Questions qui m'ont été posées, un jour ou l'autre.
Peut-être y a-t-il la vôtre dans le tas ? Vous trouverez certaines stupides, mais bon, soyez tolérants, même ceux qui n'ont pas fait Polytechnique ont le droit de poser des questions, et d'obtenir des réponses. Déjà que les polytechniciens, quelquefois, je ne vous raconte pas. Tu te demandes s’ils n’ont pas un noeud dans les boyaux de la tête. Ah si, j’en connais un, il est à France-Télécom, je ne vous dirai pas son nom, je ne veux pas avoir d’histoire. Je n’aurais même pas dû vous dire qu’il était à France-Télécom. Parce que France-Télécom, elle va me faire un procès pour avoir dénigré un membre de son personnel. Bon, je rectifie, je ne sais pas où il travaille. Veuillez noter que je me suis trompé, et que je ne sais pas où il travaille, peut-être il est à l’Irisa, en fait, ou quelque part par là, du côté de Cesson-Sévigné. Je ne sais pas. Voilà, je ne sais pas.
Ça t'a pris comme ça ?
- Non, pas vraiment, tu as peut-être remarqué que j'avais évité de prendre tout engagement pour le deuxième trimestre 2007, et même pour le début du troisième. J'y ai pensé sérieusement à partir de fin 2006, en fait. J’ai pris des engagements pour le troisième trimestre, mais j’ai oublié lesquels, mais je ne me fais pas trop de souci, Françoise me les rappellera en temps voulu.
Tu avais fait un voeu ?
- Non, non, je n'avais pas fait de voeu.
Dans le même ordre d'idée, j'ai rencontré un couple de Français, à Levanto, dont la femme était très intriguée par mon intention d'aller à Rome à pied. Elle croyait si peu en ma réponse, que le lendemain, quand je les ai rencontrés à nouveau, 15 kilomètres plus loin, elle m'a re-posé la question. Pour être sûre d'être sûre, probablement. Ils étaient en camping-car.
Quand est-ce que tu reviens ?
- Chais pas, on verra bien. A vue de nez, comme ça, je devrais être à Rome, vers le 10 juillet.
En fait, j'ai avancé plus vite que prévu, et je suis arrivé à Rome le 20 juin. J’ai fait des étapes assez longues, en effet. Mais ce n’est pas mauvaise volonté de ma part, je vous assure. Que je vous explique comment ça se passe : supposition que je prévoye une étape tranquille de 25-28 kilomètres. Il peut se présenter plusieurs cas :
· 1. Il fait beau, je suis en forme, et à midi, j'en ai déjà fait 20, je ne vais pas rester là à glander, donc je m'en remets 12 pour l'après-midi.
· 2. J'arrive à destination, mais là, problème d'hébergement. Donc, j'avance jusqu'à la prochaine halte possible, où un nouveau problème d'hébergement surgit, et je me trouve comme ça, avec une étape de 40 kilomètres.
· 3. Quelquefois aussi, je dois le reconnaître, envie de connaître mes limites, c'est bon à connaître, ses limites, non ? Alors une fois, ou deux, je suis parti en disant : "Tiens, aujourd'hui, j'essaie d'approcher les 50, comme ça, pour voir", et en fait, j'ai dû faire 52 ou 53, mais c'est exceptionnel.
Comment tu reviendras ?
- Ah ben, alors là, je n'en sais rien. Mon souci pour le moment est d'y arriver, pas d'en revenir. Je ne me fais pas trop de souci pour le retour : si je réussis à y arriver, je pense que je trouverai bien une combine pour revenir, sans problème.
Ça, c'est la réponse que je faisais, avant, et pendant mon voyage.
Maintenant, que je suis revenu, je peux vous dire comment je suis revenu.
Dimanche 24 juin, muni de la bénédiction papale de midi, je me suis dirigé vers la gare de Rome, qui doit être à environ 4 - 5 kilomètres de la place Saint-Pierre, car j'y suis arrivé vers une heure et demie. J'ai pris le premier train pour Florence, avec l'intention de passer quelques jours à Florence, histoire de faire un peu de tourisme, mais Florence m'a dégoûté. Je suis retourné illico à la gare, dare-dare : j'ai demandé un billet pour la première gare française, mais il n'y avait plus de place.
Alors, voulant à toute force quitter Florence, j'ai pris un billet pour Milan. A Milan, à 11 heures du soir, j'ai trouvé un hôtel, une étoile, à 35 euros la chambre, et je me suis promis de visiter Milan le lendemain, et de me renseigner sur les trains pour la France.
En fait, le lendemain, à 9 heures moins le quart, j'ai commencé par me renseigner sur les trains avant de visiter. Et il y avait un train à 9 heures 10. J'ai donc décidé de laisser là Milan et de tenter le coup : trouver le bon guichet, faire la queue, savoir s'il restait encore une place, tout ça. Curieusement, il y avait encore une place disponible, j'ai eu mon billet à 9 heures 05. Ne restait plus qu'à trouver le quai de départ, composter, (ah, oui, en Italie aussi, faut composter !), trouver la bonne voiture, et à 9 heures 09 minutes et 45 secondes, j'étais dans le train, qui partait à 9 heures 10, pétantes.
A Modane, arrêt, pour m'acheter un billet pour Lyon, au tarif réduit auquel j'ai droit avec ma carte de réduc. Remarquez, j'aurais peut-être pu faire jouer ma réduction depuis l'Italie, mais j'ai trouvé déjà assez compliqué comme ça d'obtenir un billet au tarif normal. Au guichetier de la SNCF, à Modane, j’ai demandé s’il y avait un restau à promiscuité, et dit que j’avais marre de la pizza et des spaghettis, que je voulais un bifteck-frites, et du calendo. Il m’a dit que je tombais mal, le seul restau, ouvert à proximité de la gare, était une pizzéria. Bon, ce sera sandwich, alors. A Lyon, j'ai eu la surprise de trouver un train direct pour Rennes, qui partait dans la demi-heure. Hop, je le prends, et me voilà à Rennes à 22 heures 52.
Bye, bye, l'Italie. Florence, Milan, Turin, Venise, ce sera pour une autre fois, quand il fera moins chaud.
Tu y vas seul ?
- Oui, seul.
Tu n'as pas essayé de trouver quelqu'un pour t'accompagner ?
- Non.
Remarque, entre nous : ce n'est pas sans avantage, la solitude sur le chemin, personne pour critiquer ton non-rasage, tes cheveux qui n'ont pas vu le coiffeur de six mois, ta moustache qui te vieillit, parait-il, ta casquette défraîchie, ton irrespect du standard de comportement en vigueur au New-Jersey.
Oui, je sais bien, on devrait être insensible à ces caquetages. Mais que voulez-vous, je n'ai pas encore réussi à y échapper totalement, malgré un travail assidu et constant, depuis des années.
Ah, oui, mais on ne peut pas y aller, comme ça, seule, quand on est une femme.
- Je suis mal placé pour répondre. N’étant pas une femme, je ne pourrai jamais sentir les choses comme une femme. Malgré ma meilleure volonté. Je peux seulement vous dire qu’au cours de mes randonnées, j’ai rencontré des randonneuses solitaires. Elles sont moins nombreuses que les randonneurs solitaires, certes. Mais il y en a. Je n’ai jamais entendu dire qu’elles aient eu le moindre problème.
Pourquoi tu es revenu si vite, tu aurais pu faire un peu plus de tourisme, non ? Tant qu’à
faire ?
- Oui, mais comme je vous ai dit, Florence m’a gonflé. Mais gonflé grave. Je sors du train, je me dirige vers l’office de tourisme, qui était là, directement dans la gare, pour avoir un plan de la ville, et savoir où était l’auberge de jeunesse, j’avais son adresse. A l’auberge de jeunesse de Rome, il y avait un panneau "Réservez votre prochaine auberge", c’était en anglais, mais j’avais compris. J’avais donc demandé à la nana de l’accueil, qui parlait français comme vous et moi, "Eh bien, réservez-moi à Florence, puisque vous le proposez si gentiment". Elle avait téléphoné à sa collègue à Florence, et elle m’avait répondu : "Oh, ce n’est pas la peine, il y a de la place tant que vous voulez."
Bon.
Me voilà donc à l’office de tourisme de Florence.
Et voilà, dis donc, qu’ils veulent me faire payer leur carte de la ville, un euro. Une carte publicitaire, un euro. Jamais vu ça. Et je pars, sans carte, et sans savoir où était l’auberge de jeunesse. J’oublie de demander, tellement je suis estomaqué par cette prétention. Je sors donc de l’office de tourisme, et je fais deux pas dans la ville. Une église. Je vais pour entrer pour visiter. Je tombe sur un garde-chiourme qui me fait remarquer que l’entrée pour les touristes, c’est de l’autre côté, et qu’ici, c’est pour ceux qui viennent prier. "Ah ben, ça tombe bien, je viens prier." Mais il ne m’a pas cru, et il m’a redit que l’entrée pour les touristes, c’était de l’autre côté. J’ai tenté d’expliquer que les touristes pouvaient, eux aussi, avoir envie de prier, mais il s’est énervé.
Bon, on ne va pas en venir aux mains, je suis donc parti sur un échec, mais je n’allais quand même pas aller payer, je ne sais combien d’euros, pour visiter une église de plus. Je fais cent mètres, encore une église. Je retente le coup. Même scénario. J’ai le truc pour trouver la mauvaise entrée pour les touristes, y a pas à dire.
Après m’être fait éconduire une deuxième fois, je bute en sortant sur une mendiante, qui quémandait une pièce, pour elle et l’enfant qu’elle allaitait. Je manque de m’étaler, avec mon sac à dos. Je me rattrape de justesse. Si j’étais tombé, je me trouvais en bas de l’escalier, avec une jambe cassée, c’est sûr, peut-être même les deux.
"- Quoi, vous venez mendier, avec votre nourrisson pour apitoyer le chaland. Et vous faites des croche-pattes aux passants. Vous n’avez pas honte ? Vous ne pouvez pas subvenir à vos propres besoins, et vous faites des gosses. Ah, le bel avenir que vous lui préparez !"
