A.L.A.T. en Algérie lt Bard François

A.L.A.T. en Algérie

Récit du lieutenant BARD François

Ce récit fait suite à sa précédente affectation au 7e RI

A.L.A.T. en Algérie lt Bard François‎ > ‎Djebels NADOR et TAKSEMPT. El ARICHA. Grand Charles‎ > ‎Frontière marocaine- Merchiche- Maroc‎ > ‎Mascottes et EVASAN‎ > ‎Escapades‎ > ‎Mecheria‎ > ‎La méprise, le barrage‎ > ‎2ème P.M.A.H. / 13ème D.I.‎ > ‎Stage 1-OP-61 à Dax‎ > ‎Retour à Mecheria‎ > ‎ Sur le "Qui vive" Cheragas Dax, Reghaïa et fin de séjour, Geryville cérémonie , Photothèque

1er PELOTON MIXTE AVIONS HELICOPTERES DE LA 12ème D.I.

ZENATA

Basé sur le terrain de ZENATA, au nord de TLEMCEN, le 1er Peloton Mixte Avion Hélicoptère de la 12ème DI (PMAH 1/12èmeDi) possédait 8 avions: 2 piper L18 de 90 cv pour les liaisons, 6 piper L21 de 150 cv appelés "avions d'armes" et 7 hélicoptères "Djinn", biplaces, lents mais bien utiles quand même.

Le L21, avait la même cellule que le L18. Il disposait d'un moteur Lycoming de 4 cylindres à plat et de 150 CV. Il avait, en plus, des volets, à deux positions de sortie, qui lui permettait de voler un peu plus lentement et d'atterrir plus court. Son train d'atterrissage, suspendu par sandows, était amorti. Il possédait un équipement électrique avec batterie, génératrice, démarreur, éclairage intérieur, feux de positions, phares d'atterrissage et postes radio alimentés par batterie et non sur piles comme dans le L18. Il volait à 100 mph (Miles per hour) (160 kmh) en croisière et pouvait descendre à 50 mph (80 kmh), volets sortis au 1er cran, pour l'observation de points particuliers. Il pouvait décoller sur 200 m et se poser de même. Il était muni de doubles commandes. Les sièges étaient équipés de baquets pare-balle, de même composition que les gilets du même nom, et censés protéger nospostérieurs très sensibles (cela n'empêchera pas le Capitaine BRACONNIER du PMAH 1/13 d'AIN-SEFRA d'être blessé aux reins). Il avait été envisagé de nous faire porter des gilets pare-balles, mais l'exiguïté des cellules de nos appareils rendait cette opération impossible.

Les L21 étaient marqués de A à F (Alpha, Bravo, Charlie, Delta, Echo, Fox), le L18 G et H ( Golf et Hôtel) et les Djinn de I à O (India, Juliett, Kilo, Lima, Mike, November, Oscar ou dans certains pelotons Tango, Uniform, Victor, Wysky,Yankee, Zulu) Alpha-Whisky étant l'indicatif du peloton. En opérations, les trosols appelaient l'avion par les deux dernières lettres de son indicatif jusqu'au jour où, au deuxième peloton à Mecheria, il fut décidé par le Capitaine TOUSTOU que les observateurs auraient un indicatif radio personnel, en fait une couleur non prévue à l'O.B.T. (Ordre de Base des Transmissions) Nous avions donc des Azur, Pourpre, Tango, Citron… Étant absent au moment de l'attribution des couleurs, je serais doté de "Cognac", ce qui couplé au Whisky du peloton entraînait quelques fines remarques de la part de mes correspondants… Chaque observateur eut à cœur de se trouver un foulard à sa couleur.

