Ça va, vous avez suivi ?
Oui, oui, j'imagine l'objet entre mes doigts comme s'il s'agissait d'un joystick. (figure 11,9). Je tire vers le bas ou vers le haut pour l'incliner, je tourne la manette dans le sens horaire ou antihoraire pour le « décliner ». Je sais, ça ne se dit pas. J'ai le droit d'inventer des mots qui me plaisent. Non ?
C'est rigolo.
Si tu veux. C'est original. Ça ne me gêne pas. C'est un regard intéressant pour la suite, Mick. Et bien, je constate que vous êtes prêts à « entrer dans le vif du sujet ».
Allons-y.
Fin du chapitre 12 :
Oui, mais si le centre « Ci » est en dehors de la table, comment fait-on ?
Cela ne change pas vraiment le problème. Les coordonnées de « Ci » et de « I » sont connues. On peut donc calculer l'expression numérique exacte de l'équation de la ligne horaire comme on vient de le voir.
Les points des bords sont connus par une de leurs coordonnées, abscisse pour les bords latéraux ou ordonnée pour le bord supérieur si, comme ici, le centre « Ci » est en haut (ou inférieur si « Ci » est en bas du cadran). Introduisant l'une des coordonnées dans l'équation de la ligne horaire, on obtient l'autre. Si la ligne horaire traverse deux bords de la table, il faudra le faire pour chaque point. Je ne saurais trop vous recommander de faire un dessin de la table muni du centre « Ci » (même approximativement) et du repère. C'est une aide indispensable (figure 12,11).
La plupart du temps, si je puis dire, les cadrans déclinants sont installés sur des parois verticales. Cela change quoi ?
Et bien, cela ne change rien aux principes qui viennent d'être exposés. C'est pour cela que j'ai choisi de vous présenter le problème dans toute sa généralité. « Qui peut le plus, peut le moins », dit le dicton.
Je l'ai déjà entendu. Tu veux dire que le cadran vertical déclinant est un cas particulier du cadran incliné déclinant ? Attends, laisse-moi chercher, le C.V.D. est un cas particulier de C.I.D..
Je ne saurais mieux dire, Mick. Il suffit de donner à l'inclinaison « i » la valeur + 90° dans les formules du C.I.D. pour avoir celles du C.V.D..
Cela donne quoi ?
Et bien regardons.
Examinons d'abord le paramètre « W » du C.H.A.R. :
W = Y * [ sin (+90°) – tan (Φ) * cos (+90)) / cos (D)] / tan (Φ)
W = Y / tan (Φ)
Voyons ensuite les coordonnées de « Ci ».
Le centre « Ci » peut être obtenu par :
Les coordonnées « cartésiennes » dans le repère xOy :
X = - W * tan (Φ) * tan (D) / [ tan (+90°) – tan (Φ) / cos (D)]
Y = W * tan (Φ) / [ sin (+90°) – tan (Φ) * cos (+90°) / cos (D)]
Donnant :
X = 0 cm
Y = W * tan (Φ)
Et les coordonnées dites « polaires »
q = arctan [cos ( +90°) * tan ( D)]
Z = √ ( X² + Y²)
Donnant :
q = 0° , qui signifie que la ligne de midi est verticale dans un cadran vertical.
Z = Y (qui n'apporte rien d’intéressant).
Position des points horaires sur la ligne horizontale formée par l'intersection du Plan Vertical Déclinant ( P.V.D.) support du C.V.D. et du Plan Horizontal (P.H.) portant le C.H.A.R..
matin : H < 0 et tan (H) < 0
Soir : H > 0 et tan (H) > 0
abscisse « xI »du point I de la trace horizontale orientée du P.V.D. au croisement de la ligne horaire correspondant à « H » :
xI = O I = W * sin (Φ) * tan (H) / [sin(D) * sin (Φ) * tan (H) + cos (D)]
Il n'y aucune modification à apporter, cette formule étant indépendante de « i ».
En y réfléchissant, cela paraît logique. La trace du cadran déclinant étant portée sur le C.H.A.R. comme dans le dessin de la figure (12,6), il n'importe pas que le cadran ainsi déclinant soit incliné ou non. Les points horaires sont issus du C.H.A.R. et ne dépendent que de lui.
