Révolte

En 1951 paraît l'Homme révolté d'Albert Camus, qui va précipiter la brouille avec Sartre.

Que reproche Sartre à Camus ? D'être un amateur, de sacrifier sa position d'écrivain et d'intellectuel sans s'engager en politique, en prétendant ne pas se salir les mains.

Lequel a raison ? Ni l'un ni l'autre. Camus n'est pas la cause de l'échec de Sartre. Et il n'a pas non plus de postérité, si ce n'est par intermittence, avec des mouvements comme celui des Indignés, de Stéphane Hessel, et avec une reconnaissance de salon (Raphaël Enthoven) qui l'aurait navré.

En fait, la dispute Sartre-Camus a été rejouée entre Richard Stallman et Linus Torvalds, entre le free software, et l'Open Source (si je comprends bien, la traduction française, commune aux deux, de logiciel libre, est pour certains un choix délibéré de ne pas lever l'ambiguïté, et pour d'autres une simple myopie plus ou moins naïve).

Le fond du problème (de Sartre, mais aussi de Camus, avec seulement moins d'intensité) est bien entendu l'agenda posé par Marx : « Jusqu'ici les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde. Il s'agit maintenant de le réformer ». Et que résume par exemple Bill Bryson dans The Body, quand il constate que l'espérance de vie des pauvres est de 10 à 15 ans plus courte que celle des riches (sauf celle des Américains). Doit-on, peut-on, comparer 6 milliards de vies écourtées aux 100 millions de morts du totalitarisme (pas seulement soviético-sino-nazi) du XXe siècle ? Non, bien sûr, c'est ridicule, et ça ne résoud pas le problème. Le coût des systèmes politiques ne se concentre pas sur les gens qu'ils tuent, que ce soit d'une balle dans la nuque ou d'un cancer des poumons.