Saint Arnould le Fort
L’un des derniers saints de Belgique avant le schisme est saint Arnould le fort. Bien que sa mort soit postérieure à la date fatidique de 1054, sa vie est intéressante à connaître des orthodoxes de Belgique. Saint Arnould nous interpelle en sa qualité éminente de patron des brasseurs, des cabaretiers et des buveurs de bière.
Il est parfois difficile de s'y retrouver dans les sept saints qui ont porté le nom d'Arnould (ou Arnold, ou Arnoul... au choix). Le nôtre en tout cas est né en 1040, à Tiegem, près d'Oudenaarde. Son parrain, Arnould d'Oudenaarde, le poussa vers la chevalerie, car il était d'une noble famille flamande. Arnould brilla: il était aussi vigoureux que courageux. C'est aux joutes d'Utrecht, présidées par l'empereur Henri IV, qu'il acquit son surnom d'Arnould le fort: jonglant d'une énorme lance dans son poing ganté de fer, il avait fait mordre la poussière à tous les autres vainqueurs du tournoi.
Malgré ses succès, il se dégoûta peu à peu de la vie mondaine et militaire, et après avoir servi divers princes pendant dix ans, notre valeureux guerrier eut besoin de silence et de méditation. Il entra alors à l'abbaye Saint-Médard de Soissons. En 1072, l'abbé mourut et Arnould, âgé de 32 ans, fut élu par les religieux pour reprendre la lourde charge. Il y fut pour tous un modèle, vivant de la façon la plus austère. Et ce n'était pas tout: le voilà en 1081 évêque de Soissons.
Il y reste peu de temps: en 1083, le pape Grégoire VII le charge d'une mission auprès du comte de Flandre, Robert le Frison. Notre Arnould est chargé de rétablir l'ordre et la paix en Flandre. Il y réussit parfaitement. Mais il ne retournera pas à Soissons: il fonde l'abbaye d'Oudenburg, sur les ruines d'un monastère fondé par saint Ursmer, au cœur d'une région marquée par la barbare influence des Normands.
La construction de l'abbaye amena plus de trois cent ouvriers dans ce coin perdu en bordure de la mer du Nord. Hélas! Une épidémie se déclara, et on comprit bientôt qu'elle était causée par des eaux malsaines qu'on buvait jusqu'ici. Arnould, qui venait de terminer la brasserie du monastère, incita alors la population à boire de la bonne bière, en lieu et place des eaux délétères. On devine avec quel enthousiasme il fut obéi! Une foule se rua vers la brasserie, avec une telle violence qu'elle fit s'écrouler le bâtiment en bois et provoqua un début d'incendie! Arnould, comprenant que ce fait aurait un effet néfaste sur le moral des populations encore un brin superstitieuses, conjura de prier afin que Dieu manifeste Sa puissance, plongea sa crosse abbatiale dans le brassin qui ne devait être prêt que dans dix jours, et aussitôt, le liquide se couvrit d'une mousse abondante. On put s'abreuver à l'aise d'une bière excellente, l’épidémie s'arrêta, et le saint moutier fut bientôt terminé.
Arnould y meurt le 18 août 1087. Il est le patron des brasseurs, des cabaretiers et des buveurs de bière, et mériterait d'être appelé le patron de tous les Belges sans distinction tant son exhortation à lamper le divin liquide a été entendue par-delà les siècles. On le fête le 18 août, et on le vénère dans les diocèses de Bruges et de Gand. Il est également invoqué contre les incendies, les accidents, les piqûres de ronces. Saint Arnould le fort est souvent représenté en évêque avec une pelle à brasser.
Sous-diacre Jean Hamblenne
Tropaire de Saint Arnould le fort (Ton 8)
Glorieux pasteur d'Oudenburg,
Vainqueur de la peste et artisan de paix,
Pontife vénérable et bâtisseur de monastère,
Vois aujourd'hui la terre de Flandre qui s'adresse à toi.
Et qui d'une voix unanime, saint Arnould,
Demande ton intercession auprès du Dieu Vivant.