Vous avez bien compris le sujet. Je vous félicite. Vous en savez autant que moi.
Désormais, vous pouvez tracer tous les cadrans plans possibles.
Il reste juste une chose à préciser. Un élément important car sans lui le cadran ne dit mot.
Ah, oui, le style ! On a appris à le positionner à l'aide de la sous-stylaire dans la méthode qui utilise le C.H.E.. Mais ici, on ne parle plus de sous-stylaire. Alors, comment fait-on ?
Je vais vous l'expliquer à l'aide d'un dessin. (figure 12,12).
Nous reprenons la figure (12,4) et portons sur elle le regard de l’œil situé sur la ligne horizontale « des points horaires ». Le plan contenant « G », « H » et « O » est le plan du dessin en bas de la feuille. « Cv » est dans ce plan. Sa projection « orthogonale » sur le plan P.I.D. est obligatoirement un point de la ligne de plus grande, portant l'axe « Oy », noté « P' ».
Le point « Cv » appartient au style.
Nous cherchons à obtenir le point « Cv ». Pour cela :
Nous fixons une tige perpendiculairement au plan P.I.D. au point « P' » de la ligne de plus grande pente passant par « O ».
Le point « P' » est distant du point « O » d'une longueur :
O P' = O Cv * sin (i)
La longueur « a' » à donner à la tige est fournie par :
a' = O Cv * cos (i)
Par ailleurs, dans le triangle Cv O Ch rectangle en « O », on a :
O Cv = O Ch * tan (Φ) = W * tan (Φ)
En reportant cette expression dans les précédentes on obtint finalement :
O P' = W * tan (Φ) * sin(i)
a' = W * tan (Φ) * cos (i)
Et concrètement :
Le style est fixé entre « Ci » et « Cv ».
On peut mettre une plaque si on veut ?
Bien sûr, il suffit que l'arrête soit entre « Ci » et « Cv ». Elle peut être « plantée » perpendiculairement au P.I.D. entre « Ci » et « P' ». Cela rappelle la manière de positionner la plaque-style dans le cadre du C.H.E.. La plaque est perpendiculaire à la table et sur la sous-stylaire. Son arête est le style. Il n'y a plus de doutes, on peut être affirmatif. Votre attention s'il vous plaît :
« P' » est nécessairement le point où la sous-stylaire coupe l'axe « Oy ».
Cela donne quels résultats pour un cadran vertical déclinant ( C.V.D.) ?
Voici le détail :
a' = W*tan (Φ)*cos (90°) = 0 cm
O P' = W*tan (Φ)*sin (90°) = W*tan (Φ) = O Cv.
En conclusion :
Le point « P' » est confondu avec le point « Cv ».
On s'en serait douté !
Tu peux nous faire un petit « topo » pour qu'on se mette bien en mémoire la conduite à tenir ?
Volontiers. Je note.
Protocole de conduite du C.H.A.R..
Il s'agit d'une suite d'étapes à suivre dans l'ordre.
On suppose connaître l'inclinaison « i » et la déclinaison gnomonique « D » du C.I.D...
1) On calcule l'angle limite « i lim ». On déduit la position « en haut » ou « en bas » du centre « Ci ».
2) On trace alors une ligne horizontale sur le P.I.D. (ou le P.V.D.) munie d'une origine « O ». On trace un repère avec « Ox » horizontale orientée, « Oy » perpendiculaire à « Ox ». On estime la valeur de « Y » pour « Ci ».
3) On calcule, en lien avec « Y », la valeur de « W » du C.H.A.R..
4) On calcule alors les coordonnées de « Ci », à savoir « X » et « Y ». On positionne « Ci ». On contrôle cette position par « q » et « Z » (ou l'inverse).
5) On calcule les postions « xI » des points horaires sur « Ox ». On les positionne.
6) On trace les lignes horaires.
7) On complète le cadran avec les lignes horaires inaccessibles. (méthode de « la plage des 6 heures » ou calcul de la coordonnée manquante du point horaire sur les bords). C'est inutile au-delà de l'horizontale passant par « Ci ».