Je sais bien que ce n’est pas des choses à dire, mais on dit des fois des conneries quand on est énervé, quand on vient juste d’éviter de justesse une chute, qui aurait pu être mortelle, qui sait ? Ah si, des fois, les chutes, ça peut être grave. Tiens, y a deux ans, Louis, à l’Abrec, il bute dans une racine qui dépassait, il tombe, il se démet l’épaule. A fallu qu’on appelle les pompiers, urgence à l’hosto, tout ça...
Bon, je me calme un peu.
Je rentre dans un quartier piétonnier, et sur une petite place, je vois un fourgon de police municipale.
"Ah, ben tiens, ils vont peut-être pouvoir me renseigner, où est l’auberge de jeunesse", puisque j’ai oublié de demander à l’office de tourisme. Parce que j’avais bien vu un ou deux hôtels, mais vu la quantité de touristes, sans même me renseigner du prix, j’avais estimé que les prix des chambres devaient être, comme à Rome, de l’ordre de 80 euros, pour les plus modestes, et que ça me semblait stupide de payer une chambre ce prix.
Alors, j’ai montré l’adresse que j’avais sur un bout de papier au policier municipal. Je ne me suis pas lancé à essayer de la dire en italien, il ne m’aurait certainement pas compris. Le policier ne savait pas. Il a demandé à son collègue, il ne savait pas non plus. La police municipale de Florence qui ne sait pas où est une rue dans Florence, ça a fini par me démoraliser, et je suis reparti à la gare, où j’ai fait comme je vous ai dit.
Il y a un autre phénomène, qui explique le retour rapide : quand vous avez vu, des centaines de tableaux, de statues, de vitraux, que sais-je, avec les meilleures signatures de tout le monde occidental, Raphaël, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Boticelli, et plein d’autres dont j’ai oublié les noms tellement il y en a, des statues en marbre, remontant aux premiers siècles de notre ère, et même avant, laissées là en plein vent, et sous la pluie, -parce qu’il pleut aussi à Rome quelquefois-, laissées là, sans protection, tellement il y en a, des dizaines de centri storici, (oui, oui, ça doit faire comme ça au pluriel, centro storico, (centre historique), mais je peux me tromper), qu’est-ce que vous voulez, dix de plus, une de plus, même, on ne peut plus absorber. C’est sur ce constat que j’ai pris ma décision.
Autre élément, mais secondaire celui-là, -si, si, secondaire, croyez-moi-, en revenant avant fin juin, j’avais une petite chance que la saison des cerises ne fût pas encore terminée en Bretagne. Manque de bol, je suis allé visiter mes cerisiers le lendemain de mon retour, pas une seule cerise, vous n’avez pas eu les fleurs qu’il fallait, et le vent qui fallait pour la pollinisation, ou quoi, pendant que j’étais parti ? Même chez Jean-Yves, à Bruz, pas une seule cerise. Bon, tampis. (Je sais bien que "tampis" ne s’écrit pas comme ça, mais c’est Katell, qui m’a appris à l’écrire de cette façon rigolote.)
Pourquoi tu ne le fais pas plutôt en plusieurs tronçons ?
- Ah ben non. Ah ben non. Mon jeu à moi, c’est de partir longtemps, voir si on oublie.
Parce que, je ne sais pas si tu as remarqué, pour se souvenir, on a des méthodes assez efficaces. Au pire, si on a des problèmes de mémoire, on écrit sur des calepins, on fait des tris, on range, on classe ses idées, pour ne pas les oublier.
Mais pour oublier ? Comment fait-on ?
Supposition : t’as des mauvaises idées, qui te gâchent la vie, comment tu fais pour t’en débarrasser ? En pensant que tu devrais les oublier, tu y penses fatalement, et elles restent au premier plan dans ta tête à t’empoisonner la vie.
Non, non, moi je vais essayer de partir longtemps, 15 jours, même un mois, ce n’est pas suffisant pour perdre ses repères, changer d’univers.
J’ai déjà lu les témoignages de marcheurs au long cours : à un moment, ils décollent, ils planent, ils ne sont plus sur la même planète. Je veux trouver cette sensation. Il paraît qu’avec l’alcool ou le hash, c’est ce qu’ils cherchent aussi. Reconnais que la marche à pied, c’est plus sain, comme démarche.
Tu t'es servi de quels documents pour construire ton parcours ?
- Pour la partie française, deux topo-guides de la FFRP. Celui du GR3, d'Angers à Bonny-sur-Loire (Bonny-sur-Loire, c’est sur la Loire, comme son nom l’indique, et dans le Loiret), pour commencer. Et celui du chemin Stevenson.
- Le topo-guide du GR3, sa page "hébergements" est loin, très loin, d'être à jour. J'en ai fait la remarque à la FFRP, mais j'ai des doutes sur une prompte réaction. On y annonce en plusieurs occasions, "à tel endroit, nombreux hébergements, se renseigner à l'office de tourisme". En fait, il n'y a plus d'office de tourisme, c'est le gérant du camping qui s'en occupait, il a fait faillite, donc plus d'office de tourisme, et pire, il n'y a pas d'hébergement non plus. Ou alors si, il y a madame Truc qui fait chambre d'hôte. J'obtiens le numéro de Madame Truc. J'appelle. Bien sûr, je tombe sur un répondeur, qui demande de rappeler plus tard, ou de laisser son numéro, elle rappellera. Je laisse mon numéro. Elle me rappellera, en effet, à onze heures du soir, pour me dire qu'elle n'avait pas de place en ce moment, qu'elle avait des Anglais, qu'elle les avait, là, pour la semaine... Bon, heureusement que je n'avais pas attendu.
- Le topo-guide du Stevenson, ré-édité cette année, lui est parfait.
On peut regretter l'absence de topo-guide pour la partie du GR3, entre Briare et la source de la Loire, en cette année du GR3.
A part ces deux topo-guides, c'est débrouillardise avec les cartes IGN au cent-millième, et les documents des offices de tourisme. Ceux de l'Allier et du Gard, sont excellents.
En Italie, débrouillardise, avec les documents des offices de tourisme. Certains sont excellents aussi, cartes des sentiers dans la province d'Imperia, carte des sentiers de Cinque Terre, un peu avant La Spezia, carte routière en Toscane, et en Latium. En Toscane, j'ai trouvé le balisage de la Via Francigena, je l'ai suivi comme j'ai pu. Quand je me perdais, je me rabattais sur la route nationale SS2 (Via Cassia), et je retrouvais la Francigena un peu plus loin.
A propos des offices de tourisme, je signale qu'on y est généralement très bien reçu. Mais parmi eux, je dois décerner une mention particulière à celui de Bourbon-Lancy. C'est en Bourgogne. Il m'a dégoté une chambre, à tarif pèlerin, dans un hôtel trois étoiles. Et donné d'excellents documents sur le département de l'Allier, que j'allais traverser. Généralement, les offices de tourismes ont des documents sur leur territoire, mais pas sur celui de leurs voisins.
Et en Italie, à celui d'Abbadia San Salvatore, et à celui de Rome.
Mais honte aux offices de tourisme de Saint-Rémy-de-Provence, Aix-en-Provence, Pise, Sienne, et Florence, qui n'en ont vraiment rien à battre de la clientèle des marcheurs.
C'est quoi le chemin Stevenson ?
- C'est un type, Robert-Louis Stevenson, il a fait un trajet de Monastier-sur-Gazeille, -c'est à une vingtaine de kilomètres du Puy-en-Velay-, de Monastier, je disais, à Saint-Jean-du-Gard. Avec une ânesse, nommée Modestine. C'était en 1878. Il en a fait le récit dans un bouquin "Voyage avec un âne dans les Cévennes", et il a eu du succès. Faut dire qu'il savait écrire, il a écrit par ailleurs "L’île aux trésors" et "Le cas étrange de Dr Jekyll et de Mr Hyde". Et depuis, son trajet a été fait, refait, re-re-fait par des tas de gens, et normalisé, balisé, topo-guidé. Il s'appelle le GR70 dans la nomenclature de la FFRP.
Il est très fréquenté par les randonneurs. Il est certainement dans le top 10 des itinéraires de randonnées, avec les chemins de Saint-Jacques, le GR20 en Corse, le tour de Mont-Blanc et quelques autres. Son succès est tout à fait justifié, à mon avis.
Certains font le chemin avec un âne, comme notre illustre prédécesseur. Il y a des loueurs d'ânes, tant que vous voulez. Ça coûte 20 euros la journée, un âne. Sans son hébergement. Ah ben oui, l'âne, faut lui trouver un pré, pour qu'il casse la croûte pendant la nuit, sinon le matin, il ne va pas marcher. Le pré pour l'âne, faut compter entre 3 et 5 euros. L'âne, ça ne marche pas vite : 3 km à l'heure, et ça a toujours envie de s'arrêter, pour ramasser une bouchée d'herbe, par ci, par là. Personnellement, je préfère porter mon barda, que de devoir m'occuper d'un âne, qui le porterait. En plus, quand ça se met à braire, ça casse les oreilles.
Tu t'es fait une préparation physique spéciale ?
- Non, rien de spécial. Juste mon activité de randonnée usuelle, sorties avec Oxygène, le Club Alpin, et l'Abrec, comme d'hab. Je ne suis pas particulièrement baraqué, ni costaud, loin de là, 64 kg pour 1 mètre 78.
Je ne fume pas. Je bois très peu d’alcool, une bière, ou un demi-verre de vin, par ci, par là.
Mes seuls diplômes sportifs : un brevet sportif populaire, obtenu de justesse quand j'avais treize ou quatorze ans, je ne me souviens plus exactement, et un Brevet du Randonneur Breton, 30 kilomètres non balisés, décerné par la fédération bretonne de randonnée, en 2005.
