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Quarante-deuxième jour : Beaucaire, Tarascon.

II y avait un grand marché à Beaucaire, on se serait cru au souk à Marrakech. A vrai-dire, je ne suis jamais allé à Marrakech, mais d’après ce qu’on m'a dit, ça doit être comme ça. C’est curieux, ça, toutes ces femmes voilées, comme revendication identitaire. Pas que les vieilles dames, non, non, les jeunes avec bébés dans la poussette, aussi, et surtout même. Est-ce que j’éprouve le besoin de me promener avec un chapeau rond avec des rubans qui flottent au vent, moi ? Mais bon, pourquoi pas après tout ? Il y a bien des Écossais qui éprouvent le besoin de se mettre un kilt de temps en temps. Et à tout prendre, c’est plus sain que les Bretons qui éprouvent le besoin de s’alcooliser, par revendication identitaire. Le docteur Caro a fait une thèse là-dessus, je crois bien. Le docteur Caro est un cousin d’Yvette.

Ce qui frappe quand on arrive en Provence, c’est la saleté des rues. Toutes les autres régions ont fait de gros efforts pour soigner leur environnement, et on n’y voit quasiment plus de décharges sauvages, ni de vieilles voitures qui pourrissent dans les fourrés.

Quarante-troisième jour : Saint-Rémy-de-Provence.

Changement de décor, par rapport à Beaucaire et à Tarascon. On ne peut pas faire plus prout-prout. Que des galeries de peinture. Des Anglais, des Suisses, et des hôtels à pas moins de trois étoiles. Les Anglais, les Suisses, chez eux, c’est vachement sélects et distingués, en voiture, ça n’écrase pas les piétons sur les passages pour piétons, ça ne fume pas là où il y a une interdiction, eh bien là, ça se conduit, comme de vrais goujats. Je l’ai remarqué aussi, une autre fois, un peu plus tard à Villeneuve-Loubet.

Quarante-sixième jour : Aix.

Comme je vous ai dit par ailleurs l’office de tourisme n’a rien à cirer des marcheurs.

Je n’ai pu rien obtenir de l’office de tourisme, il y avait un congrès parait-il, et tout était complet partout. Et puis de toute façon, il n’y a ici que des chambres à 120 euros, ce n’est pas pour vous. Allez, circulez, y a rien à voir.

Bon. Je m’en suis allé, et j’ai fait un tour en ville, confiant dans ma bonne étoile pour trouver une solution. Ça a été un peu tortueux, mais c’est venu. Je me baladais, et je suis tombé sur un embouteillage, les gens klaxonnaient, et rouscaillaient, et je me suis mêlé à la conversation, je ne sais pas pour dire quoi, ah si, pour leur dire que c’était un camion de livraison, qu’ils ne pouvaient pas voir, puisque c’était après le virage, qui bloquait la circulation, mais moi je l’avais vu, puisque je venais de là-bas. On m’a demandé si j’allais loin avec mon sac à dos, j’ai répondu ma réponse usuelle comme je vous ai déjà raconté, et j’ai rajouté que pour le soir j’étais bien embêté, je n’avais pas d’hébergement. Alors, un type m’a dit qu’il y avait un hôtel pas cher, pas trop loin et il m’a donné son adresse. C’était un peu à l’écart du centre ville, mais pas trop loin tout de même, en effet. J’y suis allé. C’était dans la catégorie, modeste, même très modeste. Et il n’y avait personne à la réception. Des gens qui étaient dans l’hôtel m’ont dit que le gérant était parti faire une course, mais qu’il allait revenir sans tarder. A voir leur look, et les éclats de voix qui me parvenaient de leurs chambres, je me suis demandé si je n’étais pas dans un hôtel de passe. Je suis demandé si le type qui m’avait donné l’adresse, n’avait pas voulu me faire une farce. Bon, j’ai attendu encore un peu, mais le gérant n’arrivait toujours pas. Lassé d’attendre, je suis parti. Sur mon retour vers le centre, j’ai vu un hôtel trois étoiles tout ce qu’il y a de sélect. Ce qu’il y a bien dans ce genre d’hôtel, c’est que même les randonneurs dépenaillés, ça ne leur fait pas peur, et ils répondent avec classe à toutes les demandes, même les plus saugrenues. Ah non, ils n’avaient pas de place, mais un de leurs collègues, à deux rues de là, avait encore un petite chambre qui pouvait peut-être faire mon affaire. Eh ben voilà. J’y suis allé, hop, une petite chambre, sans douche, mais la douche est sur le palier. Que demander de plus. A Aix.