8) On numérote les lignes horaires.
9) On calcule O P' et on positionne « P' ».
10) On calcule « a' » et on installe le « style droit » de longueur « a' ».
11) On positionne le style entre « Ci » et le sommet du style droit.
12) On met une devise qui nous plaît. (document « devisons »).
13) On invite des amis pour inaugurer le cadran...un jour où le soleil luit.
Oui, ça me ravit. Je vais lancer les invitations.
Hé, Mick, il faut franchir les étapes dans l'ordre. Va chercher d'abord ton compas et ton équerre. Tu mets la charrue avant les bœufs.
Je ne peux que louer cette grande sagesse. Le C.H.A.R. n'est pas un char à bœufs ! Il se conduit avec doigté.
Au passage, je vous fais remarquer que, par l'usage du C.H.A.R., nous avons obtenu le même C.I.D. qu'avec les autres méthodes. Elle est donc une méthode nouvelle parfaitement validée. Cela nous donne l'autorisation de conduire le C.H.A.R. si nous le souhaitons.
Paul, incroyable, j'ai mon permis de conduire ! Et, tu sais quoi ?
Oui, je sais. Mais tu ferais mieux d'apprendre un code de bonne conduite…
Chapitre 17 :
Alors, mes amis, c'est le grand jour. C'est aujourd'hui que vous vous lancez. Pas trop anxieux ?
Oh, si ! Passer à l'acte est un peu angoissant. Mais tu as promis de nous accompagner.
Bien entendu. Je me souviens de la première fois où j'entrepris de réaliser un cadran solaire. Je n'en menais pas large. Mais on prend vite confiance en soi. Croyez-moi.
La première chose à faire est de bien identifier le plan qui va recevoir le cadran. Si j'ai bien compris, vous ne voulez pas investir un des murs de la maison. C'est une sage décision. Cela peut être dangereux.
Vous avez choisi un côté du toit de la niche de votre chien. Cela va lui plaire. Il a bien à sa disposition une horloge interne, son estomac, mais elle manque de précision.
Il nous faudrait connaître l'inclinaison et la déclinaison de la table du cadran. Comment s'y prendre ?
Parlons d'abord de l'inclinaison « i ».
Vous disposez d'un niveau à bulle. Il va servir. Vous l'appliquez contre la table et le positionnez de telle manière que la bulle indique l'horizontalité. Vous tracez alors sur le plan une ligne horizontale.
Vous avez une équerre. Alors, couchez-la sur le plan, le long de la ligne horizontale. Tracez l'autre ligne qui représentera la ligne de plus grande pente du plan, perpendiculaire à l'horizontale. (figure 17,3).
L'instrument « miracle » à utiliser maintenant est le rapporteur numérique. C'est une sorte de compas avec l'indication numérique, au dixième de degré, de son angle d'ouverture. On en trouve pour une somme raisonnable sur le marché. Il faut aligner une branche de l'instrument avec la ligne de plus grande pente. L'autre branche sera accompagnée du niveau à bulle avec en haut l'indicateur à bulle de la verticalité. On ouvre la branche dans un plan bien perpendiculaire à la table jusqu'à ce qu'elle soit verticale. On note l'angle d'ouverture « a » qui n'est pas l'inclinaison mais son angle complémentaire. (figure 17,3). On a donc :
i = 90° - a
Mais attention, l'inclinaison a un signe. Pour le trouver, il faut imaginer la niche orientée selon la direction est-ouest, comme une église, avec la porte à l'ouest et l'abside à l'est. (figure 17,1). Il faut considérer le pan de toit destiné à recevoir le cadran en position horizontale. Alors, pour l'incliner, a-t-on dû le relever vers le sud (i > 0°) ou vers le nord (i < 0°). En fait :
si le C.H.E. va vers le sud alors i positive
si le C.H.E. va vers le nord alors i négative
Parlons ensuite de la déclinaison gnomonique « D ».