Ah, pendant que j'en suis aux diplômes : j'en ai un plein tiroir dont la plupart ne m'ont servi qu'à dire que je les avais obtenus, et de plus, presque personne n'a jamais pris la peine de vérifier que je les avais vraiment. Quand je disais que je les avais, on m'a toujours cru sur parole. Le dernier que je viens d'obtenir : l'attestation de formation aux premiers secours, formation offerte par Oxygène, mon club de rando. Merci Oxygène. Il a failli me servir, sur la place Saint-Pierre, à Rome, une jeune femme est tombée tout près de moi, mais des secouristes, là pour ça justement, se sont précipités tout de suite, ils l'ont mise en PLS, Position Latérale de Sécurité.
Voyez, j'ai le vocabulaire.
T'avais quoi dans ton sac ?
- Ah, tu veux savoir ce que j'avais dans mon sac. Ah ben, ça tombe bien, j'en ai un inventaire détaillé, tu penses bien qu'on ne part pas pour une telle expédition sans avoir mûrement réfléchi à ce qu'on emportait, et à ce qu'on n'emportait pas. Parce qu'il faut se le porter, le sac. Je sais exactement tout ce que j’avais. Je sais précisément où chaque chose était dans mon sac. J'ai un sac de 40 litres, c'est un peu juste, mais ça va. Le poids du sac est une contrainte forte. On ne peut emporter que le strict nécessaire.
Mon strict nécessaire était ceci :
Un sac de couchage.
Un sac à viande. (Pour ceux qui ne savent pas, ça fait office de drap à l’intérieur du sac de couchage.) (A Pradelles, le gîte fournissait des protège-matelas et des taies d'oreillers "à usage unique". Moi, j'ai gardé précieusement le protège-matelas et la taie d'oreiller qui m'avait été attribués, à usage unique, et je les ai utilisés de multiples fois, parce que parfois, certains matelas de gîtes sont vraiment d'une propreté plus que douteuse, celui de Goudet, sur le chemin de Stevenson, par exemple.)
A partir d'Orléans, une tente, monoplace. (En fait, je ne m'en suis pas servi. Euh, si, une fois, mais comme oreiller. Je l’ai prise comme précaution. 1.4 kg la précaution, on peut discuter de la pertinence, mais bon, j’ai fait comme ça.)
Un matelas mousse de campeur. (Faut pas rêver, ça fait un centimètre d'épaisseur, et on sent le béton à travers, mais c'est mieux que rien.)
Un poncho, un pantalon Kway, une veste Kway. (Sur la protection en cas de pluie, je ne suis pas encore au point, avec mon équipement : au bout de deux heures de marche par temps humide, je me retrouve trempé, à l’intérieur, comme à l’extérieur. Je ne sais si vous, vous avez réussi à résoudre le problème. Si vous avez la solution, je suis preneur.)
Un pantalon, un short.
Deux marcels, deux caleçons, trois tee-shirts, un polo, une chemise.
Quatre paires de chaussettes. J'en ai perdu une, j'en ai troué deux. J'en ai racheté une paire à Nevers.
Une paire d'espadrilles.
Une serviette de toilette.
Une brosse à dents, du dentifrice.
Du savon, un peigne, un rasoir, un blaireau, du savon à barbe.
Je suis parti avec un tube de "Génie sans bouillir", pour la lessive, mais quand il a été vide, je n’en ai pas racheté, et je me suis servi du savon, tout simplement.
Des médicaments : Efferalgan, Piasclédine, (ben oui, l'âge commence à se faire sentir, et je souffre d'arthrose), Nifluril, Compeed, Hextril gel. Une pommade pour les pieds. Une pommade anti-moustique. Une crème solaire.
Des boules Quiès.
Du papier toilette.
Une lime à ongles, des petits ciseaux.
Des pansements, des tubes à orteils.
Un répulsif anti-moustiques.
Une petite cuillère, un couteau de poche, un quart.
Une boussole, un sifflet, une lampe de poche, des piles AA.
Un téléphone portable, acheté exprès pour l'occasion, le chargeur du téléphone, le mode d'emploi du téléphone.
Un petit livre : l'Italien de poche.
3 épingles à nourrice. (C'est pour accrocher la lessive, pas sèche, sur le haut du sac, pour qu'elle sèche pendant la journée.)
Un appareil photo. Une clé Usb, pour mettre les photos quand l’appareil serait plein. Et bien sûr, boisson et casse-croûte pour la journée.
Je portais sur moi :
Des sous-vêtements. Une paire de chaussettes.
Un pantalon à jambes amovibles, une chemise, une polaire, un blouson, une casquette.
(J'ai perdu la casquette peu après Tours, la polaire, un peu avant Amboise. Le blouson ne m'a plus servi après Tarascon. J'ai racheté une casquette peu après Amboise.)
Mes chaussures de marche, marque Trezeta. (Je les ai achetées en janvier, précisant mes intentions au vendeur, et demandant des chaussures résistant à l'eau. En fait, à marcher pendant une heure dans l'herbe mouillée par la simple rosée du matin, j'avais déjà les pieds trempés pour le reste de la journée. Le matin, je préférais donc le goudron, en fait. Au Puy-en-Velay, j'ai trouvé un cordonnier pour refaire des coutures qui avaient cédé. A partir de trois semaines de marche, j'ai équipé les talons de clous.)
(Faut un S à clous ? ou un X ? je ne sais jamais. Ah oui, il n'est pas dans bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou et pou. Eh, je signale en passant que la liste n’est pas compète, il y a chouchou, aussi, mais celui-là, on n’en parle jamais. Mais il n’y a pas bisou. Non, non, n’y a pas bisou. Bisou, c’est bisouS.)
Les documents administratifs : carte d'identité, carte bleue, carte vitale, carte de réduction SNCF.
Quelques billets de 20 euros et quelques pièces de monnaie.
Un carnet, un stylo, et petit crayon pour le cas où je perdrais le stylo.
Deux poèmes, sur deux cartes de visite :
"Quand un ciel bas et lourd..."
"L'erreur, la sottise, le péché, la lésine..."
pour occuper mon esprit en cas de passage à vide spirituel.
A la main, carte ou topo-guide, et à la fin de mon parcours, un bâton.
Et c'est tout. Il aurait fallu que je prenne ma licence FFRP en plus, mais j’ai oublié.
Ton sac, il pèse combien ?
- Ah ben, je ne sais pas exactement, j'ai oublié de le peser avant de partir. Mais il doit faire dans les 10-12 kilo, sans la nourriture et sans la boisson.
Ça, c'était ma réponse au début. Mais ça m'embêtait aussi de pas savoir vraiment. A Olliergues, c'est un peu après Thiers, j'ai vu une pharmacie, avec une bascule, mais il fallait mettre un euro dans une fente, pour savoir son poids. Un euro, j'ai trouvé ça un peu cher, juste pour savoir le poids de mon sac, alors, j'ai continué sans savoir. Quelques jours plus tard, j'ai vu une bascule pour peser le bétail, à l'entrée d'une ferme, mais obnubilé par un processus de double pesée, que j'avais appris à l'école comme étant le plus fiable, moi avec le sac, moi sans le sac, et faire la différence, et qu'il était impossible d'être à la fois dans la cage pour être pesé et à l'extérieur pour lire le verdict de la bascule, j'ai raté une occasion de connaître le poids de ce foutu sac, alors que j'aurais pu le mettre tout seul dans la cage, tout en restant à l'extérieur pour lire le verdict, hein ? Enfin, quelques jours plus tard, à l'hôtel de Saint-Jean du Gard, il y avait une vieille bascule agricole en décoration, je m'en suis servi, sans pratiquer la double pesée, qui n'avait vraiment pas de sens, vu la précision souhaitée. Verdict : 11 kilogrammes.
T’avais pris une boussole, t’avais vraiment peur de te perdre ?
- Non, pas vraiment, mais ça ne pèse pas très lourd, et ça peut être bien utile, quand on se perd dans une forêt, par temps de brouillard. Mais à part ça, je suis bien d’accord avec toi, on s’en passe très bien.
Ah, je vais te raconter une anecdote qui peut-être va te faire sourire.
Justement, un jour, un peu avant La Spezia, je me suis perdu, dans une forêt, un jour de pluie. Pas moyen de se repérer sur le soleil. Je ne savais plus où aller : à droite ?, à gauche ?, en avant ?, ou peut-être même en arrière ?
- Ah ben, c’est le moment de sortir ma boussole, j’ai pensé.
Ce que j’ai fait. Mais je ne me souvenais plus quel bout de l’aiguille, le rouge ou le noir, indiquait le nord, dis donc.
- Ah ben, me v’la dans de beaux draps !
Finalement, j’ai choisi l’avant, encouragé par le bruit d’un engin de chantier dans le lointain : je m’éloigne peut-être de La Spezia, où je veux aller, mais au moins, là, je trouverai quelqu’un qui me renseignera. Comme il était déjà assez tard, je n’avais qu’une trouille, que les ouvriers aient fini leur journée, et plié bagage avant que j’arrive à leur chantier. J’étais trempé, et j’avais peu de provision. Mais je n’ai pas eu besoin d’arriver au chantier, je suis arrivé à une route, que j’ai suivi vers le bas, j’ai trouvé un village, et à l’entrée du village, un agriculteur qui travaillait dans son champ. Il m’a dit où j’étais. Je ne m’étais trop écarté du chemin direct pour La Spezia finalement. Mais, je dois le reconnaître, c’était coup de bol, parce que je ne savais plus du tout où j’étais.
Tu es parti sans bâton ?
- Je suis parti sans bâton, en effet. J'ai horreur des bâtons télescopiques à 80 euros. Une fois, on m'en a fait cadeau d'un. J'ai aussi horreur des cadeaux, vous savez. Je me suis empressé de le perdre, bien évidemment. En cas de nécessité, je peux m'en faire un, avec une branche prélevée sur le terrain. Je n'ai eu besoin de bâton qu'un peu avant Le Puy, où je me suis affronté à trois gros chiens, gueulards et menaçants. Du coup, je me suis équipé d'un bâton pour le reste de la journée.
