Un peu d'histoire politique

Avant 1814

Nous parlons ici d'histoire politique et pour bien comprendre les enjeux de la cinquième république et de nos institutions actuelles, il n'est pas nécessaire comme en histoire classique comme l'histoire humaine, de revenir et de s'attarder longuement sur la période d'avant 1814. Nos institutions actuelles ont trouvé racines et se sont développées sur toutes les périodes depuis Napoléon 1er.

L’Etat réunit dans sa substance plusieurs critères : un territoire, une population, un pouvoir organisé et souverain. Il peut prendre plusieurs formes : unitaire ou fédéral. A l’époque où nous nous trouvons, il s’est constitué depuis longtemps, sur plusieurs siècles, dès le Moyen-Age.

Aussi, sa genèse n’entrera pas dans notre propos mais plutôt la vie politique qui se déploie dans un cadre institutionnel fait de textes et de pratique et met en œuvre des forces politiques : les citoyens, les partis, la presse etc. . En particulier, les relations de l’Etat avec la Nation un concept lui aussi ancien qui est entendu différemment selon les pays et qui en France est compris comme une adhésion identitaire qui unit les français en profondeur selon l’histoire, la culture la langue et une projection d‘avenir commune, des valeurs communes, non seulement des droits et des libertés mais également des devoirs qui en sont la juste contrepartie. Ce qui faisait dire à Ernest Renan : « l’existence d’une Nation est un plébiscite de tous les jours ».

La France de 1814 à 1914

Entre conservatisme...

Si les guerres de la Révolution puis de l’Empire firent plus d’un million de morts, la France bénéficia, après 1815, d’un contexte d’apaisement international certain. La fin des guerres napoléoniennes se solde par le Congrès de Vienne en 1815 qui redessine la carte de l’Europe. Pour autant, ce fut sans compter sur la rémanence d’une violence politique toujours latente, faite de révolutions, d’insurrections, de guerres civiles qui appartiennent à l’histoire politique des Etats. Un siècle plus tard, la première guerre mondiale se règles par les traités qui une nouvelle fois reconfigureront la carte de l’Europe.

La France entre au XIXe siècle dans une ère libérale où s’instaure le régime parlementaire sur un modèle connu en Grande-Bretagne depuis le XVIIIIè siècle. L’Allemagne au cours du siècle s’engage dans un processus difficile de construction de l’unité de l’Etat qu’elle doit faire coïncider avec la Nation.

De 1814 à 1914, la France a connu bien des bouleversements. Le souverain « légitime », en droit dynastique dans un cadre où l'Eglise catholique tient une place centrale, et où les institutions laissent une place limitée aux idéaux des Lumières dont elles font la critique a été remplacé par le Président d'une République laïque qui a séparé les Eglises de l'Etat. Le suffrage censitaire, a été éliminé au profit du suffrage universel mais uniquement masculin. La stabilisation des institutions a été longue et difficile.

...et nouveauté

L’onde de choc provoquée par la Révolution et l’Empire a changé la société mais n’a pas permis de trouver immédiatement une forme de gouvernement durable. Il a fallu pour y parvenir six constitutions accompagnées de luttes sociales et politiques ainsi que de la guerre de 1870 porteuse de lourdes conséquences pour la France. La France constitue une exception en Europe car la plupart des pays d’Europe sont des monarchies et l'Eglise à laquelle leur souverain appartient y est établie. Nul n’a connu de tels changements de régime. La France conduit une politique conservatrice dans une République laïque s ’appuyant sur des élites traditionnelles, du rang ou de la fortune puis sur les couches nouvelles chères à Gambetta. Il faut rappeler que le courant laïque en France est très ancien et remonte bien au-delà de la Révolution car les conseillers des Rois depuis le Moyen-âge étaient pour certains des laïcs. De même les Rois eux-mêmes étaient gallicans et refusaient l’emprise de l’Eglise sur le temporel.

La laïcité à partir de la IIIè République traduit une grande confiance dans la solidité de la forme républicaine de l'Etat pour pouvoir se passer de l’appui de l’Eglise, de toute aide d'ordre transcendantal pour assurer la paix civile. C’était un pari qui devait être relevé grâce à l’instruction à l’éducation du citoyen sur lesquelles la IIIè République a fait porte ses efforts. Pour se déterminer librement et rationnellement sur les plans politique et social, il faut une formation sérieuse. En 1914, les radicaux contrôlent l'Etat, souvent par l'intermédiaire du ministère de l'Intérieur, et celui de l'Agriculture, fondamental dans un pays où plus de la moitié de la population vit encore à la campagne et aussi par leur rôle dans les mairies, dans les conseils généraux et dans la fonction publique, où ils ont placé leurs militants et leur clientèle. Cette omniprésence confère des caractéristiques à la vie politique française, qui, met au premier plan les débats sur les principes, mais s'intéresse moins à leur application.