C'est une grandeur plus difficilement accessible et dont la connaissance précise est d'une grande importance. Il faudrait la mesurer avec une incertitude de 1° / 10. Cela serait idéal.
Elle aussi a un signe. On peut en parler dès à présent. Il faut envisager un point de départ qui est la niche dans la position de l'église. Cela signifie que le toit est tel que la ligne de plus grande pente est dans le plan méridien. (figure 17, 1). On se souvient de ce « point de départ » étudié dans le chapitre sur le C.H.E.. Il faut ensuite envisager une rotation du toit autour de la verticale, d'un angle inférieur à 180°, aboutissant à la situation actuelle. A-t-on dû tourner la table dans le sens des aiguilles d'une montre vu d'en haut, ou le contraire ? Le signe de « D » en dépend. (figure 17,2). Avec un point de vue d'en haut sur l'axe vertical, on aura :
D positive si rotation dans le sens horaire
D négative si rotation dans le sens antihoraire
Il faut maintenant établir la mesure de « D ».
Les éléments qui viennent d'être vus rappellent que « D » est la mesure de l'angle entre la trace horizontale du plan vertical contenant la ligne de plus grande pente de la table et la trace horizontale du plan méridien. La mesure de « D » se fera donc sur un support horizontal plan mis au contact de la ligne horizontale dessinée sur la table du cadran. Il pourra s'agir d'un carton épais sur un support horizontal, par exemple. (figure 17,4).
La trace horizontale du plan vertical contenant la ligne de plus grande pente s'obtient en posant sur le carton une équerre au contact de la table du cadran. On trace la ligne perpendiculaire à la ligne de contact entre la table du cadran et le carton. (figure 17,3).
La trace horizontale du plan méridien est plus difficile à obtenir. Il existe dans la littérature sérieuse de gnomonique des méthodes éprouvées et précises. Paul pourra s'y reporter. Désolé, Mick, je le propose à Paul car elles utilisent un arsenal mathématique et opératoire important. Je crains qu'elles n'éloignent de l'objet même de la mesure : « D ». Je préfère des méthodes de mesure plus « directes » même si elles sont moins précises, quoique...
Voici la méthode la plus simple. Il s'agit de noter l'ombre sur le carton d'un fil vertical à midi vrai local. Pratiquement, on attache un fil à plomb à un support au voisinage immédiat du carton, sans contact avec lui, et de telle manière que l'ombre du fil s'y étale convenablement. Pour stabiliser le fil en cas de courant d'air on peut laisser le plomb tremper dans un verre d'eau. Après calcul de midi vrai, (voir l'annexe « 6 »), à l'heure précise de la montre correspondant à midi vrai à la seconde près, on repère par deux points les plus éloignés possibles la marque de l'ombre du fil sur le carton. On trace la ligne passant par ces deux points. (figure 17,4).
On prolonge les lignes de telle façon qu'elles se coupent.
L'angle entre les deux lignes est l'angle « D » recherché.
L'utilisation du rapporteur numérique donne un résultat avec une incertitude de 1° / 10. C'est évidemment une incertitude liée à l'appareil et pas à la mesure. Pour optimiser le résultat, il conviendra de refaire toute l'opération un certain nombre de fois (à des jours différents, il n'y a qu'un midi vrai par jour!). Les valeurs obtenues pour « D » seront nécessairement un peu dispersées de quelques dixièmes de degré. Parmi les résultats, certains paraîtront « aberrants » ou très éloignés des autres. On les écarte. D'autres, en revanche, sembleront « tourner » autour d'une valeur commune à quelques dixièmes de degré près. On en conserve une dizaine, les plus représentatifs. On additionne ces valeurs de « D » et on divise par leur nombre de manière à obtenir leur valeur moyenne.
« D » est la valeur moyenne (arrondie à 1° / 10) d'un nombre significatif de mesures directes de « D », elles mêmes réalisées à 1° /10.
Il n'y a pas une méthode sans calculs ?
Mais, tu sais, Mick, les calculs ne sont pas haïssables, ils sont mêmes plutôt sympathiques puisqu'ils nous donnent les résultats avec une bonne volonté permanente.