Bon, le tarif du petit déjeuner était excessif pour moi, et je me le suis fabriqué moi-même.

Quarante-septième jour :

Je passe devant le moulin de Cézanne, où un peintre expose. Jean Seyrat, il s’appelle. J’ai vu, il est dans le catalogue des ventes de Drouot. Il m’a dit qu’il était de Nice, et il ne m’a pas dit que du bien de certaines galeries que j’avais vues à Saint-Rémy-de-Provence. Je passe par la montagne Sainte-Victoire. Et le soir, je m’arrête au gîte de Puyloubier. Puyloubier, où il y a, par ailleurs, la maison de retraite de la Légion Étrangère. Alors bien sûr, le soir au repas, on cause de la Légion, d’autant plus que parmi nous, il y a un randonneur qui s’appelle Danjou, et qui est un arrière-petit-neveu du capitaine Danjou, celui de Camerone.

On se demande : qu’est-ce que l’armée française allait faire au Mexique ? Vous savez, vous ?

Quarante-neuvième jour :

A midi et demie, une heure, je suis en train de casser la croûte, au bord de la route. Un automobiliste s’amène. Il me demande si je n’ai rien perdu. Je regarde autour de moi.

"- Non, apparemment."

Il insiste. Et je vois dans le fond de sa voiture, ...mon blouson.

"-Ah si, mon blouson."

Comme il faisait déjà chaud, j’avais enlevé mon blouson, et je l’avais accroché à mon sac à dos. Mal, puisqu’il s’il était sauvé sans que je m’en aperçoive. Cet automobiliste, qui auparavant était un cycliste, m’avait vu lors de son tour à vélo. Quand il avait trouvé ce blouson qui traînait par terre, avec son contenu, mon appareil-photo, qu’il avait exploré, m’a-t-il dit, il avait pensé que c’est moi qui l’avais perdu. Et il me le ramenait.

"-Ah ben merci, parce que j’aurais été bien en peine pour le retrouver."

Cinquante-et-unième jour : Montauroux.

L’hôtel, c’est le relais du lac. Ça ne te dit rien, Michèle ?

Cinquante-troisième jour : Menton.

Ma plus longue étape. Je suis passé à Monaco, ils étaient en train de démonter les tribunes du grand-prix de formule 1. Ce n’est pas croyable, tout le boulot, pour installer ces tribunes et pour les démonter. On se demande comment ils arrivent à équilibrer leur budget.

A Monaco, j’ai demandé mon chemin à un policier monégasque. Un policier de très grande classe, comme il sied à Monaco, ah oui. Ça doit être un bon métier, ça, policier à Monaco.

Le soir : auberge de jeunesse à Menton, qui est perchée dans un nid d’aigle tout là-haut. Des marches qui n’en finissent pas.

Cinquante-quatrième jour : Sanremo.

L’Italie, terra incognita pour moi. Je vous rajoute ici mes découvertes, que je n’ai pas pu vous refiler à l’occasion de vos questions. Des fois que ça intéresse quelqu’un. Mais si ça vous ne intéresse pas, passez par-dessus, pas de problème.

D’abord, il y a plein de scooters, et pas que des ados. Non, tout le monde et tous les âges.

Il y a même plein de petites camionnettes à trois roues, à base de scooter.

Les restaurants : la première fois, tu commandes une pizza à 9 euros. Tu te retrouves avec une addition de 19 euros. Ah oui, il y a le coperto, (le couvert), le service et l’IVA (la TVA de chez eux, d’après ce que j’ai compris). Bon, tu t’es fait avoir. Mais tu ne vas pas discuter, avec le peu d’italien dont tu disposes. La fois suivante, tu fais gaffe. Deux ou trois fois, pas de problème, ta vigilance s’endort, et c’est sur le pain que tu te fais avoir. Pain : 3 euros.