Les républicains, sont moins soucieux d’obtenir une amélioration de la qualité de vie des citoyens sur les plans économique et social que celle de sa liberté politique. Ils croient qu’il l’obtiendra par intellectuellement par le laïcisme, politiquement par la résistance aux régimes autoritaires. Au-delà des affrontements qui ont ponctué la vie politique, le sentiment d’appartenir à une même Nation a été très fort dans les combats héroïques de la première guerre mondiale. Cette tragédie, ce traumatisme collectif qui a été suicidaire non seulement pour la France mais également pour l’Europe, fera regarder la période d’avant guerre comme une « Belle Epoque », certes enjolivée, mais où l’on pense à regret à la longue paix, à la stabilité des revenus et à l’optimisme dans le progrès, la nostalgie, pour certains, d’un bonheur perdu.

De 1914 à 1958

Entre passivité...

Après la Première Guerre mondiale, la nature des grands problèmes a changé : ils deviennent sociaux, démographiques, économiques et financiers. Mais la classe politique elle n’a pas bougé. Méconnaissant complètement la réalité, les politiques semblent être en marge des préoccupations de la nation. Il en résulte une crise permanente des institutions, une instabilité chronique des gouvernements et des partis. Le Parti Radical constitue un groupe charnière à cette époque. Il se situe de moins en moins à gauche et de plus en plus au centre. Une majorité parlementaire peut difficilement se dégager sans sa participation. Le parti balance entre alliance avec la droite et alliance avec la gauche durant toute la période 1919-1939. Toutefois, les radicaux ont tendance de plus en plus à incliner vers la droite.

...instabilité et défaillance

Les élections de mai-juin 1936 ont lieu dans un climat de bipolarisation intense. La droite et le centre, avec 220 sièges sont battus par les gauches qui remportent 380 sièges. Le Front populaire est une réaction contre la crise économique qui a gagné la France à partir de 1932 et contre le danger fasciste, présenté comme une conséquence de celle-ci. À l’extrême droite où la crainte du communisme n’a jamais été aussi intense, on assiste à une recrudescence inouïe de la violence (Campagnes de diffamation contre le ministre de l’Intérieur Roger Salengro qui finit par se suicider).

Le 18 juin 1936, le gouvernement de Front populaire riposte par la dissolution des ligues.

La plus importante en nombre (500 000 adhérents), le Mouvement social français (ex-Croix de Feu), se transforme en parti politique : le Parti Social Français (PSF). En 1938, avec un million d’adhérents, le PSF représente le mouvement de droite le plus puissant et le mieux structuré.

À la suite de la crise tchécoslovaque, l’opinion est divisée sur les accords de Munich. Les antimunichois sont peu nombreux à droite à part Paul Reynaud. Mais l’acceptation du démantèlement de la Tchécoslovaquie ne signifie par un ralliement à l’Allemagne hitlérienne qui reste toujours l’ennemie héréditaire. Certains pensent que Hitler est peut-être de bonne foi en proposant la paix. D’autres estiment que la France n’est pas prête militairement et qu’il faut profiter du répit offert. La division des Français est telle que sans le savoir, le régime est entré en agonie. Dans une telle atmosphère, une union sacrée ne peut se reconstituer après la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne le 3 septembre 1939. Au lieu de se retrouver fortifiée par la lutte comme en 1914, la IIIe République s’effondre. Elle abdique définitivement le 10 juillet 1940 en votant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.

De la Grande Guerre à la Libération, les années 1914-1945 sont encadrées par deux épreuves tragiques pour les Français. La IIIe République est consolidée par la victoire de 1918 ; aux Années folles succède la longue crise des années 1930 ; puis le régime est emporté dans la défaite de 1940. L'entre-deux-guerres est une période de restructurations : de la politique à l'économie et à la société, mais aussi à la culture, les changements sont profonds. Une France moderne émerge, bien que les structures traditionnelles résistent. Dans ce processus de transformation, les deux guerres ont joué chacune à leur manière un rôle déterminant.

Depuis 1958

Un régime solide...

La vie politique actuelle en France se déroule sous le régime de la Cinquième République depuis l'adoption de la Constitution française du 4 octobre 1958.