A partir de Brignoles, (Var), j'ai fait beaucoup de bord de routes. Je me suis équipé d'un bâton, que j'ai orné d'un bout de ruban plastique blanc et rouge, prélevé sur un chantier, et je m'en suis servi comme écarteur de voitures, car je trouvais qu'elles avaient un peu trop tendance à me frôler d'un peu trop près. Peu après Abbadia San Salvatore, j'ai trouvé un bout de tissu jaune fluo au bord de la route, et j'ai remplacé le ruban blanc et rouge par du tissu jaune fluo. (C'est pas croyable, ce qu'on peut trouver au bord des routes, des gants, des canettes de bières, des préservatifs usagés, des boites de préservatifs pas encore ouvertes, des pièces de monnaie, des boulons, -on se demande comment les voitures continuent à rouler sans- ...)
T'es parti en douce, comme ça, sans prévenir personne ?
- Je sens une pointe de désapprobation dans ta question.
Oui, bon, je suis parti dans la discrétion, en effet.
Mais supposition que pour une raison ou une autre, j'aie dû m'arrêter aux Ponts-de-Cé, qu'est-ce qu'elles auraient dit les commères ?
"-Oui, le gars, il est très fort pour faire des projets, mais pour les réaliser, il n'y a plus personne."
- Oh, y a pas que les commères, les compères aussi !
- Oui, tu as raison, les compères aussi. Ah, ben, tu vois. Et puis, je n'allais pas convoquer Ouest-France, non plus. Déjà, que maintenant que je suis revenu, le correspondant de mon quartier me tanne, chaque fois que je le vois, pour que je lui donne une interview. Et je le vois souvent, c'est mon plus proche voisin.
T'es parti début avril, pourquoi début avril ?
- Je suis parti début avril pour deux raisons : la première, avoir un temps pas trop humide en Pays de Loire, et région Centre (eh oui, il n'y a pas qu'en Bretagne qu'il pleut), la deuxième, arriver en Provence-Côte-d'azur, et en Italie, avant les chaleurs de l'été et la foule des touristes.
T'es parti de Nantes, pourquoi ?
- Oui, j'aurais pu partir de l'abbaye de Bon-Repos, et suivre le canal de Nantes à Brest, jusqu'à Nantes. Ça aurait fait joli aussi. Mais ça m'aurait fait huit jours de plus, et au départ, je ne comptais pas progresser aussi vite, et ça risquait de me faire arriver dans la chaleur, et la cohue des touristes. Déjà que j'en ai eu pas mal, comme ça, de la chaleur et des touristes.
Et puis Nantes, c'est encore en Bretagne, non ? Ah ben si, puisque que c'était la ville de résidence du dernier duc de Bretagne vraiment libre et indépendant. La pauvre Anne, sa fille, était sous tutelle, en fait, après la défaite de son père à Saint-Aubin-du-Cormier, le 28 juillet 1488, où l'élite de la Bretagne fut massacrée par l'armée française. Obligée de rompre ses fiançailles avec Maximilien d'Autriche, héritier du trône d’Autriche et de se marier, à quatorze ans, au roi de France, déjà marié par ailleurs, mais bon, il se faisait fort d’annuler son précédent mariage, il avait de l’entregent à Rome, et quand le roi de France meurt, obligée de se re-marier
au nouveau roi de France, ceci en vertu des traités inégaux imposés par la France après sa victoire militaire de Saint-Aubin-du-Cormier. France, pays des droits de l'homme, ils disent, tu parles !
- Ah oui, mais ça, c'était avant la révolution.
- Ah, parce que tu crois que la France d'après la Révolution, s'est comportée correctement, en
Algérie, en Indochine, à Madagascar, et j'en passe...
Ah, tiens, à propos de canal de Nantes à Brest, je signale à certains fils et certaines filles d'indigènes, comme ils s’appellent, que le président du comité de promotion du canal de Nantes à Brest est Kader Benferhat, qui est né dans une oasis du sud de l'Algérie. Il a écrit un livre sur le canal. Il a été naturalisé Breton sans problème. Salut Kader !
Et pour les hébergements, tu as fait comment ?
- D'abord pour préserver ma forme et ne pas risquer de me trouver un matin avec un torticolis, j'ai choisi dès le départ d'utiliser les hôtels, autant que possible. Un repos confortable est absolument nécessaire pour pouvoir arriver au bout d'une telle expédition. Pour moi, en tout cas. Quand on part pour huit-dix jours, c'est un autre cas.
J'ai aussi utilisé les gîtes d'étape, quand il y en avait. Et les auberges de jeunesse. Licencié à la Fédération de randonnée pédestre, on a automatiquement accès aux auberges de jeunesse, mais j'avais oublié ma licence FFRP. Mais on ne m'a fait pas d'histoire, et on m'a cru sur parole, partout où je suis passé. Même en Italie.
Les auberges de jeunesse, c'est le même principe que les gîtes d'étape, mais on te fournit des draps, et une taie d'oreiller, en plus. Les gens peuvent y séjourner plusieurs jours de suite, s'ils le veulent.
Je n'ai presque jamais réservé. Seulement au début du chemin de Stevenson, quand j’étais dans un flot de randonneurs, c’est tout. Et tous les soirs, j'ai eu un hébergement correct, sauf une nuit. Ça a été un peu plus difficile d'en trouver, les jours de pont, pendant le mois de mai. Seulement une nuit, en Italie, j'ai dormi dans un abri de fortune : la cabane à caddies, du supermarché local.
Les prix des hôtels sont raisonnables le long de la Loire, et dans le massif central. Ils sont déments en Provence-Côte-d'azur. En Italie, le prix des hôtels est un peu plus cher qu'en France, Provence-Côte d'azur exceptée, mais ils sont d'une propreté irréprochable, ce qui est loin d'être le cas de tous les hôtels français. Le summum du crade et cher, je l'ai trouvé à Lambesc, c'est à une vingtaine de kilomètres d'Aix-en-Provence. Mais c'était le seul ouvert du patelin.
A Draguignan, aussi, c'était particulièrement crade.
Un soir, le seul hébergement que j'ai trouvé, ç'a été un hôtel quatre étoiles. Je commence à raconter ma petite histoire : "Avvete una camera per un pelegrino per una notte ?", la patronne de l'établissement se marre de mon italien, elle est française. Mais sa qualité de française a simplifié les négociations, par la suite. Bon, j'ai tout de même payé 60 euros. Mais le petit déjeuner était splendide, et la vue sur la Toscane aussi. Et pour la première fois, j'ai pu avoir une chaîne de télé française, j'ai pu avoir quelques nouvelles de Sarkozy, Ségolène, Hollande,
tout ça, non que ça me manque vraiment, mais ça détend un peu d'entendre autre chose que de l'italien, auquel on n'entrave que dalle.
T'étais parti pendant les élections, t'as pas voté, alors ?
- Eh oui, j'étais parti. Et je n'ai pas voté, en effet. Je suis un mauvais citoyen, je le reconnais. Mais le jour du face-à-face à la télé, j'étais dans une chambre d'hôte avec télé. J'ai donc vu le débat. C'était chez Annie Chalet, à Olliergues, c'est dans le Puy-de-Dôme. C'est une chambre d'hôte superbe, je vous la recommande si vous passez par là. Vous pouvez même y passer plusieurs jours de suite si vous voulez, il y a plein de belles randos à faire dans le coin. Pour 35 euros, vous avez, une chambre, -avec télé, comme vous savez déjà-, avec plein de serviettes de toilette plus moelleuses, les unes que les autres, un petit déjeuner pantagruélique, avec jus d'orange fait devant vous, saucissons, jambons du pays, une douzaine de variétés de confitures, faites maison, trois ou quatre miels, cinq ou six fromages, en plus du fromage du coin, (attention, il y a une astuce sur le fromage du coin, je vous expliquerai si vous ne trouvez pas tout seul. Vous pouvez aussi téléphoner au copain d’Annie, -Guy, il s’appelle-, ça ne doit pas être difficile à trouver, pages jaunes, ou pages blanches, Annie Chalet, chambres d’hôte, Olliergues, Puy-de-Dôme), une dizaine de thés différents, et peut-être aussi de cafés, mais comme je ne bois pas de café, je ne suis pas intéressé à la question. Et vous pouvez même vous confectionner votre sandwich pour le midi, si vous voulez. Mais ce dernier point, je l'ai su trop tard, j'avais déjà fait mes courses, pour mon repas de midi.
Vous allez loin comme ça ?
- Oui, je vais à Rome.
- Vous allez à Rome !? À pied !?
- Oui, à Rome, à pied.
- Ah ben, bon courage !
A ce "bon courage", je répondais "Merci !", mais je n'avais pas besoin de courage, et je n'en ai jamais eu besoin, en fait. Non, non, j'ai marché, comme ça, sans effort.
Vous venez d'où ?
- De Nantes.
(En Italie, peu de monde sait où c'est, Nantes, alors j'explique, ou je sors une carte, ou je dessine sur un bout de papier, si la carte est fond du sac.)
Vous allez à Compostelle ?
- Ah, non, moi, c'est Rome.
Et je vais vous dire, Compostelle, c'est que de la fumisterie. A mon avis. Saint Jacques, il n'est jamais venu à Compostelle. Ce n'est pas possible. Alors que Saint Pierre, il est venu à Rome, ça, c’est sûr. On a les dates exactes, tout ça. On sait quand il a été crucifié. Eh oui, il a été crucifié, lui aussi. Mais la tête en bas, il a demandé ça comme une faveur, il paraît, la tête en bas, et les Romains, bons princes, lui ont accordé.
Vous allez au Puy-en-Velay ?
(Ça, c'est la question d'un type en camping-car, décoré de fresques pieuses, une centaine de kilomètres avant le Puy-en-Velay.)
- Oui.
- Nous aussi.
- Bon voyage, alors.
Je n'ai pas dit "-Ah oui, mais on ne joue pas dans la même cour, moi, j'y vais à pied, pas assis sur mon cul", mais je l'ai pensé. Le camping-car pour aller au Puy-en-Velay, en pèlerinage, je veux bien, pour les handicapés, mais pour les gens valides, ça me semble n'avoir aucun sens.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, vous ?