Les chantiers : aucun Noir, aucun Arabe. Alors que chez nous, ce sont des travaux qui leur sont quasiment réservés. Les Français, de souche, comme ils disent, préférant nettement rester au chaud, l’hiver, et au frais, l’été, dans des locaux climatisés, que de travailler dans les courants d’air et sous la pluie. Bon, comme ça, faut dire, chez nous, sauf peut-être en Provence, les poubelles sont ramassées. Les premiers Noirs que j’ai vus, c’était un peu avant Pise. C’étaient des Noires d’ailleurs. Elles tapinaient au bord de la nationale, avec le camping-car, à côté, pour les mieux loties, ou avec un matelas dans les fourrés. Comme ça faisait un bout de temps que je longeais la nationale et que je commençais à m’ennuyer, je leur ai demandé, s’il n’y avait pas une voie latérale plus confortable pour marcher, mais elles n’ont pas su me répondre.

A Pise, il y a plein de Noirs qui essaient de vendre, à la sauvette, des sacs Louis Vuitton, des montres Cartier, des lunettes de soleil Gucci, à des prix défiant toute concurrence, 20 euros, mais si tu discutes, tu peux certainement arriver à dix, peut-être même à 5 ou 6.

A Rome, c’est pareil. Mais pas de Noirs sur les chantiers. Le premier travailleur noir que j’ai rencontré, dans une activité licite, c’est près de Sienne. Je me doutais bien qu’il parlait français, et je me suis adressé à lui, il était Sénégalais, il avait de la famille à Toulon, il se trouvait bien en Italie. Mais il n’était pas sur un chantier, il était chauffeur-livreur.

Les noms de rue en Italie : il a toujours une rue Garibaldi, et une rue Cavour.

Je me souviens du nom de ces deux types, mais c’est bien loin mon histoire du XIXième siècle. Faudrait que je révise. A Rome, il y a même une rue Napoleone III. Impensable, chez nous.

Ils ont aussi souvent des rues avec des dates magiques pour eux : 20 septembre, 15 mai, 4 novembre, 25 avril, et peut-être d’autres. Mais nous, ça ne nous cause pas. Faudrait que je révise mon histoire d’Italie. Autre particularité, le numéro de jour, ils les écrivent en chiffres romains. Mais bon, il ne faut pas s’étonner qu’à Rome, on utilise des chiffres romains, hein ?

Ah, chez eux, le 14 juillet, c’est le 2 juin. Mais apparemment, ce n’est qu’un jour à moitié férié. J’ai entendu dire que les Italiens ne sont pas tous d’accord pour avoir ce jour comme fête nationale.

Cinquante-huitième jour : Gènes. (Genova en italien)

Un grand port, très sale, encore plus que la Provence. Ah oui. En comparaison, Rennes, même avec ses crottes de chien et ses dégueulis d’ivrogne, ferait presque propre.

A propos de crottes de chien, les Italiens me semblent avoir pris le problème au sérieux.

L’accès des rues piétonnes et des centres historiques des villes est interdit aux gens accompagnés de chien. Tout simplement. Il est précisé que les aveugles avec chien d’aveugle, ne sont pas concernés par la mesure, car ils sont bien éduqués, eux. Les promenades en front de mer, pareil. Certaines villes sont un peu plus cool, elles autorisent les chiens, à condition que la personne qui les mènent soit équipée de pelle et de sac pour ramasser d’éventuelles déjections.

Venant de Savone, après une longue étape, j’ai trouvé un hôtel, à l’entrée de Gênes, Stella, il s’appelait, une seule étoile. Mais ça allait bien, je trouve, une étoile, et une seule, pour Stella, je trouve que deux, ça aurait fait moins joli sur la pancarte. Le lendemain, j’ai suivi une pancarte "centro", mais c’était "centro" pour les voitures, pas pour les piétons, et je me suis trouvé sur une autoroute urbaine à 4 voies, sur piliers, 15 mètres au-dessus du sol, coincé sur un petit trottoir de 30 centimètres de large. Heureusement, il y avait une rambarde de sécurité pour me protéger des voitures. Je me suis assez rapidement rendu compte de mon erreur, mais je croyais que j’allais m’en sortir vite fait. Erreur, ça a duré 4 ou 5 kilomètres. De tout en bas, un policier m’a vu, il m’a fait de grands signes, où j’ai compris qu’il me demandait si je n’étais pas un peu malade. Oui, j’ai aussi répondu par signes, j’ai bien compris mon erreur, mais maintenant que j’y suis, en avant ou en arrière, c’est pareil, alors je continue en avant. Je me suis attendu à ce qu’une ambulance, alertée par le policier, vienne me chercher pour m’enfermer à l’hôpital psychiatrique, mais j’ai réussi à m’échapper avant qu’elle n’arrive.