Depuis 1958, la France est une république constitutionnelle et un régime parlementaire. Concrètement, cela signifie que le pouvoir exécutif est détenu essentiellement par le président de la République et qu'il partage avec le Premier ministre et le gouvernement qu'il a nommé. On peut aussi parler de régime semi-présidentiel. C'est un régime politique typiquement français car très rare dans le monde. Il a pour réputation d'être à la fois très stable et très souple.

Après que Charles de Gaulle a fait adopter la Constitution de 1958, la France a été gouvernée par des gouvernements de droite successifs jusqu'en 1981. Durant les années 1960, les partis de gauche avaient des résultats plutôt médiocres aux élections nationales. Les gouvernements successifs appliquaient généralement le programme gaulliste d'indépendance nationale, et de modernisation d'une manière interventionniste. Le gouvernement gaulliste, pourtant, a été critiqué pour sa brutalité : tandis que les élections étaient libres, l'État avait le monopole et le contrôle des émissions de radio et des émissions de télévision et cherchait à imposer son point de vue[réf. nécessaire] sur l'actualité (cependant ce monopole n'était pas absolu, puisqu'il ne pouvait s'exercer qu'à l'intérieur du territoire français et qu'il y avait des radios qui émettaient depuis les pays voisins). La politique sociale de De Gaulle était foncièrement conservatrice.

...qui présente des limites...

Pendant les événements de Mai 1968, une série de grèves de travailleurs et de révoltes d'étudiants agita la France. Mais cette agitation n'eut pas pour effet un changement immédiat de gouvernement, la droite étant largement réélue à l'élection de juin 1968. L'électorat bascula en 1969 au référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation, dans un mouvement généralement considéré comme une lassitude des Français pour De Gaulle.

En 1981, François Mitterrand, candidat du parti socialiste, fut élu président avec un programme de réformes de grande envergure, le Programme commun. Après s'être assuré une majorité au parlement à l'issue des élections législatives de la même année, son gouvernement mena un programme de réformes économiques et sociales.

...mais qui résiste aux différentes crises

En 1983, la forte inflation et la crise économique menèrent à un revirement de la politique économique, connue sous le terme de "tournant de la rigueur" – le gouvernement de gauche s'est alors engagé dans des réformes de politique fiscale et de contrôle des dépenses, et de privatisation des principales banques françaises.

Bien que la majorité des nationalisations aient été annulées dès 1984, ou par les gouvernements suivants (de gauche comme de droite), les réformes sociales entreprises ont été maintenues. Depuis lors, le gouvernement alterna entre une coalition de gauche (composée du parti socialiste et du parti communiste, et plus récemment Les Verts), et une coalition de droite (composé par l'Union pour la démocratie française et le Rassemblement pour la République de Jacques Chirac, plus tard remplacé par l'Union pour un mouvement populaire).

Les années 1980 et années 1990 ont vu aussi l'émergence du Front national de Jean-Marie Le Pen, un parti accusant l'immigration, particulièrement l'immigration provenant des pays d'Afrique du Nord tels que l'Algérie de l'augmentation du chômage et de la criminalité. Depuis les années 1980, le chômage est resté élevé, à environ 10 % de la population active, quelles que soient les politiques menées pour le combattre[réf. nécessaire]. En outre, la criminalité a changé durant cette période, avec une très forte augmentation de la délinquance juvénile et des actes d'incivilité, bien que la mesure de son augmentation soit sujette à débat. Les problèmes dans les banlieues – un euphémisme décrivant les zones d'habitations périurbaines défavorisées, souvent à forte proportion de population issue de l'immigration – restent préoccupants. La présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 a été attribuée, en grande partie, au sentiment d'insécurité.

Les années 2000 : l'UMP, alternances successives et montée du FN

Les années 2000 seront le théâtre de profonds bouleversements. L'élection présidentielle de 2002 sera marquée par une fragmentation du paysage politique tenant du jamais vu. Au premier tour, Jean-Marie Le Pen, bénéficiant d'un nouvel apport de voix (près de 17 % des voix) devance ainsi Lionel Jospin, victime de l'éparpillement des voix de gauche. L'extrême-gauche, dont les candidats Arlette Laguiller et Olivier Besancenot capitalisent 10 % des voix, monte en puissance. Le PCF, qui s'était jusqu'ici maintenu aux alentours de 9 %, s'effondre à 3,3 % avec la candidature de Robert Hue. Avec les candidatures de Jean-Pierre Chevènement pour le MDC et de Christiane Taubira pour le Parti radical de gauche, l'électorat socialiste s'éparpille aux dépens du candidat Jospin. Au second tour, Jacques Chirac, bénéficiant du rejet de l'extrême-droite, écrase Jean-Marie Le Pen avec 82 % des voix. Forte de ce nouveau souffle inattendu, la droite se réorganise, avec le lancement entre les deux tours de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP) à l'initiative de Jacques Chirac. L'UMP, fusion du RPR et de Démocratie libérale (scission de l'UDF intervenue en 1998 à l'initiative d'une quarantaine de députés) et ayant reçu le renfort d'une majorité de cadres et d'élus de l'UDF devient le premier grand parti de la droite gouvernementale française. Lors des élections législatives de 2002, l'UMP, largement victorieuse, prend l'hégémonie à droite, la "Nouvelle UDF" de François Bayrou se sauvant qu'une vingtaine de sièges. Les scrutins locaux qui suivront verront le retour de la domination du Parti socialiste sur l'ensemble de la gauche, contribuant à faire converger peu à peu le système partisan vers une situation de bipartisme, bien que l'audience conservée par les petits partis (le PCF, les verts et le PRG à gauche, l'UDF à droite), oblige les deux grandes formations à continuer d'évoluer dans le cadre de la bipolarisation.