Pour faire ça, faut du temps libre !
- Eh oui, faut du temps. Si vous voulez, je vous donne la combine. Il y a quelque temps déjà, un lendemain de pleine lune, je suis tombé sur un petit gris hargneux, qui a voulu me faire la peau. Il a suscité les faux-témoignages d'un grand singe rouquin. Le grand singe rouquin l'a reconnu publiquement devant les juges de la République, quand ce fut son tour de subir la hargne du petit gris. Ça m'a valu quelques désagréments sur le moment, mais beaucoup de temps libre par la suite. J'aurais dû remercier le petit gris, en fait.
Pour faire ça, faut être en bonne forme physique ?
- Oui, probablement, mais comment savoir si on est en bonne forme physique ?
Prendre le chemin et essayer. Après, là, on sait.
Si vous faites le chemin de Compostelle, vous trouverez plein de stèles érigées à la mémoire de pèlerins, partis joyeux, qui sont tombés, et qui ne se sont jamais relevés. Sans compter ceux qui n'ont pas eu de stèle. Tenez, il y a pas longtemps, c'était en 2006, le maire de Cavan, près de Lannion, par ailleurs sénateur des Côtes-d'Armor, il lui prend l'idée d'aller à Compostelle. Pierre-Yvon Trémel, il s'appelait. Eh bien, au bout de quatre jours, il tombe, là, raide mort. Crise cardiaque, on a dit. Quand c'est un citoyen lambda, comme vous et moi, qui tombe, ça ne pose pas trop de problèmes, mais quand c'est un maire, de surcroît sénateur, c'est toute une affaire. Y a des articles dans les journaux, faut organiser des élections pour lui trouver un successeur, y a une campagne électorale, tout ça.
Est-ce que tu as rencontré des petits animaux ?
- Ah, elle est rigolote ta question. T’aurais pas lu "Tous les petits animaux" de Walter Hamilton, toi ? A ceux qui n’auraient pas lu, je recommande. Moi, c’est Maureen, qui me l’a recommandé. Ou peut-être Patricia, je ne sais plus. Enfin, peu importe. Je l’ai trouvé aux Champs Libres, ce bouquin, j’ai commencé à le lire sur place, je ne me suis pas levé de ma chaise, avant de l’avoir fini, tellement, c’était prenant.
Bon, revenons à la question.
Si, si, j’ai vu plein de petits animaux, des agneaux, des veaux, des poulains, des ânons, des chevreaux.
Un castor, trois marcassins. À ce que j’ai pu constater, c’est aussi joueur que les petits cochons, les marcassins.
Des petits cochons, justement.
Des poussins, des canetons.
Des lapins. Les lapins, ça aime bien la rosée du matin, j’ai remarqué.
Deux ou trois lièvres, que j’ai surpris au gîte, et qui ont détalé.
En Italie, j’ai vu beaucoup de perdrix. J’ai beaucoup entendu les faisans, mais je ne les ai pas beaucoup vus.
Un oiseau, avec des couleurs très vives, que je ne connaissais pas. Les Autrichiens, avec qui je faisais route à ce moment, le connaissaient. Ils m’ont dit le nom, mais en allemand, et je n’ai pas retenu, déjà en français, j’aurais eu du mal.
Des serpents. Moi, j’ai une phobie des serpents, mais je sais d’où ça vient, c’est Michel, le mari d’Huguette, de son vivant, qui me l'a transmise, cette phobie. Gamins, nous dénichions tous les oiseaux de quartier ensemble. Je sais bien que ce n’est pas bien, mais à l’époque, je ne le savais pas.
Il suffit qu’il y ait quelque chose qui traîne, qui ressemble à un serpent, une branche morte, un bout de corde, par exemple, eh bien, avant même d’avoir compris ce que c’est, j’ai déjà fait un bond en arrière de deux mètres. Après, seulement, je regarde ce que c’est vraiment. Et quelquefois, en effet, c’est un serpent. J’ai vu un assez gros, du côté de Saumur, mais le temps que je reprenne mes esprits, après mon bond en arrière usuel, que je trouve mon appareil photo, il s’était sauvé. Même chose au bord du Gard. Dans les Cévennes, des petits, plusieurs fois. Et en Provence, aussi. Et finalement près du lac de Bolsena, un, assez long, 1 mètre 50 au moins, et fin. J’ai pu en faire des photos, car il était dans le caniveau bétonné, et il ne pouvait pas disparaître dans la nature comme les autres, j’ai bien contrôlé la situation cette fois.
Ah, parmi les petits animaux sympa, j’allais oublier les escargots de Bourgogne. Qu’est-ce qu’ils sont gros, énormes. Ils font au moins une demi-livre. Decize, Bourbon-Lancy, c’en est plein.
Parmi les petits animaux désagréables, les moustiques. Ça, c’est une plaie pour moi, suffit qu’il en ait un dans les 5 kilomètres à la ronde, il me repère, et paf, je me trouve avec des bubons, gros comme ça. Je n’en ai pas eu trop en France, mais j’en ai eu en Ligurie, du côté de La Spezia, et entre Sienne et Rome, mais pas à Rome même.
Pour les gros animaux, beaucoup de troupeaux de vaches ou de boeufs, de races diverses, mais charollaises surtout. A proximité d’Arles, des taureaux de combat. Mais ils sont méfiants, ils sont parqués derrière d’imposantes clôtures ; si on s’approche de la clôture, ils courent se cacher, très loin, avec toute la famille, vaches et veaux. En Italie, j’ai vu très peu d’élevages de bovins, le premier, assez imposant d’ailleurs, près de Pise.
Quelle était ta journée-type ?
- D’abord la veille, je me suis fait préciser l’heure du petit déjeuner, si j’ai le petit déjeuner fourni.
Je règle mon réveil, (c’est mon téléphone qui fait réveil, c’est bien utile, mais je n’ai pas pris un téléphone qui faisait photo, délibérément). Je règle mon réveil trois quarts d’heure avant l’heure du petit dèj.
Donc à 7 heures et quart, par exemple, la voix suave de la nana qui est dans mon téléphone pense à moi : "il est temps de se lever, il est ... sept heures et quinze minutes." Faut lui appuyer sur le ventre, au téléphone, sinon, il répète ça jusqu’à plus soif.
Je m’accorde cinq minutes, et voilà, je me lève.
Visite aux toilettes, très important de ne pas oublier, toujours laisser sur place ce qui n’est pas indispensable pour la suite du voyage, d’autant que si tu oublies, eh bien, au cours de la journée, tes fonctions intestinales vont se rappeler à toi. Et alors, problèmes, faut trouver un coin tranquille, on est mal à l’aise, le papier toilette, tu en as jamais assez, que des emmerdes, quoi. Je profite de l’occasion de vous supplier : quand un besoin pressant vous saisit, je vous supplie de vous écarter du chemin, d’au moins cinq mètres, de recouvrir votre production de pierres, de terre, de feuilles mortes, de tout ce que vous trouvez, pour que les gens qui passent échappent à l’odeur et surtout évitent de marcher dedans. Je sais bien que certains considèrent ça comme porte-bonheur si c’est du pied gauche, mais ce n’est pas une raison, à mon avis. Pour les petits papiers blancs ou roses, pareil.
J’ai trouvé, autrefois, du côté Lectoure, dans le Gers, des chênes du bord du chemin qui n'étaient pas très contents non plus.
Voici ce qu'ils disaient :
Ô bonnes gens de passage,
Ne gâchez pas le paysage,
Enfoncez-vous dans les fourrés
Pour cacher vos petits papiers.
Tous ces papiers blancs et roses,
Au vent, nous rendent moroses.
Votre attention fera belle
La route de Compostelle.
Signé : Les chênes du bord du chemin.
Leurs recommandations mériteraient de figurer dans le guide du randonneur édité par la fédération, vous ne trouvez pas ?
Pour le reste, toilette de chat.
Je m’habille et je range mes affaires dans mon sac. Je remplis mes bouteilles d’eau.
Petit déjeuner, vite expédié, retour mettre mes chaussures de marche, mettre mes espadrilles sur le haut du sac, boucler le sac, vérifier que je n’oublie rien. Et voilà, je suis parti, il est généralement, l’heure du petit déjeuner + vingt minutes.
Et je marche toute la matinée, sans pratiquement m’arrêter, juste pour boire un coup, réajuster mon sac, enlever un vêtement parce qu’il commence à faire chaud, ou faire une photo.
A midi et demi, environ, je commence à m’interroger sur le lieu où je vais manger. Pas dans l’herbe, il y a toujours des fourmis, je veux un endroit où on est à l’abri de ces voraces. Des fois, j’en trouve un chouette, d’endroit, mais je fais comme le héron de la fable, je pense que je vais bien en trouver un autre encore plus chouette, plus avant, surtout qu’il n’est qu’une heure moins vingt, n’est-ce pas ? A une heure et demie, je ne peux plus différer, et je m’arrête au prochain endroit à peine passable. Généralement, quand je repars, 200 mètres plus loin, je trouve un endroit splendide, confort de l’assise, vue magnifique, mais c’est trop tard, j’ai déjà mangé.
L’après-midi, comme le matin, je marche presque tout le temps. Je pense à remplir mes bouteilles d’eau à la première occasion qui se présente, car elles sont quasiment vides depuis mon repas. On trouve parfois des sources. Dans les cimetières, généralement, il y a un robinet.
En Italie, on trouve des fontaines en abondance. Mais on peut aussi demander à une maison à proximité du chemin, personne ne m’a fait payer, mais par prudence, je n’ai pas demandé le prix, non plus. Des fois que...
A l’arrivée à l’étape, il faut trouver un hébergement, faire les courses pour le lendemain, se doucher, se changer, faire sa lessive, visiter un peu s’il y a quelque chose à visiter, et dîner.
Zapper un peu la télé, s’il y a la télé. Régler mon réveil pour le lendemain. Dormir. Et c’est reparti pour un tour.