Cinquante-neuvième jour : Rapallo.

Ah, ça change de Gênes. Très chic. Je me souvenais du traité de Rapallo, vaguement, mais je savais plus où c’était. Maintenant, je sais.

Soixantième jour : Moneglia.

Ils disent dans mon petit bouquin d’italien que le "gli" est difficile à prononcer. Comme j’avais une Italienne sous la main, -je vais vous raconter, ne vous inquiètez pas-, comme j’avais une Italienne sous la main, je disais, je lui ai fait répéter plusieurs fois Moneglia, où il y a un gli. En fait, moi j’entends Monéya, ou Monéilla, si vous vous voulez. Marseille, Marseilla, parce qu’il leur faut toujours un A, ou un O au bout, ils l’écriraient Marseglia. D’ailleurs, ils l’écrivent Marseglia, je crois bien, à moins que ce soit Marsiglia. Enfin, peu importe.

Bon, je vous raconte l’Italienne. Je venais de Rapallo, et je suivais la côte par une ancienne voie de chemin de fer. Et je suis arrivé à un point où cette ancienne voie de chemin de fer avait été récupérée pour en faire une route. Et la route s’enfonçait dans un tunnel de 4 ou 6 kilomètres, interdit aux piétons. Pour prendre un chemin de contournement, il fallait revenir en arrière, -j’ai horreur de revenir en arrière, de toute façon-, et prendre un sentier qui fait au moins quinze kilomètres, on m’a dit. Et il y avait un feu rouge à l’entrée du tunnel, car il est tellement étroit que les voitures ne peuvent pas se croiser à l’intérieur, donc un coup dans un sens, un coup dans l’autre. Bon, fallait que je trouve une combine pour aller de l’autre côté. Je ne pouvais pas aller par la plage, il n’y avait pas de plage, la montagne tombait direct dans la mer. Alors j’ai imaginé de demander à un des automobilistes qui étaient là, s’ils n’avaient pas une petite place pour moi. Je suis marcheur, bon, d’accord, mais en cas de nécessité, il faut bien se débrouiller autrement, hein ? J’ai vu une première voiture, j’ai reconnu à leur immatriculation rouge que c’étaient des Belges. Je me suis approché, ils parlaient, mais pas français. Bon, aux suivants, des Anglais. Ah, en anglais, j’allais pouvoir me faire comprendre. Mais ils n’avaient pas de place, les places arrière étaient encombrées de bagages. Bon, la suivante était un 4x4 italien, avec une Italienne, dedans, fort aimable. D’habitude, dans les 4x4, je ne sais si vous avez remarqué, il y a surtout des beaufs. Mais là, non. Je lui ai raconté mon histoire comme j’ai pu : je marchais, mais là, c’est interdit aux piétons. Elle m’a dit qu’elle pouvait me prendre et m’amener de l’autre côté du tunnel. En attendant le feu vert, dix minutes tout de même, on a causé de Moneglia, où je voulais aller.

Soixante-deuxième jour : Cinque Terre.

C’est un endroit sur lequel j’avais vu un reportage à la télé, sur leurs vignes en terrasse et leurs installations mécaniques pour remonter le raisin. Beaucoup de touristes. Et une curiosité que je n’avais jamais encore vue : il y a des autoroutes à péages, ça je savais, mais des sentiers à péage, ça je ne savais pas. Eh bien, il y en a, en Italie, dans la région de Cinque Terre. Mais bon, je me suis débrouillé pour y échapper, sans même vraiment le vouloir, j’avais déjà préparé mes 5 euros. A la guérite de contrôle, devant moi, il y avait un groupe d’Allemands avec un guide. Le guide a payé pour tout le groupe. Et comme j’étais collé au groupe d’Allemands, je suis passé avec eux, sans que le type de la guérite nous compte. Et voilà. Y a un Allemand qui a failli dire "Oh, y en a un qui n’est pas avec nous", mais je lui ai fait signe de la fermer, et il s’est retenu. J’ai dépassé le groupe, et j’ai filé sans demander mon reste. Des sentiers à péage, vous vous rendez compte. A la sortie, il y avait une guérite aussi "-Crotte, je suis refait... Nouveau contrôle. Oh, je vais dire que je l’ai perdu, mon ticket." (J’ai écrit "crotte", parce qu’ici je me contrôle un peu, mais j’ai pensé autre chose, en fait). Mais le type de la guérite était occupé avec autre chose, et je suis passé sans qu’il me voie.