Lors de l'élection présidentielle de 2007, l'UMP et le PS se renforcent et leurs candidats s'affrontent au second tour dans un schéma plus traditionnel qu'en 2002. Les petits candidats à la gauche du PS sont laminés, obtenant des scores très inférieurs à ceux qu'ils avaient obtenu en 2002. Jean-Marie Le Pen, concurrencé par la campagne très marquée à droite du candidat de l'UMP Nicolas Sarkozy, s'effondre à 10,4 %, tandis que François Bayrou, en axant son discours sur une volonté de former une formation centriste indépendante de la droite, atteint plus de 18 % des voix. La transformation de l'UDF en Mouvement démocrate (MoDem) ne permettra toutefois pas de concrétiser ce succès, le nouveau parti obtenant un score nettement plus faible lors des législatives qui suivront (7,6 %). En revanche le FN s'effondre à nouveau et, avec 4,3 %, n'est définitivement plus en mesure de peser sur le débat politique. Les scrutins locaux qui suivront confirmeront cette tendance. Le paysage politique français s'organise actuellement sur la base d'une opposition gauche/droite très marquée, avec deux grands partis forts, l'UMP et le PS, qui composent avec plusieurs petits partis proches de leur sensibilité. Les dernières élections municipales ont été le théâtre d'une marginalisation du FN, de l'obtention de bons scores pour des listes menées par des partis de gauche autre que le PS (PCF, verts et surtout Ligue communiste révolutionnaire (LCR) dans plusieurs grandes villes) ainsi que de l'échec de la stratégie d'autonomie du MoDem, contraint de composer avec le PS ou l'UMP lorsque c'est possible, battu lorsqu'il présente des listes autonomes.

Les années 2010 : le PS au pouvoir et la fin du bipartisme

Le premier tour de l'élection présidentielle de 2012 voit le candidat du PS François Hollande arriver en tête devant le président sortant Nicolas Sarkozy ; les observateurs notent également les 18 % de la candidate FN Marine Le Pen, qui maintient son parti comme troisième force politique nationale. Au second tour, François Hollande l'emporte sur Nicolas Sarkozy, par 51,6 %. Le 17 juin suivant, à la suite des élections législatives, le Parti socialiste devient majoritaire à l'Assemblée nationale. Ainsi, pour la première fois sous la Ve République la gauche est majoritaire dans toutes les institutions (Présidence, Parlement, Conseils régionaux, Conseil généraux, Conseils municipaux).

La forte poussée du FN lors des scrutins suivants conduit les observateurs à évoquer, surtout à partir des élections européennes de 2014, une « tripartition » du système politique, expression créée dès 1997 par Gérard Grunberg et Étienne Schweisguth à propos de l’élection présidentielle de 1995 ; le politologue Joël Gombin remet en cause cette notion en soulignant que « la porosité entre les électorats de l’extrême droite et de la droite ne cesse de grandir », et lui préfère celle de « système bipolaire, mais asymétrique ».

Au pouvoir, le PS devient très impopulaire et lors des élections de 2017, marquées par des affaires politico-financières et par l'émergence de nouvelles forces politique comme La France Insoumise (gauche radicale) ou La République en Marche ! (centre), Emmanuel Macron devient président de la République et forme un gouvernement comprenant des ministres venus de gauche, de centre et de droite. A l'Assemblée, on compte, pour la première fois sous la Ve République, deux oppositions : d'une part, trois groupes de députés de gauche (groupe La France Insoumise, groupe Nouvelle gauche et groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; d'autre part, le groupe Les Républicains qui reste, avec 102 députés, la première force d'opposition.