Ah, ce n'est pas ce que je veux dire. J'aime les calculs, mais j'ai pris goût aux méthodes géométriques.
Je comprends. Il y a bien une méthode ancestrale pour trouver la direction nord-sud. Cela t'intéresse-t-il ?
Oui, c'est cela que je recherche.
Je te suggère de l'utiliser sur le carton horizontal mis en place pour la mesure de « D ». Elle te donnera une indication préalable sur la direction de la trace horizontale du plan méridien recherchée. Tu pourras ensuite optimiser la mise en place du fil à plomb pour la mesure directe de « D ». (figure 17,4). Voici en quoi elle consiste. (figure 17,5).
En un point du carton, piquer la pointe d'un compas. Tracer des cercles concentriques de rayon 5 cm, 10 cm, 15 cm et 20 cm par exemple. En leur centre commun, piquer une fine aiguille d'environ 5 cm. Contrôler sa perpendicularité au carton à l'aide d'une équerre installée selon plusieurs directions successives en opérant les corrections nécessaires (les plaques lisses, légères et rigides en matière expansée sont très pratiques). Disposer d'une journée d'ensoleillement complète (météo) et de temps (vacances!). Lorsque l'ombre de la pointe de l'aiguille touche un cercle, marquer aussitôt le point. À la fin de la journée, chaque cercle sera porteur de deux points. Tracer le segment liant ces points. Construire la médiatrice de chaque segment. « Normalement », ces médiatrices doivent se superposer et passer par le centre des cercles. On obtient alors la direction recherchée. (figure 17,5).
On utilise la symétrie dans le temps de l'évolution du soleil par rapport à midi au cours d'une journée. Mais la méthode manque de précision. Sont en cause l'imprécision des repérages et le fait d'avoir négligé l'évolution de la déclinaison « δ » au cours de la journée. Elle n'est rigoureuse qu'aux solstices où cette évolution est nulle. Cependant, elle peut être utile comme indiqué au début.
Ça me convient.
On connaît « i » et « D ». Que nous faut-il encore ?
Vous connaissez les paramètres du cadran. Il vous faut maintenant les paramètres du lieu d'implantation. Je veux parler de la latitude « Φa » et de la longitude « λa » du lieu d'implantation « A » du cadran. Alors là, aujourd'hui, c'est facile. Il suffit d'aller sur un internet et de visiter un site de géolocalisation. Il vous donnera les valeurs de ces deux paramètres avec une grande précision. N'oubliez pas les signes.
« Φa » positive si « A » est dans l'hémisphère nord
« Φa » négative si « A » est dans l'hémisphère sud
« λa » est positive à l'ouest du méridien de Greenwich
« λa » est négative à l'est du méridien de Greenwich
Voilà, vous avez tous les éléments et, je l'espère après nos conversations, vous savez tout pour les mettre en œuvre.
Mes chers amis, voici venu le moment de nous dire « au revoir ».
Déjà, je n'ai pas vu le temps passer !
Alors, je n'ai pas réussi, puisque tout l'art du cadranier est de fabriquer l'instrument où l'on voit, comme tu le dis, Mick, « passer le temps ».
Non, Pierre, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Oh, et puis je sais que tu me fais « marcher ».
Oui, Mick, j'ai deviné ce que tu voulais dire. Sachez seulement, mes amis, que j'ai beaucoup apprécié votre spontanéité et votre envie de savoir.
À l'exemple de ces vrais artisans qui, en témoignage de confiance, donnent leurs meilleurs outils à leurs apprentis, je vous ai donné le meilleur de mes pensées en gnomonique. Maintenant, si je puis dire cela en toute modestie, vous êtes au même niveau de connaissance que moi. Vous pouvez voler de vos propres ailes.
En matière de zèle, Pierre, je voudrais te remercier de l'application que tu as mise à nous faire partager ton enthousiasme. Tu n'as pas ménagé tes efforts pour nous initier peu à peu aux joies de la gnomonique. Nous t'en sommes reconnaissants.
Si j'ai pu vous laisser un bon souvenir de nos rencontres, c'est pour moi une belle récompense.