Le Djinn était un hélicoptère particulier et ses pilotes n'étaient pas brevetés "hélico" mais avaient simplement une extension de leur brevet avion. Bi-place côte à côte, il était motorisé par une turbine "Palouste" qui fournissait de l'air comprimé sous une pression moyenne de 2 bars, ou plus dans les pays froids et moins dans les pays chauds. Cet air était conduit jusqu'à des tuyères d'éjection situées en bout de pales et à 90 degrés de celles-ci. La réaction de l'air comprimé sur l'air ambiant entraînait les pales en rotation. Comme il n'avait pas de couple de renversement, une simple gouverne mobile commandée par le palonnier et située dans le courant des gaz de la turbine remplaçait l'habituel rotor arrière anti-couple et suffisait à compenser le couple d'entraînement. Sa vitesse pouvait atteindre 120 kmh. La turbine était dotée d'un démarreur à manivelle assez folklorique (Il fallait monter la turbine à 5000 t/m puis tourner 3 tours en arrière, ce qui déclenchait l'allumage, et continuer de tourner en sens normal pour aider la turbine à prendre ses tours…) qui serait remplacé plus tard par un système à moteur 2 temps "Lavalette", style mobylette, qui facilitait les opérations de démarrage, mais qui, pour l'armée de l'air, restait lui aussi folklorique ( Les pilotes, pour étonner leurs homologues "air" remettaient le Lavalette en route, au ralenti, avant d'arrêter la turbine, d'où un "pet-pet-pet" très insolite pour un hélico sensé être à turbine). Étant donné les conditions de température, pression et altitude en Algérie, cette machine était souvent en limite de puissance (1,9 ou 1,8 bars au lieu de 2) et il fallait "ruser" pour grimper dans les djebels. Les pilotes cherchaient à découvrir des rapaces en vol plané près des pentes. Leur présence marquait l'existence de courants ascendants, en général thermiques, qui servaient ensuite d'ascenseur au Djinn. Pour permettre à l'air comprimé de passer de l'appareillage fixe au rotor, le mat de ce dernier était muni d'un soufflet monté sur un roulement étanche. Il arrivait que ce roulement se grippe, d'où déchirure et perte de puissance entraînant un atterrissage immédiat et l'envoi d'un dépannage. Grâce à la "baraka" qui m'a accompagné pendant tout mon séjour je n'eus pas à subir ce genre d'incident. Quoiqu'il en soit, cet appareil rendit de nombreux services.

Djinn du lieutenant Claverie

Les missions que nous étions appelés à effectuer étaient les suivantes :

R.A.V. ou reconnaissances à vue effectuées systématiquement sur une zone ou sur demande des Troupes au sol (TROSOLS) pour rechercher des indices de passage ou de bivouacs, photos de points particuliers.

P.T.S. ou PROTROSOL : mission d'accompagnement de troupes, en sortie sur le terrain, dans leur progression en les éclairant et en les guidant. Relais radio éventuel pour les demandes urgentes d'appui aérien.

OPS ou Opérations. Même mission que ci-dessus, mais dans le cadre d'une opération organisée, pouvant mettre en œuvre un régiment (2 ou 3 bataillons à 3 ou 4 compagnies chacun), avec guidage d'héliportages, choix des zones de poser d'hélicos, guidage de la "chasse", réglage de tirs d'artillerie, voire prise de commandement momentanée de l'opération, l'autorité au sol ne pouvant plus l'exercer pour diverses raisons.

EVS ou EVASAN AIR: évacuation sanitaire aérienne urgente (par hélico).

PROCONVOI : mission d'accompagnement de convoi, recherche d'indices d'embuscade, observation de la marche des éléments pour renseigner le chef. Il est à noter que la présence du piper semblait être assez dissuasive, car je n'ai pas connaissance d'un convoi accompagné qui soit tombé dans une embuscade.

LI ou liaisons + largage de courrier sur les postes ou de tracts dans les zones rebelles, voire sur le Maroc, différents guidages de l'Armée de l'Air...

Terrain de ZENATA (Vue actuelle sur Google earth )

Les appareils de l'Armée de l'Air qui appuyaient les TROSOLS étaient les suivants :

Appui aérien léger :

Après l'utilisation d'appareils école français armés pour l'occasion : Sipa Sl 11, MS (Morane-Saunier) 472 et 475 "vanneau", MS 733 "Alcyon", l'on fit appel à des avions US, peu chers et achetés en grand nombre (environ 700 T6...) :

T6 G : Avion école US, armé de 4 mitrailleuses de 7,5 mm en 2 gondoles de 2 sous les ailes. (300 cartouches par arme). Il pouvait emmener un observateur en plus du pilote et pouvait, selon l'altitude et la température, emporter de 2 à 6 roquettes T 10 (Roquettes de 105 mm) ou 2 paniers de 7 roquettes SNEB de 68 m/m. A la place des roquettes, il pouvait aussi emporter 2 bombes de 50 kg ou 2 groupages de 4 bombes de 10 kg chacun. Les bombes furent peu souvent employées par les T6. Muni d'un moteur de 550 CV pour un poids maxi de 2450 kg, il volait à 200 km et était parfois en limite de puissance dans les djebels.

