L'égalité

L’égalité

D’après E. DOCKES, Valeurs de la démocratie, Huit notions fondamentales, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2005.

L’égalité en droit, signifie que tous les êtres humains ont une valeur égale[1]. Elle est au fondement des droits fondamentaux. C’est un principe éthique qui demande de voir en autrui un autre soi-même. Le principe d’égalité s’oppose notamment au racisme et au sexisme. Il figure dans toutes les déclarations de droit de l’homme, ce qui lui donne la même force que les traités et la constitution.

Le principe d’égalité s’applique tant à l’action de la puissance publique envers les citoyens qu’aux rapports entre personnes privées. L’égalité est l’affirmation non d’une identité de fait, mais d’une identité de valeur. Les êtres humains sont différents (non-identité de fait), mais poser leur inégalité équivaudrait à établir une hiérarchie de valeurs. La différenciation est licite car elle est un fait incontestable. A l’inverse, la dévalorisation est illicite. On peut juger, évaluer des actes, non une personne dans sa globalité, car le jugement des actes est contingent, temporaire, tandis que le jugement sur la personne est définitif, irrémédiable. Le jugement moral sur la personne (avec comme critère l’honneur, la médiocrité, la vilenie…) n’a pas de valeur juridique et ne peut être interdit en soi. A l’opposé, un jugement juridique sur la personne porterait sur sa régularité ou son irrégularité, sa licéité ou son illicéité, qui sont des valeurs juridiques, est interdit.

L’évaluation de la personne en dehors de la valeur de ses actes (en prenant en considération l’origine, le sexe, l’âge, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, ou une race, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, les caractéristiques génétiques, le handicap …) représente une violation de l’égalité ; cela correspond au sexisme, au racisme, à la xénophobie, à la division de la société en ordres, en castes.

Il existe des cas de dévalorisation qui prennent argument d’une évaluation des actes : lorsque l’évaluation porte non sur les actes d’un individu, mais sur ceux d’une catégorie d’individus (les pauvres, les paysans, les femmes, les nobles, les énarques, les ecclésiastiques…). La valeur n’est plus déduite des actes passés ou potentiels d’une personne, mais de leur appartenance à une catégorie de personnes. Il y a alors valorisation ou dévalorisation de personnes en fonction de leur appartenance à une catégorie.

Un attribut de la personne ne peut être utilisé comme critère de différenciation salariale qu’à une double condition, il doit avoir une influence objectivement constatable sur la valeur des actes rémunérés, et il doit être indépendant de toute dévalorisation directe ou indirecte de la personne dans sa globalité.

Le droit agit également sur les causes des inégalités de fait car elles entraînent des dévalorisations, qui à leur tour produisent des différences de traitement. Certains textes prévoient des discriminations positives (par ex. des quotas de femmes dans les partis politiques) ; d’autres textes s’attaquent aux discriminations indirectes : par exemple, lorsque la rémunération n’est pas déterminée selon le sexe mais selon la tâche, et que la répartition des sexes selon la tâche est à ce point déséquilibrée qu’indirectement le résultat aboutit à ce qu’une catégorie de personne soit discriminée.

Le système juridique prévoit dans le cas de discrimination, que la charge de la preuve soit renversée : ce n’est plus à celui qui invoque la discrimination à la prouver, ni à prouver l’intention (c’est quasiment impossible à réaliser), il devra seulement prouver la différence de traitement ; ce sera au défendeur à prouver le caractère objectif, justifié et nécessaire de sa pratique. Sans ce moyen juridique accordé au demandeur, le droit à l’égalité serait un principe inapplicable pour les cas de discrimination. On voit par là que les règles de procédure, loin d’être des « ornementales », de pures formes vides de sens, sont au contraire des moyens juridiques essentiels pour l’applicabilité du droit et sont elles aussi porteuses de sens, de valeurs.

[1] Le principe d’égalité est un des apports fondamentaux du christianisme, qui ne différencie plus les humains selon les « races », les « peuples », les classes sociales.