Transmutation alchimique à la TV

Auteur : JC

Date : 23 avril 2009

Source : Blog du paranormal et de l'insolite

Avez-vous vu le documentaire sur l’alchimie dont on peut télécharger la vidéo sur le site de France 3 Rhône Alpes Auvergne?

Intitulé Alchimie, science et mysticisme, ce film étonnant prétend révéler toutes les étapes de la fabrication de la pierre philosophale, substance légendaire dont on tirerait un élixir de longue vie ainsi qu’une poudre de projection qui pourrait transformer les métaux vils en or. D’ailleurs, sous les yeux ébahis des spectateurs, un alchimiste semble réaliser la transmutation du mercure en or!

+ Documentaire à visionner sur Dailymotion : partie 1 | partie 2 | partie 3


Le documentaire : Alchimie, science et mysticisme


Écrit et réalisé par Christian Sulleman, et produit par France 3 Rhône Alpes Auvergne, le documentaire Alchimie, science et mysticisme, qui dure un peu plus de 53 minutes, nous brosse un tableau des aspects historiques, symboliques, philosophiques et même astrologiques de l’alchimie pendant les 33 premières minutes.

Le film résume les prétentions de l’alchimie et nous présente brièvement les deux voies alchimiques (sèche et humide) pour réaliser le « grand œuvre », c’est-à-dire la pierre philosophale. Les alchimistes Patrice Spartamian, élève d’André Barbault, et Jean-Luc Steineman, tous deux adeptes de la voie humide, nous parlent de leurs travaux. Patrick Rivière, lui-même alchimiste et, nous dit-on, spécialiste de l’histoire des religions, s’attarde plus particulièrement sur l’aspect symbolique de cet art et de ses relations avec d’autres traditions philosophiques ou religieuses.

Après ce préambule plutôt intéressant, la vidéo prend une tangente plus sensationnelle (un peu après 33 minutes, si vous voulez vous y rendre directement):

+ À voir sur Dailymotion à partir de 13'33'' : partie 2

«Témoignage exceptionnel et sans doute première mondiale, nos alchimistes vont présenter devant notre caméra tout le processus jusqu’à la concrétisation. Cette mise en œuvre et le résultat obtenu, interpellant, engagent uniquement leurs auteurs pour l’authenticité des faits.»

On nous montre les étapes du travail alchimique qui aboutiraient à la création de la pierre philosophale.

On commence par cueillir de la rosée, qui est réduite pour obtenir deux sels, dont l’alchimiste dit qu’ils sont des « feux secrets » permettant d’ouvrir la matière.

Feux secrets des Adeptes

Ensuite, une matière appelée symboliquement « dragon » (on ne veut pas dévoiler tous les secrets du processus ) est pulvérisée dans le mortier, puis mélangée, dans des proportions précises, avec une substance identifiée comme la « lance du chevalier » et enfin les deux « sels » obtenus précédemment de la rosée. On place le tout dans un creuset et, après trois purifications, apparaîtrait « l’étoile des philosophes ».

Étoile de compostel / Vierge blanche / La Licorne

L'élixir de longue vie


D’autres opérations seront nécessaires avant que l’alchimiste puisse obtenir un élixir de longue vie (photo ci-contre tirée du documentaire), une panacée capable de changer un vieillard en jeune homme et de soigner toutes les maladies, en mélangeant à de l’alcool sa préparation, qui, bien qu’avancée dans l’œuvre, n’a pas encore atteint le stade de la pierre philosophale proprement dite.

Élixir de vie

Malheureusement, personne n’a voulu absorber cet élixir devant la caméra pour qu’on puisse constater ses éventuels effets, l’équipe du documentaire se contentant de faire analyser le breuvage dans un laboratoire. Vraisemblablement assez peu impressionné par l’élixir, un chimiste explique qu’une première technique indique qu’il n’y a pas réellement de substance organique mis à part l’alcool, et que l’évaporation du liquide a laissé un résidu qui, analysé par diffraction des rayons X, suggère qu’il s’agit d’un minéral composé de fer appelé érythrosidérite.