Par temps chaud, je bois facilement trois litres, par jour. Pratiquement tous les soirs, j’achète un litre de jus, d’orange, ou de raisin, ou de pomme, ou d’autre chose, le choix étant fait selon ma fantaisie. J’en consomme une partie, juste après l’achat, et le reste le lendemain dans la matinée. Je suis équipé d’une bouteille d’un litre et d’une autre, d’un demi-litre.
Par temps très chaud, à l’approche de Rome, j’ai cessé de marcher en début d’après-midi, je trouvais un coin bien au frais, à l’ombre, et je faisais la sieste.
T’as pas eu de petits bobos ?
- Non, pas trop, des ampoules aux talons, les huit premiers jours.
Un peu avant Amboise, une douleur en haut de la hanche, à l’articulation, dont j’ignorais l’origine, et qui m’a foutu la trouille pour la suite de mon projet.
A Lavoine, dans l’Allier, pareil, une douleur dans le cou de pied droit, d’origine inconnue aussi, et qui est partie comme elle venue, mais qui m’a aussi causé souci pour la suite de l’affaire.
Avant Abbadia San Salvatore, j’ai laissé une douleur s’installer dans mes talons, sans intervenir rapidement : "Oh, je m’occuperai de ça en haut de la côte là-bas, quand je ferai une petite pause pour boire un coup." Résultat des courses : blessure, et difficulté à rejoindre Abbadia.
Bon, le soir, désinfection, pansement et tout le toutim, le lendemain, ça allait mieux.
Quelques coups de soleil au début, oreilles brûlées, pas protégées, casquette inadéquate, et pas de crème solaire. Mais les cheveux en poussant ont remédié à la situation.
Et les piqûres de moustique bien sûr.
Ils sont comment, les Italiens ?
- Oh, pas de problèmes particuliers. En tout cas, plus accueillants que les Corses.
Tiens, à propos de la Corse, je ne sais plus pourquoi Louis XV avait trouvé intelligent d'acheter la Corse aux Génois. Mais à l'expérience, on est bien obligé de constater que c'était une sacrée connerie. Napoléon, tout ça... Sans parler des problèmes qu'ils nous causent encore aujourd'hui. Je serais assez partisan de rendre la Corse aux Italiens. S'ils nous remboursent ce qu'avait payé Louis XV, ce sera très bien, mais ce n'est même pas nécessaire. On leur rend, gratuitement, et même, s'ils le veulent, on les paye pour la reprendre.
Je trouve les Italiens munis d'un esprit de contradiction assez remarquable : quand nous, dans la signalisation routière, on met les autoroutes sur des plaques bleues, et les autres routes importantes sur des plaques vertes, eux, ils font exactement l'inverse. Quand nous, on balise les GR, en blanc et rouge, eux, il faut qu'ils balisent en rouge et blanc. Et tout comme ça.
Les Italiens sont des gens très prévisibles : Tu leur dis "bigorneau", aussi sec, ils te répondent
"Buongiorno".
Tu leur dis : "Buona sera", ils te répondent "Buona sera".
Tu leur dis : "Grazie", ils te répondent "Prego".
Bon, les Italiens ont tout de même un défaut, vous l'avez compris, ils parlent italien. On y
comprend rien, et on est étonné qu'ils arrivent à se comprendre entre eux. Mais apparemment,
ils y arrivent.
Mais quand c'est écrit, l'italien, on arrive assez bien à comprendre. Ils ont une manie de mettre
des O, ou des A, ou des I, à la fin des mots. De ne pas mettre d'accent sur les E, mais ce n'est
pas un problème car chez eux, d'après ce que j'ai compris tous les E, c'est des É, en fait. Ils ont
aussi la manie de remplacer les L par des I, mais quand on sait ça, on y arrive. Par exemple
"bianco", on enlève le O de la fin, qu'ils ont mis là pour faire joli, selon leurs critères, le i, tu
remets le L original, et paf, tu retrouves "blanc".
Autre exemple : Chiara, -ça, c’est un prénom difficile à porter en France, je trouve, pourtant la fille de Catherine Deneuve, elle s’appelle comme ça-, tu enlèves le H qui est là pour dire que ça le C se prononce K, tu mets un L à la place du i, et tu trouves Clara, Claire, quoi. J’en ai plein d’autres comme ça.
Autre truc, quand chez nous, il y a X, eux, ils mettent SS. Massimo, c'est Maxime, en fait.
Encore un truc, quand chez nous, il y a deux consonnes différentes qui se suivent, eux, ils remplacent notre première consonne par la deuxième : oggetto, objet.
Ah oui, en italien, il n'y a pas de J, alors ils se débrouillent avec le G.
Ah, il y a un truc marrant avec le C. Le C, devant E, I, ils le prononcent TCH. Alors pour compenser quand ils écrivent CH, ce n'est pas CH qu'il faut prononcer, mais K. Quand je vous disais qu'ils avaient un esprit de contradiction assez remarquable ! Un peu la même chose avec le G. G devant E ou I, ils prononcent DJ, alors ils mettent GH quand il faut prononcer G.
Nous, on met GU, je les trouve plus cohérents que nous sur ce coup.
Par ailleurs, ils ne s’encombrent pas de PH, ni d’Y, ni d’H qui ne servent à rien.
Farmacia, ça leur va très bien, et tout le monde comprend que c’est pharmacie.
Centro ippico, on comprend aussi que c’est centre hippique, surtout s’il y a un cheval sur la
pancarte.
Voici tout mon italien, qui m'a permis de survivre près d'un mois dans ce pays.
Buongiorno : bonjour. (En fait, je n'ai dit bigorneau, qu'une fois ou deux fois, comme ça en
passant, juste pour me marrer, et à quelqu'un dont je ne risquais pas d'avoir besoin
ultérieurement, on ne sait jamais, des fois qu’il se vexe.)
Buona sera : bonsoir.
Grazie : merci.
Per favore : s'il vous plaît. (En espagnol, c’est "por favor", parfois je me suis gouré et j’ai dit "por favor", les Italiens ne se formalisent pas, ça marche aussi.)
Prego : je vous en prie.
Scusi : pardon.
Ciao : tchao.
Arrivederci : au revoir.
Je me suis risqué une fois à saluer en disant "come va ?" : "comment ça va ?", je m'attendais à une réponse brève : "va bene" : "ça va", et on serait passé à autre chose. En fait, je me suis pris un discours de dix minutes auquel je n'ai rien compris. Je me suis abstenu de dire que je n'avais rien compris, vous pensez bien. Mais je ne me suis plus jamais aventuré, en dehors de buongiorno et buona sera.
Attenti al cane : attention au chien.
Attenti ai cani : attention aux chiens.
Diviedo da sosta : interdit de stationner.
Proprieta privada : propriété privée.
Vietato l'ingresso : entrée interdite.
Entrata : entrée.
Uscita : sortie.
Chiuso : fermé.
Aperto : ouvert.
Carabinieri : gendarmes.
Polizia : police.
Guarda di finanze : je n'ai pas trop compris ce que c'était, il me semble que ça cumule des fonctions de douane et de police des affaires financières, en tout cas, ils sont armés.
Vigili del fuocco : pompiers.
Dov'e l'ufficio turistico ? : Où est l'office de tourisme ?
A sinistra : à gauche.
A destra : à droite.
Sempre dritto : toujours tout droit.
Non ho capito : je n'ai pas compris.
Non posso capire, io sono francese : je ne peux pas comprendre, je suis Français.
Centro storico : centre historique.
Albergo : hôtel.
Avvete una camera per un pelegrino per una notte ? : avez-vous une chambre pour un pèlerin pour une nuit ? (L’usage du terme pèlerin, n'est pas inutile, certains hôtels pratiquent un tarif spécial pour les pèlerins, j'en ai trouvé un, 15 euros la nuit, dans un hôtel trois étoiles, ce n'est pas une bonne affaire, ça ? J'ai rencontré des pèlerins qui avaient leur crédential, leur passeport de pèlerin, leur coquille saint-jacques, et tout le toutim, je n'avais rien de tout ça, mais personne ne m'a demandé de justificatif.)
No, completo : non, nous sommes complet.
Momento : un moment. Quand l'hôtelier répond "momento", c'est bon signe, il y a probablement
de la place, mais il lui faut au moins cinq minutes pour consulter son cahier, pour savoir s'il y en
a vraiment. Du même coup, par contre, il sait dans quelle chambre il va te mettre.
Si : oui.
Camera con bagno : chambre avec douche et wc.
Quanto costa ? : à quel prix ?.
Oh, troppo chero pour uno pelerino : Oh, trop cher pour un pèlerin, je répondais, avec mon italien à moi. Je viens de me rendre compte que je ne mettais pas de O à la fin de "pour", mais ça marchait quand même. Et on m'indiquait un hôtel plus modeste, ou on me proposait une chambre sans télé, mais comme je n'avais rien à faire de la télé, ça m'arrangeait. De toute façon, à la télé, il n'y a que des programmes italiens. A la télé, je n'ai jamais entendu une seule référence à la France. Rien, que dalle. Sarkozy, Ségolène, ça n’existe pas pour eux, Rolland Garos, tout juste, mais uniquement sur la chaîne de sport. J'ai juste vu Trézéguet, qui venait marquer un but pour la Juve, et Didier Deschamp, l'entraîneur de la Juve, qui étaient interviewés. Mais ils parlaient italien. Comme je ne connais pas bien l'italien, je n'ai pas pu apprécier si Trézéguet parlait mieux l'italien que le français. Un peu plus tard, j'ai vu une interview de Michel Platini, toujours à propos de foot, et toujours en italien. Dans son baratin, Platini a glissé deux mots en français "à bulletins secrets", c'était à propos du choix de la Pologne, pour une prochaine coupe d'Europe. Mais il a l'air très à l'aise en italien, Michel.
Con o senza la colazione ? : avec ou sans le petit déj ?