T28 "Fennec". Autre appareil école US qui remplaça progressivement les T6. Plus lourd, plus puissant, légèrement blindé, il disposait de 4 mitrailleuses de 12,7 mm en 2 gondoles sous les ailes. Comme le T6, il emportait des roquettes ou des bombes. De 800 CV à l'origine, son moteur avait été remplacé par un 1300 CV pour compenser l'augmentation de poids due à l'armement et aux équipements supplémentaires.

T6 G

.Appui aérien "lourd".

P47 "Thunderbolt" : Chasseur de la dernière guerre, il était armé de 8 mitrailleuses de 12,7 dans les ailes et emportait une bonne charge de roquettes, de bombes ou de "bidons spéciaux" (nom pudique donné aux bidons chargés de napalm).

MISTRAL, nom français du VAMPIRE anglais. Mono réacteur bipoutre armé de 4 canons de 20 mm, il remplaça momentanément les P 47 avant l'arrivée de SKYRAIDERS. Rapide, il souffrait d'une faible autonomie sur zone.

SKYRAIDER, appareil embarqué de l'US Navy, chasseur lourd emportant son propre poids d'armement en plus de ses 4 canons de 20, doté d'un moteur de plus de 3000 CV, blindé, avec une très bonne autonomie, c'était une machine redoutable malgré ses ennuis fréquents de moteur (en particulier sur les moteurs révisés en France !..).

B26 "INVADER", bombardier bimoteur de la 2ème guerre mondiale. Il existait en deux versions: "bomber" ou "straffer". Le premier avait le nez vitré et une vocation de bombardier, le 2ème avait un nez plein qui abritait 8 mit. de 12,7 en plus des 6 qu'il avait dans les ailes et des roquettes qu'il pouvait également emporter. Lourds, mais assez agiles, ils étaient très efficaces. Quelques uns d'entre eux, modifiés, serviront de chasseurs de nuit et j'eus l'occasion à MECHERIA d'effectuer une mission d'entraînement, à bord de l'un d'entre eux, contre un Skyraider servant d'objectif. (Impressionnant d'efficacité).

Note sur les tours d'alerte.

A ZENATA, le tour d'alerte, observateurs et pilotes était pris " en suivant" : Le premier d'un jour se retrouvait, le lendemain, dernier de la liste qui avançait d'un cran tous les jours. Ce procédé très simple créait des disparités importantes par rapport aux heures de vol effectuées.

C'est pourquoi au 2ème Peloton, le capitaine TOUSTOU avait institué un autre système basé sur le "turf". Un état des heures de vol mensuel présenté sous forme de graphique, dit "piège à crevards", était mis à jour tous les soirs en rajoutant les heures de la journée. Le tour était établi en fonction du graphique, celui qui avait le moins d'heures se retrouvait premier d'alerte et ainsi de suite.

Il y avait sur un mur de la salle opérations un tableau d'alerte sur lequel la mécanique affichait les appareils disponibles en fonction de leurs potentiels. Ensuite, à côté, les noms des observateurs et pilotes dans l'ordre de l'alerte et enfin une grande case où s'inscrivait la mission quand elle était connue. Les indicatifs des appareils et les noms des personnels étaient inscrits sur des plaquettes de contreplaqué percées de 2 trous qui permettaient de les accrocher à des clous judicieusement placés. C'était simple, efficace et le système donnait satisfaction.

1 : Base de Zenata, la partie Air - 2 et 3 : La partie ALAT

(extraits d'un film 8 m/m du lt Bard)

Suite : Djebels NADOR et TAKSEMPT. El ARICHA