabine Wespieser éditeur, 2003.

Todd Shepard, 1962, Comment l'indépendance algérienne a transformé la France. Payot, 2008.

Malika Rahal, Algérie 1962, Une histoire populaire. La découverte, 2022.

Cérémonie de commémoration des 60 ans du 17 octobre 1961 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/10/16/ceremonie-de-commemoration-des-60-ans-du-17-octobre-1961.

Adrien Chevrier, Série « L'Antiterrorisme français : la justice et la peur » Épisode 4/4 : L’asile au prisme du terrorisme. LSD, la série documentaire, France Culture https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/l-asile-au-prisme-du-terrorisme-9657805


**** Le 09.03, pour tenter encore de mieux répondre à celles et ceux qui arrivent aujourd’hui, les exilé.es, pour tenter encore de les recevoir comme des bâtisseurs de mondes imprévisibles, nous lirons Hannah Arendt, et chercherons à ouvrir un espace entre réel et irréalité, où passe peut-être ce que Freud aura nommé l’amour de la vérité. 

« …le respect de la dignité humaine implique que l’on reconnaisse les autres hommes […] comme des bâtisseurs de mondes ». 

« …lorsque la forme la plus élémentaire de la créativité humaine – c’est-à-dire le pouvoir d’ajouter quelque chose de soi au monde commun – est détruite, […] l’isolement devient absolument insupportable ».

« …aujourd’hui, avec l’accroissement démographique généralisé, avec le nombre toujours plus élevé d’hommes sans feu ni lieu, des masses de gens en sont constamment réduites à devenir superflues, si nous nous obstinons à concevoir notre monde en termes utilitaires » – « …être superflu, cela veut dire n’avoir aucune appartenance au monde ».

Les personnes considérées superflues « sont traitées comme si elles n’existaient plus […]. Ce ne sont pas tant les barbelés que l’irréalité soigneusement fabriquée de ceux qu’ils enferment qui provoque des sévices […] extrêmes » – déréalisation orchestrée par chacune des idéologies « qui visent à donner une explication exhaustive des événements historiques du passé et à tracer le cours de tous les événements futurs », et dont aucune « ne peut supporter l’imprévisibilité inhérente à la créativité des hommes ».

(Hannah Arendt, Le système totalitaire, Les origines du totalitarisme).


***** Le 11.05, pour cette dernière séance de l'année, salle Dussane, le séminaire se fera salon de lecture : chacun.e est convié.e à amener un texte de quelques mots, quelques lignes, quelques pages écrites sur, depuis, autour, vers l'exil, à se lire les un.es aux autres. 


Un très vif remerciement à celles et ceux qui, au salon de lecture du 11 mai, ont prêté leur voix et leur écoute à

 

- Mahmood Darwich, Le lit de l’étrangère, 1999 ; Présente absence, 2006.

- Léopold Sédar Senghor, “A New York, in Ethiopiques, 1956 (lien).

- Niki Giannari, Des Spectres hantent l’Europe, 2016, in Georges Didi-Huberman, Passer quoi qu’il en coûte, 2017.

- Hannah Arendt, Nous autres réfugiés, 1943.

- Franz Kafka, Le Château, 1926.

- Aghrib Idir, Ayrib ♫, in A Vava Inouva, 1976 (lien).

- Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton, 1985.

- Françoise Frenkel, Rien où poser sa tête, 1945 ; préface de Patrick Modiano, 2015.

- Hendrik Cramer, Le passage, (lien).

- et des textes inédits…