Un pharmacien et toxicologue donne ensuite son avis sur l’élixir: il doute fortement que ce liquide puisse avoir une quelconque vertu thérapeutique autre que l’effet placebo, car il ne contient que des minéraux en solution (antimoine, fer, cuivre, etc.) mais aucun agent médicamenteux. Il explique que ce breuvage ne semble pas nocif mais note toutefois que les métaux qu’il contient peuvent, à haute concentration, occasionner des troubles de santé.



Transmutation du mercure en or


Encore purifiée, la préparation alchimique devient une poudre rouge censée pouvoir transformer les métaux vils en or. Peu après 48 minutes, on passe au clou du spectacle: une démonstration de transmutation.

L’alchimiste met un gramme de cette « poudre de projection » dans des copeaux de cire, puis les rabat pour former une boule. Il fait chauffer 120 grammes de mercure dans un creuset, puis y jette la boule de cire contenant la pierre philosophale. On nous assure que poudre et mercure ont été analysés avant l’opération et qu’ils ne contenaient pas la moindre trace d’or.

Un peu plus tard, l’alchimiste annonce que la transmutation est achevée. Il sort le creuset, coule le métal liquide et sort une pépite d’or de 8,2 grammes. L’analyse subséquente en laboratoire révèle que l’or alchimique contient 80% d’or, 11% de cuivre et 9% d’argent. Un chimiste nous annonce que le titrage de cet alliage est de 20 carats.

Investigations autour du titrage


Par contre, s’il y a effectivement et précisément 80% d’or, le titrage se situe entre 18 et 20 carats. Comme l’or pur est à 24 carats, une règle de trois ((80/100)*24) donne un titrage de 19,2 carats pour l’échantillon de l’alchimiste. Les alliages de 10, 14, 18 carats, etc. sont bien connus mais je n’ai jamais entendu parler d’un alliage de 19,2 carats.

Selon Wikipédia, l’or jaune est composé d’or, d’argent et de cuivre, c’est-à-dire les mêmes métaux de base que ceux de l’échantillon alchimique. En ce qui concerne les proportions, l’or jaune de 18 carats est composé de 75% d’or, de 12,5% d’argent et de 12,5% de cuivre.

Mais la question des 19,2 carats me taraude. Je cherche à tout hasard dans Google. Dans un premier temps, je ne trouve rien, en tout cas pas dans les premiers résultats. J’ajoute des guillemets anglais pour obtenir rapidement les résultats contenant l’expression exacte: « 19,2 carats ».

Tiens, tiens, ça devient intéressant. Quelques sites mentionnent que l’or à 19,2 carats est assez courant au Portugal (exemple: un site d’Industrie Canada qui dit que la mention 800 sur un alliage d’or correspond à de « l’or 19,2 carats importé du Portugal »).

Par contre, on ne mentionne pas les proportions d’argent et de cuivre pour cet alliage. Pourquoi ne pas chercher dans les pages en portugais ? Je ne comprends pas un mot à cette langue, mais ce n’est pas une raison. Une traduction en ligne m’apprend qu’or, argent et cuivre se disent respectivement ouro, prata et cobre en portugais. Bien que la récolte soit plutôt maigre, un site m’indique que l’alliage d’or portugais à 19,2 carats comporte typiquement 13% argent et 7% cuivre.

C’est tout de même assez loin de l’analyse du laboratoire mais ces proportions varient peut-être selon le fabricant, pour autant que la proportion d’or de 80% soit respectée car c’est bien sûr cette teneur qui détermine le titrage de l’alliage. Et puis, pouvez-vous m’expliquer comment une transmutation censée transformer tout le mercure en or pourrait, comme par hasard, tomber sur la teneur exacte en or d’un alliage d’or couramment utilisé au Portugal ?

Sans parler du fait qu’il est étonnant qu’une pierre philosophale qui pourrait changer les métaux vils en or puisse en même temps produire un nouveau métal vulgaire (le cuivre), substance qui, encore par hasard, est justement utilisée pour faire les alliages d’or.