Dis-moi, Pierre, je suis allé le vérifier sur internet. L'exemple que tu as pris pour l'implantation en « A » du cadran incliné déclinant, le C.I.D. n'était pas dû au hasard ?
Ah, oui, et qu'as-tu découvert ?
J'ai découvert que ce lieu, « Φa = + 46° 11' 52'' » et « λa = - 5° 14' 08'' », correspond au parvis de l'église du monastère royal de Brou près de Bourg en Bresse dans l'Ain, en France.
Que tu me fais plaisir, Paul ! J'ai semé, par-ci, par-là, quelques petites « pépites » pour exciter la curiosité de mes interlocuteurs. Ce sont comme des petites graines jetées au vent. Advienne que pourra !
C'est là qu'a été implanté le premier cadran solaire analemmatique. J'ai lu que c'était au début du XVI siècle et qu'il avait été restauré en 1757 par l'astronome Jérôme de Lalande, un natif de ce lieu. J'ai découvert aussi qu'un traité écrit par le mathématicien français Jean-Louis Vaulezard en 1644 parle de ce type de cadran.
Tu en sais déjà beaucoup.
Je commence seulement à me documenter. Cela m’intéresse vraiment. C'est comme si un nouvel univers s'ouvrait dans le monde des cadrans solaires.
Alors, mes petites graines commenceraient-elles à germer ? À la bonne heure !
Au revoir !
Au revoir !
Ouah ! Ouah !
À bientôt !
Début du chapitre 11 :
Ah, Pierre, tu vas nous dire que le C.H.E. est un cadran très révolutionnaire !
Il y a des évolutions, oui, et de très jolies, mais pas de révolution. À ma connaissance, la seule révolution concernant les cadrans solaires est celle de la Terre autour du soleil. Le sigle C.H.E. est l'acronyme de : Cadran Horizontal Équivalent. Il s'agit d'un cadran horizontal, comme son nom l'indique, dont la table est parallèle à celle du cadran étudié. De ce point de vue, il lui est équivalent. C'est de là qu'il tire son qualificatif. Ce cadran est horizontal. Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai si fortement insisté pour attirer votre attention sur ce type de cadran. Le principe du C.H.E. est simple. (figure 11,1).
Un cadran solaire plan, quel qu'il soit, possède quelque part sur la planète un équivalent horizontal en tout point semblable à lui.
On sait, depuis nos dernières leçons, tracer un cadran horizontal. Pour tracer le C.H.E., qui est un cadran horizontal, il suffira de connaître la latitude du lieu où il se trouve.
Mais comme le cadran équivalent est vraisemblablement situé sur un autre méridien que celui où est installé le cadran étudié, il faudra « truquer » ses indications horaires pour fournir l'heure solaire désirée.
Le programme de cette étude est simple :
Soit un cadran plan quelconque situé eu un lieu « A ».
Trouver le lieu « B » du cadran horizontal équivalent.
De la latitude de ce lieu « B » déduire le tracé du C.H.E..
Du décalage en longitude entre « A » et « B » déduire les « modifications » à réaliser sur les lignes horaires.
Si je comprends bien ton idée, à chaque fois, la construction d'un cadran solaire reviendra à jouer cette petite pièce en trois actes.
C'est bien ma pensée. Et je vous propose quelques répétitions de cette pièce sur des thèmes déjà plus ou moins travaillés. Cela nous mettra en confiance.
D'accord. Allez, Mick, mets ton costume de cadranière.
Je veux bien frapper les trois coups, mais pas forcément sur les planches, si tu vois ce que je veux dire.
Ne vous chamaillez pas ! Vous allez vous rendre compte, j'en suis certain, que cette manière de faire est finalement assez plaisante. Mais avant d'entrer en scène, il y a quelques préparatifs indispensables.
Il faut d'abord « planter le décor ». Je veux dire qu'il faut en premier lieu se familiariser avec les termes et les paramètres décrivant un cadran plan quelconque.
Il y a d'abord « l'inclinaison ».