On arrive à un village, j’ai traversé le village, et au sortir du village, nouvelle guérite. Bon, cette fois, ça ne va peut-être pas marcher. Mais j’ai demandé au type de la guérite où était le sentier numéro 7, il m’a dit, et il ne m’a pas fait payer parce que le numéro 7 était gratuit. Mais j’aurais pu rester sur le numéro 2 payant, je crois qu’il ne s’en serait pas rendu compte, le numéro 2 et le numéro 7 avaient cent mètres en commun, et la séparation était hors de vue du type de la guérite. Mais je suis parti sur le numéro 7, je voulais rentrer dans les terres et quitter l’immédiat bord de mer. Plus tard, je me suis perdu, mais ça, je vous ai déjà raconté.

Soixante-troisième jour : Carrare.

Avant d’arriver à Carrare, on passe au pont d’Arcole. Vous vous souvenez du pont d’Arcole, le général Bonaparte, franchissant seul le pont, avec le drapeau, sous la mitraille, pour entraîner ses troupes. Ah, Ah, le beau tableau...

A Carrare, les bordures de trottoirs sont en marbre. De Carrare, je présume. Parfois même les trottoirs. Mais quand il pleut, c’était le cas quand j’y étais, c’est plutôt casse-gueule. A Carrare, il y a des tas d’ateliers où des sculpteurs travaillent le marbre, avec des perceuses, des fraiseuses, des ponceuses... électriques. Ça fait un bruit pas possible, et ça dégage beaucoup de poussière.

Soixante-quatrième jour : Viareggio.

De grandes plages occupées par des rangées et des rangées de chaises longues avec parasols, avec presque personne dedans. Ah oui, en Italie, il n’y a pas beaucoup plages, pas où je suis passé, en tout cas. Et quand il y en a, elles sont accaparées par des plagistes qui les équipent de chaises longues et de parasols. Il reste de tout petits bouts de plages libres, mais à ce que j’ai vu, ils sont assez sales. Par contre, les endroits exploités par les plagistes sont bien entretenus, criblés, ratissés... Bien. Sur une de ces plages de plagiste, j’ai vu un écriteau : défense de jouer au ballon. Qu’ils interdisent les chiens, les fumeurs, je veux bien, mais de jouer au ballon... Mais bon, comme ils sont chez eux, ils font les règlements qu’ils veulent.

Soixante-cinquième jour : Pise.

-Eh bien oui, la tour est penchée, pas de surprise...

Soixante-neuvième jour : Sienne.

Il y a une charcuterie, une vraie caverne d’Ali-baba. Mais le charcutier a mis un écriteau "Défense de photographier." J’ai respecté la consigne.

L'auberge de jeunesse, est loin, hors les murs, même pas sur le plan distribué par l'ufficio turistico. Je décide de tenter ma chance dans un hôtel en ville. Deux échecs, compléto. Je me présente à l'hôtel Toscana, je raconte ma petite histoire comme vous savez, avec le 7 ou 8 mots d'italien que je connais :

-Avvete una camera per un pelegrino per una notte ?

Ah, il y a de la place.

- Quanto costa ? je demande.

-62.

C'est cher... Je réfléchis deux secondes, et je dis, "bon, je prends".

Il documento, et tout le tralala,

Je paye, 3 billets de 20 euros et deux pièces de 1 euro.

Je monte dans ma chambre.

Je n'y suis pas encore entré que le téléphone sonne déjà. Comme je n'y comprends pas grand chose, mais que je comprends toutefois qu'il y a un problème, je redescends à la réception, mon sac toujours sur le dos.

Et là, on m'explique que prix était 62 euros et que je n'ai donné que 42.

