Lettre, Congrès général de l'Amérique Septentrional, Philadelphie, 26 octobre 1774
Domaine public
Durant l'occupation de la ville de Montréal, les Canadiens ne pourront plus se rendre dans les Églises et certains se feront emprisonner pour leur loyauté envers la Grande-Bretagne. Une ambiance très méfiante se développera entre les Canadiens et les Américains.
Depuis 1773, les Treize colonies anglaises du Sud se révoltent contre la Grande-Bretagne afin d'obtenir leur indépendance. Entre 1773 et 1783, les Canadiens seront plutôt neutres envers la Révolution de leurs voisins du Sud. Certains Canadiens soutiendront les révolutionnaires en leur offrant des armes, des endroits pour se cacher ou en prenant part aux combats à leurs côtés. Cependant, la plupart suivront les consignes de l'Église catholique, qui demeure très loyale à la Grande-Bretagne et qui réclame la même fidélité de la part des Canadiens. C'est pour cette raison que la Grande-Bretagne met en place l'Acte de Québec en 1774, en espérant conserver la loyauté des colons canadiens.
En 1774, le Congrès continental américain sollicite l'appui de la Province of Quebec. Cette même année, le gouvernement anglais a fait adopter une nouvelle constitution: l'Acte de Québec. Par celle-ci, les Canadiens peuvent pratiquer leur religion catholique et ils obtiennent un agrandissement de leur territoire. Cela suscite la colère des colons anglais du Sud, les Américains, qui craignent pour leur religion protestante et qui sont mécontents de perdre l'accès aux territoires de chasse des Grands Lacs et de la vallée de l'Ohio.
Déjà mécontents, et encore plus avec l'imposition des taxes anglaises, les colons américains déclarent la guerre à la Grande-Bretagne. C'est la Révolution américaine. Pour prendre l'ascendant sur la Grande-Bretagne, les troupes américaines montent vers le Nord et cherchent à envahir la Province of Quebec. Ils attaquent des forts et prennent possession du Fort-Chambly. Suite à des victoires près du Lac Champlain en novembre, les Américains poursuivent leur chemin et prennent possession de Montréal. La ville sera sous occupation américaine durant près de 7 mois.
À Québec, les troupes américaines tentent de prendre le contrôle de la ville, mais la situation n'est pas aussi facile qu'à Montréal. Le 31 décembre 1775, les troupes anglaises et canadiennes parviennent à repousser les Américains. La ville continue d'être attaquée dans les mois suivants, mais sans résultat. Les troupes révolutionnaires finissent par se retirer, puisqu'elles réalisent que la Province of Québec ne pourra pas être conquise. Les Américains quittent Montréal le 9 mai 1776, après 7 mois d'occupation.
Nos amis et compatriotes,
Les desseins formés par un Ministre arbitraire pour extirper la liberté et les devoirs de toute l'Amérique, nous ayant alarmés ; un présentiment du danger commun se joignait aux mouvements de l'humanité, fit que nous vous engageâmes par notre précédente adresse à prêter votre attention à ce sujet de la dernière importance.
Depuis la conclusion de la dernière guerre, nous vous avons considérés avec satisfaction comme sujets du même Prince que nous; et depuis le commencement du plan actuellement en exécution pour [soumettre] ce continent, nous n'avons vu en vous que nos compagnons de souffrance. La Divine bonté d'un Créateur indulgent nous ayant donné à tous un droit à la liberté, et étant tous également voués à une ruine commune par les cruels [règlements] d'une administration despotique*, il nous a paru que le sort des colonies protestantes et catholiques était étroitement lié ensemble et conséquemment, nous vous invitâmes à vous unir avec nous dans la résolution d'être libres de rejeter avec dédain les fers de l'esclavage, malgré l'artifice qu'on aurait employé pour les polir.
Nous devons nous affliger sincèrement avec vous de ce que le jour est arrivé, pendant lequel le soleil ne peut éclairer de ses rayons un seul homme libre dans toute l'étendue de votre pays; soyez assurés que votre dégradation si peu méritée [nous a ému], et nous nous flattons que vous ne souffrirez jamais (en vous soumettant lâchement au joug que l'on veut vous imposer) que cette pitié soit supplantée par le mépris.
Lorsque l'on [...] dépouille les hommes de ces droits qui leur ont été départis par l'Être Suprême, lorsque pour donner entrée au despotisme* on [ne respecte pas les] pactes les plus solennels, [...] et enfin lorsque les manœuvres et les stratagèmes insidieux de la paix deviennent plus terribles que les opérations les plus sanglantes de la guerre. C'est alors pour eux le temps de maintenir ces droits et de s'opposer avec une indignation vertueuse au torrent de l'oppression qui vient se précipiter sur eux.
Par l'introduction de la forme actuelle de votre gouvernement ou plutôt la forme actuelle de tyrannie, vous, vos femmes et vos enfants sont faits esclaves - vous ne possédez rien que vous puissiez dire vous appartenir et chaque fois qu'un gouverneur avare ou un conseil rapace seront portés à les demander, on peut vous ravir tous les fruits de vos labeurs et de votre industrie.