Bisogno di un documento : carte d'identité, svp. (Ah oui, pour des raisons administratives, les hôteliers italiens doivent enregistrer les identités de leurs clients sur un formulaire exprès pour, sous peine de sanctions qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’établissement, alors ils demandent la carte d'identité, et ils vous font signer le formulaire vierge. Ils veulent systématiquement garder votre carte d'identité, pour remplir le formulaire, plus tard, quand ils auront le temps. Je n'ai jamais accepté ce processus, n'acceptant pas de quitter ma carte
d'identité des yeux ; je vous raconterai, si j'ai le temps, une anecdote qui me laisse penser que je n'avais pas tort de procéder ainsi. Alors pour moi, le remplissage du formulaire, c'était "subito", tout de suite. Par ailleurs, pour éviter tout risque de mauvaise compréhension sur le prix, je proposais de payer tout suite, ce qui n'a jamais été refusé.)
A che ore, la prima colazione ? : à quelle heure, le petit dèj ?
Te con latte : thé avec du lait.
Cornetto : croissant.
Pane : pain.
Buro : beurre.
Pizzeria : pizzéria.
Pizza : pizza.
Spaghetti : spaghettis.
Dolce : dessert.
Birra : bière.
Vino bianco : vin blanc.
Vino rosso : vin rouge.
Acqua : eau. On veut toujours te refiler de l'acqua minerale, chère, bien sûr. Je réclamais de
l'acqua municipale.
Conto : l'addition.
Gelateria : magasin de glaces.
Chilo : kilogramme. (Rappelez-vous, CH se prononce K !)
Etto : hectogramme. Etti, au pluriel, mais là, je me demande, si ce n'est pas par plaisanterie.
(Quand je vous disais, les deux consonnes successives, CT se sont transformées en TT, le H
a été jeté aux orties.)
A piedi : à pied.
Bus : bus. (Attention, ils prononcent quelque chose comme "bouse". La première fois, j'ai eu du mal à comprendre.) Souvent, quand j'ai demandé ma route pour tel ou tel endroit, on me disait que c'était loin, mais qu'il y avait un bus. Quand je disais que je voulais y aller à pied, "a piedi", j'avais l'impression qu'on me prenait pour un extra-terrestre. Alors je disais que j'étais un pèlerin, ce qui me permettait d'échapper à un regard de commisération : "-oh, le type, il n’a même pas de quoi se payer un ticket de bus."
Con, ce n'est pas un gros mot en italien, ils prononcent "conne" d'ailleurs, et ça veut dire "avec".
Bibite, pareil, c'est écrit partout sur des tas d'échoppes, et ça veut dire "boissons".
Comment t'as trouvé l'agriculture italienne ?
- Pour ce que j'ai vu du train, autour de Milan, parfait, des rizières, des champs de blé, parfaits.
Mais sur mon trajet à pied, de Menton à Rome, c'est souvent médiocre. Autour de Sanremo, des serres, où ils font des fleurs. Quelques-unes sont parfaites, mais beaucoup, très mal tenues, à moitié à l'abandon, on dirait. Et plus loin, les vergers, oliviers et arbres fruitiers de toutes sortes, à côté de certains parfaitement entretenus, les trois quarts ont l'air à l'abandon. Les champs de céréales, je ne vous raconte pas, que des mauvaises herbes, des chardons et de la folle avoine. Quasiment pas d’élevage de volailles ou de porcs. Peu d'élevage de bovins,
le premier que j'ai rencontré, c'est un peu après Pise, Il y avait un immense panneau dans le champ au bord de la route, vantant la qualité de la viande, et invitant le passant à venir s'approvisionner à la ferme, où ils faisaient de la vente directe. J'ai trouvé bien imprudent de mettre ce panneau en vue directe des vaches. Imaginez un instant qu'à la vue de ce panneau, elles comprennent à quoi était destinée leur progéniture : sûr qu'elles s’enfuient, ou font grève de la faim, ou arrêtent de faire de veaux. Et c’est la ruine de l’agriculteur.
T'as fait tout le GR3 ?
- Oh vous me connaissez, et vous savez que j'ai été à l'école de Bernard Houssais, je me permets des variantes, et des à-travers-champs, si je pense que ça va me faire gagner un ou deux kilomètres, dans une étape longue. Mais parfois mes raccourcis rallongent, en fait. Ben oui, parfois je me trompe, ou je tombe sur un obstacle infranchissable, un marécage, des barbelés, que sais-je. Faut que je fasse marche arrière. Mais je ne marche jamais sur les cultures, ou alors, dans le passage des roues du tracteur.
De mon côté, quand quelqu'un vient sur mes terres, je ne m'en formalise pas non plus, pour peu qu'il fasse attention à ne pas abîmer les cultures. Sauf si c'est un chasseur, bien sûr. (A l'entrée de Mordelles, autrefois, sur la station d'épuration, il y avait un tag : "chasseur = gros con". Je l’ai vu tellement souvent qu’il m’a convaincu.)
Souvent on rencontre "propriété privée, défense d'entrer". Je n'y fais pas trop attention, sauf s'il y a des chiens, et à proximité de la Camargue, quand on annonçait la présence de taureaux. En Italie, c'est "proprieta privada, vietato l'ingresso" partout, même sur les trottoirs, si on respectait ça, on serait toujours sur le goudron. En fait, je n'ai jamais eu de problème. Une fois que je m'étais égaré en tentant de suivre la via Francigena, un peu après Sienne, un agriculteur m'a remis dans le bon sens en me conseillant de passer à travers ses vergers d'oliviers.
Je suis aussi assez critique sur le tracé de certains GR. On a l'impression parfois que les promoteurs du tracé veulent absolument vous faire voir une particularité de leur territoire dont ils sont fiers. Mais le voyageur au long cours est assez insensible à ces particularités, il en a vu des tas d'autres, toutes plus belles les unes que les autres. Et souvent, en fin de journée, il veut surtout arriver au bout de son étape pas trop tard, pour pouvoir faire ses courses avant la fermeture de l'épicerie.
A propos du GR3, encore, j’en appelle aux hautes instances de la FFRP, le GR3, est en train de se faire bouffer par un projet, "La Loire à vélo", qui en soi n’est pas une mauvaise idée, je n’ai rien contre les cyclo-touristes. Mais des portions entières du GR3 sont transformées en pistes cyclables, bétonnées. Oui, bétonnées. J’ai demandé à des cyclo-touristes ce qu’ils en pensaient. Ils en pensaient aussi du mal. Il serait peut-être temps d’arrêter le massacre. Les instances politiques qui l’ont décidé, pensent certainement bien faire, mais elles n’ont probablement jamais marché, ni fait de vélo.
Vous avez réservé ?
- Non, je n'ai pas réservé.
La question "vous avez réservé ?", d'un air de dire "vous auriez dû réserver" m'a beaucoup étonné, surtout de la part de gardiens de gîtes fréquentés par des randonneurs. Ils devraient savoir comment fonctionnent les randonneurs, non ?
Primo, j'ai abandonné l'idée de réserver, après avoir passé pas mal de temps à téléphoner à des répondeurs invitant à rappeler plus tard.
Deuxio, les aléas du jour, pluie, blessure, fatigue... -et parfois la fantaisie, il faut bien le reconnaître- rendent difficile la prévision du terme de l'étape.
Tertio, je suis très peu exigeant sur le confort, à la limite, je peux dormir par terre. Je demande seulement un espace à l'abri de la pluie et des intempéries. Une douche, et des toilettes, si possible, je n'en demande pas plus.
Je trouve assez inadmissible que des gîtes dits "d'étape" soient loués en totalité pour tout un week-end à des gens qui trouvent là un moyen économique de loger leurs invités, à un mariage ou une réunion familiale quelconque, les randonneurs, pour qui ces structures sont théoriquement conçues, n'ayant plus qu'à aller se faire voir ailleurs.
A quoi tu occupes ton esprit en marchant ? Tu pries ? Tu médites ?
- A vrai dire, l'esprit du marcheur est très peu libre. Constamment, il se pose des questions du genre : suis-je sur la bonne route ? Tiens, ça fait bien 300 mètres que je n'ai pas vu de balise, n'ai-je pas raté un changement de direction ? Où je vais m'arrêter ce soir ? Oui, mais si je m'arrête là, ça m'en fera une trop petite, pour demain. Ou une trop longue. J'arrive quand, à tel endroit ? Parce que c'est un trou perdu, n'y a même pas une épicerie, faut que je fasse des provisions avant... Et tout le temps, comme ça.
- Autre préoccupation constante du marcheur, ses petites douleurs, par ci, par là, qu'il ne faut surtout pas négliger, sinon il se retrouve, avec une ampoule, une plaie, qui va lui gâcher la vie pendant huit jours.
- Quand j'ai épuisé mes questions de logistique, je me pose des questions métaphysiques, parmi lesquelles, une revient souvent :
"pourquoi j’ai fait tant de conneries, tout au long de ma vie ?".
Et là, je me trouve des excuses : déjà mes parents, avant moi, et probablement mes grands-parents, encore plus.
Bon, d'accord, l’inventaire des conneries à mon actif fournit hélas ! une preuve indubitable, cruelle et désolante, mais si je me compare, alors là, je me console : je ne suis pas le seul, ni le plus atteint. Ah oui, j'ai de la marge, je trouve. Ce dont je suis assez fier : j'ai réussi à limiter la transmission de ma connerie. Quand je vois Ségolène, qui a fait quatre gosses, et qui veut être présidente, alors là, je crie à l'irresponsabilité totale. Si tout le monde faisait pareil, dans moins de cent ans, l'humanité disparaîtrait. Non, non, je ne blague pas. Lisez "L'humanité disparaîtra, bon débarras" d'Yves Paccalet, dans les bonnes librairies, ou sur amazone, ou à la Fnac, 14,25 euros, vous verrez que je ne blague pas.
- Pourquoi je suis fainéant ? Ah, si j'avais été moins fainéant, à l'école, je serais milliardaire à l'heure actuelle.
- Et cette herbe au bord du chemin, qui reste là à perdre. Quand j'avais onze-douze ans, je gardais mes vaches au bord du chemin, je peux vous assurer que le bas-côté du chemin était net, pas besoin de payer une machine, un tracteur, un conducteur et deux types pour la sécurité, un devant, un derrière.