Amalgamation: extraire l’or avec le mercure


En poursuivant mes recherches sur Internet, j’ai appris que le mercure était utilisé pour extraire l’or du minerai, un procédé très ancien qu’on appelle l’amalgamation. Voici ce que j’ai trouvé sur le site du Centre de recherches pour le développement international :

« Après avoir été broyé et tamisé, le minerai [d'or] est combiné au mercure qui adhère à l’or pour former un amalgame compact qu’on appelle « gâteau » ou « tourteau ». Les mineurs chauffent alors l’amalgame pour évaporer le mercure et récupérer les pépites d’or qui s’en détachent. »

Hum… Vous ne trouvez pas que ça ressemble drôlement à l’opération réalisée par l’alchimiste ? Hypothèse : à l’insu de l’équipe du documentaire, notre alchimiste a subrepticement placé une pépite d’or dans le creuset, avec le mercure. Il a ensuite attendu que le mercure se soit complètement évaporé pour récupérer son « or alchimique », d’alliage portugais, au fond du récipient.



L'alchimie face à la science


Je ne doute pas que l’étude de l’alchimie puisse être intéressante car elle permet de mieux saisir une tradition de pensée associée aux sciences occultes, et à d’autres systèmes tels que l’astrologie et même, par certains aspects, à l’homéopathie. Cependant, l’aspect pratique censé mener à la transmutation des métaux et à l’élixir de longue vie, au sens littéral de ces expressions, semble être une éventualité hautement improbable.

Gravure issue de De Re Metallica (1556), Georgius Agricola

À l’école, on vous a sans doute appris que l’alchimie était en quelque sorte l’ancêtre de la chimie. Avec leurs cornues et leurs produits chimiques, les alchimistes auraient plus ou moins jeté les bases d’un travail de laboratoire qui aurait conduit, une fois la méthode scientifique découverte, à la discipline moderne qu’est la chimie.

Dans les cas des transmutations, il faut néanmoins réaliser qu’il est question de physique nucléaire et non pas de chimie. Et dans le cadre des connaissances actuelles de la physique, la possibilité d’opérer une transmutation avec des minéraux courants chauffés dans un creuset apparaît comme une douce illusion sortie d’un autre âge.

Pour transformer du mercure en or, il faudrait en effet modifier le noyau des atomes car c’est le nombre de protons dans le noyau qui détermine les éléments. Plus précisément, une transmutation est ce qu’on appelle une réaction nucléaire. Et comme chacun le sait, ces réactions nucléaires impliquent des énergies extraordinaires qui ne passeraient certainement pas inaperçues lors d’une transmutation.

Bien que ces transmutations semblent difficilement compatibles avec la science actuelle, on ne peut, bien entendu, prouver qu’elles sont impossibles à réaliser. D’ailleurs, l’histoire regorge de témoignages de gens apparemment fiables et intègres qui jurent solennellement avoir pu observer un alchimiste transmuter devant eux des métaux vils en argent ou en or. Par contre, avant de repenser les connaissances de la physique, on aimerait bien avoir des preuves plus solides de l’existence de cette pierre philosophale et surtout des vertus qu’on lui accorde.

D’ailleurs, pouvez-vous m’expliquer pourquoi l’alchimiste du documentaire n’a pas confié sa poudre de projection à une équipe de scientifiques pour qu’ils procèdent eux-mêmes à la transmutation dans les conditions contrôlées d’un laboratoire ? Je vais vous le dire : parce qu’ils n’auraient certainement pas obtenu les mêmes résultats.

De toute façon, s’il était aussi simple de fabriquer de l’or avec l’alchimie, le cours du métal précieux se serait effondré depuis longtemps à cause du principe de l’offre et de la demande…

À moins que la recette secrète de l’or alchimique ne soit jalousement gardée par les plus hauts gradés des illuminati, qui contrôleraient ainsi le marché mondial du précieux métal. Les mines d’or ? C’est une opération de diversion pour cacher le vaste complot, bien entendu. Au cas où on me prendrait au sérieux, ce paragraphe est un délire en guise de clin d’œil aux conspirationnistes. (J’espère ne pas lancer de nouvelle rumeur ici )

Source : Blog du paranormal et de l'insolite