L'icône de la Théophanie

L’icône de la Théophanie représente le baptême de Jésus dans le Jourdain, raconté en Marc, 1, 9-11, Matthieu 3, 13-17 et Luc, 3, 21-22. La Théophanie, célébrée le 6 janvier, est l’une des douze grandes fêtes de l’Eglise orthodoxe. Elle était autrefois considérée comme la plus grande fête chrétienne après la fête de Pâques.

Un icône n’est pas une photographie. Si nous avions pu fixer la scène sur la pellicule, nous aurions sans doute eu une image ultra-réaliste comme celles des publications de Témoins de Jéhovah, mais assurément pas ce que vous voyez sur l’icône. L’icône est un enseignement, une théologie. Elle avait jadis, entre autres, le rôle d’enseigner le fait biblique à des fidèles souvent illettrés.

DESCRIPTION DE L’ICONE

Au centre de l’icône se trouve le personnage principal, Jésus. On le reconnaît à son nimbe chargé d’une croix, dont on ne voit que trois branches : symbole trinitaire évident. Dans le nimbe de Jésus sont inscrits ces mots grecs: ὄ ών, celui qui est, qui existe de toute éternité. C’est la réponse de Dieu à l’interrogation de Moïse devant le buisson ardent : « Je leur dirai : le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous. Mais s’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ? Dieu dit à Moïse : Je suis Celui qui Suis. Et Il ajouta : c’est ainsi que tu répondras aux Israélites : Celui qui s’appelle « Je suis » m’a envoyé vers vous. » (Exode, 3,14). En hébreu, cela s’exprime par le tétragramme IHVH, vocalisé en Iahvé ou Jéhovah. L’inscription témoigne de notre Foi en la divinité du Christ : Jésus est Dieu, deuxième personne de la Sainte Trinité.

Jésus est debout dans le Jourdain. Mais le Jourdain n’est pas représenté comme une rivière ordinaire : c’est plutôt une grotte, un trou rempli d’eau. Cette grotte rappelle évidemment la grotte de la naissance à Bethléem. Mais elle anticipe sur une autre grotte : le tombeau dans lequel Jésus sera enseveli. L’iconographe connaît la fin de l’histoire : il sait que le Christ descendra dans le séjour des morts, l’Hadès, pour y chercher les trépassés et les emmener au paradis. Le baptême est un passage par la mort vers la vie. Rester sous l’eau causerait la mort. Mais le baptisé en sort, il ressuscite à la vie de Dieu.

Le ciel est figuré par un arc de cercle, duquel se détachent trois rayons, symbolisant les trois personnes de la Sainte Trinité. Dans le rayon, le Saint-Esprit est manifesté sous la forme d’une colombe. Celle colombe rappelle celle que Noé lâcha sur les eaux après le déluge, et qui revint « tenant dans son bec une feuille arrachée à un olivier » (Genèse, 8,11) Elle est devenue un symbole de paix : l’Esprit-Saint est Esprit de paix, d’amour et de concorde. Le rayon manifeste visuellement la Parole du Père invisible : « Tu es mon Fils bien-aimé, objet de mon affection ». (Marc, 1,11).

Dans l’eau nagent parfois de petits êtres étranges. S’il n’y en a qu’un, affublé d’un tonneau qui coule, on peut y voir une personnification du Jourdain (Monsieur le Jourdain !), qui voit avec étonnement le Dieu fait homme entrer dans ses eaux, et est tenté de retourner en arrière,(Psaume 114,3) comme il l’a fait lors du passage de Josué conduisant le peuple vers la terre promise (Josué, 3, 14-17). S’il y en a plusieurs, on y verra plutôt les forces de la mort, les démons, qui s’enfuient en pagaille, terrorisés par l’annonce de leur défaite. Il y a alors une ressemblance évidente avec l’icône de la descente de Jésus aux enfers.

Saint Jean Baptiste, le Précurseur, se tient debout sur la gauche de l’icône. Il baptise le Christ, mais aussi le désigne avec la main. C’est Lui, nous confirme Jean, « L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jean, 1,29), celui dont il a dit : « Il vient après moi, Celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa sandale » (Marc, 1,7). Le baptême n’est évidemment pas octroyé à Jésus « pour la rémission des péchés » (Actes 2,38) puisque Jésus est sans péché, mais pour nous montrer la voie de salut.

A droite, des anges, dont le nombre n’est pas fixe, trois ou quatre généralement, tiennent en main les vêtements dont sera revêtu le Christ baptisé. Leur fonction est un service : leur rôle pourrait s’apparenter à celui des diacres. L’un des anges a les yeux tournés vers le ciel : il rappelle que la première fonction des anges est la prière et la contemplation de la Divinité. Remarquons que les Evangiles ne parlent pas des anges au moment du baptême du Christ, mais seulement après son séjour au désert : « Et voici que des anges s’approchèrent de Jésus pour Le servir ». Matthieu, 4,11.

Sur la gauche se trouve une hache posée au pied d’un arbre. Elle illustre la phrase : « Déjà, la cognée est à la racine des arbres. Tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. » (Luc, 3, 9) .

Enfin, des montagnes nous rappellent la proximité des monts de Judée.

SIGNIFICATION DE L’ICONE

Deux leçons se dégagent de la lecture de l’icône :

La première est de nous rappeler la nécessité absolue du baptême pour notre salut : « Si un homme ne naît d’eau et d’esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ». (Jean, 3,5). « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé » (Marc, 16,16). Ce nouveau sacrement est en quelque sorte inauguré par Jésus, qui assume l’humanité dans sa totalité, et nous montre la voie du salut. Le baptême de Jésus est un acte pédagogique. Et comme nous le chantons à la liturgie de cette fête : « « Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ ».(Galates,3,27).

La seconde est une manifestation de la sainte Trinité. Le nom de la fête, Théophanie, en témoigne : du grec θεὀς : Dieu et φαἰνω : montrer. Ce jour-là, Dieu se montre tel qu’Il est : un seul Dieu en trois Personnes. Le Père parle dans le ciel, le Fils se fait baptiser par Jean et le Saint-Esprit se manifeste sous la forme d’une colombe. Comme le dit le tropaire de la fête : « Ton baptême, ô Christ dans le Jourdain, a manifesté au monde l’adoration due à la Trinité. La Voix du père Te rendait témoignage, elle t’appelait Son Fils Bien-aimé. Et l’Esprit, sous la forme d’une colombe, proclamait la vérité de cette parole. Christ Dieu, Tu es apparu, Tu as illuminé le monde. Seigneur gloire à Toi. » Mais c’est aussi une manifestation de Jésus, Fils de Dieu, qui, après sa vie cachée, va se manifester au monde par Sa Parole et Ses miracles.

En regardant cette icône, souvenons-nous que nous avons revêtu le Christ, et que, marchant avec Lui, nous sommes appelés à traverser la mort pour renaître avec Lui à la Vie Eternelle.

Sous-diacre Jean Hamblenne