Vous êtes sujets par ces [règlements] à être transportés en pays étrangers pour livrer des batailles dans lesquelles vous n'avez aucun intérêt et répandre votre sang dans des combats desquels nous ne pouvez retirer ni honneur ni profit. La jouissance même de votre religion, suivant le présent système, dépend d'un corps législatif auquel vous n'avez aucune part et sur lequel vous n'avez point d'autorité, et vos prêtres sont exposés à être chassés, bannis et ruinés, chaque fois que leurs richesses et leurs possessions en fournira une tentation suffisante : ils ne peuvent pas s'assurer qu'il y aura toujours un Prince vertueux sur le trône, et si jamais un Souverain méchant et négligeant concourrait avec un ministère abandonné à vous dépouiller des richesses et des forces de votre pays, il est impossible de concevoir jusqu'à quelle extrémité et quelle diversité de misère vous pourriez être réduits sous la forme de votre établissement actuel.
Nous sommes informés qu'on vous a déjà requis de prodiguer vos vies dans un démêlé avec nous : si vous vous soumettiez à votre nouvel établissement en [acceptant] cette demande et qu'une guerre s'alluma contre la France, vos biens et vos fils pourraient être envoyés pour périr dans des expéditions contre les possessions de cette nation dans les îles de l'Amérique.
Il n'est pas à présumer que ces considérations ne seront d'aucun poids auprès de vous, ou que vous soyez si fort dénués de tout sentiment d'honneur - nous ne croyons jamais que la présente race de Canadiens aurait si fort dégénéré qu'elle ne posséderait plus l'ardeur, le courage et la valeur de leurs ancêtres; certainement vous ne permettrez pas que l'infamie et la disgrâce [d'un abandon de ses responsabilités] rejaillit sur vos têtes et que les conséquences que s'en suivraient retombassent pour toujours sur celles de vos enfants.
Quant à nous, nous sommes déterminés à vivre libre ou à mourir, et nous sommes résolus que la postérité n'aura jamais à nous reprocher d'avoir mis au monde une race d'esclaves.
Permettez que nous vous répétions encore une fois que nous sommes vos amis et non vos ennemis, et ne vous laissez point en imposer par ceux qui peuvent tâcher de faire naître des animosités entre nous. [...] Vous pouvez [être assurés] que nous [...] ne poursuivrons aucune mesure quelconque que celles qui seront dictées par l'amitié et une attention pour notre sureté et notre intérêt réciproque.
Comme l'intérêt que nous prenons à votre prospérité nous donne un titre à votre amitié, nous présumons que nous ne voudriez point de nous [...] nous réduire à la triste nécessité de vous traiter en ennemis.
Nous conservons encore quelques espérances que vous vous joindrez à nous pour la défense de notre liberté mutuelle et il y a encore raison de croire que si nous nous joignions pour implorer l'attention de notre souverain aux oppressions inouïes et injustes de ses sujets américains, il sera enfin détrompé et défendra à un ministère licencieux de continuer d'exercer désormais les violences sur les ruines du genre humain.
Par ordre du Congrès,
Jean Hancock, Président,
Philadelphie, le 29 mai 1775
*Despotique : relatif à un pouvoir politique oppressif
Le Congrès continental américain.
Aux yeux des colons anglais des colonies du sud, les Canadiens sont opprimés par le régime politique anglais. Les Américains écrivent donc une lettre aux Canadiens leur demandant de les appuyer dans leur révolution contre la Grande-Bretagne. Ne recevant pas d'appui, les Américains envahissent la Province of Québec. Ils espèrent ainsi, d'un côté, nuire à la Grande-Bretagne en prenant le contrôle de la province, et d'un autre côté, augmenter leur puissance politique, militaire et économique en agrandissant leur territoire.
Lettre du Congrès adressée aux habitants de la Province de Québec.
En Amérique du Nord.
Le 26 octobre 1774, 1 an avant l'invasion de la Province of Québec (entre novembre 1775 et mai 1776).
Dans la lettre, les colonies anglaises, rassemblées dans le cadre du premier Congrès continental des colonies britanniques du Sud, lancent une invitation aux Canadiens pour qu’ils se joignent à eux dans leurs efforts d’émancipation coloniale dans le cadre de la révolution d’indépendance américaine. Ils s’adressent à eux pour leur rappeler l’importance des libertés et des droits anglais et affirmer le « droit légitime des Canadiens à un gouvernement démocratique » soit que « le peuple a part à son gouvernement par son représentant choisis par lui-même » (Source). Les idées libérales sont très importantes dans cette lettre, démontrant que ces idéologies sont au coeur des mouvements révolutionnaires aux XVIIIe et XIXe siècles.
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/conquete
https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/histoire/l-implication-de-la-province-de-quebec-dans-la-r-h1539