Le point de départ est une plaque horizontale. Si on la soulève d'un côté, elle devient inclinée. C'est l'idée de base. Plus précisément, imaginons une plaque carrée ou rectangulaire dont deux côtés sont orientés est-ouest et les deux autres nord-sud. Plaçons-nous du côté nord par exemple et soulevons la plaque. Dans le plan méridien, vertical, la plaque et le sol horizontal découpent un angle que l'on notera « i ». Il s'agit alors de l'angle dit d'inclinaison. (figure 11,2).
Pourquoi considères-tu au départ une plaque orientée selon les points cardinaux ? Cela ne me paraît pas indispensable.
Tu te demandes pourquoi, Mick. Et bien, pour que tu m'en fasses le reproche. C'est ma manière de procéder pour faire ressortir les éléments fondamentaux du problème. J'en conviens, ce n'est pas banal, mais c'est ma méthode. Tu peux effectivement prendre une plaque de forme quelconque, un disque si cela te chante, te placer n'importe où sur son pourtour et soulever. (figure 11,3). Comment va-t-on alors définir l'angle d'inclinaison ? Pour cela, il y a une ligne sur la plaque qui va être importante. Cette ligne porte le nom de « ligne de plus grande pente ». Je vais d'abord vous donner une image de cette ligne. Vous êtes déjà allés faire du ski, je crois. Quand on est en un point de la pente qu'il va falloir dévaler, il y a plusieurs options. On peut aller « sur le côté », c'est ce que l'on fait en débutant, ou aller « tout droit » comme font les skieurs très aguerris. Suivant la direction choisie sur la pente, l'inclinaison n'est pas la même. Alors, pour parler de l'inclinaison d'un plan par rapport au plan horizontal, il faut savoir exactement comment la définir. Elle se définit à partir de la ligne où les skieurs vont « tout schuss » qu'on appelle la ligne de plus grande pente. Cela veut bien dire ce que les mots veulent dire : ligne où la pente est la plus grande. À l'image du champ de ski, une telle ligne existe pour tout point d'une surface plane inclinée. Les lignes de plus grande pente tracées à partir de ces points sont toutes parallèles. (figure 11,4). Maintenant, considérons le plan vertical contenant la ligne de plus grande pente passant par un point du plan incliné. Ce plan coupe le plan horizontal selon une ligne qui croise forcément la ligne de plus grande pente. Cette ligne horizontale et la ligne de plus grande pente forment un angle dont la valeur est notée « i » et qui mesure ce qu'on appelle « l'inclinaison » du plan incliné. (figure 11,5). On a donc par définition :
Angle d'inclinaison « i » : angle entre la ligne de plus grande pente du plan incliné et la ligne horizontale d'un même plan vertical.
Soulevons la plaque. Quand l'angle « i » vaut 90°, elle est verticale. Et au-delà, qu'en est-il ? Peut-on parler d'une inclinaison plus grande que 90° ? On voit bien qu'il y a nécessité de préciser ce qu'on entend par inclinaison et quel champ d'application on lui donne. La présentation initiale où la plaque est rectangulaire et orientée selon les points cardinaux n'était pas innocente. Je l'ai faite pour conduire à une présentation plus générale et rigoureuse de « l'inclinaison ». La voici.
L'inclinaison d'un plan ne sera envisagée que dans le cas où coïncideront le plan vertical contenant la ligne de plus grande pente précédemment évoqué et le plan méridien du lieu d'implantation du cadran. Autrement dit, la charnière selon laquelle le plan du cadran s'inclinera sera toujours une ligne est-ouest du plan horizontal.
Comment peux-tu parler de généralisation en restreignant la définition à un cas particulier ?
Cela paraît contradictoire en effet. Ça l'est moins si on conçoit l'inclinaison toujours combinée à une autre opération que nous verrons bientôt avec laquelle on pourra envisager absolument tous les types de cadrans plans. Patience. Voyons d'abord l'inclinaison.
Comme il vient d'être dit, l'inclinaison est un angle du plan méridien. Elle sera une grandeur algébrique, c'est à dire « munie d'un signe » respectant la convention que voici. Un observateur se plaçant sur la ligne est-ouest, le dos à l'est, regarde le point d'implantation du cadran. Si le plan du cadran en s'inclinant bascule dans le sens contraire des aiguilles d'une montre (sens trigonométrique direct), alors « i » est positive. S'il bascule dans le sens horaire alors « i » est négative. (figure 11,6). On a donc :
« i » positive dans le sens antihoraire et inversement.