En prévision d'une éventuelle panne d'aliment intellectuel, j'ai tout de même pris avec moi deux petits textes, sur deux petits cartons, je m'en sers comme exercice de mémoire, et comme exercice de diction, je me les récite tout fort. Je suis d'accord avec vous, j'ai encore des progrès à accomplir en ces domaines.
Voici ces textes :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle,
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Et aussi :
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
....
Bon, j'arrête, j'ai peur de vous ennuyer. Juste deux ou trois vers, que j'aime bien, si vous
permettez :
Chaque jour vers l'enfer nous descendons d'un pas.
Et :
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de démons.
Ah, une chose, qui m'a occupé aussi, la découverte de trèfles à quatre feuilles. Curieusement, j'en ai trouvé plusieurs en peu de temps, alors que le dernier que j'avais trouvé précédemment, c'était quand j'avais 19 ans, je m'en souviens très bien d'ailleurs, c'était dans le champ à côté de Tachenn Feunteun. (Oui, c'est du breton, et ça veut dire le lieu de la fontaine.) J'étais en train d’étaler du fumier. Aurélienne revenait de Tachenn Feunteun, avec sa lessive, et je lui avais dit que ça embaumait le fumier. Ce qu'elle avait trouvé drôle, et elle l'avait répété à toute la commune, pendant au moins un mois.
Bon, j'étais en train de répandre du fumier, et un trèfle à quatre feuilles m'a sauté au visage. Je l'ai cueilli, je l'ai conservé précieusement, je l'ai encore dans un vieux bouquin de math. Je n'en avais pas trouvé depuis. Et là, j'en ai trouvé, au moins une dizaine en quelques jours. Le premier, ç'a été, un peu après Chambord. J'ai même trouvé un trèfle à cinq feuilles, ce qui ne m'était jamais arrivé. Mais il paraît que les trèfles à cinq feuilles sont plutôt porteurs de malheur. Mais comme j'ai trouvé beaucoup plus de trèfles à quatre feuilles que de trèfles à cinq feuilles, je ne me fais pas trop de souci, ,j'ai de la compensation.
J'en ai trouvé un autre un peu avant Mayet-Montagne, c'était le 30 avril, veille du premier mai, comme chacun sait. Peu avant midi, je suis allé fait mes courses au supermarché du coin, et les caissières distribuaient des brins de muguet. J'ai refusé le brin de muguet, au prétexte que j'étais déjà chargé, mais j'ai demandé à la caissière si elle croyait au trèfle à quatre feuilles, en montrant celui que je venais de trouver. Elle m'a demandé où je l'avais trouvé, elle l'a examiné, et l'a fait rapidement disparaître dans son soutien-gorge, côté gauche.
J'en ai trouvé un autre peu avant Le Puy, et il a fait le bonheur de la fille de la gérante de L'Etap-Hôtel, qui est juste devant la gare.
Quand j'en ai trouvé d'autres, j'ai demandé à des gens que j'ai rencontrés, s'ils croyaient au trèfle à quatre feuilles. Quelques-uns m'ont répondu qu'ils n'y croyaient pas trop. C'est curieux ça, je leur mettais un trèfle à quatre feuilles devant les yeux, ils le voyaient, et ils n'y croyaient pas. Bon, à mon avis, ça ne peut pas faire de mal. J’en ai mangé un pour vérifier.
J'en ai trouvé aussi en Italie.
J’ai trouvé aussi du muguet, quand c'était la saison, un peu avant Nevers, tout au bord du GR.
Autre chose qu’on rencontre souvent sur les chemins, les ponts, surtout dans le nord de l’Italie, où l’autoroute n’est que une succession de ponts et de tunnels. Je ne sais pas vous, mais moi, les ponts, ça m’épate, je reste ébahi, devant la légèreté, l’élégance. Y a de gros bahuts qui passent dessus, et ça tient, je n’arrive pas à comprendre. Tiens, maintenant que je connais Patricia Méaille qui fait des bouquins de photos, faudra que je lui suggère de faire un bouquin sur les ponts.
Autre chose encore : les lignes électriques à 400 000 volts. Beaucoup trouvent ça laid. Pas moi.
D’abord, c’est un repère bien utile dans le paysage quand on randonne, elles sont marquées sur les cartes. Mais l’électricité, c’est quelque chose d’incompréhensible. Ah si, moi je trouve. Tu démontes un vieux réveil, par exemple, il y a plein d’engrenages, mais si tu regardes un petit peu, tu vois bien comment ça fonctionne. Mais l’intérieur d’un moteur électrique, rien, que dalle, on ne comprend rien. Il y a des enroulements. On m’a dit que le nombre de spires, étaient exactement ce qu’il fallait, pas une de plus, pas une de moins, sinon, ça ne marche pas, ou ça chauffe, et ça grille.
Par contre, il y a un truc que je sais, en électricité, c’est pourquoi, dans le triphasé, chaque fil est à 220 volts, et que malgré ça, la tension entre deux fils est de 380. Ah oui, ça, je sais, je me souviens très exactement du moment où j’ai compris. C’est un prof, il avait une carte de visite longue comme ça. Professeur d’université, ça pose déjà son homme, mais ce n’est pas tout.
Docteur honoris causa, d’une vingtaine d’universités à travers le monde, expert auprès des Nations-Unies, membre de l’Académie des Sciences. Et malgré ça, pas fier du tout, puisqu’il acceptait de faire cours aux étudiants de première année. Escande, il s’appelait. Maintenant, il est mort, mais à Toulouse, ils ont mis une rue à son nom. Pas une rue dans un quartier paumé, au Mirail, ou je ne sais où, non, non, une rue quasiment en centre-ville. Bon, j’arrête, sinon on est encore là demain matin.
On connaît ton goût pour le maraudage, tu ne te serais pas livré à quelques larcins répréhensibles, quelquefois ?
- Oui, bon, on ne se refait pas, que voulez-vous ?
Dans le val de Loire, devant tous ces vergers en fleurs, qu'est-ce que je me suis dit : "-oh putaing, je passe trop tôt, qu'est-ce que je me serais régalé, si j'étais passé un peu plus tard."
Et puis, un peu avant Saint-Jean-du-Gard, au sortir d'un bois, qu'est-ce que je vois ? un cerisier, avec des cerises rouges. Je pose là mon sac, je vérifie s'il n'y a pas de chien, et hop, j'y vais, mais bon, elles n'étaient pas très bonnes, pas assez mures. Les jours suivants, et jusqu'à 200 kilomètres de Rome, je ne suis goinfré de cerises. Celles des cerisiers abandonnés, (c'est curieux ça, les gens plantent des cerisiers, et leurs enfants les laissent à l'abandon), celles des cerisiers dont les branches dépassaient sur le chemin, et quelquefois aussi, je dois le
reconnaître, celles des vergers des arboriculteurs. Ils vendaient leurs cerises 5 euros le kilo, au bout de leur champ. Dans la supérette du coin, elles étaient à 14 euros, et malgré ça, à la supérette, ils en vendaient, apparemment. Mais moi, je trouvais plus économique de me servir directement dans les cerisiers.
A proximité de Rome, je me suis trouvé en manque, et j'ai acheté une livre de cerises, mais je les ai trouvées fades, et je n'ai pas renouvelé l'expérience.
J'ai aussi donné dans la prune, en Italie. Près du lac de Bolsena, un verger immense de pruniers, des blanches, des petites, des grosses, des roses, des brunes, toutes les sortes, je vous dis. Et dans le tas, certaines qui étaient mûres à point, je ne vous dis pas le régal, à en être malade. Oui, seule, la peur de déranger mes intestins me retenait. Parce que marcher avec les intestins dérangés, ça, ce n'est pas possible. J'ai dû bien gérer l'affaire, car je n'ai pas eu d'ennui.
Pour les abricots, je suis passé un peu trop tôt, je serais passé rien que huit jours plus tard, qu'est-ce que je me serais régalé d'abricots.
Il y a aussi un fruit dont je ne sais pas le nom en français, mais en italien c'est "nespole", j'ai vu sur les étals des marchands de fruits. C'est orange, ça a de gros noyaux, et très peu de chair, mais c'est très bon, à mon goût en tout cas, mais généralement les gens qui ont des nespoliers les laissent perdre.
J'ai aussi goûté aux fraises, mais là, c'est le propriétaire, à qui je venais de demander mon chemin, qui m'a invité à me servir, tant que j'en voulais. Je me suis servi, mais poliment, je ne me suis pas goinfré. Faut pas désespérer les bonnes volontés.
T'as rencontré d'autres marcheurs, ou d'autres pèlerins ?
Pas beaucoup en fait. Les week-ends, j'en ai rencontré quelques-uns sur le GR3. Dans la région, La Charité-sur-Loire - Nevers, j'ai croisé des pèlerins de Compostelle, venant de Vézelay, et se dirigeant sur Limoges, 7 ou 8, pas plus. Entre Nevers et Le Puy, j'ai fait route un jour ou deux jours avec des pèlerins de Compostelle, qui voulaient passer par Le Puy, mais j'allais plus vite qu'eux, je les ai donc rapidement perdus de vue. Plus curieusement, dans la même région, j’ai croisé deux Belges qui faisaient le chemin de Saint-Jacques à l’envers et qui retournaient sur Namur. Au Puy, j'ai vu des hordes de pèlerins de Compostelle, qui venaient prendre leur départ au Puy. C'est bien simple, tous les gîtes, et auberges de jeunesse étaient réquisitionnés pour eux, et j'ai dû me payer l'hôtel, juste en face de la gare, où j'étais en position stratégique pour les voir débarquer du train en rangs serrés. Le chemin de Stevenson est lui très fréquenté. Le chemin de Stevenson, je l'ai fait en 7 jours.
Bon, d'accord, j'ai un peu coupé, je ne suis pas passé à Florac, et ne suis pas allé à Notre-Dame des Neiges... Tiens, une fois n’est pas coutume, je vous mets une image.