-Comment ça, je n'ai donné que 42 euros ? Je vous ai donné 62, 3 billets de 20 et 2 euros.

- Non, non, vous n'avez donné que 42, faut donner 20 de plus.

Et comme ça pendant cinq minutes. Le ton est monté, la réceptionniste a parlé d'appeler la police.

- Ah ben, me voilà beau. j'ai pensé.

Alors, j'ai sorti mon dernier argument :

- Ah ben, appelez la police, si vous voulez, moi, j'ai un reçu où il est marqué que j'ai payé 62 euros, et j'ai montré le dit reçu qui dépassait de la poche de ma chemise.

La réceptionniste a tenté de le faucher. Mais je me suis écarté à temps pour que sa manoeuvre échoue. S’écarter violemment, avec le sac sur le dos, j’aurais pu tomber.

Et finalement, comme par hasard, elle a ré-ouvert son cahier, et elle a trouvé le billet manquant.

Elle s'est alors confondu en excuses. Que j'ai refusées.

Ah ben, c'est facile de présenter des excuses, après m'avoir menacé de la Police. J’ai demandé une réduction sur le prix de la chambre. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas l'autorité suffisante pour m'accorder une réduction.

- Bon, appelez-moi le directeur alors, pour qu'on s'explique.

Alors là, elle m'a donné les deux euros qui étaient encore sur le comptoir.

Et je suis reparti avec ça, je n'allais pas non plus y passer la soirée.

Si j’avais laissé ma carte d’identité, j’étais refait de 20 euros.

Soixante-treizième jour : Montefiacone.

C’est à une centaine de kilomètres de Rome, et c’était autrefois une résidence d’été du pape. Les bâtiments sont toujours là et ils ont été convertis en centre culturel. En faisant un tour dans Montefiacone, je suis tombé sur le club du troisième âge, il y avait un bal, pareil qu’à Corlay ou à Laniscat.

Et je suis tombé aussi sur une gelateria dont c’était le premier jour d’existence : glace gratuite pour tout le monde. J’en ai profité.

Soixante-quatorzième jour :

Je traverse une zone où on cultive les noisetiers. Je suis sûr que vous ne vous étiez jamais posé la question de savoir d’où venaient toutes ces noisettes qu’on trouve dans les tablettes de chocolat.

Rassurez-vous, moi non plus. Mais maintenant je sais. Mais n’allez pas croire que ça pousse comme ça sans qu’on s’en occupe. Non, non, les noisetiers, c’est aussi technique que le blé, la pomme de terre ou le chou-fleur. Je les ai vu faire. Faut bien nettoyer autour, faut amener de l’eau au pied, faut leur faire des fumigations...

Soixante-seizième jour : Rome.

A 16 heures 09, j’ai atteint le pont Fulminio sur le Tibre.

Bon, je n’étais pas encore place Saint-Pierre, je gardais ça pour le lendemain. Mais la réussite de mon entreprise ne faisait plus de doute.

A Rome, j’ai visité la Basilique Saint-Pierre, les ruines romaines, je me suis baladé un peu au hasard, du nord au sud, jusqu’à la via Appia, que je voyais enfin. Depuis le temps que j’en avais entendu parler. Je suis même allé un peu plus loin, jusqu’aux catacombes. Les catacombes, c’est déjà la campagne. J’ai visité le musée du Vatican.

J’ai aussi tenté la villa Médicis, lieu où tous les artistes officiels français se doivent de faire un séjour. Il y avait une expo sur un sculpteur que je ne connaissais pas : Auffret.

Avec un nom comme ça, il doit être certainement Breton, j’ai pensé. Et en effet, il l’était un petit peu, puisque, j’ai lu dans sa bio, ses parents étaient de Brest. Mais lui, il a été élevé à Besançon, si je me souviens bien. Ce qui m’afflige dans les expos, ce sont les commentaires sur des petits présentoirs à côté des oeuvres. Quand ce sont les "artistes" eux-mêmes qui les ont rédigées, je suis atterré. J’ai envie de leur crier : "Si votre oeuvre est une oeuvre, elle n’a pas besoin de service marketing annexe pour nous expliquer ce que vous avez voulu faire."

Voilà, c’est fini, j’espère ne pas vous avoir trop ennuyés.

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