Cette manière de définir l'inclinaison recouvre tous les cas sachant que l'inclinaison « ||i|| », en valeur absolue, peut évoluer depuis la valeur 0° jusqu'à la valeur 180°.
Le deuxième paramètre du cadran quelconque sera la « déclinaison ».
On le connaît déjà. C'est le paramètre δ donnant l'inclinaison des rayons du soleil par rapport au plan équatorial.
C'est le même mot en effet, mais ce n'est pas du tout le même paramètre. Il y a risque de confusion par homonymie. Ils ne correspondent pas à la même notion. La déclinaison du soleil notée « δ » se rapporte aux rayons du soleil. Celle qui nous préoccupe ici sert à décrire la table d'un cadran solaire. Cela « n'a rien à voir ». On les différencie par des lettres propres. La déclinaison de la table du cadran sera notée « D ». Pour éviter les confusions, on a pris l'habitude d'ajouter à la déclinaison « D » le terme de « gnomonique ». On a donc la « déclinaison gnomonique D » comme paramètre descriptif d'un cadran solaire.
Qu'est-ce que c'est ?
J'y viens. Un cadran quelconque n'a aucune raison d'avoir sa ligne de plus grande pente présente dans le plan méridien du lieu d'implantation. Il peut très bien « regarder » à gauche, à droite ou ailleurs si cela lui chante. C'est là que réside l'idée de la déclinaison gnomonique. Précédemment, on a incliné le cadran en le basculant selon une direction nord-sud afin de construire son inclinaison. Maintenant on va l'orienter vers l'est, ou vers l'ouest, ou davantage, en maintenant son inclinaison constante. Il suffit d'imaginer le cadran incliné présent sur un plateau tournant horizontal, comme une platine de « tourne-disque », et que l'on fait tourner. (figure 11,7). L'angle dont on le fait tourner depuis la position nord-sud initiale est précisément ce que l'on appelle la « déclinaison gnomonique ». Pour couvrir toutes les directions possibles, il faut que « D » évolue de 0° à 180° aussi bien côté Est que côté Ouest. Pour différencier les deux, il ne reste plus qu'à « inventer » un signe. On décide que lorsque le cadran tourne sur sa platine côté « Est », la déclinaison gnomonique est négative. On pourrait dire aussi qu'elle est négative en tournant le cadran, vu depuis l'axe vertical, dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Inversement, elle est positive quand le cadran se tourne vers l'Ouest ou à la suite d'une rotation dans le sens des aiguilles d'une montre en le regardant depuis l'axe vertical. (figure 11,7). La déclinaison gnomonique devient ainsi une grandeur « algébrique ». Pour résumer, la déclinaison gnomonique « D » d'un cadran résulte de la rotation de la table inclinée autour d'un axe vertical. Dans ce mouvement, le plan vertical contenant la ligne de plus grande pente de la table tourne aussi et précisément de la quantité « D ». On pourra donc dire :
Déclinaison gnomonique « D » : angle entre le plan vertical contenant la ligne de plus grande pente de la table du cadran et le plan méridien du lieu.
« D » négative dans le sens antihoraire vu depuis l'axe vertical
« D » positive dans le sens horaire vu depuis l'axe vertical
Dans l'hémisphère nord, un cadran incliné orienté plein Est aura une déclinaison gnomonique « D » égale à – 90°. S'il est plein Ouest cela sera D = + 90°. S'il est septentrional « D » vaudra + 180° ou – 180°, ce qui revient au même. Évidemment, il y a D = 0° pour un cadran incliné méridional.
On résume (figure 11,8) :
Deux paramètres décrivent la table du cadran : « i » et « D ».
Partant d'une table horizontale, on procède à deux rotations de la table.
Autour d'un axe Est-Ouest correspondant à « i »
Autour d'un axe vertical correspondant à « D »